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y avoir de l'avantage à offrir des chances à la spéculation; je ne repousse que l'excès de celles qui lui seraient données au préjudice de l'Etat, el la reconnaissance d'un capital fictif ou artificiel qui aurait pour objet principal de favoriser l'agiotage et de gêner le Trésor dans ses mouvements ultérieurs qu'une plus grande prospérité, que l'amélioration du crédit qui en serait la suite, et que l'intérêt public pourraient commander.

On invoque l'exemple de l'Angleterre.

Je sais aussi que l'Angleterre dans des temps de calamité, dans des temps où ses fonds étaient descendus du pair à 47, et où elle ne pouvait obtenir les fonds qui lui étaient nécessaires qu'en faisant les plus grands sacrifices, a eu recours à l'expédient qui vous est proposé; mais les résultats en sont connus: la dette de l'Angleterre, qui, au 1er janvier 1793, était, d'après le tableau qu'en donne Robert Hamilton, de la somme de 5,699,728,700 francs, s'est élevée à 22 milliards, après qu'une partie importante de cette dette a déjà été rachetée, et donna lieu, pour en acquitter l'intérêt, à une charge annuelle de 702,341,850 francs.

L'Angleterre, pendant les vingt-trois années que la guerre, a durée, a emprunté 1,021,317,835 livres sterling, et n'a reçu que 663,818,075 livres sterling, c'est-à-dire 8,937,500,000 francs de moins que la somme dont elle s'est reconnue débitrice.

Aussi, Messieurs, tous les hommes éclairés, tous les grands écrivains de ce pays qui ont traité des matières économiques, se sont-ils élevés contre le système qui a amené de tels résultats : on peut consulter les ouvrages du docteur Brice, ceux de Robert Hamilton; le grand ouvrage de Colqhoun, sur la puissance et la richesse de l'Empire britannique, dans les quatre parties du monde; l'Histoire des revenus de l'Empire britannique, de sir John Sinclair, qui va jusqu'à dire que ajouter un capital artificiel à un capital réel, obliger l'Etat à payer 100 livres, lorsque « peut-être il n'en a pas reçu plus de 50 ou de 60, c'est la plus pernicieuse de toutes les opé<«<rations financières; et que tout ministre qui proposerait au parlement un pareil projet devrait être mis en accusation. >>

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On peut aussi consulter l'écrit intitulé: Etat de l'Angleterre en 1822, rédigé sous les yeux et par l'ordre de l'administration britannique où le système financier actuel du gouvernement anglais est exposé en peu de mots, et réduit en quelque sorte en maxime.

Ce fut, y est-il dit, d'après l'expérience « du présent et une juste appréhension pour « l'avenir (appréhension trop bien justifiée), que «<le chancelier de l'échiquier adopta une marche « que l'on peut regarder comme un nouveau sys<< tème financier trouver les dépenses de l'année « dans le revenu actuel, sans avoir recours ni aux emprunts ni aux nouvelles taxes; mais main« tenir le fonds d'amortissement au taux de « 5 millions, et avec ce montant augmenté par « une réduction graduelle dans les dépenses, et « par le produit progressif des sources de revenu, faire de temps en temps des opérations sur la « place, en achetant, en échangeant et EN DIMI« NUANT les fonds publics, DE MANIÈRE A RÉDUIRE

« LE CAPITAL DE LA DETTE NATIONALE A UN FONDS << NOMINAL MOINS CONSIDÉRABLE. »

Je crois avoir suffisamment répondu aux inductions tirées de l'exemple de l'Angleterre. Pour vous, Messieurs, vous aurez toujours présents les funestes effets du système qu'on vou

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CHAMBRE DES DÉPUTÉS.

PRÉSIDENCE DE M. ROYER-COLLARD.

Séance du mardi 20 mai 1828.

La séance est ouverte à deux heures.
La rédaction du procès-verbal est adoptée.

M. Champy, proclamé député dans la séance d'hier, est admis à prêter son serment.

L'ordre du jour est la suite de la délibération sur le projet de loi relatif à l'inscription au grand-livre de 4 millions de rentes.

La Chambre continue à s'occuper de l'amendement de M. Laffitte.

M. de Schonen. Messieurs, je viens combattre la proposition d'emprunt qui vous est soumise, par des motifs qui, je le crois, ne vous ont pas encore été présentés.

Et, dans le cas où le principe du crédit demandé par le ministère prévaudrait, je viens vous exposer les raisons qui me porteraient à réunir ma voix à l'amendement de l'honorable M. Laffitte, en y faisant cependant un sous-amendement qui me paraît d'une haute importance.

Sans rentrer en rien dans la discussion générale, j'aurai l'honneur de vous faire observer que toutes les questions que présentent le projet de loi sont entières; que rien n'est décidé; que par conséquent tout reste à résoudre.

Quant au projet en lui-même, à son opportunité ou plutôt à sa nécessité, je n'ai presque rien à ajouter à ce qui a été dit.

Il est certain que l'horizon est chargé de nuages; que l'avenir est menaçant; qu'il importe à la France, lorsqu'une époque nouvelle se prépare par la chute d'un grand empire et la création de nouveaux royauines, de ne pas s'exhéréder elle-même du partage.

Et bien que l'ambition puisse quelquefois avoir pour les peuples des résultats analogues à ceux qui frappent de simples particuliers, je ne puis cependant me défendre de ce sentiment pour une patrie si grande, si puissante naguères et aujourd'hui si déchue... Patrie qui nous est chère en raison de ses malheurs !

Ainsi, je crois, avec l'honorable rapporteur de votre commission, que la demande qui vous est faite est justifiée!

Cela suffit-il? Non, Messieurs.

Ici la question, en se simplifiant, devient plus délicate, car elle est toute personnelle au minis

tère.

A-t-il ou n'a-t-il pas notre confiance?

En d'autres termes veut-il, peut-il marcher dans les intérêts nationaux ?

Sans être ses héritiers, vous savez à qui il succède.

Vous connaissez ses actes, ils ne sont pas nombreux.

Vous savez aussi ce qu'il ne fait pas, et ce que vous désirez.

D'un autre côté, vous entendez ses protestations et vous assistez à de solennels débats.

Vous résoudrez, Messieurs, la question en mettant la main sur votre cœur et en l'interrogeant; car c'est une question de conscience que le pays vous adresse, comme la justice en adresse aux jurés.

Une question préjudicielle aplanissait toutes difficultés; c'était l'ajournement. Cette mesure est dans l'intérêt de toutes les opinions, du ministère lui-même; elle est sans inconvénient, car elle reporte à deux mois au plus la solution de la question, qui trouve alors des juges éclairés par des faits positifs et plus nombreux.

Mais je ne sais pas, membre nouveau de cette Chambre, si vos précédents vous permettent d'ajourner l'examen commencé d'un projet de loi, comme on peut le faire d'une proposition d'un des membres de la Chambre. Je n'entreprends pas d'examiner la difficulté. Dans tous les cas, le ministère pourrait provoquer luimême l'ajournement, et tous les inconvénients seraient écartés

J'arrive, Messieurs, sans plus de retard, à l'examen des dangers qu'entraînent les dettes fondées. J'y arrive avec une grande méfiance de moi-même, étranger que je suis à ces sortes d'études, et cette méfiance augmente quand je vois qu'aucune des objections qui s'élèvent dans mon esprit n'a été agitée dans cette enceinte.

J'essaierai de prouver ensuite qu'il n'y a pas eu jusqu'à présent d'amortissement réel; que celui qui a existé n'a été qu'une fiction doublement désastreuse par ses conséquences; et ce qui me soutient dans cette entreprise, ce sont les grands noms des économistes français et anglais, et les travaux récents de ces derniers, qui proclament d'une manière, je dois dire irréfragable, la vérité de cette doctrine.

On a dit que l'Angleterre était le pays classique de la liberté; on pouvait dire avec plus de raison qu'elle était le pays classique de la dette fondée et de l'amortissement. Nous allons voir bientôt ce qui résulte suivant ces savants publicistes des nombreuses expériences auxquelles le pays a eté depuis longtemps soumis.

Je vous avouerai, Messieurs, qu'avant d'avoir appris à cette tribune que la langue française était une connaissance nuisible, dangereuse pour les Bas-Bretons, j'aurais pu glisser légèrement sur certaines prémisses de mes arguments, et je vous aurais dit, par exemple, et sans autre déduction, qu'aujourd'hui peu ou point de personnes pensaient que les dettes publiques sont essentielles au bien-être du pays; qu'elles assurent sa tranquillité en multipliant le nombre des intéressés à son repos; que les affaires d'une grande nation se gouvernent par des principes économiques, autres que ceux qui règlent la maison bien ordonnée d'un riche particulier.

Aujourd'hui qu'il me semble qu'il y a certains esprits pour qui tout s'est remis en question, je devrais tout prouver.

Tranquillisez-vous, cependant, j'espère qu'ils sont en petit nombre, et d'ailleurs cominent prouver qu'il fait jour, que l'on marche!

Je vous dirai donc que j'ai le malheur de ne pas concevoir l'utilité des dettes, toutefois quand On peut s'en passer.

C'est d'ailleurs, vous en conviendrez, un avantage plus facile à se procurer qu'à extirper, dès qu'une fois elles sont contractées.

J'ai également le malheur de ne pouvoir comprendre comment les principes d'ordre, d'économie, qui tirent un individu de la misère, le font prospérer, perdent tout à coup leur utilité en s'appliquant à plusieurs individus, en généralisant, en s'appliquant à une nation; j'ai à cet égard d'illustres complices de mon ignorance, les Hume, les Smith, les Ricardo, les Hamilton en Angleterre; et en France, les Tracy et les

Say, et je puis ajouter pour exemple de l'une et l'autre hypothèse, et d'autant plus frappant, les Etats-Unis d'Amérique ma chant librement dans une voie progressive et indefinie de prospérité, et l'Angleterre se débattant sous le faix de ses 20 milliards.

Je sais bien que l'évêque Berkley, le juif Pinto, et même M. Hope, d'Amsterdam, regardaient les fonds publics comme des mines d'or découvertes par la civilisation, et comme enrichissant l'heureux pays qui les possède de tout le montant de leur capital.

Il n'y a point de folies, Messieurs, qui n'aient passé dans les têtes humaines.

Savez-vous ce que Hume disait de la doctrine de ces rêveurs? On croirait que ce sont des jeux d'esprit, comme les discours de ces rhéteurs qui faisaient l'éloge de la folie, de la paille, de la peste, de Busiris et de Néron.

Il en est de cela comine des globes d'or que le docteur Price, l'un des défenseurs les plus enthousiastes de l'amortissement, découvrait dans le produit accumulé d'un sou, avec ses intérêts composés depuis la naissance de Jésus-Christ jusqu'en 1772, époque où il écrivait ce que vous citait hier M. le ministre des finances.

Laissons, Messieurs, ces brillantes chimères, et voyons les réalités, les tristes réalités.

Les emprunts sont une ressource pour les gouvernements modernes, qu'ont en général ignoré les peuples anciens.

Ceux-ci thésaurisaient; c'était appeler le passé au secours du présent. Nous empruntons; c'est l'avenir qui subvient à nos besoins actuels.

Les deux méthodes sont également vicieuses. L'une, qui appartient à l'enfance des sociétés, prive l'industrie de riches capitaux.

L'autre, en déshéritant l'avenir, favorise souvent des besoins fictifs aux dépens de besoins trop réels.

Pour les gouvernements, il faut en convenir, les emprunts ont de grands avantages. On emprunte facilement, abondamment; les contribuables ne sont pas mécontents, car en prélevant seulement sur eux l'intérêt du capital emprunté, ils ne sont tenus à aucun sacrifice extraordinaire, dans un temps souvent très

court.

Cependant Napoléon, qui se connaissait si bien en moyens de force et de gouvernement, n'en a jamais fait usage; il savait, Messieurs, que les emprunts ressemblent à ces affections chroniques qui s'introduisent lentement dans le corps humain, et dont le danger ne se révèle que lorsque la vie est elle-même attaquée.

Si leurs progrès sont insensibles, ils n'en sont pas moins certains. Ils ne cèdent rien de ce qu'ils ont obtenu, et croissent sans s'arrêter. C'est la maladie des Etats modernes voyez la Ho lande. En 1562, elle ne devait que 78,100 florins; en 1791, elle en devait 18,276,015, sans compter les réductions forcées de l'intérêt. L'Angleterre qui, sous la reine Anne, ne devait que 16 millions 400 mille livres sterling de capital, et qui en 1817 en doit 848 millions. Et la France, dont la dette depuis 1814 jusqu'au moment où je parle, s'est accrue de 62 à plus de 200 millions.

Les emprunts créent un capital fictif, dont l'intérêt peut absorber les impôts, et finir par n'être pas plus payables que le capital même.

Smith l'a avoué la banqueroute est la fin nécessaire des emprunts exagérés. C'est une dernière condition à laquelle on s'attend si bien, que les économistes modernes ont examiné quels

T. LIV.

en seraient les résultats possibles, et jusqu'aux tristes avantages qui pourraient résulter d'une pareille catastrophe.

Si les emprunts n'amènent pas immédiatement la banqueroute, ils donnent souvent naissance au papier-monnaie. C'est un papier-monnaie véritable que les inscriptions aux livres de la dette publique, les cédules, les valès, et autres reconnaissances de cette nature, dont la valeur nominale est bien souvent mensongère. Nous connaissons les conséquences d'un papier-monnaie, et 1825 nous a appris à nous défier de l'exagération de ces valeurs mobilières.

D'un autre côté, les emprunts trompent les citoyens sur leur état actuel. Les contribuables ne se persuadent jamais que ce soit la même chose de payer 50 francs annuellement, ou 1,000 francs en une seule fois. Ils ne voient que la perte du moment. Leur paresse compte pour en être délivrés sur un changement de système ou tout autre événement qui n'arrive jamais s'ils étaient persuadés de la continuité de la dette, ils s'evertueraient pour reconquérir le capital, et l'industrie s'accroîtrait de leurs efforts.

Si la facilité d'emprunter est utile aux gouvernements, elle est en revanche dangereuse pour les peuples; elle peut précipiter le pays dans des guerres ruineuses, dans des entreprises gigantesques voilà le péril des gouvernements forts. Sont-ils faibles? Leur crédit ne sert qu'à les faire mettre à contribution par leurs alliés. On les oblige à faire la guerre à leurs frais; on leur emprunte de l'argent, et on leur fait banqueroute. L'exemple n'est pas loin.

Les partisans du crédit public ont vivement reproché à Hume et à Smith, leurs sinistres prévisions sur la fin déplorable que devait avoir l'extension prodigieuse du système financier, qui heureusement ne se sont pas encore réalisées. L'erreur était toute simple; alors les immenses découverts des Watt, des Arkwright n'existaient pas. Depuis ce temps la face des choses est changée; les particuliers ont fait plus de bien que le gouvernement n'a fait de mal. Mais aussi attendez, Messieurs, la dette s'est accrue à raison de cet essor; rien n'est terminé, et la position de l'Angleterre, au milieu d'une guerre qui menace son existence, devient chaque jour plus effrayante. Et, quant à nous, souvenons-nous de la répugnance de Colbert sur les emprunts, et des banqueroutes de 1716, 1769 et 1795.

On a représenté les rentiers comme les citoyens les plus intéressés au maintien de l'ordre et du repos; les rentiers n'ont qu'un intérêt, c'est de toucher leurs dividendes, c'est une classe qui prend en général peu de part aux entreprises agricoles et industrielles, et qui n'est pas étrangère, comme on semble le croire, aux mouvements politiques; car il en résulte hausse et baisse, dont elle peut profiter également; classe qui d'ailleurs peut souhaiter certains embarras au gouvernement pour en être mieux traitée.

Messieurs, vous connaissez, d'un autre côté, les maux qu'enfante l'abondance des effets publics, l'agiotage, qu'il me suffit de nommer, et dont tous les jours nous déplorons les désas

tres.

Mais enfin, il y a des cas où il faut de l'argent à tout prix il n'y a point de loi contre l'inexorable nécessité.

Ces cas sont rares. Ne vaudrait-il pas mieux alors obliger les citoyens à payer le capital de leur quote-part dans l'emprunt? Is sauraient tout de suite quel est le sacrifice qui leur est

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imposé et s'arrangeraient en conséquence. Un impôt sur le revenu, combiné avec un impôt sur les objets de luxe, pourrait même remplacer l'emprunt. Au surplus, laissez les citoyens faire ce que veut faire le gouvernement, c'est-à-dire emprunter s'ils n'ont pas d'argent. Mais en trouveront-ils et à aussi bon marché? Oui, répond sans hésiter le célèbre Ricardo, si le grand emprunteur se retire du marché. Ce grand emprunteur, qui fait monopole de tout, je n'ai pas besoin de le nommer.

Messieurs, il reste aux défenseurs des emprunts un argument tiré des miracles de l'amortissement, opérant à intérêts composés.

Ici, il est nécessaire d'examiner les fails et la nature de l'amortissement, afin de n'être pas la dupe de la plus incroyable déception, qui a trompé, Messieurs, les hommes les plus honorables de l'Angleterre et sur laquelle on n'est bien revenu que depuis peu d'années, et surtout grâce aux recherches du docteur Hamilton.

L'amortissement, établi par Walpole en 1716, a été violé par lui-même en 1733. Fondé de nouveau par Pitt, en 1786, sur les principes du docteur Price, il fut, contrairement à son principe, affecté entièrement au payement des emprunts contractés en 1807, 1809 et 1813; aussi la dette ne tarda-t-elle pas à s'élever malgré l'amortissement, ou plutôt à cause de lui, à la somme énorme de 396,352,206 livres sterlings.

C'est ainsi qu'en France l'amortissement créé en 1816, réglé en 1817, a été vicié ou plutôt détruit, comme le remarque un honorable orateur, par la loi du 27 avril 1825.

Ainsi, en fait il n'y a point encore eu un amortissement qui ait racheté la dette pour laquelle il a été fondé; et cependant l'amortissement compte plus d'un siècle d'existence!

Ce n'est pas tout:

De savants publicistes anglais, les auteurs de la Revue d'Edimbourg (1), ont prouvé, par des calculs rigoureux dans lesquels la tribune ne me permet pas d'entrer, mais fondés sur les pièces officielles émanées de la trésorerie, que si les dépenses totales de l'Etat eussent été couvertes par des taxes levées chaque année, l'Angleterre aurait dépensé 146 millions sterlings environ de moins, sans parler d'un défaut d'accroissement d'industrie qu'ils évaluèrent à peu près à cent millions aussi sterlings.

Et il résulte de ces calculs que le revenu, postéricurement à 1802, eût été plus que suffisant pour défrayer la totalité de la dépense, sans les charges provenant des emprunts contractés de 1792 à 1803.

Quant à l'amortissement, les mêmes écrivains ont prouvé que le montant du fonds d'amortissement et des rentes rachetées depuis 1793 jusqu'en 1817, s'élève à une somme dont l'intérêt est de 9,771,063 livres sterlings, tandis que cette somme n'a servi à racheter effectivement que pour 9,168,233 livres sterlings de rente; difference annuelle au préjudice du trésor : 602,830 livres sterlings.

M. Hume, l'un des membres actuels du parlement, a prouvé dans la session de 1823 que si le fonds d'amortissement eût été aboli en 1817, on aurait gagné, à l'époque où il parlait, une somme de 336,153 livres sterlings.

Et comment, Messieurs, pouvait-il en être autrement? Nous l'avons déjà dit, il n'y a pas eu

(1) Revue d'Edimbourg, année 1823. Trad. dans le n° 2 de la Revue Britannique, 1825.

un amortissement qui ait subsisté conformément à la loi de son institution, et par conséquent pas un qui ait produit ce que l'on en attendait; et en effet, dans les nécessités de l'Etat ou ce que l'on qualifie de tel, la première chose qui se présente à l'œil des ministres c'est le fonds de l'amortissement. Si l'on recourait directement aux contribuables, ils murmureraient, on examinerait, on discuterait tout est évité en s'adressant au fonds d'amortissement.

Ensuite, Messieurs, il n'y a eu un véritable amortissement que lorsque Fox a proposé, par amendement à la proposition de Pitt, de créer des taxes additionnelles correspondantes tout à la fois aux intérêts des emprunts et à un fonds d'amortissement de 1 0/0, et cette clause ne fut point observée.

Autrement, quand on empruntait tout à la fois et pour payer les intérêts et le fonds d'amortissement, il en résultait que l'Etat, pour éteindre une dette, s'imposait d'un autre côté une dette précisément égale. L'extinction était alors illusoire, ou plutôt, loin qu'il y eût extinction d'une dette, il y avait création de deux dettes, et grâce ou aux besoins ou aux prodigalités du gouvernement, les fonds qui en provenaient disparaissaient dans d'autres emplois.

En résumé, ce n'est pas la force miraculeuse de l'intérêt composé qui amortit, mais l'augmentation des revenus de l'Etat ou la diminution de ses dépenses.

C'est ce qui est démontré maintenant, Messieurs, depuis les recherches du docteur Hamilton (1) d'une manière à ne pas laisser le plus léger doute, c'est ce qu'a fort bien expliqué l'honorable M. Laffitte dans son discours d'hier, en appliquant ces principes au projet de loi en discussion.

Je dirai, à part l'examen de la question de la nécessité du crédit : d'abord je m'y oppose parce qu'on ne le fait reposer que sur un emprunt, mesure en général désastreuse, comme j'ai essayé de vous le démontrer.

Je m'y oppose encore, parce qu'en admettant même le système de l'emprunt, faudrait-il que le ministère eût dès à présent indiqué les taxes sur lesquelles il prélèverait les 4,800,000 francs. Il ne suffit pas de dire que ces fonds seront faits au budget des voies et moyens. Dans l'état actuel de nos finances, nous avons deux déficits, l'un en capital, l'autre annuel. La première chose à faire est de combler ce déficit, soit par des moyens d'économie, soit par des suppléments de taxes. Si vous débitiez maintenant le Trésor de la somme demandée, savez-vous si vous auriez, pour y faire face, un revenu réel et non emprunté, correspondant? Si vous étiez obligé de recourir ou à un emprunt, ou, ce qui est la même chose, au secours de la dette flottante, et par conséquent des bons royaux, ce serait alors un amortissement comme celui des bons de l'Echiquier en Angleterre, fictif par conséquent, d'après les principes que j'ai eu l'honneur de vous développer dans l'instant.

Ainsi, dans l'hypothèse où le principe de la loi passerait, ce serait le cas, ce me semble, d'adopter l'amendement de mon honorable collègue M. Laffitte, en supprimant toutefois les mots en rentes, réservant à prononcer sur le meilleur mode de consolidation, soit par impôt, soit même

(1) L'ouvrage du docteur Hamilton a été traduit en français par M, Henri Lassalle.

en rentes, lors de la discussion du budget des voies et moyens.

M. Agier. Etranger comme l'honorable orateur qui descend de cette tribune, tout à fait étranger aux matières financières, je ne me lancerai pas dans une discussion qui a été suffisamment éclairée et par M. le ministre des finances et par l'auteur de l'amendement que je viens combattre; mais comme je suis convaincu que la loi qui vous est proposée est une loi de confiance autant qu'une loi de finance, je me permettrai d'ajouter quelques observations à celles de notre collègue, M. Dupin, qui, dans la séance d'hier, avait demandé la parole en faveur de l'amendement, et qui a si bien parlé contre une partie de cet amendement.

Cet amendement se divise en deux parties bien distinctes; la première sur le mode de crédit, et je crois que tout à l'heure je démontrerai d'un seul mot que le mode proposé par M. Laffitte aurait un tout autre résultat que celui qu'il se propose lui-même, la seconde partie n'est qu'une proposition d'ajournement, et je crois que vous ne pouvez admettre aucun ajournement sans courir le risque d'être en contradiction avec vousmêmes. En effet, que reprochiez-vous dans la dernière session à l'ancienne administration (qu'il soit bien compris que par ces mots nous entendons seulement le ministère?) Vous lui reprochiez unanimement de n'avoir pas mis la France en tat d intervenir noblement, convenablement, dans les affaires de la Grèce et de la Turquie, dans l'intérêt de l'humanité et d'une sage politique. Dès l'ouverture de la session actuelle, que n'avez-vous cessé de demander au ministère actuel? De réparer tous les maux faits par l'ancien ministère et particulièrement de faire ce que lui-même n'avait pas fait pour vous mettre à même d'intervenir dans les affaires de la Grèce et de la Turquie. Voilà ce que vous avez demandé comme une chose qui est nécessaire : nécessaire non pas demain, mais aujourd'hui; et quand le ministère demande les moyens d'intervenir, vous proposez des ajournements!

Get ajournement est-il nécessaire ? ou plutôt en posant la question, ainsi que l'a fait M. Bignon, y a-t-il nécessité d'augmenter notre armée, notre marine? Cette question est décidée par les faits. Vous ne pouvez donc pas, en présence du temps et des événements, rester stationnaires ou immobiles.

C'est un ajournement que la proposition de M. Laffitte et, en effet, on vous propose de remettre à la discussion des voies et moyens de réaliser le crédit demandé; mais si alors il y avait division dans les esprits sur les moyens de réaliser ce crédit, qu'arriverait-il ? Que vous refuseriez ce que vous auriez d'abord accordé. Ce serait donner et retenir, et vous savez que donner et retenir ne vaut.

Dès l'ouverture de la discussion il y a eu unanimité pour accorder le crédit; mais ensuite les uns out demandé l'ajournement, les autres ont voulu changer les moyens de le réaliser. Quelle a été la cause de ces variations? Il faut bien le dire, car on ne l'a pas encore dit: ce n'est pas qu'on manque de confiance dans le ministère actuel; mais à côté de cette confiance, il y a une certaine crainte, tranchons le mot, du retour de l'ancien ministère au pouvoir. (Rumeur à droite.) Je ne m'étonne pas que vous ne croyiez pas à ce retour, car, sans doute, vous y opposeriez tous vos efforts personnels, et vous auriez d'autant

plus de raison de le faire, que plusieurs d'entre vous, royalistes indépendants, ont été repoussés par ce ministère aux dernières élections. Mais be croyez pas que cette crainte nous occupe plur qu'elle ne vous occupe vous-mêmes; et si vous m'aviez laissé achever, vous auriez vu que je ne la partage pas. En effet, si ce ministère revenait au pouvoir, il se trouverait en présence de cette Chambre, et, si à toutes ses entreprises, il ajoutait celle de vous dissoudre, il se trouverait une seconde fois, et j'espère que ce serait la dernière, en présence de la France entière. Son retour est donc impossible, Mais, dit-on, il faut des gages contre son retour: c'est précisément quand vous serez à la discussion des voies et moyens, que viendra le moment de demander des garanties; c'est là que vous trouverez des satisfactions légitimes jusque-là vous devez considérer qu'au contraire, en adoptant la première partie de l'amendement, vous feriez une chose très agréable à l'ancien ministère. Proposer des bons du Trésor, c'est offrir de l'argent comptant; et si ce ministère revenait au pouvoir, il ne demanderait pas mieux. Après les chagrins qu'il a éprouvés aux dernières élections, vous lui feriez grand plaisir d'ajourner la demande que vous fait le ministère actuel.

Je crois que la loi de confiance qui vous est demandée ne doit pas être votée à une faible majorité; la France vous regarde, et dans plus d'un lieu on sourirait à la pensée qu'il n'y a pas unanimité dans vos déliberations. Certes, si dans les autres gouvernements constitutionnels de l'Europe, une telle loi était proposée dans de telles circonstances, croyez-vous qu'on ajournerait à l'accorder? La France ne sera pas audessous des autres gouvernements de l'Europe, elle ne sera pas au-dessous d'elle-même; et je ie répète, la loi qu'on vous propose est une loi de confiance autant qu'une loi de finances. Je vote contre l'amendement.

M. Jacques Laffitte. Je suis monté déjà deux fois à cette tribune pour appuyer la proposition faite par le gouvernement. Je dois avoir joué de malheur, car c'est à moi seul qu'on a paru répondre; ce malbeur exige que je me présente devant vous pour la troisième fois. Si dans ce que j'ai dit une seule expression a pu déplaire, je dois compter sur quelque indulgence; je ne suis malveillant envers personne, et je confie dans les intentions qu'on doit me suppo

ser.

me

Je ne me livrerai plus à des discussions de théorie, je me bornerai à quelques observations sur des faits avancés hier. M. le ministre des finances a dit, par erreur, que j'avais proposé de créer un emprunt en 3 0/0 à 75; j'ai répondu que je n'avais pas fait une semblable proposition on a cité le Moniteur; j'ai dit que le Moniteur avait pu faire des erreurs sur quelques chiffres, sur quelques mots, mais qu'il avait été exact à rapporter ce que j'avais dit; la proposition qu'on ne prète ne se trouve point en effet dans le Moniteur.

Si, en répliquant au ministre des finances, ma mémoire me trompe à mon tour, il n'a qu'à m'interrompre je serai plus disposé à m'en rapporter à sa memoire qu'à la mienne. Voici ce qu'on lit dans le Moniteur: « Vaut-il mieux emprunter en payant un intérêt moindre et en reconnaissant un capital plus fort, qu'en payant un intérêt plus élevé, et en ne reconnaissant que le capital qu'on a reçu? Des deux offres suivantes, laquelle est

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