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téte de laquelle reposerait la fortune rassemblée en vue du but social. La responsabilité limitée des individus s'explique par la limitation des pouvoirs donnés aux administrateurs, limitation exprimée d'une manière apparente par la firme. » (1)

On s'est encore demandé si la sortie de la société libère complètement l'associé de tout engagement. La jurisprudence a répondu que les droits et les obligations doivent être réciproques et que ceux qui ont cessé d'avoir droit à l'actif social ont, par le fait même, cessé d'être tenus du passif (2).

« Le sociétaire, dit M. Dain, qui donne sa démission, renonce par cela même aux cotisations qu'il a versées et aux droits qu'il pouvait avoir dans l'association. Il est donc raisonnable de supposer qu'en acceptant cette renonciation, les autres sociétaires ont voulu implicitement dégager le confrère, dont ils ont accepté la démission, des obligations qu'il avait consenties. - Réciproquement, il faudra décider que les nouveaux sociétaires seront tenus

(1) SEUFFERT, Archiv. XXVII, 5.

Voir ce que nous disons plus haut, p. 50.

Cpг. STOBBE, Handb.d. deutsch. Privatrechts, Berlin, 1871, § 61.

(2) Liège. Just. de paix, 23 janvier 1858 et Tribunal, 14 mars 1859 Cloes, t. VIII, p. 981 et 983. belge, Cpr. un arrêt de la cour de cass. du 29 juillet 1858, Pas., 1858, I, p. 223 et un arrêt de la cour de Paris du 28 janvier 1868 (Sirey, 1869, II, p. 105), en vertu duquel « est valable la clause des statuts d'une société civile qui, en soumettant le cessionnaire d'une part d'intérêt à toutes les obligations de l'associé cédant, stipule que ce dernier sera déchargé de toute contribution aux dettes contractées, même antérieurement à cette cession par la société. Voir la note de M. LYON-CAEN sur cet arrêt dans le Sirey, et les observations de M. BEUDANT, dans la Revue critique, t. XXXIV, p. 149. Toutes les lois sur les sociétés coopératives ont décidé que les sociétaires, démissionnaires ou exclus, resteraient personnellement tenus, dans les limites de leurs engagements et pendant un certain nombre d'années, des obligations contractées par la société à l'époque de leur démission ou de leur exclusion. Art. 52, loi française du 24 juillet 1867; art. 39 loi allemande du 4 juillet 1868 et art. 98 loi belge du 18 mai 1873.

des engagements contractés avant leur admission dans l'association. Les membres nouveaux qui ont demandé à faire partie de la société, entendent vraisemblablement accepter leur part des charges qui pesaient sur elle au moment de leur admission. >>

Ce système a été consacré par un très intéressant arrêt de la cour allemande de Giessen, dans lequel on déclare :

"Qu'il y a actuellement une foule de sociétés qui, sans toutefois constituer des personnes morales, continuent à subsister, en dépit du changement incessant de leurs membres, et dont les droits pécuniaires passent des membres sortants aux membres nouveaux sans une cession conçue en termes exprès; que cette situation est reconnue d'une manière générale par les habitudes de vivre du peuple allemand; que de semblables sociétés existent partout sous la forme d'associations d'agrément ou d'assurances, de caisses pour loteries, etc.; que le caractère propre de ces sociétés consiste dans ce fait que le membre sortant doit abandonner sa mise à la collectivité qui subsiste, que le nouveau membre acquiert une participation dans les droits sociaux sans une cession (expresse) de la part des autres associés, et que le patrimoine social appartient toujours aux membres actuels de l'association, que d'ordinaire les rapports juridiques des membres de la société sont réglés par un contrat formel ou par les statuts auxquels chaque sociétaire se soumet; que, néanmoins, le contrat d'association pouvant être forme non seulement d'une manière expresse, mais encore d'une manière tacite, il faut en conclure que les modifications aux principes de la societas (romaine), commandées par le droit germanique peuvent aussi être déduites d'une reconnaissance tacite, du but de l'association ou de la nature des choses (1). »

3o. Du partage.

La doctrine que nous avons exposée, résout de la manière la plus simple les difficultés relatives au partage de l'actif social. Un associé donne sa démission ou est exclu

(1) SEUFFERT, Archiv. XX, 261. Cpr. RoтH, Zur Lehre von der Genossenschaft, München, 1876, p. 88.

de la société ; il n'a pas le droit de demander la liquidation de l'avoir commun, car il n'y a plus pour lui d'avoir commun. D'après les statuts ou d'après l'usage et l'équité, il a cessé d'être propriétaire de quoi que ce soit le jour où il est sorti de l'association (1). Et qu'il n'aille pas déplacer le débat et protester contre son exclusion: si celleci s'est faite suivant les prescriptions des statuts, elle n'est que l'exécution d'un contrat légitime et l'on ferait de vains efforts pour la faire rapporter par l'autorité judiciaire.

S'agit-il d'un sociétaire malveillant qui, pour contrarier ses coassociés et leur rendre la vie impossible, demande, lui aussi, le partage de l'avoir social, se fondant sur ce qu'il est encore membre de l'association et sur ce qu'il ne saurait être permis, en vertu de l'article 815 du code, de forcer un propriétaire à rester dans l'indivision (2)? A cet importun, on répondra qu'il veut mettre fin à la société par une renonciation de mauvaise foi et faite à contre-temps (art. 1870 C. civ.); qu'il est peut-être, en vérité, propriétaire indivis de certains meubles appartenant à la collectivité, mais qu'en acceptant les statuts, il a pris certains engagements vis-à-vis de ses coassociés; qu'entre eux et lui, il s'est formé un contrat innommé, réel, légitime, et qu'en vertu des clauses de ce contrat les associés ne peuvent, en demandant intempestivement le partage, empêcher l'association de vivre. Quant à l'article 815 du code, on peut le mettre hors de cause. « Cet article, ainsi que le dit parfaitement M. Laurent (3),

(1) Louvain, 14 juin 1850, Belg. jud., 1860, p. 1416.

(2) Termonde, 18 décembre 1851, Belg. jud., 1852, p. 93.

(3) Principes, t. X, p. 264, no 233. RAVELET, Traité des congrégations religieuses, Paris, 1869, p. 269, no 239. Cpr. Cassat. belge, 12 juin 1841, Pas., 1841, I, 223; Cassat. franç., 6 février 1872, SIREY, 1872, I, p. 8.

Une polémique s'est élevée en 1868 sur ce point entre MM. JACOBS et

ne concerne

que les cas où l'indivision résulte d'une communauté de fait, sans concours de consentement entre les propriétaires, sans but commun: telle l'hérédité, de quelque nature qu'elle soit, ab intestat, testamentaire ou contractuelle. » L'article ne s'applique donc pas à notre espèce. Les raisons qui ne permettent pas de consacrer pour un long délai le maintien d'un état purement passif d'indivision ne sauraient être invoquées lorsque la communauté n'est qu'un moyen pour arriver à un but poursuivi par tous les associés, but exclusivement lucratif dans la société civile, lucratif et moral dans la communauté entre époux, scientifique, d'agrément ou de charité dans les autres associations.

En cas de désaccord, la dissolution du cercle ne peut, d'après la jurisprudence française, être prononcée que par la majorité des membres, et les dissidents n'ont que la faculté de se retirer sans prendre aucune part du mobilier (1).

4° Du droit d'ester en justice (4).

Pour éviter d'être repoussé par l'exception « personne ne plaide par procureur », les associés ne réclameront, en

ALLARD. JACOBS, La propriété en commun d'après le Code civil, Revue générale, Bruxelles, t. VIII et IX, 1868 et 1869. ALLARD (AL.), De la convention d'indivision, Belgique judiciaire, 1869, p. 465.

(1) Aix, 20 mars 1873, Sirey, 1875, II, p. 103.

Sur les clauses qui concernent la durée des associations, voir Liège, 15 novembre 1849 et Termonde, 18 décembre 1851, Belgique judiciaire, 1849, p. 1467 et 1852, p. 93. Voir aussi le no 183 de l'ouvrage de M.Orts: Rien n'empêche, y lit-on, l'Association libérale, la Société de la Grande Harmonie ou le Cercle artistique de Bruxelles de se proclamer perpétuels, cela leur est permis précisément parce que ces associations ne sont pas des sociétés du droit civil, régies par le titre IX, livre III du code. »

(2) Il n'existe aucune difficulté sur cette question en Allemagne. On y admet qu'en vertu du droit commun général (nach gemeinem Recht),

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règle, que leur quote-part dans l'exécution des engagements contractés par les tiers envers la société (1). Est-ce à dire qu'ils ne puissent jamais agir pour la totalité? En aucune façon. Ils ont dans certains cas cette faculté. D'après les derniers arrêts de la jurisprudence française, la question se réduirait à l'accomplissement d'une simple formalité : tout sociétaire pourrait demander dans son intégralité la créance due à l'association, pourvu qu'il se présentât comme le mandataire des autres associés et qu'il eût la précaution de faire figurer dans l'instance les divers noms de ces mandants (2). Sans même recourir à cet expédient, et en se présentant comme seul demandeur, il pourrait encore agir pour la totalité dans deux circonstances déterminées en premier lieu, si les tiers avaient renoncé à se prévaloir de l'exception « personne ne plaide par procureur » (3), et, en second lieu, si la créance litigieuse était solidaire ou indivisible (4). Ainsi il a été jugé que le président d'une société chorale avait qualité pour demander la restitution des diplômes d'honneur obtenus par cette société et détenus par un de ses anciens directeurs (5). La cour de cassation de France s'est montrée fort large sur cette question. Les sieurs Allain et Lebreton, membres du comice agricole de

:

les associations ont le droit de paraître en justice par l'intermédiaire de leurs représentants, ROTH, Zur Lehre von der Genossenschaft, München, 1876, p. 84. Cpr. les art. 56 à 60, 74 à 86, 513 § 5 du code de procédure civile du 30 janvier 1877.

L'art. 10 du nouveau projet de loi sur les associations, présenté par M. Waldeck-Rousseau, a pour but, ainsi que nous le verrons plus loin, de faire adopter en France le même système.

(1) AUBRY et RAU, Droit civil, t. VIII, p. 135.

(2) Voir plus haut, p. 44, la note 1.

(3) Id.

(4) Aix, 2 juillet 1844 et Cass. franç., 29 juin 1847, Sirey, 1846, II, p. 29 et 1848, I, p. 212; -Louvain, 14 août 1874, Cloes, t. XIII, p. 422. (5) Trib, de la Seine, 16 avril 1879, Dalloz, 1880, III, p. 22.

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