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Les avantages que les préliminaires donnent à la Grande Bretagne ne sont ils donc pas assez grands!! Il fallait restreindre la puissance continentale de la France!! Pourquoi donc le roi et le cri unanime de la nation ont ils ratifiés les préliminaires? Et s'il fallait imposer à la France des sacrifices continentaux, pourquoi, M. Grenville, n'avez-vous pas traité, lorsque vous aviez des alliés, que leur armée campait sur les Alpes, que les armées Russes étaient incertaines sur leur marche rétrograde et que la Vendée fumante occupait une portion de l'armée Française? Et puisque vous ne pensiez pas alors que la France fût encore assez affaiblie pour arriver à votre but, et que vous croyiez devoir continuer la guerre, il fallait M. Windham, la mieux diriger; il fallait que ces 25 mille hommes qui se promenaient inutilement, et à tant de frais, sur les côtes de l'Océan et devant Cadix, entrassent dans Gênes, le même jour que Mélas; il fallait ne pas donner au monde le spectacle hideux, et presque sans exemple, de bombarder les sujets d'un roi votre allié, jusque dans sa capitale, sans déclaration de guerre, et sans même avoir renvoyé son ambassadeur.

Qu'espérez vous aujourd'hui ? renouveller une coalition? Le canon de Copenhague les a tuées pour 50 ans.

Que voulez-vous donc? culbuter le ministere dont la main sage a su guèrir une partie des plaies que vous avez faites? Mais enfin si, pour assouvir votre ambition, vous parveniez à entraîner votre patrie dans un gouffre de maux, votre nation ne tarderait pas à regretter les préliminaires de Londres, comme elle a regretté l'armistice d'El-Arisch.

Les détails du congrès d'Amiens mis au grand jour, la nation Anglaise qui tient un rang si distingué dans le monde, par son sens droit et profond, et la libéralité de ses idées, aurait envers le premier consul de France, un nouveau mouvement d'estime et bienveillance, parce qu'elle verrait qu'il n'aurait pas dépendu de lui que la paix ne fût prompte, honorable et éternelle. Vos passions basses et haineuses seraient à découvert, et vous ne pourriez pas long-temps gouverner une nation qui, spontanément unissant sa voix à celle du monde entier, vous déclarerait les ennemis des hommes.

(Moniteur, No. 174.)

PROCLAMATION.

Le Premier Consul aux Habitans de Saint-Domingue.
Paris le 17 Brumaire, An 10 de la République.

Habitans de Saint-Domingue,

Quelles que soient votre origine et votre couleur, vous êtes tous Français, vous êtes tous libres, et tous égaux, devant Dieu, et devant la République.

La France a été, comme Saint Domingue, en proie aux factions, et déchirée par la guerre civile, et par la guerre étrangere. Mais tout a changé. Tous les peuples ont embrassés les Français, et leur ont juré d'être tous des amis et des freres. Venez aussi embrasser les Français, et vous réjouir de revoir vos amis freres d'Europe.

Le gouvernement vous envoie le capitaine-général Le Clerc; il amene avec lui de grandes forces pour vous protéger contre vos ennemis et contre les ennemis de la République. Si on vous dit; Ces forces sont destinées à vous ravir votre liberté : Répondez, La République ne souffrira pas qu'elle vous soit enlevée.

Ralliez-vous autour du capitaine-général. Il vous rapporte l'abondance et la paix; ralliez-vous tous autour de lui. Qui osera se séparer du capitaine-général, sera un traitre à la patrie, et la colere de la République le dévorera comme le feu dévore vos cannes déssechées.

Donné à Paris, au palais du gouvernement, le 17 Brumaire, an 10 de la République Française.

(Signé) BONAPARTE.

Le premier consul

Par le premier Consul,

(Signé) H. B. MARET.

Le Secrétaire d'Etat.

Au Citoyen Toussaint-Louverture général en chef de l'armée de St. Domingue.

Citoyen général,

La paix avec l'Angleterre et toutes les puissances de l'Europe, qui vient d'asseoir la République au premier degré de puissance et de grandeur, met à même le gouvernement à s'occuper de la colonie de Saint Domingue. Nous y envoyons le citoyen Leclerc, notre beau-frere, en qualité de capitaine général, comme premier magistrat de la colonie. Il est accompagné de forces convenables pour faire respecter la souveraineté du peuple Français. C'est dans ces circonstances que nous nous plaisons à espérer, que vous allez nous prouver, et à la France entiere, la sincérité des sentimens que vous avez constamment exprimés, dans les différentes lettres que vous nous avez écrites. Nous avons conçu pour vous de l'estime, et nous nous plaisons à reconnaître et à proclamer les grands services que vous avez rendu au peuple Français. Si son pavillon flotte sur Saint-Domingue, c'est à vous et aux braves noirs qu'il le doit. Appelé par vos talens et la force des circonstances au premier commandement, vous avez détruit la guerre civile, mis un frein à la persécution de quelques hommes féroces, remis en honneur la religion, et le culte de Dieu de qui tout émane. La constitution que vous avez faite, en renfermant beaucoup de bonnes choses, en contient qui sont contraires à la dignité et à la souveraineté du Peuple Français, dont Saint-Domingue ne forme qu'une portion.

Les circonstances où vous vous êtes trouvé, environné de tous

cotés d'ennemis, sans que la métropole puisse ni vous secourir, ni vous alimenter, ont rendu légitimes les articles de cette constitution qui pourraient ne pas l'être. Mais aujourd'hui que les circonstances sont si heureusement changées, vous serez le premier à rendre hommage à la souveraineté de la nation qui vous compte au nombre de ses plus illustres citoyens, par les services que vous lui avez rendu, et par les talens et la force de caractere dont la nature vous a doué. Une conduite contraire serait inconciliable avec l'idée que nous avons conçue de vous. Elle vous ferait perdre vos droits nombreux à la reconnaissance et aux bienfaits de la République, et creuserait sous vos pas un précipice qui, en vous engloutissant, pourrait contribuer au malheur de ces braves noirs, dont nous aimons le courage, et dont nous nous verrions avec peine obligés de punir la rebellion.

Nous avons fait connaître à vos enfans et a leur précepteur les sentimens qui nous animaient. Nous vous les renvoyons.

Assistez de vos conseils, de votre influence et de vos talens le capitaine-général. Que pourrez-vous désirer, la liberté des Noirs? Vous savez que dans tous les pays où nous avons été, nous l'avons donnée aux peuples qui ne l'avaient pas. De la considération, des honneurs, de la fortune? Ce n'est pas après les services que vous avez rendus, que vous pouvez rendre encore dans cette circonstance, avec les sentimens particuliers que nous avons pour vous, que vous devez être incertain sur votre considération, votre fortune, et les honneurs qui vous attendent.

Faites connaître aux peuples de Saint-Domingue que la solicitude que la France a toujours portée à leur bonheur a été souvent impuissante par les circonstances impérieuses de la guerre; que les hommes venus du continent pour l'agiter et alimenter les factions, étaient le produit des factions qui elles-mêmes déchiraient la patrie; que désormais la paix et la force du gouvernement assurent leur prospérité et leur liberté. Dites-leur que si la liberté est pour eux le premier des biens, ils ne peuvent en jouir qu'avec le titre de citoyens Français, et que tout acte contraire aux inté rêts de la patrie, à l'obéissance qu'ils doivent au gouvernement, et au capitaine-général, qui est le délégué, serait un crime contre la souveraineté nationale, qui éclipserait leurs services, et rendrait Saint Domingue le théâtre d'une guerre malheureuse, où des peres et des enfans s'entr'égorgeraient.

Et vous général, songez, que si vous êtes le premier de votre couleur qui soit arrivé à une si grande puissance, et qui se soit distingué par sa bravoure et ses talens militaires, vous êtes aussi devant Dieu et nous, le principal responsable de leur conduite.

S'il était des malveillans qui disent aux individus qui ont joué le principale rôle dans les troubles de Saint Domingue, que nous venons pour rechercher ce qu'ils ont faits pendant les temps d'anarchie; assurez-les que nous ne nous informerons que de leur conduite dans cette derniere circonstance, et que nous ne rechercherons le passé, que pour counaître les traits qui les auraient

distingués dans la guerre qu'ils ont soutenue contre les Espagnols et les Anglais qui ont été nos ennemis.

Comptez sans réserve sur notre estime, et conduisez-vous comme doit le faire un des principaux citoyens de la plus grande nation du monde.

Le premier consul,

Paris, le 27 Brumaire, An 10.

(Signé)

BONAPARTE.

(Moniteur, No. 176.)

INTÉRIEUR.

Paris, le 25 Ventóse.

Quand deux voisius sont en querelle ou en procès, il n'est pas rare de voir de bonnes âmes prendre le soin charitable d'attiser entr'eux la discorde. Ils les calomnient successivement l'un après l'autre, ils exagerent les torts, aigrissent les ressentimens, dissimulent les vérités, accumulent les mensonges, et bazile, sans pudeur, reçoivent volontiers des deux cotés le prix de leur lâcheté.

Si ces hommes divisés sont près de rapprocher, si, las de discorde, honteux d'avoir été injuste, ou sentant le besoin de vivre en paix, ils projettent une transaction ou un raccommodement, alors les diviseurs affligés, inquiets, redoublent leurs efforts malveillans, multiplient leurs diatribes mensongeres; ils n'ont jamais été vrais; mais ils négligent d'être vraisemblables; dans l'effroi que leur cause le retour de la concorde, ils veulent, en répandant plus activement leurs calomnies, retarder ce qu'ils désesperent d'empêcher, et semblables à ce malade condamné, qui se dépêchait de vivre, ils se dépêchent de mentir et de nuire.

Tel est le rôle que jouent en ce moment plusieurs journaux Anglais.

Rien n'est comparable à l'absurdité des nouvelles de France qu'ils débitent, à la fausseté des faits qu'ils publient, que la grossiereté des injures dont ils les assaisonnent. Ils poussent si loin ce systéme que, répéter ce qu'ils osent dire, c'est les punir assez ; les copier c'est les réfuter; ils sont à-peu-près comme ces hommes porteurs de figures mauvaises ou grotesques, il suffit de les montrer pour appeler sur eux le dégoût ou le ridicule.

Lorsqu'une partie de la dette, qui ne devait se consolider qu'à la paix, est déjà inscrit au grand livre, ces messieurs publient que c'est pour en rétarder la liquidation qu'on traine les négotiations en longueur.

Quand la France entiere ne veut que la consolidation de l'ordre actuel et le témoigne de mille manieres, ils disent que personne n'en est content.

Ils font de Barrere un secrétaire de légation; de Quinette, un maire; d'Ilauterive, un sous-secrétaire d'Etat: de Duval, un jacobin; de Letexier, un royaliste; de Toussaint-Louverture, un prédicateur, un homme d'état, un saint, un martyr, un rebelle.

Tandis que les Anglais, qui sont à Paris, briguent avec empressement, pour eux et leurs épouses, l'honneur de leur admission dans les sociétés de cette capitale, ils se font écrire que ces sociétés sont composées d'ignorans et de barbares, d'aventuriers et de brigands, de femmes sans honneur, sans chasteté, et même sans décence commune. Si on les en croit, les patriotes, c'est-àdire, ceux qui ne sont pas royalistes, les hommes de lettres et les artistes ne sont pas reçus chez les banquiers, lorsque ce sont, au contraire, les personnes tenant autrefois par leurs titres à la monarchie, qui, sans être exclus, s'y présentent rarement.

Ils donnent un Prince de la Maison d'Orange pour premier magistrat à la Batavie, et un Bourbon pour Roi à la France, quand la Maison d'Orange renonce par honneur au Stadthouderat, comme les Bourbons renoncent au trône par impuissance. Ils font donner par-tout à tous les nobles leurs anciens titres, tandis que, comme les francs-maçons, ils ne se reconnaissent ainsi qu'entr'eux, ou ne les reçoivent que de leurs valets.

Ils font crier Vive le Roi! aux habitans d'Amiens, qui, comme le reste des Français, respectent les nations dans leurs monarques, et n'en veulent pas pour eux.

Ils font venir à Paris, Joseph Bonaparte, qui n'a pas quitté le Département de la Somme, et préparer à Calais un pacqu bot pour la Marquis de Cornwallis, qui n'a jamais cru retourner à Londres avant la signature du traité.

Un jour ils comparent savamment les Français aux Moscovites, sous le Czar Pierre I; et Bonaparte à Charlemagne; et le lendemain ils font partir Bonaparte pour la République Italienne, et mettent les Français en insurrection contre le gouvernement.

Ils font marcher le Général Berthier à Rome, et désignent cette ville pour la capitale de la République Italienne, puis envoient le pape à Malte, et en font un grand maître de l'ordre de Saint Jean de Jérusalem.

L'éloignement de la capitale de deux femmes intrigantes et de quelques hommes turbulens, tous émigrés rentrés, est transformé en un mandat d'arrêt contre cinquante personnes.

Camille-Jordan, tranquille au sein de sa famille, à Lyon, où le consul l'a accueilli avec distinction; Imbert-Colomes, qui est à Bareuth; et Duval, qui est dans sa famille, sont, par décret du Times, réunis à Paris dans la même prison.

La Prusse, la Russie, l'Autriche, vont réclamer contre le résultat de la consulta de Lyon, contre l'organisation de la République Italienne, et le travail de la consulta va rallumer la guerre conti- · nentale, mais malheureusement pour les prophetes Anglais, le 15, le Marquis de Lucchesini, au nom du Roi de Prusse, félicite le Premier Consul sur ce résultat; le 18, M. de Comte de Cobentzel annonce au Premier Consul, que l'Empereur est disposé à ad

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