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ment malgache sait bien ce qui lui appartient. C'est pourquoi, comme c'est une question difficile, vous avons-nous proposé de la trancher par une question d'argent. Tsimiharo avait disposé de biens qui ne lui appartenaient pas : il aurait pu aussi bien disposer de tout Madagascar.

M. Baudais. Nous retombons toujours dans le même cercle vicieux et je vois que le désir de M. le Gouverneur est de déplacer la discussion. Je dois pourtant vous dire que nous ne transigerons pas là-dessus. Ces traités sont valables à notre point de vue. La question en ce moment est de savoir où il vous convient de reporter le 16o parallèle.

Nous vous avions promis de vous rendre Majunga; mais si, à votre tour, vous refusez absolument de nous faire des concessions, nous reprendrons notre promesse. Le traité n'est pas signé comme vous nous l'avez dit et nos paroles ne constituent en rien un engagement

M. Rainandrianamanpandry. C'est une question très difficile à traiter, voilà pourquoi nous vous proposons d'autres bases.

M. Baudais.

Nous vous avons déjà plusieurs fois répété que nous ne pouvions pas les accepter.

M. Rainandrianamanpandry.

Je ne tiens pas à me répéter, mais vous savez combien il est difficile, à cause du peuple, de toucher à la question de territoire. Nous pourrions parler de Nossi- Mitsiou et de Nossi-Faly.

M. Baudais.

Vous tournez la discussion, et depuis le commencement de cette séance vous ne nous avez même pas fait une proposition qui ait rapport au 16° parallèle.

M. Rainandrianaman pandry.

les Ambassadeurs?

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De quels territoires a-t-il été question avec

Des territoires qui font partie des traités.

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M. Rainandrianamanpandry. Quelles sont les limites de ces territoires? M. Baudais. On a dû le faire voir aux Ambassadeurs.

M. Rainandrianamanpandry. - Oui, mais rien n'a abouti.

--

M. Baudais. Nous sommes étonnés que le gouvernement malgache n'ait pas envoyé MM. Rainivoninahitrianarivo et Ramaniraka pour traiter cette question. S'ils avaient été ici, ils ne nieraient pas cette déclaration; peut-être est-ce pour ne pas la nier eux-mêmes qu'ils ne sont pas venus, trouvant plus facile de la faire nier par une tierce personne.

M. Rainandrianamanpandry.

A mon avis, cela ne fait rien; ce qui importe, c'est d'arriver à un arrangement. Les Ambassadeurs sont allés deux fois à Paris sans pouvoir s'arranger.

M. Baudais. C'est vrai, mais s'ils avaient été ici, ils ne nieraient pas qu'ils s'étaient engagés à retirer les postes hovas de ces endroits. Voilà pourquoi nous déplorons leur absence. Vous avez oublié tout à l'heure de nous parler des conditions qui avaient été remises aux Ambassadeurs à leur départ de France, et nous avons lieu de nous étonner qu'un plénipotentiaire qui vient traiter une question aussi grave ne soit pas au courant de tout ce qui peut s'y rapporter.

M. Rainandrianamanpandry.

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Je vous ai dit que nous les connaissions. M. Baudais. Non, vous les ignorez, puisque vous niez la reconnaissance faite par vos Ambassadeurs à Paris. M. Rainandrianamanpandry.

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Je voulais dire que j'ignorais le Livre jaune

M. Baudais. Cela nous fait regretter une fois de plus la présence des Ambassadeurs et le temps perdu en discussions stériles.

M. Rainandrianamanpandry revient à Tsimiharo et dit qu'il a disposé de ce qui ne lui appartenait pas.

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Si vous demandiez à un marin quelconque, anglais, américain ou allemand, ce qu'est la côte nord de Madagascar, il vous répondrait que c'est la terre française.

M. Rainandrianamanpandry demande qui a perçu les droits de douane sur ces territoires.

-

L'Amiral et M. Baudais. Nous ne suivrons pas M. le Gouverneur sur ce terrain. C'est parce que c'est, ainsi qu'il l'a dit lui-même, une question délicate, que nous avons fait une rédaction où il n'est pas question de cession de territoire. Dites-nous si vous y consentez?

M. Rainandrianamanpandry. - Vous avez dit tout à l'heure que vous ne vouliez prendre ni le tout ni une partie de Madagascar, et maintenant vous nous demandez de fixer la limite d'un territoire !

-

M. Baudais. Nous ne prenons rien. Ce que nous désirons, c'est que les populations placées sous notre protectorat soient à l'abri de toute agression de votre part.

L'Amiral.

Le jour où nous prendrions quelque chose, il ne vous resterait pas grand'chose, car nous ou d'autres prendrions le tout. M. Rainandrianamanpandry.

Quand on a fait un traité, on n'a pas parlé de faire retirer les postes hovas établis depuis 1824 sur ces territoires. M. Baudais. Si nous avons été tolérants depuis 1824, ce n'est pas une raison de l'être toujours.

M. Rainandrianamanpandry.

Considérez que nous avons vaincu ces populations en 1824 et que votre traité avec Tsimiharo ne date que de 1841. L'Amiral. Je vous ferai observer que si vous invoquez les conquêtes de Radama Ier, nous pourrions aussi invoquer nos conquêtes actuelles. M. Rainandriamanpandry. Puisque vous ne voulez pas prendre ce pays, laissez-le nous pour le gouverner.

L'Amiral.

Vous n'y avez pas un seul village ni une population de même race que la vôtre. De plus, vous y êtes constamment en guerre. M. Rainandrianaman pandry.

Je le répète encore, les douanes de ce pays nous rapportent beaucoup; un grand nombre de Hovas y possèdent en outre des biens considérables. Pouvons-nous sacrifier tout cela?

M. Baudais. En quoi consistent tous ces biens? en boeufs? mais tous les bœufs appartiennent aux Sakalaves. D'ailleurs, je ne vois pas en quoi les biens des Hovas seraient en danger parce que nous aurions fait cesser cet état de guerre.

L'Amiral. Du jour où les postes seraient retirés, les hostilités existantes cesseraient. Vous n'y avez presque personne, et de même que je sais le nombre d'hommes qui se trouvent à votre camp, de même je sais là quantité de soldats que vous avez dans ces territoires. J'ai à ce sujet des renseignements certains. Les Sakalaves sont des gens très pacifiques que vous maintenez par la terreur. Mais ne nous égarons pas dans cette discussion et revenons à notre première question. Nous attendons votre réponse.

M. Rainandrianamanpandry. Nous voudrions bien nous entendre, mais il est très difficile de désigner et d'indiquer sur la carte des territoires. Nous regrettons profondément de ne pouvoir vous donner des limites exactes. Si nous le faisions, nous causerions d'amers regrets dans le peuple.

Tsimiharo vous a donné ce qui lui appartenait pas. Cependant dites-nous vos dernières propositions.

M. Baudais. C'est une question grave et difficile, soit; mais il faut pourtant la régler. Quant à la volonté du peuple, il faut ne pas avoir habité ce pays pour ne pas savoir que le peuple n'a d'autre volonté que celle du Premier Ministre. Le peuple n'est rien, la Reine est tout.

M. Rainandrianamiaupandry. -- Quoique la question ne soit traitée qu'entre nous, c'est comme si elle était traitée avec le gouvernement. Les grands du Royaume out des biens sur ces territoires, et, si nous nous interdisions d'y aller, ce serait bientôt le repaire des voleurs et des esclaves fugitifs.

M. Baudais.

N'y a-t-il pas tous les jours des esclaves qui s'enfuient chez les populations insoumises du Sud, et le gouvernement de Tananarive les y poursuit-il ?

M. Rainandrianamanpandry. - Cela causera des troubles dans le peuple. M. Baudais. Cela n'en causera-t-il pas davantage de voir Tamatave et Majunga et d'autres points occupés, et la guerre peut-être durer dix ans ?

M. Rainandrianamanpandry, Il est de mon devoir de vous dire ce qui peu me paraître utile ou nuisible au peuple.

L'Amirai. A côté des inconvénients que vous nous signalez, nous vous montrons aussi ceux dont vous êtes menacés.

M. Rainandrianamanpandry. - Que vont devenir ces populations sakalaves? Elles demeureront sauvages et livrées à elles-mêmes.

L'Amiral.

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Elles n'en seront que plus libres de labourer, de travailler et faire du commerce.

M. Rainandrianaman pandry. Puisque vous protestez de vos bonnes intentions à notre égard, considérez notre désir d'indépendance.

L'Amiral et M. Baudais. Mais notre rédaction sauve votre indépendance et votre dignité. Nous ne hissons pas le plus petit pavillon, nous ne prenons pas même un pouce de terrain. Si nous nous emparions de la pointe Hastie, nous comprendrions vos susceptibilités; mais il ne s'agit de rien de tel.

M. Rainandrianaman pandry. Mais à qui alors seront ces territoires?

M. Baudais.

Aux Sakalaves.

M. Rainandrianamanpandry.

Quel résultat en espérez-vous?

M. Baudais. — Là n'est pas la question. Nous avons des traités, nous les ferons observer. La civilisation hova pénétrera toujours assez chez eux.

M. Rainandrianamanpandry. Vous ne voulez pas parler du traité Tsimiharo, et c'est là pourtant l'origine de tout.

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- Le gouvernement hova n'a pas à discuter ce traité.

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M. Rainandrianamianpandry. — Si vous nous l'imposez par la force, il faudra bien cesser de le discuter.

M. Baudais. Il me semble que nous ne songeons guère à employer la force. Désignez-nous un parallèle, c'est tout ce que nous vous demandons.

M. Rainandrianamanpandry. de conclure avec vous ce traité.

Franchement, Tsimilaro n'avait pas le droit

L'Amiral. Laissons le traité Tsimiharo de côté. Nous avons des engagements vis-à-vis des tribus sakalaves; ces engagements sont pour nous un devoir sacré et nous n'y faillirons pas. L'Europe connaît ce protectorat et nous reprocherait d'abandonner les tribus qui en sont l'objet.

M. Rainandrianamanpandry. Mais vous n'avez jamais fait acte de protectorat.

M. Baudais. Ce fut un tort, sans doute; nous aurions dû, dès 1841 et 1842, chasser tous les postes hovas.

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M. Rainandrianamanpandry. Les nations européennes savent bien que votre protectorat ne s'est jamais étendu ailleurs que chez Tsimilaro. Ce protectorat que vous n'avez jamais exercé, vous pouvez facilement l'abandonner, en vous contentant des endroits où vous l'avez fait sentir effectivement. Votre amitié pour nous vous a fait tolérer longtemps nos gouverneurs : pourquoi revenir sur ces façons d'agir?

M. Baudais. En effet, nous nous sommes montrés tolérants; aussi en avezvous abusé; chaque année vous avez créé de nouveaux postes jusqu'en face de Nossi-Bé; vous avez essayé de détacher de nous les chefs sakalaves et de les attirer à vous. A vous donc la responsabilité de ce qui arrive. Nous sommes à bout et nous voulons que cela cesse.

M. Rainandrianamanpandry. qu'ils ne vous fussent cédés.

Nous étions maitres de ces territoires avant

M. Baudais. De ce que nous avons toléré vos postes, il n'en résulte pas un droit pour vous.

L'Amiral. N'oubliez pas d'ailleurs que nous connaissons aussi l'histoire de Madagascar. Il ne faut pas chercher à nous en imposer avec cette conquête de 1824. Nous savons fort bien qu'à cette époque, Radama Ier a fait des guerres heureuses à un certain nombre de chefs du Nord; mais de là à une conquête définitive, il y a loin. Aujourd'hui nous consentons à traiter. Nous vous demandons quelque chose de simple, pourquoi nous égarer dans des discussions sté

riles? Vous êtes assez éclairés pour comprendre tous les avantages de la rédaction que nous vous proposons.

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M. Rainandrianamanpandry. accepter nos bases de négociations? L'Amiral. — Lesquelles?

Nous avons exposé nos idées. Voudriez-vous

M. Rainandrianamanpandry. Celles que je vous ai exposées lors des précédentes conférences.

M. Baudais. Cela ne peut continuer. Vous affectez de ne pas comprendre que nous ne voulons pas d'argent: cela ne fait que retarder la discussion. M. Rainandrianamanpandry. Veuillez y réfléchir; nous réfléchirons aussi

de notre côté.

M. Baudais. — Mais nous étions convenus de ne pas nous séparer sans avoir conclu sur ce premier article.

M. Rainandriauamanpandry. - Je demande à réfléchir jusqu'à la prochaine

conférence.

M. Baudais. — C'est contraire à nos conventions et contraire à tous les usages. Nous pouvons suspendre un instant la séance; cela vous suffira, car vous devez ètre assurément tout à fait éclairés.

M. Rainandrianamanpandry insiste sur le renvoi en exprimant ses regrets de n'avoir pu conclure sur ce premier article. Devant ce parti pris, les Plénipotentiaires français sont forcés de s'incliner.

La séance est levée à 1 heure un quart.

La Conférence s'ajourne au samedi 23 février, à 9 heures du matin.

ANNEXE III A LA DÉPÈCHE DE TAMATAVE EN DATE DU 13 MARS 1884

Traduction du discours du premier plénipotentiaire
Rainandrianamanpandry lu le samedi 23 février 1884

Messieurs, dans l'entrevue de jeudi dernier, 21 février, vous nous avez dit que vous nous laissiez Majunga et les territoires environnants, parce que c'était un grand port ayant de l'intérêt pour le Gouvernement de Madagascar. Nous avons entendu votre déclaration.

Quant aux territoires jusqu'au 16o parallèle, vous dites que vous les avez obtenus par la donation que vous en a faite Tsimiharo en 1841 et 1842. Nous vous avons déclaré que ces territoires, que vous dites vous avoir été donnés par Tsimiharo, n'appartenaient pas à Tsimilaro: il n'a nullement régné sur ces territoires; c'est Radama Ier, roi de Madagascar, qui a conquis ces contrées et les a soumises à son Gouvernement; il y a établi des gouverneurs et des soldats pour les commander et les gouverner. Ils ont perçu les droits de douane et les impôts sur ces territoires, et cela depuis 1824 jusqu'à présent.

Vous dites que la donation vous en a été faite par Tsimiharo en 1841 et 1842, mais le souverain de Madagascar y régnait depuis dix-sept ans à l'époque où vous dites que vous avez fait à cet égard des arrangements avec Tsimiharo. On voit par là clairement que Tsimiharo vous a donné ce qui ne lui appartenait pas : Tsimiharo n'a nullement régné sur ces contrées et n'en était pas le maître.

Si quelqu'un donne à un autre ce qui ne lui appartient, la donation est nulle. Et nous avons fait la comparaison suivante : « Si je donne à M. Campan le chapeau d'Andriantasy, je donne ce qui n'est pas à moi; Andriantasy ne saurait y consentir». C'est pour cela que nous ne pouvons consentir à la chose.

Néanmoins, vu le désir du Gouvernement de Madagascar de vivre de nouveau en bonne intelligence avec le Gouvernement français, bien que nous sachions que la possession des îles voisines est utile à la défense de Madagascar, nous consentons à ce que Nossi-Mitsiou et Nossi-Faly soient au Gouvernement de la République française.

Vu la condescendance envers la France, qui consent à traiter avec nous en

ce moment au lieu d'employer la force, nous pensons que cela lui donnera satisfaction et ne la fera pas rougir, c'est-à-dire que sa dignité ne sera pas blessée devant les autres nations, car elle aura obtenu des terres dépendant de Madagascar. Vous nous avez dit d'ailleurs que la France ne cherchait à prendre ni tout Madagascar, ni même une partie, mais qu'elle voulait le placer dans l'état d'indépendance.

Nous vous déclarons à notre tour que nous traiterons bien ces Sakalaves; nous ne les châtierons pas, nous les civiliserons et les améliorerons comme les autres sujets malgaches.

Nous consentons à faire du bien aux sujets français, à leur accorder le respect qui leur est dû et selon notre possible; ils ne seront pas moins bien traités que ceux de la nation la plus favorisée.

Pour traduction exacte :

Le Chancelier,
CAMPAN.

ANNEXE IV A LA DÉPÊCHE DE TAMATAVE EN DATE DU 13 MARS 1884

Séance du 23 février 1884

La séance est ouverte à 8 heures 45 minutes.

Tamatave, le 23 février 1884.

L'Amiral Galiber. Messieurs les Plénipotentiaires, nous sommes disposés à écouter le résultat de vos réflexions, et nous vous prions de nous répondre au sujet de la question que nous vous avons posée dans la dernière séance. M. Rainandrianamanpandry. Lorsque nous nous sommes séparés jeudi, nous vous avions priés également de réfléchir à ce que nous avions dit, et si vous voulez nous faire connattre vos réflexions, nous vous écouterons avec plaisir.

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L'Amiral. C'est nous qui avons à entendre de vous une réponse nette et catégorique à une question que nous avons posée. M. le Commissaire du Gouvernement vous l'a exposée dans la dernière séance d'une façon claire et précise, et il ne nous reste plus qu'à vous écouter.

M. Rainandrianamanpandry.

Nous sommes prêts à répondre, mais comme nous vous avions aussi priés de réfléchir, nous aurions aussi écouté vos réflexions.

L'Amiral. Nos réflexions sont déjà faites depuis longtemps. M. Rainandrianaman pandry. Nous vous prions d'écouter ce que nous avons écrit sur le papier, parce que toute notre pensée s'appuie sur cet

écrit.

L'Amiral.
M. Rainandrianamanpandry.

Avez-vous la traduction de ce discours?

duire.

M. Campan aura la bonté de vous le tra

L'Amiral demande que la traduction soit faite phrase par phrase. M. Rainandrianamanpandry demande à lire d'abord son discours en entier et à en faire la traduction après.

L'Amiral. Soit, comme vous le voudrez.

M. Rainandrianamanpandry lit un discours qu'il remet ensuite à l'Amiral et à M. Baudais.

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M. Baudais. Nous prenons cette pièce quoiqu'elle soit parfaitement inutile, attendu qu'elle n'est que la répétition exacte de ce qu'a dit M. le Gouverneur dans la dernière séance et que nous l'avons entre les mains de nos secrétaires. Nous attendions une réponse, et ce discours n'en est pas une. Cette discussion

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