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me trouver d'accord, en ce qui concerne mon dernier foods, avec un de mes collègues qui possède des connaissances étendues en matière de finances et toutes les séductions du talent pour les faire valoir; mais je crois qu'un fonds intermédiaire sera préférable pour opérer l'emprunt.

De même qu'en empruntant dans le 30/0 vous sacrifiez le capital à l'intérêt; en empruntant dans le 50/0, en un fonds au-dessus du pair, sous le poids du remboursement, 'vous sacrifiez l'intérêt au capital, car vous ne savez ui ce que vous pouvez demander ni ce qu'on peut vous donner. Si l'on ne vous donne que 100, vous ne recevrez pas tout ce que vaut ce fonds; et pourquoi ? parce que, dans l'état actuel, le 5 0/0 étant remboursable à raison de 100 francs, il n'est pas susceptible de s'élever. S'il n'était remboursable que comme le 3 0/0, il ne pourrait être remboursé qu'à raison de 166, et dans la parité du 3, il vaudrait aujourd'hui 116 francs. S'il ne vaut pas 116 francs, c'est que la crainte du remboursement à 100 le maintient au-dessous de ce taux. Il existe, Messieurs, entre le 5 et le 3 0/0 une difficulté qu'il est indispensable de lever, si vous voulez avoir un système raisonné de crédit; il faut donc envisager cette question en face, et la résoudre une fois pour toutes.

Le fait inexact en 1824, est exact aujourd'hui: on peut dire avec vérité que le 5, dépouillé de son amortissement, ayant dépassé le pair, l'intérêt de l'argent pour le gouvernement est au-dessous de 5 0/0.

Le tort, en 1824, de l'ancienne administration qui n'a pas craint de faire concourir toutes les caisses publiques au rachat des rentes, qui n'a pas craint de faire racheter à 106 et à 107 des rentes que la caisse d'amortissement avait le droit de rembourser à 100; le tort de cette administration, dont nous avons combattu le système financier et de remboursement, parce qu'il était fondé sur le 3 0/0, a été de vouloir escompter l'avenir; et vous savez, Messieurs, quelles raisons on pouvait avoir d'essayer d'y parvenir.

Je crois en avoir dit assez pour prouver que, dans l'état présent des choses, nous ne pouvons pas, à propos d'une loi transitoire, adopter un nouveau système de finances; et comme M. le ministre nous a promis que la session prochaine ne se passerait pas sans qu'il nous présentât un projet de loi sur l'amortissement, qu'il ferait bien, selon moi, de nous présenter dès cette année... (Interruption.)

Voix diverses: Cela est impossible!

M. Casimir Périer. Messieurs, ce n'est qu'un vœu que j'émets, ce n'est pas moi qui fait les lois et je ne présente pas même d'amendement à cet égard; mais puisque M. le ministre des finances nous promet, pour la session prochaine, une loi si nécessaire sur cette matière, nous devons laisser à la législation qui suivra, le soin de régler l'amortissement. Si vous adoptiez aujourd'hui la spécialité qu'on vous propose, vous n'accorderiez que 1 0/0 au nouvel emprunt, lorsque les 3 0/0 jouissent d'un amortissement de 13 0/0.

J'aurais désiré que la rédaction proposée hier pour l'article 1er par M. le ministre n'eût pas été adoptée, nous ne serions nullement engagés dans les discussions qui viennent d'occuper la Chambre; mais, au surplus, j'ose espérer du bon esprit et des connaissances de M. le ministre des finances que, en présence des faits incontestables que je viens de vous soumettre, il se servira de

ses moyens de crédit pour faire cet emprunt, ou du moins pour ne le contracter que dans un fonds qui n'aurait pas dépassé le pair, et lorsqu'il sera en état de nous présenter un système financier et d'amortissement.

Je conclus purement et simplement à l'adoption de l'amendement de la commission.

(Une longue et vive sensation succède à cette improvisation.)

M. le comte Roy, ministre des finances. Messieurs, je n'entrerai pas dans une discussion épuisée sur une question résolue, en examinant de nouveau si un amendement que vous avez rejeté aurait pu, ou aurait dû être adopté. Je dirai seulement que vos précédentes décisions n'ont point établi, comme on l'a dit, un système de finances.

Au surplus, deux amendements vous sont proposés, l'un par la commission, avec laquelle je m'en suis entendu; l'autre, par M. Jacques Lefebvre.

L'amendement de la commission, et celui de M. Jacques Lefebvre diffèrent peu, quant à la quotité de l'amortissement; M. Lefebvre propose de fixer l'amortissement qui sera affecté au fonds dont l'autorisation est demandée au 100° du capital: le mode proposé par la commission a pour objet de le fixer également à 800,000 francs. Si la négociation est faite en rentes 5 0/0, c'est-àdire à 1 0/0 ou au 100o, et d'ajouter à cette somme de 800,000 francs celle qui ne serait pas négociée sur la rente de 4 millions, dans le cas où l'emprunt serait fait dans un fonds qui produirait le capital de 80 millions par l'aliénation d'une moindre somme de rente, de manière que l'annuité à servir, par l'État, pour le payement de la rente et pour l'amortissement de cette rente, n'excède, dans aucun cas, celle de 4,800,000 francs.

Ce calcul est établi sur la base d'un amortissement en 36 ans, et il donnera également, à peu près, 1 0/0 du capital de chaque fonds sui

vant sa nature.

Mais, si les deux amendements ont un rapport commun, ils diffèrent sous d'autres rapports.

M. Jacques Lefebvre demande que l'amortissement qui sera affecté au fonds soit déclaré spécial et exclusivement attaché à ce fonds. Or, le système de la spécialité, comme on l'entend, n'est point encore établi : il y aurait de la précipitation à l'admettre, pour un cas particulier, avant qu'il ait été examiné et discuté, lorsqu'il est d'ailleurs nécessaire qu'un projet de loi soit présenté aux Chambres, sur cet objet important, à leur prochaine session. Une législation spéciale, établie par une sorte d'exception, pourrait être un obstacle pour la législation générale, lorsque des intérêts particuliers se trouveraient engagés.

D'une autre part, l'auteur de l'amendement propose d'attacher exclusivement au fonds qui sera Dégocié, non seulement l'amortissement qui lui sera affecté, mais encore les rentes qui seront successivement acquises par l'emploi de ce fonds d'amortissement. Mais une telle disposition serait contraire à la loi qui a fondé l'amortissement parmi nous, puisqu'aux termes de cette loi qui est celle du 28 avril 1816, les rentes acquises peuvent être annulées aux époques et pour la quotité déterminée par une foi or, la Chambre n'a sûrement pas la pensée de détruire une loi en adoptant un amendement.

En troisième lieu, l'auteur de l'amendement propose encore de déclarer que, dans le cas où le Cours vénal des rentes excèderait le pair de 100,

l'amortissement serait employé au rachat de la partie de la dette fundée qui resterait au-dessous du pair. Une telle disposition déciderait encore une question qui doit faire l'objet de la loi sur l'amortissement; car il peut être conforme à l'intérêt public que, dans le cas supposé, le fonds d'amortissement soit employé en remboursement et non pas au rachat d'un autre fonds. On peut même dire que cette partie de l'amendement est en contradiction avec le fond même de l'amendement, puisque le principal objet de l'amendement est d'attacher à la rente à créer le fonds d'amortissement exclusivement, et, en quelque sorte comme sa propriété, tandis qu'il faudrait pourtant, dans la pensée de l'auteur de l'amendement, dépouiller la rente créée de son amortissement, lorsqu'elle serait au pair, pour le reporter sur une rente à laquelle il serait étranger.

D'après ces motifs, je ne pense pas que la Chambre puisse adopter l'amendement de M. Jacques Lefebvre; et je dois croire qu'elle lui préférera celui de la commission, concerté avec le ministre des finances.

M. Odier. Je crois que M. le rapporteur de la commission n'a pas assez insisté sur un point qui était convenu entre les membres de la commissign. Il a été convenu que si l'emprunt avait lieu dans l'un des trois fonds qui existent déjà, il serait naturel d'attendre, pour fixer l'amortissement qui sera affecté à ce nouvel emprunt, la loi sur l'amortissement qui nous est annoncée pour la session prochaine. Mais si l'emprunt doit avoir lieu dans un fonds qui n'existe pas encore, vous sentez que ne pas lui affecter d'amortissement, ce serait abandonner un orphelin sans lui donner un tuteur; car c'est surtout dans le premier moment de l'établissement de ce fonds que l'amortissement lui est nécessaire. Si l'emprunt a lieu en 4 1/2, je demande que l'amortissement de 800,000 francs lui soit appliqué. Cela a été entendu ainsi par la commission. Je ne crois pas en devoir faire l'objet d'un amendement; mais je prie M. le ministre des finances de nous fixer sur ce point.

M. le comte Roy, ministre des finances. On me demande si le fonds d'amortissement demeurera affecté à la rente pour laquelle il est établi, jusqu'au moment où une nouvelle loi règlera l'emploi et l'action de l'amortissement, en général.

Je réponds que c'est bien comme cela que je l'entends. J'ajouterai que du temps s'écoulera entre ce moment et celui où la nouvelle rente pourra être rachetée, puisqu'elle est loin encore d'être mise en circulation.

M. Odier. Je me félicite d'avoir provoqué cette explication; elle était nécessaire.

M. le Président. Amendement proposé par la commission:

« La somme annuelle de 40 millions fixée par la loi du 25 mars 1817, pour l'amortissement de la dette fondée, sera augmentée, à compter de la même époque, du 22 mars 1828: 1°de 800,000 fr.; 2o de toute la portion que le résultat de la négociation rendrait disponible, sur la création de 4 millions de rentes autorisée par la présente loi, sans toutefois que la somme à payer annuellement par le Trésor, pour le service des intérêts et de l'amortissement, puisse s'élever au delà de 4 millions 800,000 francs. »

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Voici l'amendement proposé par M. Jacques Lefebvre :

« A compter du 22 mars 1828, la dotation annuelle de 40 millions, fixée par la loi du 25 mars 1817, pour l'amortissement de la dette fondée, sera augmentée d'une somme égale à la 100° partie du capital nominal des rentes qui seront inscrites en vertu de la présente loi. La somme ainsi ajoutée à l'ancienne dotation de l'amortissement, sera spécialementet exclusivement applicable au rachat des rentes inscrites en vertu de la présente loi. Toutefois, dans le cas où le cours vénal desdites rentes excèderait le pair de 100, déduction faite de la portion acquise du semestre, ladite somme serait employée au rachat de la dette fondée qui resterait au-dessous du pair. »

Il me semble qu'il n'y a que le premier paragraphe de l'amendement de M. Lefebvre qui concoure avec l'amendement de la commission; le second paragraphe a pour objet d'établir la spécialité de l'amortissement; ce serait plutôt un article additiounel, soit à l'amendement de la commission, soit à celui de M. Lefebvre lui-même. Il s'agit maintenant de savoir si la priorité sera donnée à l'amendement de la commission.

Voix diverses: La priorité pour l'amendement de la commission.

(L'amendement de la commission est mis aux voix et adopté.)

M. Jacques Lefebvre obtient la parole sur la seconde partie de son amendement présenté comme une disposition additionnelle.

M. Jacques Lefebvre. L'amendement de la commission n'indique pas quel sera l'emploi de la somme de 800,000 francs ajoutée à la dotation de l'amortissement. Je ne vois rien qui nous garantisse qu'on ne fera pas servir cette somme au rachat du 3 0/0. Je voudrais que la commission proposât une disposition qui nous assure que cette somme de 800,000 francs sera exclusivement employée au rachat de la dette créée. Nous avons bien à cet égard la promesse de M. le ministre des finances; mais depuis l'établissement du gouvernement représentatif, nous savons comment les ministres ont tenu leurs promesses. M. le ministre des finances a, sans doute, l'intention de tenir la sienne; mais qui nous garantit que son successeur la tiendra?

M. le comte Roy, ministre des finances. M. Jacques Lefebvre demande si l'amortissement sera employé à l'extinction de la repte pour laquelle il est établi, et s'il ne sera pas reporté sur le fonds 3 p. 0/0, qui a déjà envahi tout l'amortissement?

Je ne craindrai jamais de répondre d'une manière positive aux questions qui me seront faites: il me semble que ma réponse à celle qui m'est adressée, en ce moment, résulte suffisamment de tout ce que j'ai déjà dit. Il n'entre point dans ma pensée que le nouvel amortissement vienne accroître celui qui agit exclusivement sur le fonds 3 p. 0/0: dans tous les cas, il sera employé ou réservé pour l'amortissement du fonds pour lequel il sera établi, jusqu'au moment où la loi sur l'amortissement en aura réglé l'exercice.

(La disposition additionnelle proposée par M. Jacques Lefebvre n'étant pas appuyée, n'est pas mise aux voix.)

M. le Président. Article additionnel proposé par M. de Puymaurin:

« Aucune portion de cet emprunt ne pourra, sans l'autorisation des deux Chambres, être prêtée à aucun gouvernement étranger. »

Cet article est-il appuyé?

Voix nombreuses: Non, non !... La question préaJable !

M. de Puymaurin. Je demande la parole.

M. le Président. Votre amendement n'est pas appuyé.

M. de Puymaurin. Permettez-moi d'en expliquer les motifs. (Parlez, parlez!)

M. le Président. Est-il appuyé?

Une voix à droite: Je l'appuie. (On rit.)

M. de Puymaurin. Vous savez, Messieurs, que je n'aime pas beaucoup à paraître à cette tribune à cause de mon organe désagréable. N'ayant pas de ces voix fortes et tonnantes qui donnent de l'expression aux choses les plus simples, je réclaine le silence. (On rit.)

M. le Président. Ecoutez l'orateur, et aidezle par votre silence. (M. de Puymaurin se retourne vers le Président comme pour le remercier... (On rit.)

M. de Puymaurin. J'ai vu dans tous les journaux que l'emprunt fait à l'Espagne ne nous serait jamais remboursé; de tous côtés, on a regardé cela comme une dette illusoire : l'Espagne, à ce qu'il paraît, se propose de vous payer avec des créances arriérées sur l'empire français. Si vous prêtez, par exemple, aux Grecs... (Ah! ah! voilà le motif... (On rit), les Grecs pourraient bien aussi vous porter en compte pour remboursement, les trésors que Brennus, à la tête des Gaulois, enleva du temple de Delphe (On rit); déposés à Toulouse dans le lac sacré, auprès du temple d'Apollon, ils furent enlevés par Cépius, proconsul romain; et c'est cet or que les Romains ont appelé aurum Tolosanum.

Du reste, convaincu de la loyauté du gouvernement, dans la proposition de l'emprunt, par l'excellent rapport de votre commission, je suis d'avis de voter l'emprunt; mais j'ai cru devoir à la Chambre cette explication.

M. le Président. L'article proposé par M. de Puymaurin ayant été appuyé, je vais le mettre aux voix. (On rit.)

(Cet article est mis aux voix et rejeté.) (Quatre ou cinq membres à droite se sont levés en sa faveur.)

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Demain réunion à midi dans les bureaux, pour y recevoir la communication d'une proposition qui sera développée à l'ouverture de la séance. On pourra aussi nommer dans les bureaux la commission chargée d'examiner la proposition de M. Benjamin Constant, qui a été prise en considération.

L'ordre du jour pour demain sera la discussion et la délibération sur le projet de loi relatif au crédit extraordinaire de 300,000 francs, et ensuite, s'il y a lieu, la discussion sur le projet de loi relatif à l'interprétation des lois.

(La séance est levée à près de cinq heures.)

ANNEXE

A LA SÉANCE DE LA chambre des députés DU 21 MAI 1828.

NOTA. Nous insérons ici diverses pièces relatives à l'emprunt de 80 millions: Elles ont été imprimées, distribuées, elles sont mentionnées dans la table des procès-verbaux et font, par conséquent, partie des documents parlementaires de la session de 1828.

Développements de l'amendement de M. Bessiè– res, député de la Dordogne (1).

Messieurs,

Monsieur le ministre de la marine a dit hier à cette tribune, que pour solder la dépense des armements qui ont eu lieu en 1827, il avait besoin d'un supplément de crédit de 8 millions, et que ceux qu'il se proposait de faire en 1828, entraineraient une autre dépense de 12 millions.

Monsieur le ministre de la guerre vous a dit de son côté, que 18 millions lui suffiraient en 1828 pour la dépense de 60,000 hommes dont il veut augmenter l'armée.

J'ai déjà dit à la Chambre que je regardais comme inutile et dangereux tout accroissement de l'armée; mais que les services du matériel de la guerre et de la marine, la réparation des places fortes et l'exécution du traité du 6 juillet, me paraissent nécessiter un crédit supplémentaire de 40 millions. La conclusion naturelle de cette opinion et des déclarations des ministres, serait de réduire à cette somme le crédit qui vous est demandé. Si je ne la prends pas, c'est pour mettre à profit l'initiative du gouvernement, pour un emprunt de 80 millions, afin d'obtenir la moitié de cette somme pour un service dont les besoins ne peuvent être satisfaits par les allocations ordinaires du budget.

Nous opinons tous pour la paix; mais il y a cette différence que les uns la veulent avec une partie des charges de la guerre, sans les chances avantageuses que celle-ci pourrait offrir, et que

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les autres demandent, avec la paix, les économies qu'elle permet. Je suis de ces derniers.

Pour un grand Etat, dépenser bien peut être de l'économie, comme dépenser peu. Ainsi je ne me refuse pas à voter des allocations supplémentaires pour plusieurs services importants qui sont en souffrance. Le déficit et le délabrement de ces services s'accroîtront dans une effrayante proportion, si l'on ne s'attache sans délai à les diminuer.

C'est dans ce sens que, prélèvement fait d'un quart pour l'exécution du traité du 6 juillet, je propose d'en consacrer un autre quart au materiel de nos forces de terre et de mer. L'autre moitié sera employée sur nos routes qu'il n'est plus possible de laisser dans l'état où elles sont.

Les frais d'une petite armée d'expédition pour assurer l'exécution du traité du 6 juillet seraient, à raison des dépenses déjà portées au budget ordinaire, largement satisfaits avec 20 millions.

C'est à ce point, comme je l'ai dit, qu'il faut, selon moi, borner nos préparatifs militaires actifs. Soixante mille hommes de plus dans nos cadres, c'est trop pour la paix que nous voulons garder c'est trop peu pour la guerre que nous ne voulons pas, et où les neutralités arinées pour le maintien des équilibres politiques finissent toujours par conduire.

Nous avons deux cent trente-deux mille hommes sous les armes; comment peut-on craindre qu'un pareil nombre ne suffise pas pour le pied de paix ? Les graves et divers inconvénients des grandes armées permanentes ont tourné beaucoup de bons esprits vers la recherche d'une organisation qui conciliat leur existence avec les intérêts du travail et du Trésor. Je m'en remets à la sagesse du conseil supérieur de la guerre, et de son auguste président, du soin d'arriver à ce résultat; mais en attendant je ne saurais comprendre qu'il faille agrandir en France la plaie des gouvernements modernes, uniquement pour assister comme témoins, avec plus de solennité, aux événements qui se préparent.

Messieurs, le crédit des gouvernements a aussi pour condition, comme celui des particuliers, le bon emploi des sommes qu'ils empruntent. Or, que vous propose-t-on ? une pure dépense de luxe, des frais de simple démonstration, c'est-àdire de parade. Faites une guerre juste et utile, et je voterai tout ce que vous voudrez, je n'accorderai rien pour encombrer les casernes.

Quant au matériel de nos forces de terre et de mer, je souscris de grand cœur aux dépenses

des approvisionnements de réserve, tout cela

réclame. Des places fortes, des vaisseaux,

n'entraîne pas les gouvernements à faire la guerre, et les prépare à la bien recevoir si elle approche. Avec des places fortes on se défend, avec des soldats on attaque. Vous ne serez pas longtemps sans être emportés par cette masse que vous voulez grossir derrière vous. Le manifeste de la Russie ne dit pas la véritable cause de la guerre qu'elle entreprend, et cette cause ce sont ses grandes armées.

Messieurs, dans l'ordre des utilités, après la production viennent immédiatement les moyens de communication et d'échange qui lui servent de véhicule. Vous savez en quel état ces moyens se trouvent en France, et ce que deviendront nos routes, si on n'y pourvoit pas sans retard. Je n'ai pu résister à la tentation de dérober à l'emprunt une part de ce qu'il faudrait pour un besoin si important et si négligé,

Dans la statistique des routes, distribuée à la

Chambre en 1824, M. le directeur général des ponts et chaussées a établi que la réparation à neuf de celles qui sont ouvertes et la construction de celles qui sont projetées exigeraient une dépense de 119 millions, et que les unes et les autres, amenées à l'état d'entretien, n'entraîneraient plus qu'une dépense annuelle de 16 millions, tandis qu'aujourd'hui, pour maintenir viables celles qui existent, il en coûte annuellement plus de 22 millions. D'où il résulte que la différence entre ces deux sommes couvrirait, sans nouvelles charges pour l'Etat, les intérêts et les moyens d'amortissement de l'emprunt de 119 millions qui serait nécessaire pour mettre la France en possession de cet immense moyen de prospérité.

Messieurs, la centralisation des capitaux à Paris est aussi une calamité pour les provinces. Pour qu'ils puissent y refluer, commençons par assurer au commerce et à l'industrie des communications nombreuses et faciles. Déjà ce serait verser des capitaux dans nos départements qu'employer des millions à la construction des routes. N'enlevons pas à la production les bras dont elle a besoin, et donnons-lui des moyens d'échange qui lui manquent. La France a assez fait pour sa gloire, qu'elle songe à sa prospérité.

Si les ministres n'adoptent pas mon amendement, je vote pour que le crédit demandé soit réduit à 40 millions.

Opinion de M. Cabanon, député de la Seine Inférieure, dans la discussion générale du projet de loi relatif à l'emprunt de 4 millions de rentes 50/0 (1).

Messieurs, le crédit extraordinaire qui vous est demandé n'a rien d'exorbitant, s'il suffit, comme on nous le promet, pour restituer à la France sa place en Europe; à lui faire retrouver sa considération, dont on a dit avec tant de raison qu'une nation ne pouvait pas davantage se passer, qu'un individu.

A Dieu ne plaise que je me permette de soulever le voile qui doit couvrir nos relations politiques; mais puis-je m'empêcher de déplorer la faiblesse relative où la France est aujourd'hui réduite!...

Depuis un demi siècle ont disparu des républiques, des royaumes, des Etats du second ordre, jadis florissants et renommés, où la France avait anciennement placé ses alliances et où elle avait, au besoin, trouvé ses appuis. De vastes territoires, des populations nombreuses ont été se réunir à des puissances rivales; et nous, Messieurs, nous n'avons même plus, sur le continent, la France de Louis XIV. A peine notre nom est prononcé dans l'Inde où nous avons régné; et je n'ose pas rappeler ce qui nous reste en Amérique. Et il ne faut pas nous le dissimuler; l'Europe était conjurée pour nous tenir dans cet état de faiblesse. C'est par là seulement qu'on peut expliquer les bizarres stipulations du congrès de Vienne; ces royaumes élevés contre nous et à nos portes; d'autres à qui on ouvre, avec affectation, les routes de la France; des places fortes qui nous menacent au nord; nos frontières entammées à l'est; notre industrie contrariée; les voies de notre commerce interceptees; et toutes

(1) Mon tour d'inscription n'a pu précéder la clôture prononcée le 16 mai 1828.

les diplomaties de l'Europe aux aguets pour pré- | aujourd'hui à cette tribune; puisse un si noble venir le moindre mouvement que hasarderait la France pour se relever de l'abaissement où on l'a réduite...

Aussi n'avons-nous eu, depuis quatorze ans, qu'une paix inquiète, agitée, troublée. Aucune puissance n'a désarmé; aucun cabinet ne s'est reposé, parce que tous avaient la conscience que l'Europe était en l'air, et y resterait aussi longtemps que la France ne serait pas à sa place. J'ai promis, Messieurs, en commençant, de m'interdire de soulever le voile d'une politique dans laquelle les intérêts de la France n'ont sûrement pas été consultés, parce qu'en ces matières je veux être aussi réservé que doit l'être M. le ministre des affaires étrangères; je tiendrai ma parole...

Mais voilà que les événements se jouent, comme il arrivé si souvent, des calculs des hommes. La scène change. C'est désormais vers l'Orient que sont exclusivement fixés les regards et les peurs de la politique. En dépit des efforts que l'on va faire pour y prévenir une catastrophe, elle sera amenée plus ou moins vite par une force à laquelle rien ne résiste: par la nécessité. La Sainte-Alliance n'est plus qu'un souvenir; la France peut donc enfin respirer.

Combien n'est il pas regrettable qu'une administration que je ne veux pas qualifier, ait, depuis huit ans, prodigué les ressources du pays! quel ne serait pas notre rôle aujourd'hui si nos finances n'avaient pas été épuisées par une suite d'erreurs grossières, de dégrévements intempestifs et accordés dans des intentions perfides! par des prodigalités sans prétexte et saus cause, et surtout par cette guerre d'Espagne où, avec une dépense de 400 millions, nous n'avons même pas su conquérir, pour l'humanité, l'exécution du sage décret d'Andujar!

Je demande à la Chambre la permission de lui rappeler qu'à la séance du comité secret du 23 fevrier 1823, j'osai prédire l'inévitable issue de la guerre, qu'on allait commencer. Je n'excusais ni les fautes des Cortès, ui les vices du pacte que l'Espagne avait adopté. Mais je soutenais, avec la persuasion que me donnait la connaissance du pays, qu'on ramènerait les esprits à de plus sages dispositions, par la patience, le temps, les exhortations et les bons exemples de la France...

Qu'a-t-on gagné sur la route opposée ? La séparation complète des colonies d'avec la métropole, conséquence inévitable et facile à prévoir du renversement des Cortès et de la représentation des colonies dans ce système; la dispersion de tous les éléments de prospérité pour l'Espagne; une anarchie telle qu'on ne peut, ni voyager ni arrêter quelque part avec sûreté; et au milieu de cette riche Ibérie qu'un double fatalisme a changé en désert ensanglanté, un monarque impuissant que nous n'avons soustrait aux lois des Cortès que pour le voir tomber sous le joug humiliant de la camarilla!...

Mais puisque les événements qui se sont succédé depuis quarante ans abondent en preuves de cet acharnement avec lequel des intérêts étrangers ont poursuivi la désunion des deux pays puisqu'il est démontre, par les effets mêmes de ces cruelles manoeuvres, qu'il a est de tranquillité, de bonheur à espérer pour l'un comme pour l'autre pays, que dans une union de principes tels qu'ils sont tracés et commandés par l'ordre des temps, tels, entin, que la France de 1827, à la voix de son prince, les proclame

exemple être suivi par le monarque espagnol, l'éclairer sur cette vérité, qu'il n'est de tranquillité à espérer, pour l'Espagne, que dans un sage retour à des principes constitutionnels, se liant peut-être pour elle, au retour de ses colonies; et qu'il n'est de felicité réelle pour aucun pays, pour les peuples comme pour les rois, que dans la confiance d'une nation dans son gouvernement!...

Il faut croire que la session actuelle va ouvrir une ère nouvelle pour le bon emploi des finances. Car ce n'est jamais l'étendue de l'impôt qui ruine, mais le gaspillage, mais les prodigalités, mais les mauvais marchés tels que ceux de la guerre d'Espagne, et les scandales et les impunités qui viennent à la suite...

Je ne crois pas que le crédit de quatre-vingts millions qui nous est demandé soit exorbitant: j'ai plutôt la crainte opposée. Il doit être employe à mettre l'armée au complet du pied de paix. Si on en croit aux rapports des militaires, l'armée est loin de présenter sur le terrain un effectif égal à celui qui est sur le papier. Nos arsenaux sont mal garnis; nos places fortes en mauvais état; et des dépenses inconsidérées, absurdes même auraient absorbé la dotation importante affectée chaque année au département de la guerre. Un conseil supérieur, présidé par M. le Dauphin, s'occupe avec zèle des moyens de réparer ces désordres et d'en prévenir le retour. Espérons ! car tout est possible à un prince honnête homme, et qui n'a besoin pour faire le bien, que d'imposer aux autres les devoirs dont il est pénétré... Il eut donc été convenable de renvoyer à la discussion des dépenses, c'est-à-dire des nécessités de la guerre, l'emprunt qu'on nous propose; car il n'est qu'un excédant de crédit pour ce département.

Alors, nous aurions demandé qu'on nous indiquât le chiffre de l'armée sur le pied de paix, et de la réserve; celui du supplément qu'exige l'état de guerre; enfin, celui de la plus grande extension de nos forces militaires, sous quelque nom qu'on l'appelle: milices, gardes nationales, levées en masse, etc., etc.

Et ici, Messieurs, je le demande à tout homme sensé, à tout homme impartial, si l'introduction d'une milice à petit manteau, à robe courte ou longue, est en harmonie avec l'esprit, avec les besoins du siècle? Si c'est là la milice qui créa ces immortels bataillons qui pulverisèrent un infâme traité qui devait effacer la France de la carte? Si c'est en petits ou grands manteaux qu'ont été exercées ces autres milices, et organisés ces autres bataillons qui vont soulever l'Orient, et qui ne peuvent soulever l'Orient sans soulever 'Europe? Messieurs, toutes les puissances militaires qui nous entourent ont cette organisation militaire, il est bien temps de savoir laquelle

nous aurons.

Une fois le chiffre donné, on aurait reconnu toutes les nécessités qu'il entraîne, en solde, habillement, vivres, casernement, hôpitaux, artillerie, etc.

Enfin, on aurait examiné le parti à prendre pour nos places fortes; si nous en conserverons une centaine d'inutiles pour les entretenir très mal, ou si nous garderons, pour les tenir en bon état, seulement celles que rendent nécessaires et le nouveau système de guerre, et l'espèce de blocus dirigé si solidement contre notre frontière du Nord, par l'homme de génie qui préside, après

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