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tissant aux citoyens la liberté de la presse, admet des lois répressives, et des réglemens, qui n'ont rien de commun avec une censure préalable et arbitraire.

Quant aux apostrophes dont M. l'archevêque se plaint, et qui ont été adressées au ministre de sa majesté et aux partisans de la censure préalable et arbitraire, il importe de les faire connaître au public: il jugera jusqu'à quel point elles sont fondées.

Pour autoriser, dit M. le duc de Brancas, la suspension de la liberté que le Roi a voulu nous accorder, ( c'est-à-dire nous garantir,) et dont il a voulu nous faire jouir sans retard, ne faudrait-il pas qu'il fût arrivé quelque chose de bien nouveau et de bien allarmant? De nouveau !

Je vois que nous devons à la raison supérieure du Roi la liberté de la presse, qui assure toutes les autres ; et je vois dans l'acte qui veut nous en faire jouir sans retard, l'exécution scrupuleuse de sa promesse. Sans doute tout cela est nouveau dans l'histoire des Rois; mais pendant que cela vous saisit d'amiration, de quelle peur le ministre peut-il être frappé? Je vais vous le dire, et ceci ne sera pas nouveau dans les annales des cours.

La liberté de la presse empêcherait la responsabilité des minitres de devenir illusoire, et de trouver leur empunité jusque dans la loi qui les menace; ils seraient exposés à la censure publique, autant que le Roi en serait éloigné; ils ne pourraient plus sous le nom de Gouvernement se confondre avec le Roi.

Tel était le mortel abus dont le Roi fut témoin dans sa jeunesse, tel est celui dont le Roi a voulu, se garantir à jamais en nous assurant, et sans retard, la liberté de la presse. Voilà pourtant ce qu'un ministre entreprend de démentir en nous parlant d'une réserve dans la constitution, qui découvre à présent. que la loi préventive, devenue répressive, renfermait la censure! et c'est d'après un tel subterfuge qu'il entreprend de persuader les pairs qu'ils obéiront à la pensée du monarque en désobéissant à ses paroles formelles.

Qu'en arriverait-il cependant? Que l'extrême dévouement des pairs leur aurait fait commettre l'excès où le comble de l'audace porta les jacobins. Comme eux les pairs auraient voilé l'arche de la constitution; mais comme ils frémissent qu'une faute pareille n'entraîne des désastres semblables, je ne leur dirai plus qu'un mot : il ne s'agit pas moins, dans la circonstance présente, que de rester sujets d'un Roi qui nous rend libres, ou de devenir sujets d'un ministre qui nous rendrait esclaves. Cette considération est d'une si haute importance, qu'elle porte subitement mon esprit sur l'art XIX.

Je vois dans la conduite du ministre l'indispensable devoir de la chambre de secourir le Roi contre les desseins, qu'annonce le ministre, et propose à la chambre de délibérer sur cet objet.

M. le duc de Tarente a voté pour le rejet du projet de loi. Ayant réduit la difficulté à la question de savoir si les circonstances actuelles exigeaient que

la liberté de la presse fût suspendue; il s'est attaché à démontrer que cette nécessité n'existait pas.

Son attention s'est portée particulièrement sur les militaires. Il a affirmé qu'on ne pouvait, sans calomnie, leur supposer un esprit de révolte ou d'insubordination; que si quelques soldats avaient donné des marques de mécontentement, il ne fallait en rien conclure contre l'armée entière ; que les offi ciers connaissaient leurs devoirs, et qu'ils étaient tous disposés à les remplir; qu'au reste ils sauraient bien maintenir dans l'ordre les soldats qui seraient tentés de s'en écarter.

M. le comte Lenoir-Laroche a demandé le rejet du projet de loi. Son discours est écrit avec tant de force, qu'on ne saurait l'analyser sans l'affaiblir. Le voici done tel qu'il a été prononcé :/

Quelle qu'ait été, pendant le cours des débats, a dit Forateur, la diversité des opinions sur le projet de loi soumis à votre examen, je vois avec une douce et vivesatisfaction que nous sommes tous réunis dans un même sentiment, le respect religieux pour la constitution, la volonté bien prononcée de défendre la prérogative royale, et le désir de donner au Gouvernement toutes les facilités qui peuvent être compatibles avec nos devoirs et l'intérêt public.

Mais les uns, en attaquant de front le projet de lois sous tous ses rapports, pensent que ce projet, tel qu'il est sorti de la chambre des députés, est en opposition directe et formelle avec la lettre et l'esprit de notre charte, qu'il établit la censure sans nécesTM,

nécessité, et qu'enfin les vices de nullité dont il est frappé, ne peuvent plus être réparés dans cette

chambre.

Les autres, plus indulgens, en convenant que la loi n'est pas tout-à-fait en harmonie avec la constitution, qu'elle est contraditoire dans ses dispositions, incohérente, obscure, et mal rédigée, croient néanmoins que vous devez l'adopter, parce qu'elle n'est que suspensive, et par conséquent transitoire; que dans les circonstances difficiles où le Gouvernement se trouve, il en á besoin pour assurer sa marche, et maintenir la tranquillité publique ; que d'ailleurs les mesures qu'elle propose sont infiniment douces, et que votre sévérité doit fléchir devant des considérations aussi puissantes,

Au milieu de ces deux partis qui nous divisent, des esprits conciliateurs se sont avancés pour les rap procher entre eux; alarmés à l'aspect de forces égales, qui se balancent, il désirent qu'au moyen de concessions mutuelles, et de quelques amendemens, il puisse se former en faveur de la loi une majorité, dans cette chambre, qui fasse disparaître des dissentimens si prononcés.

Qui pouvait mieux réussir, dans cette négociation, que les deux collègues dont nous estimons tous les talens, la modération, et le patriotisme? Mais Messieurs, quelque désir que nous ayons de trouver des moyens termes compatibles avec les dispositions de la charte constitutionnelle, et avec les principes l faut d'abord examiner s'il est au pouvoir de cette

chambre de réparer les vices de nullité qui se trou vent dans le projet de loi.

J'examinerai, en second lieu, si les circonstances où se trouvent les ministres sont telles, qu'il faille suspendre l'article de la charte, qui assure à tous les Français la liberté de publier et de faire imprimer leurs opinions, en se conformant aux lois qui doivent réprimer les abus de cette liberté.

En troisième lieu, si le systême de censure adopté par la loi n'offre pas plus d'inconvéniens que d'avantages, pour l'intérêt du Gouvernement, et pour la tranquillité publique.

Enfin, j'aborderai les amendemens, et j'espère vous montrer qu'il serait plus facile de présenter une autre loi, mieux ordonnée, que , que de réparer celle que l'on s'obstine à défendre. Tel est le plan que je me suis imposé; je vais le parcourir rapidement, et je n'abuserai pas, dans une discussion déjà si longue, des

momens que

la chambre veut bien m'accorder.

I. Je dis, Messieurs, qu'il n'est pas en notre pou voir de faire disparaître du projet de loi la nullité tirée de la contravention à l'article 46 de la charte contitutionnelle. On n'avait donné d'abord peu d'attention à la disposition de cet article; on semblait le regarder comme une simple négligence de forme, qui ne saurait porter atteinte à la substance de la loi. Mais mon honorable collégue, le comte Dedelay d'Agier, vous a prouvé, avec une force de logique, et une rigueur de principes à laquelle je ne vois point de réponse, que la violation de cet article ne por

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