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au commerce propre de la Birmanie indépendante, il paraît pouvoir être évalué à 100 millions.

Il s'exporte de la vallée de l'Iraouaddy de grandes quantités de riz et de bois. de teck, du cachou, de la gomme laque, du caoutchouc, du coton, du pétrole et des pierres précieuses. Les principaux articles d'importation sont les cotonnades, les tissus de soie brochés, les foulards de soie, les tissus de soie et coton, les étoffes et articles de laine, les mousselines, les soies brutes, les fils de coton, les spiritueux, les poteries et porcelaines, les huiles et essences, les sucres, les provisions diverses, les ombrelles, les articles de Paris, les modes, les machines et les fers manufacturés.

Appréciant les ressources que pouvait offrir ce marché, la Chambre syndicale des négociants commissionnaires de Paris avait émis le vœu que le Gouvernement de la République créât des postes consulaires à Mandalay ainsi qu'à Rangoon. Le Parlement nous a mis en mesure de donner, en 1883, une première satisfaction à ce désir en votant le crédit que nous lui avons demandé pour l'établissement d'un vice-consulat dans la capitale de la Birmanie britannique. Quant à la création d'un poste à Mandalay, dont nous reconnaissons également l'utilité, nous avons attendu, pour y pourvoir, que la situation de notre agent et de nos nationaux dans la Birmanie indépendante fût garantie par des arrangements définitifs.

Dans ces conditions, les propositions que les envoyés du roi Thi-bô étaient chargés de nous soumettre ne pouvaient recevoir, de notre part, qu'une réponse favorable. Nous nous sommes, en conséquence, déclarés prêts à négocier avec l'ambassade Birmane une nouvelle convention, à la condition, toutefois, que la date à laquelle entrerait en vigueur le traité du 24 janvier 1873, serait préalablement fixée. L'accord s'étant fait sur ce point, le traité de 1873, aux termes d'une déclaration signée le 5 avril 1884 et promulguée au Journal officiel du 30 mai, a été mis en vigueur le 1er juin suivant.

Cet acte qui prévoit, d'ailleurs, la conclusion d'arrangements ultérieurs, ne contient que six articles. Il stipule, pour nos nationaux, nos agents diplomatiques ou consulaires et notre commerce, le traitement de la nation la plus favorisée, fixe à 5 0/0 de la valeur le maximum des droits de douanes qui pourront être perçus en Birmanie, tant à l'entrée qu'à la sortie, et porte que les contestations entre Français devront toujours être déférées au consul de France, et les contestations entre Français et Birmans à un tribunal mixte. Aux termes de l'article 5, chacune des Hautes Parties contractantes pouvait dénoncer ce traité, à tout moment, en prévenant l'autre une année à l'avance.

La mise à exécution de ce traité une fois obtenue, nous avons consenti à entrer en pourparlers sur la convention complémentaire que les envoyés Birmans avaient mission de conclure. En nous prêtant à cette négociation, nous nous sommes proposé tout d'abord d'assurer à nos intérêts en Birmanie une entière stabilité qui leur aurait fait défaut, si nous avions laissé subsister la disposition précitée de l'article 5 du traité de 1873, d'après laquelle la cour de Mandalay pouvait, par un acte de sa seule volonté, rompre, à bref délai, les liens établis entre les deux pays. Nous avons cherché, en outre, à préciser et à étendre, autant que le comportaient les instructions dont l'ambassade était munie, les garanties que nous avions stipulées, en termes généraux, pour nos nationaux et pour notre commerce, dans le traité préliminaire.

Sur le premier point, nous avons obtenu toute satisfaction. Il a été, en effet, convenu que la convention complémentaire ne pourrait être dénoncée que d'un commun accord (art. 21), et que le traité de 1873 serait exécutoire dans les mêmes conditions que le nouvel acte et ne pourrait, dès lors, prendre fin qu'avec notre assentiment (article additionnel à la convention du 15 janvier 1885).

Comme vous le savez, Messieurs, nos arrangements avec le Siam, la Chine et le Japon renferment des clauses analogues.

ARCH. DIPL. 1886.

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2o SÉRIE, T. XVII (79)

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D'un autre côté, des dispositions plus complètes que celles du Traité de 1873 ont été insérées dans la convention complémentaire, en vue de faire disparaître, autant que possible, les entraves qui se seraient opposées aux voyages et à l'établissement de nos nationaux en Birmanie ou à l'exercice de leur commerce et de leurs industries. Tel est l'objet des articles 1, 2, 3, 4, 8, 14 et 15. On remarquera, notamment, la clause de l'article 2 qui dispense les ressortissants français de se servir, en aucun cas, des courtiers royaux existant sur l'Iraouaddy ou sur les marchés birmans. La suppression de ces courtiers aura évidemment pour effet de rendre plus faciles et moins onéreuses les transactions entre acheteurs et producteurs.

Par l'article 5, le Gouvernement birman s'est, en outre, interdit de créer des monopoles ou d'en autoriser directement ou indirectement l'établissement. Les plénipotentiaires du Roi Thi-bô avaient longtemps insisté afin d'obtenir, au contraire, l'insertion d'une clause analogue à celle du traité anglo-birman de 1867 qui permet expressément l'établissement d'un certain nombre de monopoles. Les plaintes nombreuses auxquelles a donné lieu l'extension du système des monopoles, principalement dans ces dernières années, ne nous ont pas permis d'accéder à cette demande, sauf en ce qui concerne le thé destiné à être consommé à l'état frais, aliment national qui n'est l'objet d'aucun commerce hors des pays habités par des populations birmanes. Le principe de l'interdiction des monopoles ayant été formellement accepté par les envoyés birmans, nous avons pu d'autre part, admettre la disposition finale de l'article 5 qui laisse au Roi la faculté de passer des contrats de concession pour l'exploitation des forêts et des mines qui se trouvent sur son domaine privé.

Quant aux droits de douane qui pourront être perçus en Birmanie sur les produits échangés entre les deux pays, nous avons obtenu que, conformément au traité de 1873, le maximun en resterait fixé à 5 0/0 de la valeur jusqu'en 1895. La seule exception à laquelle nous ayons consenti, concerne l'opium, qui pourra être frappé d'un droit de 30 0/0 cet article n'est d'ailleurs consommé qu'en faible quantité en Birmanie. Pour la période postérieure à 1895, il a été convenu que le maximum des droits de douane auxquels nos échanges pourraient être soumis ne dépasserait, en aucun cas, 10 0/0 de la valeur, conformé ment à une disposition du traité signé, en 1867, entre l'Angleterre et la Birmanie. La faculté de relever les droits de douane jusqu'à 10 0/0 n'est, d'ailleurs, reconnue au Gouvernement de Mandalay qu'à la condition de tenir compte des besoins du commerce et de nous communiquer à Paris, six mois à l'avance, les nouveaux tarifs qu'il se proposerait d'établir et que nous nous réservons ainsi le droit de discuter (art. 6).

L'article 9 nous assure, en outre, et à toute époque, le bénéfice des réductions de taxes et de tous les avantages qui seraient concédés à une tierce puissance. En échange de ces concessions, nous accordons à la Birmanie le traitement de la nation la plus favorisée, tant en France que dans nos possessions ou colonies (Art. 9 et 16).

En dehors des articles 11, 12 et 13, qui sont relatifs aux règlements de navigation sur l'Iraouaddy et qui ont été insérés à la demande des envoyés Birmans, il ne nous reste à signaler que les dispositions des articles 17, 18 et 19. Le premier de ces articles nous confère le traitement de la nation la plus favorisée en matière de juridiction criminelle jusqu'à présent, la cour de Mandalay n'a consenti, à cet égard, aucun avantage particulier aux autres pays, mais il nous a paru nécessaire de réclamer ceux qu'elle pourrait être amenée à concéder à une tierce puissance. Quant aux articles 18 et 19, ils règlent la poursuite des crimes commis sur le territoire de l'un des deux Etats par un ressortissant de l'autre, arrêté dans son propre pays, ainsi que l'extradition des Français réfugiés en Birmanie et des Birmans réfugiés en France ou dans nos possessions. L'insertion de ces clauses nous a semblé utile, en raison de la proximité de la Birmanie et des régions de l'Indo-Chine placées sous l'action de la France.

CORRESPONDANCES, DEPECHES, NOTES

COMMISSION INTERNATIONALE

POUR

RÉGLEMENTER LE LIBRE USAGE DU CANAL DE SUEZ

PROTOCOLE N° 1

Les Gouvernements d'Allemagne, d'Autriche-Hongrie, de France, de Grande-Bretagne, d'Italie, de Russsie et de Turquie, ayant reconnu l'urgence de consacrer par un Acte conventionnel l'établissement d'un régime définitif destiné à garantir, en tout temps et à toutes les Puissances, le libre usage du canal de Suez, ont résolu de confier le soin de préparer et de rédiger cet Acte à une Commission composée de Délégués de chacun desdits Gouvernements, de Délégués de l'Espagne et des Pays-Bas et d'un Délégué de l'Egypte, ce dernier ayant seulement voix consultative. La Commission ainsi composée s'est réunie à Paris, au palais du quai d'Orsay, le 30 mars 1885, à une heure.

Etaient présents:

Pour l'Allemagne M. de Derenthall, Agent et Consul général d'Allemagne en Egypte; M. le Baron de Rotenhan, Conseiller de l'Ambassade d'Allemagne à Paris.

Pour l'Autriche-Hongrie M. le Baron de Haan, Consul général d'Autriche-Hongrie à Constantinople.

Pour l'Espagne : M. Angel Ruata, Ministre d'Espagne au Japon.

Pour la France: M. Billot, Conseiller d'Etat, Ministre Plénipotentiaire, Directeur des Affaires politiques au Ministère des Affaires étrangères; M. Camille Barrère, Ministre Plénipotentiaire, Chargé de l'Agence et Consulat général de France en Egypte.

Pour la Grande-Bretagne

Sir Julian Pauncefote, Sous-Secrétaire d'Etat permanent au Foreign-Office; Sir Charles Rivers Wilson, Contrôleur Général de l'Office de la Dette nationale.

Pour l'Italie M. Ressman, Ministre Plénipotentiaire, faisant fonctions de Conseiller de l'Ambassade d'Italie à Paris.

Pour les Pays-Bas M. M.-H. Jansen, Membre du Conseil d'Etat néerlandais; M. Asser, Professeur à l'Université d'Amsterdam et Conseiller du Ministère des Affaires étrangères à La Haye.

Pour la Russie M. Hitrovo, Chambellan de S. M. l'Empereur de Russie, Agent et Consul général de Russie en Egypte.

Pour la Turquie Tevfik-Bey, Ministre de Turquie à Athènes; le Général de brigade Husny-Pacha.

Pour l'Egypte Fakhry-Pacha, Délégué avec voix consultative.

M. Jules Ferry, Président du Conseil, Ministre des Affaires étrangères du Gouvernement de la République française, qui a tenu à souhaiter luimême la bienvenue aux Délégués des Puissances, prononce le discours

suivant :

Messieurs,

a C'est un grand honneur pour moi et une satisfaction profonde de saluer ici, au nom de la France, les Délégués des Puissances européennes, en inaugurant les travaux de cette assemblée, où tant de talents sont réunis, et à laquelle s'attachent de si hautes et si légitimes espérances. Vous n'êtes pas, en effet, Messieurs les Délégués, une Commission purement technique, appelée à résoudre avec la compétence spéciale qui vous appartient des questions d'ordre secondaire; le mandat qui vous a été donné est plus élevé et plus étendu: il vous met en face d'un des problèmes fondamentaux de la politique générale; vous êtes appelés à ajouter une pierre de plus à l'édifice nouveau que l'Europe pacifique et prévoyante s'efforce de construire pour mettre à l'abri des compétitions violentes et stériles dont l'histoire du passé est pleine, et assujettir à des règles précises et juridiques ce mouvement universel et en quelque sorte irrésistible d'expansion coloniale qui emporte à cette heure l'activité de toutes les nations.

Ces grandes vues d'avenir pacifique et de civilisation, qui se sont déroulées avec tant d'ampleur devant la Conférence de Berlin, sont aussi celles qui vous inspireront dans le champ plus restreint, plus pratique et peut-être plus brûlant, qui s'offre aujourd'hui à vos réflexions.

« Le canal de Suez fut une conception de génie, mais ni le Français, illustre entre tous, dont elle fait la gloire, ni la France, qui eut, la première, foi dans l'entreprise et l'a vraiment fondée par le concours de ses épargnes, n'en ont jamais perdu de vue le caractère essentiellement universel, européen, humanitaire. C'est pour affirmer d'une façon claire et définitive ce caractère d'internationalité que le Gouvernement de la République française, d'accord avec les grandes Puissances et avec la Puissance souveraine, a convoqué cette réunion. Des programmes ont été préparés et vous seront soumis; mais, vous le savez, la liberté d'études et de propositions ici est absolue, la libre recherche est la première condition de tout échange de vues dans un sujet qui se rattache à tant et de si grands intérêts, qui met en présence des droits anciens et des idées neuves, qui touche aux devoirs des belligérants, comme aux droits des neutres, qui intéresse à un haut degré la puissance territoriale et qui doit concilier, dans une mesure juridique qui reste à déterminer, la neutralité et la liberté du passage. La France, qui défend avant tout, dans les questions égyptiennes, l'action bienfaisante de la solidarité internationale, salue en vous, avec confiance, Messieurs, les ouvriers d'une grande œuvre. »

Sir Julian Pauncefote remercie le Président du Conseil, au nom de ses Collègues, des paroles qu'il a prononcées et de l'accueil bienveillant qu'il a fait aux Délégués. Il lui assure que ses Collègues et lui feront tous leurs efforts pour mener à bonne fin la tâche qui leur a été imposée, tâche éminemment pacifique et civilisatrice; ils sont heureux de se réunir pour ce travail dans la capitale de la France; c'est un hommage que les Puissances ont sans doute voulu rendre au génie français, qui sera toujours associé dans l'histoire à la grande création du canal de Suez..

M. Jules Ferry s'étant retiré, sir Julian Pauncefote propose à la Conférence de confier au premier Délégué de France la présidence de ses travaux. Cette proposition obtient l'assentiment de tous les Délégués.

M. Billot accepte la présidence et demande à la Commission d'achever de se constituer en prenant pour secrétaires M. Cogordan, sous-directeur à la direction politique du Ministère des Affaires étrangères à Paris, et l'honorable Francis H. Villiers, second secrétaire d'ambassade, attaché au Foreign-Office. Les Délégués ayant donné leur adhésion, M. Cogordan et M. Francis H. Villiers sont introduits dans la salle des séances et sont présentés aux Délégués; puis M. Billot prend la parole en ces termes :

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Messieurs,

En appelant à la présidence un Délégué de la France — du pays où la Commission internationale est réunie, vous vous êtes conformés à la tradition diplomatique. Je n'en suis pas moins reconnaissant de l'honneur que vous m'avez fait, et j'ai le sentiment profond de la responsabilité qui m'incombe; c'est dire que je m'efforcerai de répondre à votre confiance, en apportant dans la direction impartiale de nos débats l'esprit de conciliation et d'entente dont nous sommes tous animés et qui est nécessaire au succès de l'œuvre d'intérêt universel à laquelle nous allons collaborer.

L'objet de nos délibérations a été rappelé tout à l'heure par M. le Président du Conseil, mais on doit se reporter à la déclaration signée à Londres, le 17 de ce mois, pour trouver la formule précise de notre mandat. Il s'agit pour nous de préparer et de rédiger, en prenant pour base la circulaire du Gouvernement anglais du 3 janvier 1883, un Acte conventionnel < consacrant l'établissement d'un régime définitif, destiné à garantir en tout temps et à toutes les Puissances le libre usage du canal de • Suez. »

« La Déclaration de Londres porte en outre que « le projet rédigé par la • Commission sera soumis aux Puissances. »

« Nos conclusions n'auront donc pas un caractère définitif et n'engageront pas nos Gouvernements. Nous n'en avons que plus de latitude pour examiner librement toutes les questions juridiques, maritimes, commerciales et politiques, qui se rattachent par un lien étroit au problème si complexe de la liberté du canal de Suez. Nous n'en sommes que mieux placés pour combiner les éléments d'une solution complète et pour aviser, sans porter atteinte aux droits acquis, aux moyens pratiques de maintenir toujours ouverte la voie internationale que le monde doit au persévérant génie de M. Ferdinand de Lesseps et à la Compagnie de Suez.

Pour faciliter le travail de la Commission, le Gouvernement français a fait préparer un projet d'arrangement qui va vous être distribué, et pourra, si vous le voulez, servir de base à nos études. Ce n'est pas un cadre fixe dans lequel on prétend circonscrire ses délibérations. Dans les négociations de Londres, il a été bien entendu qu'en acceptant pour programme

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