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Brehal, ayant refusé de payer leurs cotisations annuelles, d'autres membres du même comice les actionnèrent devant le juge de paix, et celui-ci condamna les récalcitrants. Appel de cette décision et plus tard pourvoi en cassation.

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Attendu, dit la cour suprême dans son arrêt du 30 janvier 1878 (1), que l'établissement matériel d'un comice agricole et l'accomplissement de sa mission, notamment l'organisation des concours, la distribution et par conséquent l'achat des objets destinés à être donnés à titre de primes ou de récompenses, impliquent essentiellement la création d'une caisse commune, formée au principal par les cotisations des sociétaires; — que l'engagement pris par un membre du comice de verser dans cette caisse une cotisation annuelle forme donc une obligation personnelle régie par le droit commun, et dont les membres du comice ont le droit d'exiger et, au besoin, de poursuivre en justice l'entière exécution; attendu, quant à l'exercice de ce droit, que si l'obligation de verser une cotisation annuelle n'est pas indivisible quant à la somme promise, elle l'est, aux termes des art. 1218 et 1221, § 5 du code civil, par le rapport sous lequel elle a été considérée dans l'engagement pris indivisément envers tous les membres du comice et envers chacun d'eux, puisqu'elle a pour objet de fournir à la réunion des membres des ressources correspondantes et indispensables à l'acquittement des charges dont elle est tenue;-que, par conséquent, la demande en paiement des cotisations peut être formée en justice même par chacun des membres du comice individuellement et pour le tout.

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La cour de Paris a même admis, et elle suivait dans cette décision la jurisprudence de la cour de cassation, qu'un cercle catholique d'ouvriers, diffamé par un journal, pouvait poursuivre, par l'intermédiaire d'un de ses membres, le payement des sommes qui lui seraient dues pour la réparation civile de ce délit. A la fin de non-recevoir, opposée à la demande, la cour répondit :

"Que soit que le Cercle ait les caractères d'une société civile, soit qu'il ne constituât qu'une réunion d'individus se cotisant pour

(1 Sirey, 1878, I, p. 265.

un but de philanthropie, il n'existait pour les membres de cette réunion aucune interdiction de donner mandat à l'un d'eux de réclamer le recouvrement des sommes pouvant être dues collectitivement à tous en réparation d'un dommage résultant d'un délit (1).

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Mais retournons le problème; supposons qu'il ne s'agisse plus pour une association de figurer « activement » dans l'instance, mais d'y apparaître d'une manière « passive», comme défenderesse.

Contre qui le demandeur devra-t-il diriger son action? La question n'offre pas de difficultés, si ceux qui ont contracté pour la collectivité, ne se sont présentés qu'en leur nom personnel sans découvrir leur mandat. Dans ce cas, il sera légitime pour le négociant qui aura fait des fournitures, pour l'ouvrier qui aura loué son travail ou pour tout autre demandeur d'agir directement et pour le tout, contre celui qui s'est adressé à lui et en vue de la solvabilité duquel il a contracté le marché, la convention.

Pas de difficultés non plus si, les administrateurs ayant décliné leur qualité de mandataire, le contractant ne les poursuit que jusqu'à concurrence de leur part dans la société ; une telle demande est évidemment valable. Le créancier qui a plusieurs débiteurs a le droit de les attraire en justice, chacun pour la portion de la dette qui lui incombe (2).

Mais, si l'association était fort nombreuse ou la somme ridiculement minime, serait-il donc nécessaire d'intenter des actions sans nombre et d'un import dérisoire?

Il semble qu'il ne faudrait pas pousser à cette extrémité, tout au moins dans les cas analogues à ceux où il serait

(1) Gazette des tribunaux, 17 mars 1878; Cass., 25 juin 1866 et Nancy, 2 juin 1866, Sirey, 1866, I, p. 358 et 1867, II, p. 77; — Gand, 17 juillet 1872, Belg. Jud., 1872, p. 1505.

(2) Voir les arrêts cités plus haut, p. 190, no 1.

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permis à la société de réclamer la totalité de l'engagement par l'intermédiaire de l'un de ses membres, par exemple dans l'hypothèse d'une obligation indivisible (1).

Aller plus loin paraît fort délicat, en présence des principes de notre procédure civile. Quelques magistrats n'ont cependant pas hésité à le faire, effrayés par les nombreux embarras au milieu desquels se débattaient les créanciers.

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Attendu, disait le juge de paix de Saint-Josse-ten-Noode, le 30 juillet 1879 (2), que, par convention verbale entre le demandeur et le défendeur, et où ce dernier prenait la qualité de président de la société Compagnie belge des constructeurs, il a été stipulé que le demandeur s'engageait à donner tous les soins médicaux aux membres de la dite société, à raison de fr. 1-50 par membre et par an; Attendu que le demandeur réclame le paiement d'une somme de 147 fr. à titre de reliquat...; Attendu que le défendeur soutient d'abord que la demande n'est pas recevable, puisqu'il n'a contracté que comme président de la société et qu'il ne peut être tenu que pour sa part dans la dette; - Mais attendu que la dite société n'avait aucune existence juridique, ainsi que les parties s'accordent à le reconnaître; - Que le défendeur, ne pouvant être le mandataire d'une association sans existence juridique, et n'ayant point d'ailleurs pris cette qualité en contractant, doit être tenu personnellement des engagements qu'il a stipulés avec le demandeur;

Que la teneur même de la convention démontre, du reste, que telle a été l'intention commune des parties; qu'il est notoirement impossible d'admettre qu'elles aient entendu obliger le demandeur à s'adresser, tous les semestres, à 50 différentes per

(1) Que décider si les statuts renferment une clause spéciale? Dans ce cas, et lorsqu'il s'agit du droit d'e ter activement en justice, la jurisprudence, nous l'avons déjà dit (p. 44), admet la légitimité de l'action dirigée pour le tout par l'un des administrateurs de la société. Cette opinion présente certaines difficultés quand on l'applique au droit d'ester passivement en justice. Est-il possible de condamner une personne qui ne figure pas en nom dans l'instance? Comment exécuter la sentence?

(2) Pas., 1859, III, p. 378. Conf. Gand, 10 août 1878, Pas., 1879, III, p. 208.

sonnes et même à un plus grand nombre pour obtenir de chacune d'elles une somme de 75 centimes; que cela ressort encore de l'exécution donnée au contrat, puisqu'il n'est pas dénié que le défendeur percevait les cotisations des membres; qu'il a personnellement effectué un paiement de 50 fr., à valoir entre les mains du demandeur; d'où suit que l'action est recevable. »

La cour d'Aix a même admis des raisons qui, si elles étaient logiquement appliquées, auraient pour résultat d'abroger en fait l'ancienne maxime : « personne ne plaide par procureur.

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Exiger, dit-elle dans son arrêt du 7 avril 1865 (1), que le créancier d'une... société s'adresse individuellement à chacun de ses membres pour lui demander le paiement de sa quote-part de la dette, équivaudrait souvent à un rejet de la demande par l'impossibilité dans laquelle ce tiers se trouverait de les connaître et par le nombre infini de procès qu'il serait en cas d'intenter pour obtenir le paiement d'une somme bien minime. »

Pour éviter toutes ces difficultés juridiques, M. Dain conseille certaines précautions: « S'il ne s'agit pas d'une dette indivisible, dit-il, les représentants de l'association. devront stipuler en leur nom personnel; ayant seuls figuré au contrat, ils auront seuls le droit d'agir contre les tiers qui ont suivi leur foi. Quant aux créanciers, ils éviteront les complications de procédure en exigeant que les représentants de l'asssociation, se portant fort pour leurs coassociés, deviennent leurs débiteurs pour le tout» (2).

5o. De la prescription.

On a tellement bouleversé aujourd'hui toutes les saines notions du droit, en faisant à chaque instant et hors de tout propos appel à la fiction de la personnalité civile,

(1) Sirey, 1865, II, p. 295.

(2) DAIN, ouvrage cité, p. 138.

qu'on s'exposerait peut-être à froisser de savants jurisconsultes si l'on parlait, au profit d'une société, de prescription acquisitive ou extinctive. Rien cependant ne serait plus logique. La société, comme société, ne saurait prescrire, mais les divers membres qui la composent, ne sont frappés d'aucune déchéance et il leur est loisible d'user du moyen de la prescription pour acquérir des droits ou confirmer ceux qu'ils possèdent. La cour de Gand vient de reconnaître la légitimité de cette conséquence dans un arrêt des plus intéressants, et que nous croyons devoir mettre sous les yeux de nos lecteurs, au risque de paraître abuser du droit de citation.

L'État poursuivait M. Lippens, trésorier de la Société St-Georges ou Confrérie de l'arbalète, en restitution d'un calice en vermeil, d'une lampe, d'une coupe en argent et de divers autres objets qui avaient été réunis au domaine national par suite du décret du 24 avril-2 mai 1793, et qui, néanmoins, sans qu'il y eût eu cession de la part de l'État, se trouvaient être détenus par la société actuelle de St-Georges et par son trésorier. Mr Dubois pour le défendeur opposa la prescription. La cour se rallia à ses conclusions.

"Attendu qu'aucune loi ni aucun principe, dit-elle, ne s'oppose à ce que plusieurs personnes, constituées en société, celle-ci même dépouillée de toute individualité juridique, possèdent en commun un ou plusieurs objets déterminés ;-Que pareille possession commune a, pour les intéressés, les mêmes caractères et les mêmes conséquences juridiques que si elle était exercée par eux, en dehors de tout lieu de société, ou bien (sauf les effets de l'indivision à règler entre eux) que si elle était exercée par une seule personne ; - Attendu qu'il n'est pas contesté que les membres de la société St-Georges sont depuis plus de trente ans en possession des objets. litigieux ; Attendu qu'à la faveur des termes généraux de l'article 2235, C. civ., ceux des membres actuels de la dite société, qui n'ont pas possédé personnellement pendant ce laps de temps, peuvent compléter leur prescription, en joignant à leur possession in. divise, celle des membres qui ont cessé de posséder...... Par ces

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