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<< Attendu que les marchés à terme ou à prime ont déjà été interdits par de précédentes lois, tous ceux contractés antérieurement au présent décret sont annulés. »>

L'ordonnance du 12 novembre 1823 maintient les dispositions de l'arrêt de 1785, qui répute jeux de Bourse et prohibe les marchés à terme faits sans dépôt préalable et hors de deux mois.

Nous avons cité ailleurs les articles 421 et 422 du Code pénal sur les paris et les ventes à découvert.

Le Code civil, article 1965:

« La loi n'accorde aucune action pour une dette de jeu ou pour le payement d un pari. »>

La jurisprudence est conforme à l'esprit et au texte de la législation; elle a successivement consacré :

1° Que les marchés à terme sur les effets publics, qui n'ont d'autre objet que des différences, doivent être réputés jeux de Bourse et annulés comme dépourvus de cause et de réalité, comme contraires aux lois, à l'ordre et à la morale ; 2o Que l'absence du dépôt rend présumable le défaut de cause et de réalité ;

3° Que ces sortes de paris, déguisés sous la forme de marchés, ne peuvent engendrer aucune espèce d'action devant les tribunaux, au profit de qui que ce soit, ni du client contre l'agent de change, ni de celui-ci contre son client, ni de l'agent de change contre son confrère ;

4° Que la ratification du marché faite par le débiteur, même depuis l'échéance du terme, par la souscription d'une reconnaissance ou de billets pour les différences, ne saurait couvrir le vice originaire de ce marché; que la reconnaissance et les billets sont également nuls.

Cependant, depuis quelques années le jeu a tellement pénétré dans nos mœurs, que les tribunaux, tout en restant ⚫ fidèles à la lettre du Code, semblent vouloir user d'une certaine indulgence. La Cour impériale de Paris a consacré, par arrêt du 25 janvier 1856, que:

« Les marchés à terme sur actions industrielles sont valables

si le vendeur justifie, par des offres régulières, avoir eu entre les mains, au moment de l'échéance du terme, le nombre d'actions par lui vendues; peu importe le défaut d'identité des titres offerts s'il s'agit d'actions au porteur, car la désignation dans ce cas serait sans intérêt. »>

Cette doctrine est un premier pas hors de la voie traditionnelle, bien qu'il ressorte évidemment du texte de l'arrêt que la Cour a cru avoir affaire à un vendeur de bonne foi. L'obligation de prouver par des offres réelles, le jour de l'échéance, qu'on est en mesure de livrer des titres quelconques, ne suffit plus à démontrer que le marché était sérieux. Quel agioțeur en effet n'est en position de trouver des amis qui lui prêtent, pour une heure seulement, des titres au porteur qui lui donnent un aspect de rentier-propriétaire, d'homme honorable? Si l'affaire en vaut un jour la peine, il ne manquera pas de s'établir un bureau de location de titres à l'usage des joueurs qui voudront échapper aux suites désastreuses d'un pari, en montrant, pièces en main, qu'ils ont entendu faire une vente réelle.

Un arrêt du tribunal de commerce du 26 février suivant va beaucoup plus loin:

« La vente des actions d'une compagnie industrielle à créer est valable, dit-il, pourvu que les parties aient en vue une livraison de titres, et non le payement de simples différences. »

Cette fois la jurisprudence tombe dans les restrictions mentales et les directions d'intention des pères jésuites, dont Blaise Pascal a tant égayé ses lecteurs. Cependant, tant que le législateur reconnaîtra les marchés à terme, les tribunaux en seront réduits à faire de la casuistique.

Nous ne nous arrêterons pas davantage sur des dispositions législatives dont les boursiers, au surplus, ont su depuis longtemps s'affranchir, et dont l'application n'irait à rien le moins qu'à la fermeture de la Bourse et à la mise en jugement de tout son public. Il serait temps que nos jurisonsultes se persuadassent enfin que s'il n'est rien de plus asé, dans tous les temps, que de légiférer (notre production législative est, dit-on, de plus de cinquante mille lois!...), il

n'est rien de plus ridicule que de philosopher sur des lois rendues sans aucune connaissance pratique des affaires, et toujours à rebours de l'utilité publique.

1. DES DIFFÉRENTES SORTES DE MARCHÉS.

Les opérations de la spéculation, c'est-à-dire qui ont pour objet le mouvement des capitaux, sont celles qui attirent surtout l'attention publique et qui exercent la principale influence sur le cours des effets. Elles empruntent les formes et les combinaisons les plus diverses. Nous allons les passer successivement en revue, laissant désormais à la sagacité du lecteur le soin de distinguer ce qui est jeu ou pari d'avec ce qui est affaire et marché sérieux.

§ 1er. OPÉRATIONS AU COURS MOYEN.

Un peu avant l'ouverture de la Bourse, les agents de change, réunis dans leur cabinet, vendent et achètent, au cours moyen, des titres de rentes, des obligations ou des actions industrielles. Ces transactions ne sont pas considé rées comme tombant sous l'application de la loi qui défend toute négociation en dehors du local et des heures déterminés, par la raison qu'elles se font sans stipulation de prix. En effet, c'est la cote rédigée après la tenue de la séance publique qui donnera le chiffre du marché. Par exemple, les actions de la Banque ont fait, au plus haut, 4,150 fr.; au plus bas, 4,100; le cours moyen sera 4,125.

Les affaires au cours moyen se font presque toujours au comptant; cependant il s'en fait aussi quelques-unes à terme.

§ 2. NÉGOCIATIONS AU COMPTANT.

Nous n'avons rien à dire sur la forme de cette opération: elle ne comporte aucun détail, puisqu'elle ne présente qu'une forme possible d'exécution: livraison des titres contr espèces.

Les effets transmissibles par voie d'endossement doivent être délivrés dans l'intervalle d'une Bourse à l'autre.

Ceux qui sont assujettis à la condition du transfert, comme les actions de la Banque, les rentes sur l'État, ne peuvent être livrés dans un aussi court intervalle. L'agent de change acheteur donne au vendeur, pendant la Bourse qui suit celle où a lieu la négociation, un bulletin indiquant les conditions du marché et les noms auxquels doit être fait le transfert. Si avant la cinquième Bourse qui suit la négociation la livraison n'est pas encore effectuée, l'acheteur fait annoncer, par affiche, le rachat pour le lendemain. Ce rachat a lieu, par le syndic ou un adjoint, à la sixième Bourse, si l'acheteur dans cet intervalle n'a pas reçu ses effets. Le délai est donc de cinq jours francs (non compris les jours fériés) pour l'échange des titres entre les agents de change : il est accordé un jour de plus pour la livraison de l'agent de change au client.

La Chambre syndicale a pris la décision suivante relativement aux retards apportés par ses membres dans l'exécution des conventions :

« Après l'expiration des délais, la partie lésée par les retards sera libre de refuser la consommation de la négociation en préve-. nant le syndic ou l'un de ses adjoints, ou de l'exiger en vendant ou achetant par leur entremise, pour le compte de la partie en retard et aux risques de l'agent de change, sauf tout recours de droit contre ses commettants. >>

Les négociations au comptant ne sont guère accessibles. qu'aux gens riches : or, nombre de gens ne spéculent à la Bourse que pour s'enrichir. Il y a donc cercle vicieux : les négociations à terme, aussi légitimes de leur nature que celles au comptant, mais rendues presque toujours abusives par l'agiotage, ont pour objet de nous en tirer.

§ 3. NÉGOCIATIONS A TERME.

La loi défend les négociations à plus d'un mois d'échéance pour les actions de chemins de fer, et à plus de deux mois pour les autres effets. Nous verrons, à la question des Reports, comment on peut prolonger ces délais.

L'acheteur a toujours le droit de se faire livrer les titres

avant le terme échu, moyennant le payement du prix convenu. C'est ce qu'on appelle l'escompte.

Le règlement des agents de change impose à l'escompteur les conditions suivantes. Il doit prévenir l'agent vendeur avant l'ouverture de la Bourse, au moyen d'une affiche visée par le syndicat, et donnant la nature, la quantité et le prix des valeurs escomptables. L'affiche est placée sur un tableau ad hoc, dans le cabinet des agents de change. De ce moment, les formalités et délais pour la livraison sont les mêmes que pour les affaires au comptant, dont nous venons de parler.

On appelle marché à découvert celui par lequel on vend des effets qu'on ne possède pas et qu'on est obligé d'acheter, à ses risques et périls, afin de remplir ses engagements. Les opérations à la baisse sont généralement dans ce cas. Un grand nombre d'escomptes arrivant à la fois peuvent donc, en forçant les vendeurs à découvert de se mettre en mesure, provoquer une hausse.

On a intérêt à escompter lorsque les fonds sont à un taux sensiblement plus fort que celui auquel on a acheté. Ainsi, j'ai acquis, pour fin courant, 25 Nord à 1,120; quinze jours * avant l'échéance, ils sont à 1,125. Je me fais livrer par anticipation, et je suis en mesure de profiter de la plus-value, en revendant au comptant. Si je revends à terme, je n'ai pas besoin d'escompter, sauf le cas où je douterais de la solvabilité de mon vendeur.

Dans les négociations à terme, les agents de change se donnent, entre les deux Bourses, des engagements énonçant la nature, la quantité, le prix et l'époque de la livraison. Ils remettent à leurs clients un bulletin contenant les mêmes indications, et de plus le nom du collègue avec lequel ils ont négocié. Les nombres doivent être écrits en toutes lettres et en chiffres.

L'encaissement des dividendes est à la charge du porteur de l'effet vendu.

Afin de faciliter les liquidations, un arrêté de la Chambre syndicale a décrété que les marchés à terme ne porteraient que sur des sommes rondes ainsi déterminées et leurs multiples :

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