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des pairs, ainsi qu'à celle des députés, l'une et l'autre doivent apporter un soin particulier à l'examen des formes qui constatent l'exercice du droit. En examinant, sous ce rapport, le projet de loi soumis à la délibération de la chambre, l'opinant y remarque les formes, non d'une proposition qui, pour devenir loi, a besoin de l'adoption des deux chambres, mais d'un acte émané de la seule volonté du Roi. Dans le préambule comme dans le dispositif, c'est Sa Majesté qui parle, ainsi qu'elle le ferait dans un édit ou dans une déclaration. Nulle part le concours des deux chambres n'est indiqué ni même supposé. Il semble que la loi projetée n'a rien à acquérir pour être définitive. L'opinant ajoute qu'il n'en était pas ainsi dans les précédentes assemblées, et qu'une forme particulière distinguait les projets de loi des actes du Gouvernement. Il pense que cette distinction devrait être rétablie, et le concours nécessaire des deux chambres indiqué d'une manière quelconque dans les proposition de loi qui leur sont présentées.

M. le chancelier, en répondant à ces observations, avoue qu'elles seraient fondées si le projet de loi, après son adoption, devait être publié tel qu'il est en ce moment présenté à la chambre. Mais le réglement du 28 a déterminé les formes dont ce projet adopté devait être revêtu avant sa publication, et ces formes, indiquées dans l'art. 3 du titre 4, expriment nettement le concours des deux chambres. Il ne pense pas, d'après cette explication, qu'il y ait aucun changement à faire au projet de loi.

suivant.

chambres.

Plusieurs membres néanmoins appuient les obser vations du préopinant, et proposent, pour en remplir l'objet, différentes formules, telles que Nous présentons, ou Nous avons ordonné que le chancelier présenterait à la chambre des pairs le projet de loi Nous ordonnons, sauf l'adoption des deux Nous ordonnons, conformément à la déli bération de la chambre des pairs, etc. Un membre voudrait que, pour distinguer les actes de l'autorité royale de ceux du pouvoir législatif, le Roi, dans les premiers, s'exprimât à la première personne, comme Nous ordonnons, Nous avons ordonné, etc., et que dans les autres il fût parlé de Sa Majesté à la troisième, comme ils obtiendront du Roi des lettres de naturalité. Un autre membre, appuyant cette distinction, trouve de l'inconvénient et une sorte de contradiction à ce que le Roi s'exprime de la même manière lorsqu'il parle en sou nom, comme chef snprême du Gouvernement, et lorsqu'il parle seule ment comme organe et comme l'un des élémens de la puissance législative.

D'autres membres invoquent l'ordre du jour sur les amendemens proposés. Un de MM. les secrétaires observe que le réglement du 28 juin a tout prévu, et qu'à moins d'attaquer ce réglement par une proposition directe, qui jusqu'à ce qu'elle fût convertie en loi, ne l'empêcherait pas d'avoir son effet, il faut absolument s'y conformer. Or, on aperçoit dans ce qu'il prescrit quatre opérations distinctes: la proposition, dont la forme est réglée par l'art. 2 du titre 3;

l'adoption d'une chambre, puis celle de l'autre, sur lesquelles statuent l'art. 3 et l'art. 5 du même titre ; enfin la sanction du Roi, qui est l'objet des art. 1, 2 et 3 du titre 4. La proposition de la loi ne fait aucune mention des deux chambres; mais elle n'en doit faire aucune, puisque la proposition appartient au Roi. Dès qu'une chambre adopte, elle y inscrit ellemême son adoption; l'autre chambre en fait autant à son tour; et quand, après cette double adoption, le Roi sanctionne la loi qu'il avait proposée, la formule même de la sanction exprime le concours des deux chambres, exigé par la charte constitutionnelle. Que peut-on désirer davantage pour exprimer ce concours? Et pourquoi, avant qu'il ait eu lieu, l'exprimer dans une proposition de loi, qui, si elle n'est adoptée, ne laissera aucune trace de son exis.

tence?

M. le chancelier ajoute que la discussion qui s'est établie ne tendrait à rien moins qu'à contester au Roi le droit d'intituler en son nom les lois de l'Etat; ce qui sans doute n'est pas dans les intentions de l'assemblée.

Un membre, appuyant l'observation de M. le chancelier, pense que l'assemblée, en se livrant à des discussions qui ne paraissent intéresser que la forme, pourrait se trouver entraînée, contre ses intentions, à des mesures qui blesseraient la charte constitutionnelle. Suivant cette charte, le Roi est le chef suprême de l'Etat; c'est en son nom que la justice se rend, et que la loi parle. Il a besoin, pour la

formation de la loi, du concours des deux charibres; mais c'est par lui seul que cette loi est proposée. La proposition, aux termes du réglement, doit être rédigée en forme de loi. Il doit done y parler comme dans une loi définitive, et supposer l'adop tion des deux chambres, sans laquelle aucune loi ne peut exister. Une loi proposée ne doit donc diffé rer d'une loi adoptée que par la mention qui lui manque de l'adoption des deux chambres. Mais cette mention entre comme condition essentielle dans la formule même de la sanction donnée par le Roi aux lois adoptées. Il n'y a donc rien à changer dans la forme sous laquelle est présenté le projet soumis à la délibération de la chambre, et l'opinant insiste sur l'ordre du jour invoqué contre les amendemens proposés.

L'ordre du jour est mis aux voix et adopté. Il est ensuite procédé au scrutin sur l'adoption du projet de loi. Le résultat du dépouillement donne la majorité absolue des suffrages en faveur du projet. M. le président, au nom de la chambre, en proclame l'adoption par cette formule: La chambre des pairs a adopté.

L'assemblée est ajournée au 16, pour la discussion en assemblée générale de la résolution de la chambre des députés, sur l'observation extérieure des jours de repos et des fêtes reconnues par la loi. La parole est accordée pour le même jour au comité des péti

tions.

Observations.

Il semble que M. le chancelier et les autres pairs qui se sont opposés au dernier amendement qui a été proposé, s'étaient entendus pour faire perdre de vue la véritable question que la chambre avait à examiner. De quoi s'agissait-il en effet? De savoir uniquement si la loi devait être conçue de manière qu'à la simple lecture de ses dispositions, chacun pût juger qu'elle était l'expression de la volonté des trois branches de l'autorité législative; et c'est ce qu'on n'a pas entendu ou ce qu'on n'a pas voulu entendre.

Il faut considérer le Roi sous deux rapports: comme exclusivement chargé du pouvoir exécutif, et comme membre de la puissance législative. Comme membre de la puissance législative, il concourt à la formation des lois; mais sa volonté n'a pas plus de force que celle de la chambre des députés, ou de la chambre des pairs: comme chargé du pouvoir exé cutif, il a seul le droit de mettre son nom en tête des lois et de les terminer par son mandement.

Dans toute loi, il existe donc deux parties essentiellement distinctes: le dispositif, d'une part; et l'intitulé et le mandement, de l'autre : la première partie est l'ouvrage de la puissance législative; la seconde, appartient au pouvoir exécutif. Maintenant il s'agit de savoir s'il convient que, dans la partie qui dispose, la puissance législative parle au nom

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