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CHAPITRE DEUXIÈME

DES ASSOCIATIONS NON-RECONNUES.

Quoique nous ayons principalement pour objet de développer les questions qui se rattachent à ce qu'on appelle ordinairement la « capacité » des associations, il est nécessaire d'exposer tout d'abord, d'une manière rapide, les diverses dispositions légales qui règlent ce qui concerne l'existence des sociétés sans but lucratif.

S 1er.

«

De l'existence des associations non-reconnues.

I. EN FRANCE.

Depuis la révolution de 1789, écrivait M. Bertauld dans le savant rapport qu'il déposa à l'Assemblée nationale le 14 décembre 1871 (1), trop souvent deux facultés voisines et dont l'exercice est fréquemment cumulé, la faculté de s'associer et la faculté de se réunir en assemblée publique, ont été confondues ou du moins n'ont pas été assez séparées. La conséquence de cette confusion ou de cette alliance a empêché de traiter chacune de ces facultés suivant sa nature propre, suivant ses avantages et ses

(1) Journal officiel, 1872, p. 355.

périls particuliers; elle a eu pour effet de leur rendre commune la faveur ou la défaveur qui doivent être mesurées distributivement à l'une et à l'autre.

Le droit d'association a quelquefois protégé les clubs, et bien plus souvent les fureurs anarchiques des clubs ont compromis et discrédité le droit d'association, et à la succession des nombreuses lois dont la nomenclature sera encore trop longue, nous n'allons demander qu'un témoignage, le témoignage que le législateur, tantôt en négligeant des distinctions importantes dont un examen plus complet lui aurait révélé la nécessité, tantôt, au contraire, en admettant des distinctions que la réflexion ne justifiait pas suffisamment, a incessamment fait, défait et refait une œuvre qui a trompé ses espérances, et qui réclame des efforts nouveaux.

C'est le droit de s'assembler paisiblement et de former entre eux des sociétés libres que la Constituante reconnut aux citoyens par le décret des 13-19 novembre 1790 (1).

C'est la liberté de s'assembler paisiblement et sans armes en satisfaisant aux lois de police que la Constitution des 3-14 septembre 1791 garantit aux citoyens.

Ce sont les assemblées d'ouvriers et d'artisans de même état et les excès des sociétés populaires qui provoquent les décrets des 14-17 juin et des 29-30 septembre, 9 octobre 1791.

C'est au profit des assemblées populaires que sont rendus les décrets du 13 et du 25 juillet 1793.

(1) « L'Assemblée nationale, après avoir entendu son comité des rapports, déclare que les citoyens ont le droit de s'assembler paisiblement et de former entre eux des sociétés libres, à la charge d'observer les lois qui régissent tous les citoyens ; qu'en conséquence la municipalité de Dax n'a pas pu troubler la société formée dans cette ville sous le nom de Société des Amis de la Constitution; que la dite société à le droit de continuer ses séances et que ses papiers doivent lui être rendus.

"

La réaction thermidorienne s'effraie des sociétés populaires et proscrit entre elles toutes affiliations, agrégations, fédérations et correspondances. Voilà l'objet du décret du 16 octobre 1794 ou 25 vendémiaire an III (1).

Le 10 novembre 1794, la société des Jacobins est dissoute et le droit d'association politique périt avec elle. La constitution du 5 fructidor an III ne prohibe que les associations contraires à l'ordre public. Quant aux associations licites, elle n'interdit que les affiliations et les correspondances qui relieraient entre elles des associations politiques; elle proscrit la qualification de sociétés populaires (2).

(1) ART. 1er. Toutes affiliations, agréations, fédérations, ainsi que toutes correspondances en nom collectif entre sociétés, sous quelque dénomination qu'elles existent, sont défendues comme subversives du gouvernement, et contraires à l'unité de la République.

ART. 2. Aucunes pétitions ou adresses ne peuvent être faites en nom collectif; elles doivent être individuellement signées.

ART. 5. Chaque société dressera, immédiatement après la publication du présent décret, le tableau de tous les membres qui la composent...

ART. 6. Copie de ce tableau sera, dans les deux décades qui suivront la publication du présent décret, adressée à l'agent national du district. ART. 7. Il en sera, dans le même délai, adressé une autre copie à l'agent national de la commune dans laquelle chaque société est établie ; cette copie sera et demeurera affichée dans le lieu des séances de la municipalité.

ART. 9. La formation, l'envoi et l'affichage des tableaux ordonnés par les trois articles précédents seront renouvelés dans les deux premières décades de nivôse prochain, et ensuite de trois mois en trois mois. ART. 10. Tout contrevenant à une disposition quelconque du présent décret, sera arrêté et détenu comme suspect. »

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(2) ART. 300. Les citoyens ont le droit de former des établissements particuliers d'éducation et d'instruction, ainsi que des sociétés libres, pour concourir aux progrès des sciences, des lettres et des arts.

ART. 360. Il ne peut être formé de corporations ni d'associations contraires à l'ordre public.

ART. 361. Aucune assemblée de citoyens ne peut se qualifier de société populaire.

ART. 362. Aucune société particulière s'occupant de questions poli.

Le 8 fructidor an III, c'est-à-dire le lendemain de la promulgation de la Constitution, la dissolution des sociétés populaires et des clubs est prononcée.

A cette date, la vraie distinction semble apparaître, et la faculté de s'associer ne succombe pas sous la juste réprobation des assemblées démagogiques; mais le 7 thermidor an V, toute société particulière s'occupant de questions politiques est provisoirement défendue, et c'est là le germe d'une distinction que nous ne verrons plus tard se reproduire ostensiblement et nettement qu'en 1868, mais qui eût été évidemment faite beaucoup plus tôt si elle n'eût offert de grandes difficultés d'application et si on eût trouvé un moyen de lui assurer une sanction efficace.

La Constitution du 22 frimaire an VIII est muette sur le droit d'association.

Est-ce le droit d'association ou le droit de réunion que le code pénal de 1810, dans ses articles 291,292, 293, 294, a pour objet d'atteindre ?

Il n'atteint aucun de ces deux droits considérés isolément. Il ne subordonne à la condition d'une autorisation administrative l'association qu'autant qu'elle compte plus de vingt membres et qu'autant qu'elle a pour conséquence des réunions périodiques (1).

tiques ne peut correspondre avec une autre, ni s'affilier à elle, ni tenir des séances publiques, composées de sociétaires et d'assistants distingués les uns des autres, ni imposer des conditions d'admission et d'éligibilité, ni s'arroger des droits d'exclusion, ni faire porter à ses membres aucun signe extérieur de leur association. »

(1) ART. 291. Nulle association de plus de vingt personnes, dont le but sera de se réunir tous les jours ou à certains jours marqués pour s'occuper d'objets religieux, littéraires, politiques ou autres, ne pourra se former qu'avec l'agrément du gouvernement, et sous les conditions qu'il plaira à l'autorité publique d'imposer à la société.

Dans le nombre des personnes indiquées par le présent article, ne

Ici la faculté de s'associer est sacrifiée, à raison de son lien, avec les réunions qu'elle entraîne, et dont la périodicité est une cause d'alarme.

La loi du 10 avril 1834 aggrave singulièrement les peines du code pénal contre les associations non autorisées. Elle est inapplicable sans doute aux réunions accidentelles et temporaires qui ne supposent pas le lien d'une association. C'est donc la faculté de s'associer qu'elle restreint et la restriction n'est pas subordonnée à la condition de la périodicité des réunions; mais c'est toujours pour prévenir les dangers attachés aux réunions nombreuses, à celles qui dissimulent le nombre de leurs membres par un fractionnement en sections, comme à celles qui ne déguisent pas leurs forces, que la nécessité d'une autorisation est imposée (1).

sont pas comprises celles domiciliées dans la maison où l'association se réunit.

ART. 292. Toute association de la nature ci-dessus exprimée qui se sera formée sans autorisation, ou qui, après l'avoir obtenue, aura enfreint des conditions à elle imposées, sera dissoute. Les chefs, directeurs ou administrateurs de l'association seront, en outre, punis d'une amende de 16 fr. à 200 francs.

ART. 294. Tout individu qui, sans la permission de l'autorité municipale, aura accordé ou consenti l'usage de sa maison ou de son appartement, en tout ou en partie, pour la réunion des membres d'une association, même autorisée, ou pour l'exercice d'un culte, sera puni d'une amende de 16 fr. à 200 francs. "

(1) ART. 1er. Les dispositions de l'art. 291, C. pénal, sont applicables aux associations de plus de vingt personnes, alors même que ces · associations seraient partagées en sections d'un nombre moindre, et qu'elles ne se réuniraient pas tous les jours ou à des jours marqués.— L'autorisation du gouvernement est toujours révocable.

ART. 2. Quiconque fait partie d'une association non-autorisée sera puni de deux mois à un an d'emprisonnement et de 50 fr. à 1000 francs d'amende. En cas de récidive les peines pourront être portées au double...

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ART. 3. Seront considérés comme complices et punis comme tels ceux qui auront prêté ou loué sciemment leur maison ou appartement pour une ou plusieurs réunions d'une association non autorisée. »

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