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tenues dans les articles précédents, les journaux ou écrits exclusivement consacrés aux sciences, aux lettres et aux arts, qui ne paraîtraient qu'une fois par semaine ou plus rarement.

Deuxième paragraphe.

M. de Corcelle. Les infractions aux dispositions de la présente loi seront poursuivies et jugées conformément à la loi du 26 mai 1819.

Article 4.

M. le général Sébastiani. Tout journal ou écrit périodique soumis à un cautionnement aura un ou plusieurs rédacteurs responsables, jouissant des qualités requises par l'article 980 du code civil, possédant un quinzième au moins dans la propriété du capital du journal ou un quart dans la propriété du cautionnement, ou étant propriétaires d'immeubles libres de toute hypothèque autre que les hypothèques légales, et payant au moins 500 francs de contributions directes, si le journal ou écrit périodique est publié dans les départements de la Seine, de Seineet-Oise et de Seine-et-Marne, et 150 francs dans les autres départements.

En cas de décès, retraite ou révocation d'un des rédacteurs responsables, les propriétaires du journal ou écrit périodique auront un mois pour le remplacer; pendant lequel temps la publication ne pourra continuer que sous leur garantie personnelle ou sous la responsabilité des autres rédacteurs responsables.

Dispositions additionnelles à l'article 5.

M. Terrier de Santans. Les députés et les pairs de France ne pourront, sous aucun prétexte, être propriétaires, gérants responsables ou collaborateurs d'un journal périodique.

Dispositions additionnelles à l'article 6 du projet de loi.

M. de Puymaurain. Aucun membre des deux Chambres, s'il est propriétaire associé d'un journal ou de tout autre écrit périodique, ne pourra être associé gérant responsable.

Dispositions additionnelles à l'article 6 du projet de loi.

M. Lamandé. Aucun journal ou écrit périodique ne pourra être publié qu'après le délai d'un mois, à dater du jour de la déclaration et du dépôt du cautionnement.

Dispositions additionnelles à l'article 6.

M. de Laborde. Les journaux actuellement existants aurout six mois de délai pour se conformer aux dispositions de la présente loi.

Article 10.

M. le général Sébastiani. Si la déclaration est reconnue fausse et frauduleuse, le journal ou écrit périodique cessera de paraître. Les auteurs

de la déclaration seront punis en outre d'une amende de 1,000 à 10,000 francs, sans préjudice des peines de faux, s'il y a lieu.

Si la déclaration est seulement reconnue irrégulière ou inexacte, le jugement ou arrêt presčrira un délai dans lequel elle devra être régularisée ou rectifiée; faute de quoi, passé ce délai, le journal demeurera suspendu, à peine de 1,000 francs d'amende par chaque feuille ou livraison, jusqu'à la rectification ordonnée.

Article 13 du projet de loi.

M. Lamandé propose de commencer l'article par ces mots :

Toute plainte, soit contre les gérants responsables, soit contre l'auteur ou les auteurs des passages incriminés, pourra être portée indistinctement devant l'une des cours royales dans le ressort desquelles le journal ou écrit périodique aura des abonnés.

Dispositions additionnelles à l'article 14 du projet de loi.

M. Agier. Néanmoins, dans tous les cas de délits de la presse, les cours et les tribunaux sont autorisés, si les circonstances leur paraissent atténuantes, à réduire l'emprisonnement et même l'amende au-dessous du minimum, aux termes de l'article 463 du code pénal.

Article 18.

M. Méchin. La loi du 17 mars 1822, relative à la police des journaux et écrits périodiques, et l'article 17 de la loi du 25 mars de la même année sont abrogés.

Article additionnel au projet de loi.

M. Devaux. Les délits commis par la voie de la presse, et dort la connaissance est attribuée, par l'article 17 de la loi du 25 mars 1822, aux tribunaux correctionnels et aux cours royales, seront constatés, poursuivis et jugés dans les formes prescrites par la loi du 26 mai 1819.

Article additionnel à insérer après l'article 17.

M. de Cormenin. Les crimes et délits commis par la voie de la presse ou tout autre moyen de publication, seront jugés par les cours d'assises, en couformité de l'article 13 de la loi du 25 mai 1819.

Sous-amendement à l'amendement de M. Devaux sur le premier paragraphe de l'article 2.

M. Daunant. Tous autres journaux ou écrits périodiques sont dispensés du cautionnement, à moins toutefois qu'ils n'aient subi deux condamnations pour cause de diffamation, ou pour s'être occupés de matières politiques. Dans ce cas ils seront, ainsi que les journaux politiques, obligés de fournir un cautionnement dans le délai de deux mois, faute de quoi, ils cesseront de paraître.

Article 4.

M. Lefebvre propose de supprimer les deux derniers paragraphes de cet article.

Article 16.

M. Viennet. Dans les procès intentés pour diffamation, dès l'instant où le procureur du roi aura fait notifier aux journaux que l'instruction est commencée, ils ne pourront, à peine de 500 francs d'amende, publier les faits de diffamation ni donner l'extrait des écrits ou mémoires qui les contiendraient.

Cette interdiction sera levée si le tribunal n'ordonne pas le huis-clos. Dans le cas contraire, elle durera jusqu'au jugement; et si la diffamation est déclarée calomnieuse, les journaux ne pourront publier que l'arrêt.

Suite de l'amendement de M. le comte Gaëtan de La Rochefoucauld sur l'article 2.

Les cautionnements ne pourront être augmentés ni diminués que le 22 mars et le 22 septembre de chaque année, proportionnellement au plus fort tirage qui aura eu lieu pendant le semestre précédent.

Article 2, deuxième paragraphe.

M. Dupin aîné. A ces mots, le cautionnement sera le même que... etc.., substituer ceux-ci : sera de 100,000 francs.

Quatrième paragraphe.

Après ces mots, plus d'une fois par mois, insérer ceux-ci le caulionnement sera également du quart (25,000 francs), s'il s'agit d'un journal littéraire ou d'un journal judiciaire paraissant plus de trois fois par semaine.

Article additionnel au projet de loi.

MM. Devaux, Méchin, de Cormenin et de Corcelle. Les délits commis par la voie de la presse ou tout autre moyen de publication et dont la connaissance est attribuée par l'article 17 de la loi du 25 mars 1882 aux tribunaux et aux cours royales, seront constatés, poursuivis et jugés dans les formes prescrites par la loi du 26 mai 1819.

Disposition additionnelle à insérer entre les sixième et septième paragraphes de l'article 2, amendé par la commission.

M. Dupin ainé. Les journaux consacrés aux lettres et ceux consacrés à rendre compte des débats judiciaires seront assujettis à un cautionnement de 25,000 francs (ou 1,250 francs de rente), s'ils paraissent plus de deux fois par semaine.

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1o Les journaux ou écrits périodiques consacrés soit aux sciences historiques, à la philologie ou aux antiquités, soit aux sciences mathématiques, physiques et naturelles, soit aux arts mécaniques et libéraux, c'est-à-dire aux sciences et aux arts dont s'occupent les trois académies des inscriptions, des sciences et des beaux-arts de l'Institut;

2o Les journaux de jurisprudence ou de débats judiciaires;

3o Les journaux ou écrits périodiques, étrangers aux matières politiques et exclusivement consacrés aux lettres ou à d'autres branches de connaissances non spécifiées précédemment, et qui ne paraissent au plus que deux fois par semaine;

4° Tous les écrits périodiques, de quelque espèce qu'ils soient, publiés en langue morte ou étrangère;

5. Les feuilles périodiques exclusivement consacrées aux avis, annonces, affiches juiciaires, arrivages maritimes, mercuriales et prix courants. (Supprimer l'article 3.)

Article 8, second paragraphe.

M. Firmin Didot. A ces mots : L'exemplaire signé pour minute sera déposé au parquet, ajouter ceux-ci ouvert tous les jours et toutes les nuits.

Même paragraphe.

Remplacer cet mots, à peine de 1.000 francs d'amende, par ceux-ci : peine de 500 francs.

Troisième paragraphe.

De ces mots, la signature sera imprimée au bas de tous les autres exemplaires, retrancher le mot

autres.

Même paragraphe.

Remplacer ces mots, à peine de 500 francs d'amende contre l'imprimeur, par ceux-ci : à peine de 250 francs.

Article 15 du projet de loi.

M. le comte Duchâtel. Les dispositions de l'article 10 de la loi du 9 juin 1819 seront appliquées au cas de récidive.

Il y aura récidive, en cas de délits, lorsque le délit aura été commis dans les deux années qui suivront la première condamnation.

Article 15 du projet amendé par la commission.

M. Humblot-Conté. Après ces mots, les tribunaux pourront, suivant la gravité du dělit, prononcer la suspension, ajouter ceux-ci : du gérant qui sera dans le cas de récidive. Cette suspension ne pourra être moindre de trois mois, ni excéder deux ans.

Article 18 du projet de loi.

M. Sirieys de Mayrinhac. La loi du 17 mars 1822, relative à la police des journaux et écrits périodiques, est abrogée, sauf l'article 4, qui demeure loi de l'Etat.

Nouvelle rédaction de la disposition additionnelle proposée par M. Lamandé sur l'article 13, qu'il présente comme disposition additionnelle et qu'il transfère à l'article 8.

Les poursuites à diriger, soit contre les gérants responsables, soit contre l'auteur ou les auteurs des passages incriminés, pourront être faites indistinctement devant l'un des tribunaux dans le ressort desquels le journal aura été distribué.

Le tribunal qui aura été saisi le premier de l'action sera seul compétent. Dans ce cas, la minute du journal, déposée conformément aux dispositions du paragraphe 2 de l'article 8, sera transmise au greffe du tribunal devant lequel seront faites les poursuites.

Article 15 du projet de loi.

M. le baron Pelet. En cas de récidive, les tribunaux feront l'application des dispositions de l'article 10 de la loidu 9 juin 1819.

Il y aura récidive lorsque le second délit aura été commis durant la gestion du même gérant contre lequel aura été prononcée la première condamnation.

Article 13 du projet de loi.

M Lefebvre. Le montant des condamnations pécuniaires prononcées, soit contre les signataires responsables, soit contre l'auteur ou les auleurs des passages incriminés, sera recouvré conformément aux règles établies par l'article 3 de la loi du 9 juin 1819.

Article 11 du projet de la commission.

M. Gallot. Si la déclaration prescrite par l'article 6 est reconnue fausse et frauduleuse en quelqu'une de ses parties, qui rendrait nulle la responsabilité des gérants, les auteurs de la déclaration seront punis d'une amende dont le minimum sera d'une somme égale au dixième, et le

maximum d'une somme égale à la moitié du cautionnement. Le journal ne cessera de paraître que lorsque le maximum de l'amende aura été prononcé.

Article 13 du projet de loi.

M. Marchal. Les condamnations pécuniaires prononcées tant contre les signataires responsables que contre les auteurs des articles incriminés, seront prélevées sur le cautionnement suivant les règles établies par les articles 3 et 4 de la loi du 9 juin 1819.

Article 14 du projet de loi.

M. Agier. Dans tous les délits de la presse, (sauf les cas d'offenses à l'autorité et à la personne du roi), les cours et les tribunaux sont autorisés, si les circonstances leur paraissent atténuantes, à réduire l'emprisonnement, et même l'amende, au-dessous du minimum, aux termes de l'article 463 du code pénal.

Article additionnel au projet du loi.

M. le vicomte de Laboulaye. Dans le compte que les journaux ou ouvrages périodiques rendront des séances de la Chambre, ils seront tenus d'insérer en entier les discours de ceux des membres qui le requerront

CHAMBRE DES DÉPUTÉS.

PRÉSIDENCE DE M. ROYER-COLLARD.

Séance du mercredi 4 juin 1828.

La séance est ouverte à une heure et demie. La rédaction du procès-verbal est adoptée. M. de La Villebrune est admis à prêter son ser

ment.

L'ordre du jour est la suite de la délibération du projet concernant la presse périodique.

M. Séguy, rapporteur de la commission, a la parole pour le résumé de la discussion.

M. Séguy. Messieurs, sans espoir d'être utile, mais déférant à vos usages, j'exprimerai quelques observations sur les discours que vous avez entendus.

Qu'avant tout il me soit permis d'expliquer ma pensée, sans doute mal rendue, touchant l'un des objets spéciaux de la discussion. Lorsque la commission eut à s'occuper de l'influence du projet de loi sur les journaux actuellement existants, avertie par les plaintes qui déjà se faisaient entendre, désireuse d'être équitable dans l'opinion qu'elle devait émettre, la commission appela dans son sein les parties intéressées, non, comme on a paru le croire, pour faire de leurs réclamations la règle exclusive de sa détermination, mais afin d'être fixée sur leur mérite, et de concilier ensuite, autant qu'il se pourrait, l'intérêt général avec ceux dont on prenait droit.

Les raisons des journalistes déduites alors

avec convenance, firent voir qu'en effet le projet de loi soumettant les entreprises à de nouvelles conditions devait changer leur état et pouvait leur être onéreux.

On se demanda néanmoins si, des avantages d'une nature supérieure étant accordés aux journaux, qui n'auraient plus à craindre la censure et les procès d'une certaine espèce, il était possible de les affranchir de la règle établie, alors surtout que leur influence, dans ce genre de publication, devait être à près exclusive sur l'état de la société, et que les considérations de droit public semblaient devoir l'emporter.

On ne crut pas que l'affranchissement dût avoir lieu l'avis de la commission fut d'adopter à cet égard le projet du gouvernement.

Mais comme celte question semblait présenter de sérieuses difficultés, et que le pouvoir législatif allait y prononcer, le rapporteur pensa qu'il était juste dans l'intérêt des entreprises de rappeler leur position, de faire mention de leurs droits, d'avertir du tort qu'elles pourraient éprouver.

Malgré cela, Messieurs, malgré ces intentions toutes bienveillantes, des journalistes ont supposé que la commission s'était fait un jeu de la destruction des traités, et qu'elle avait, même par dérision, mis en principe et proclamé la violation des droits acquis, la rétroactivité des lois.

Un tel excès était-il possible?

Les termes du rapport, jugés sans prévention, ne permettent pas de s'arrêter à l'interprétation donnée. J'ose en appeler, pour le dire, à vos lumières, à votre équité, je puis ajouter à mon caractère, qui repousse, dans tous les cas, les fausses maximes et les injustices.

Eh! Messieurs, devais-je m'attendre à des attaques personnelles, toujours au moins de mauvais goût, quand je remplissais mon devoir, et que les opinions émises pouvaient être bien moins les miennes propres que celles de la commission? Mon rapport lui fut soumis; elle l'approuva; c'était la commission seule qu'il fallait considérer en respectant aussi ses intentions.

On apprendra peut-être avec le temps qu'une haute mission, faite pour assurer le bonheur des Etats ne comporte jamais les discussions de personnes; que les mandataires de la nation, libres dans leurs avis, quelle que soit leur position sociale, peuvent encore s'estimer et s'entendre, quoique parfois ils différent de sentiment; que la confiance en quelques-uns doit disparaître avec l'estime, quand l'intérêt et la passion se mêlent au langage.

Une circonstance assez étrange a suivi le projet de loi il est combattu maintenant par ceux-là mêmes qui l'approuvèrent à sa naissance.

Faut-il l'attribuer aux amendements proposés, à la supposition que le ministère consent à se les approprier?

On le croirait d'après plusieurs discours.

La loi projetée laissait, dit-on, des espérances aux amis de la liberté; il n'en est plus, grâce aux amendements. La commission a rendu plus rigoureuses les conditions faites au journalisme. Loin d'améliorer, elle a favorisé la contrainte, en consacrant les privilèges, la confiscation, la

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ments, le cautionnement exigé par la loi, sans l'augmenter jamais, que la commission s'est rendue coupable.

Dégager, pour l'émission pure, les journaux littéraires et scientifiques d'une entrave pénible et déjà redoutée ne constitue pas non plus l'aggravation, lorsque l'on sait en outre que pour effrayer l'arbitraire dans la dispense des conditions, dans le retirement de cette faveur, la commission appelle l'authenticité des ordonnances qui s'y rapportent.

Elle a pu, sans encourir le blâme, dispenser les sociétés de l'obligation d'entretenir plusieurs gérants, et leur permettre d'en constituer de nouveaux en cas de nécessité. C'est ce que le projet n'admet pas.

Diminuer de plus de moitié l'amende établie pour fausse déclaration, rassurer à ce sujet ceux qui déploraient par avance les effets d'une simple faute ou de l'inattention, augmenter dans un degré notable tous les délais imposés aux entreprises de journaux, vouloir que les biens des gérants soient propres à la garantie, quoique grevés d'hypothèques légales, régler la responsabilité dans le sens le plus favorable, bannir l'interdiction définitive des gérants coupables de récidive, n'ont pu produire les sentiments pénibles dont plusieurs semblent affectés.

On n'aurait pas dû méconnaître ces modifications, insuffisantes si l'on veut, mais toujours favorables à la liberté. Ce n'est pas à leur occasion qu'on est en droit de dire que la commission a rendu plus pesante la condition de l'écrivain, qu'elle a redoublé les rigueurs du projet, et aggravé la proposition royale.

Mais prenons garde: une prohibition sévère est ajoutée à l'article 15, contre les propriétaires d'un journal suspendu. Pendant le temps de la suspension, ils seraient interdits de publier un nouveau journal, c'est-à-dire de maintenir le précédent sous un autre titre, et d'éluder ainsi la peine prononcée.

Peut-être que la faute est là. C'est ce qui a fait dire à un orateur que les mandataires de la Chambre se sont montrés franchement antipathiques à ce que la France a de plus précieux.

Messieurs, l'article 15 est juste dans ses motifs; la suspension qu'il prononce, ou plutôt qu'il autorise, frappe avec raison les propriétaires pour avoir maintenu leur confiance au gérant déjà condamné, et constituer pour ainsi dire un foyer de contravention. C'est, d'après l'exposé des motifs, «pour empêcher, s'il se peut, qu'un « délit ne dégénère en habitude, et pour inté«resser les propriétaires eux-mêmes à l'inno«cence de leurs feuilles. >>

Mais supposons qu'il en soit autrement, et que l'article se trouve injuste. Je conçois alors qu'on le blâme et que sa suppression soit demandée; mais il n'entrera jamais dans mon esprit qu'il faille, sous peine d'hostilité, laisser aux coupables le moyen d'éluder leur condamnation. Ce n'est admissible ni en législation ni en morale; ou les peines sont injustes, et dans ce cas, il faut les effacer de la loi; ou leur application doit être inévitable, sauf la grâce du souverain. C'est, nous a dit l'honorable orateur que j'ai en vue, pour laisser une porte ouverte au repentir. Dites plutôt que c'est pour qu'on se joue et des magistrats et des lois. Quel est le crime auquel cette raison, si on pouvait l'admettre, ne fût pas applicable? Les délits de la presse sont-ils donc si légers pour qu'on doive en leur faveur organiser l'impunité, même en ayant l'air de punir? On ne le pense

pas, car les adversaires du projet n'ont cessé d'appeler des peines très sévères en proscrivant les moyens préventifs.

Absolvez donc vos commissaires du crime qu'on leur imputait. L'amendement n'est qu'une conséquence de la disposition principale. Ils ne tiennent pas, comme cet orateur, qu'une loi répressive ne soit qu'un simple avis pour engager les coupables de se corriger.

Leur sentiment est bien que la libre publication des pensées de chacun doit obtenir le premier rang dans le tableau des libertés publiques. Ils n'ont pas confondu le droit et l'exception mêrae en désignant, par l'expression la plus juste, l'abandon par l'autorité de plusieurs facultés légales. Et lorsqu'ils n'aspiraient qu'à défendre ce droit des inconvénients qui peuvent l'atteindre, ils semblaient ne pas devoir craindre qu'on leur attribuât une coupable indifférence, où les écarts d'une injuste rigueur.

La difficulté de leur tâche était grande sans doute, puisque des sentiments divers, des objections inconciliables, se pressent contre le projet de loi.

Si les uns, plus touchés des périls où peuvent entraîner les excès de la presse périodique, que des bienfaits qu'elle peut nous valoir, réclament le maintien des règles d'exceptions, d'autres la veulent libre sans mesure.

Assurer le juste exercice d'un droit sans le détruire ou même le gêner, permettre de tout dire en garantissant la répression, n'est pour certains qu'une violation de la Charte.

En accordant qu'il est permis, sans altérer le principe constitutionnel, de stipuler des garanties, on veut tellement les réduire, qu'il vaudrait mieux en vérité ne pas en établir. Le pouvoir des journaux pourrait se perdre dans le nombre; et l'on ne craindrait pas de créer, en faveur de ceux qui existent, un privilège dangereux.

Punissez fortement, nous dit-on, quand le crime est commis; mais ne le supposez pas en prescrivant, pour la création des journaux, des conditions difficiles et onéreuses autant qu'elles sont illégales.

Est-il bien vrai, Messieurs, que ceux qui vous parlent ainsi tolèrent la pénalité ? Qu'on en juge sur le projet.

Je rejette l'article 10, s'écriait un de nos collègues, à cause d'un maximum et d'un minimum tellement gigantesques, qu'ils sont absurdes aussi bien qu'odieux.

L'article 10, ainsi traité, punit la violation de la loi, et n'est pas préventif. Son application n'est possible que dans un cas, mais qui se trouve grave, lorsque pour tromper les prévisions de la loi et se soustraire au châtiment d'une licence criminelle, les entrepreneurs de journaux en ont imposé sur les conditions principales de l'établis

sement.

Je rejette l'article 11, continue le même orateur, parce qu'il consacre la confiscation d'une somme énorme sur simple mémoire, sans défenseurs, sans publicité.

Ce qu'on appelle improprement confiscation, Messieurs, ne pourrait être qu'une peine attachée aux délits prévus. Mais ici l'orateur se trompe, et je dois l'expliquer: Emporté par son zèle, il n'a pas réfléchi que, dans le système de la loi, nulle peine n'est à prononcer dans la contestation qui l'effraye. On jugera sans défenseurs, sans publicité, parce que, dans cette circonstance, il ne peut y avoir de délit ni de confiscation. La déclaration débattue se juge par les tribunaux, qui

T. LIV.

peuvent tout au plus en déclarer l'insuffisance® La pénalité n'existe qu'à l'égard des déclarations frauduleuses qui ont favorisé la publication d'un journal, c'est celle de l'article 10.

Les articles 14 et 15 sont encore proscrits, quoique relatifs, dans leur pénalité, à des contraventions commises.

Ainsi, la répression ne trouve pas toujours grâce aux yeux de ceux qui veulent en faire l'unique frein de la licence. C'est par simple argument et par compensation spéculative que, ne pouvant se dissimuler les effets désastreux de l'abus, ils semblent permettre contre eux la plus grande sévérité.

Gardez-vous de croire, Messieurs, qu'il soit dans mes principes de ne pas mesurer la peine à la gravité du délit. Je sais qu'une trop grande rigueur, loin d'atteindre les coupables, autorise l'impunité. La loi doit un peu se prêter à la faiblesse, au malheur des hommes; son caractère n'est pas la cruauté.

J'ai voulu seulement signaler une inconséquence.

Ce qu'il faut redouter dans ce débat, c'est d'être en proie à quelque préoccupation spéciale. Comment bien juger d'une loi si l'état des esprits et l'obsession de nos idées ne permettent pas d'entendre ou de concevoir les raisons qui nous contrarient? La commission eût très mal apprécié la loi qu'on nous propose, si le respect de l'ordre et de la monarchie, si l'honneur des citoyens l'avait moins touchée que l'intérêt de quelques entreprises, si elle avait mis ses passions et ses ressentiments à la place de son devoir, si la constitution n'avait été pour elle qu'un prétexte de bien public.

En adoptant les principes de liberté résultant du projet de loi, il lui fallait savoir si des mesures jugées bonnes dans d'autres temps, devaient être adoptées, soit en considérant le droit constitutionnel, soit dans la vue de la conservation.

Je dois vous avouer que dans la commission on ne douta jamais de la constitutionnalité des garanties touchant les entreprises des journaux. Tout était de les rendre justes et utiles.

Sa croyance a été blâmée.

Se fondant sur l'article 8 de la Charte, plusieurs ont attaqué la loi. Un cautionnement, des gérants, de nombreuses formalités qui doivent précéder toute publication, sont, disent-ils, des mesures préventives faites pour attenter à la liberté. La disposition citée le défend explicitement; elle n'autorise que la répression. De là, des accusations de monopole, de censure, de privilège, de rétroactivité, de confiscation. De là aussi, des imputations outrageantes auxquelles je n'ai pas l'intention de répondre.

Ceux-là sont à plaindre, Messieurs, qui méconnaissent les avantages de la liberté. Celle de penser et d'écrire est, en effet, un des premiers besoins de l'homme: c'est par rapport à l'esprit et au cœur ce qu'est le souffle pour la vie. La communication des pensées procure l'instruction et console dans l'infortune. Elle apprend les devoirs et developpe en nous les dons de la nature. Religion, morale, amour de la patrie, vous lui devez d'être connus, d'être épurés! A qui doit s'en servir, on peut dire avec saint Pierre: un bon livre est un bon ami.

Aussi, pas plus que le projet de loi, la commission n'a voulu proscrire les livres. Chacun peut en faire à son gré. Souhaitons que ce ne soit jamais au profit de l'erreur.

Mais, Messieurs, est-ce dans des journaux que 33

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