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La discussion approfondie qui a précédé et préparé cette loi établit que le législateur avait pour but principal la répression des menaces, des provocations ou déclarations de guerre adressées aux institutions par des conspirateurs qui préféraient la publicité au secret, le bruit et le scandale aux précautions et aux manœuvres de la clandestinité. Ainsi la faculté de s'associer dans un but étranger au lucre mais licite subit encore la responsabilité et le contre-coup de passions démagogiques surexcitées et déchaînées dans des réunions qui ne se cachent pas, mais qui au contraire s'affichent avec leur programme de haine et de renversement. La société des Amis du peuple et la société des Droits de l'homme font peser une sorte de solidarité sinistre sur le principe même d'association.

Cette combinaison de la condition d'association et de la condition de réunion dans le code pénal de 1810 et dans la loi du 10 avril 1834 devait susciter et suscita une controverse sur le point de savoir si les réunions pour l'exercice d'un culte étaient soumises à la nécessité d'une autorisation. La négative résultait de la discussion parlementaire; l'affirmative fut consacrée par la jurisprudence.

La révolution de 1848 ramena la liberté des réunions populaires publiques, la liberté des clubs et celles des cercles ou des associations.

Le décret des 28 juillet- 2 août 1848 ne frappa d'interdiction que les sociétés secrètes et n'astreignit à la nécessité de l'autorisation que les réunions qui fuyaient la publicité; le décret ne s'appliquait pas aux réunions ayant pour objet exclusif l'exercice d'un culte quelconque ; il ne s'appliquait pas non plus aux réunions électorales (1).

(1) ART. 13. Les sociétés secrètes sont interdites. Ceux qui seront convaincus d'avoir fait partie d'une société secrète seront punis d'une amende de 100 fr. à 500 fr., d'un emprisonnement de 6 mois à 2 ans, et de la privation des droits civiques de 1 à 5 ans.- · Ces condamnations

L'article 8 de la Constitution du 4 novembre 1848 reconnut aux citoyens le droit de s'associer et de s'assembler paisiblement et sans armes : voilà les droits d'association et de réunion encore placés sur la même ligne (1).

Les clubs ne tardèrent pas à se montrer ce qu'ils sont toujours, des foyers de désordre et d'insurrection, et la licence s'emporta en de tels égarements que pour la combattre il fallut encore renoncer à la liberté.

Un décret des 19-22 juin 1849 autorisa le gouvernement à interdire, pendant une année, les clubs et autres. réunions publiques qui seraient de nature à compromettre le bon ordre et la sécurité; il promettait une loi qui, en interdisant les clubs, règlerait l'exercice du droit de réunion.

Une circulaire du ministre de l'intérieur du 24 juin

pourront être portées au double contre les chefs ou fondateurs desdites sociétés...

ART. 14. Les citoyens peuvent fonder, dans un but non politique, des cercles ou réunions non-publiques, en faisant préalablement connaître à l'autorité municipale le local et l'objet de la réunion, et les noms des fondateurs, administrateurs et directeurs. A défaut de déclaration, ou en cas de fausse déclaration, la réunion sera fermée immédiatement, et ses membres pourront être poursuivis comme ayant fait partie d'une société secrète. Les dispositions qui précèdent ne sont point applicables aux associations industrielles ou de bienfaisance.

ART. 15. Les réunions non publiques, dont le but sera politique, ne pourront se former qu'avec la permission de l'autorité municipale, et aux conditions qu'elle déterminera sauf recours, en cas de refus, à l'autorité supérieure. L'administration pourra toujours révoquer les autorisations accordées et faire fermer les réunions qui n'en seraient pas pourvues.

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ART. 19. Les dispositions du présent décret ne sont pas applicables aux réunions ayant pour objet exclusif l'exercice d'un culte quelconque, ni aux réunions électorales préparatoires. »

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(1) ART. 8. Les citoyens ont le droit de s'associer, de s'assembler paisiblement et sans armes, de pétitionner, de manifester leurs pensées par la voie de la presse ou autrement. L'exercice de ces droits n'a

pour limites que les droits ou la liberté d'autrui et la sécurité publique. »

1849 expliquait que la loi ne portait aucune atteinte aux réunions ayant pour objet les questions religieuses, scientifiques ou littéraires ou qui, formées dans un but déterminé étranger à la politique, se dissolvent d'elles-mêmes lorsque leur œuvre est accomplie. La circulaire annonçait que la loi ne concernait pas les réunions électorales. Deux décrets des 6-12 juin 1850, 21-24 juin 1851 ont successivement prorogé le délai primitif d'un an jusqu'au 22 juin 1852 avec extension des dispositions du décret des 19-22 juin 1849 aux réunions électorales qui seraient de nature à compromettre la sécurité publique. Ils gardent le silence sur les réunions qui ont pour objet l'exercice

d'un culte.

Les 25 mars et 2 avril 1852 (1), le décret du 28 juillet 1848 dont l'exécution n'avait été suspendue que temporairement, et sauf réglementation du droit de réunion, fut abrogé avec le maintien toutefois de la prohibition des sociétés secrètes, et les art. 291, 292, 293 et 294 du code pénal, ainsi que les art. 1,2 et 3 de la loi du 10 avril 1834 furent déclarés applicables aux réunions publiques de

toute nature.

Ce décret s'appliquait, d'après la largeur de son texte, aux réunions publiques pour l'exercice des cultes, et la

(1) Considérant que le droit d'association et de réunion doit être réglementé de manière à empêcher le retour des désordres qui se sont produits sous le régime d'une législation insuffisante pour les prévenir;

- Qu'il est du devoir du gouvernement d'apprécier et de prendre les mesures nécessaires pour qu'il puisse exercer sur toutes les réunions publiques une surveillance qui est la sauvegarde de l'ordre et de la sûreté de l'Etat... Décrète :

ART. 1er. Le décret du 28 juillet 1848 sur les clubs est abrogé, à l'exception toutefois de l'art. 13 de ce décret, qui interdit les sociétés secrètes.

ART. 2. Les art. 291, 292 et 294 du C. pénal, et les art. 1, 2 et 3 de la loi du 10 avril 1834, seront applicables aux réunions publiques, de quelque nature qu'elles soient.

jurisprudence n'hésita pas à le décider. (Voir arrêt cass. franç., 9 décembre 1852.)

Ce qu'il convient de remarquer, c'est que des lois faites en vue des associations sont transportées aux réunions publiques.

La loi des 6-10 juin 1868 a établi un régime nouveau pour toutes les réunions publiques qui ne sont ni religieuses, ni politiques, et même pour certaines réunions politiques qui ont un caractère à part, les réunions électorales; elle substitue pour les réunions publiques qui n'ont pas un objet religieux ou politique, au système préventif le système de la surveillance et de la répression (1).

L'exception pour les réunions religieuses est ainsi justifiée dans le rapport :

Des lois spéciales déterminent à quelles conditions chaque religion peut avoir ses églises, ses temples, ses lieux de réunion consacrés à la prière et à l'enseignement de sa foi. La loi proposée ne touche en rien à cette législation. »

Voilà la justification de l'exception pour les réunions politiques « Nous avons la conviction que nous défendons la cause de la liberté autant que celle de l'autorité et de la société, en ne laissant pas se rouvrir ces assemblées orageuses sans mandat et sans responsabilité, qui ont jeté sur le pays tant d'agitation, d'inquiétude et de deuil. »

La loi des 6-10 juin 1868 garde le silence sur les associations et par conséquent elle les laisse sous l'application des articles 291, 292, 293 et de la loi du 10 avril 1834.

Le rapport l'affirme avec une parfaite netteté: « Ce pro

"

(1) ART. 1er. Les réunions pubiques peuvent avoir lieu sans autorisation préalable, sous les conditions prescrites par les articles suivants. Toutefois les réunions publiques ayant pour objet de traiter de matières politiques ou religieuses continuent à être soumises à cette autorisation. »

jet n'a pour but de modifier ni les prescriptions des art. 291 à 294 du code pénal, ni celles de la loi du 10 avril 1834, qui atteignent les associations illicites. Ils ne s'applique qu'aux réunions publiques se produisant à l'état de fait accidentel et temporaire, sans les caractères de permanence et d'organisation qui constituent une association. Les sociétés de toute nature, ainsi que les réunions qui, en se perpétuant ou en s'affiliant à d'autres, se transformeraient en véritables associations, resteront soumises comme par le passé, à la législation actuelle, et seront tenues de se conformer à ces dispositions. »

Ainsi le code pénal de 1810 et la loi du 10 avril 1834 survivent en France comme régime des associations.

Sont donc absolument libres toutes les sociétés dont le nombre des membres ne dépasse pas le chiffre de vingt.

Sont arbitrairement interdites ou du moins ne peuvent vivre que sous le régime de l'autorisation préalable celles qui sont plus nombreuses.

Toute association de plus de vingt membres qui n'a pas été autorisée, tombe sous le coup des articles 291 à 294 du code pénal et de la loi de 1834.

Tels sont les principes applicables aux associations en général.

Relativement à certaines associations particulières le législateur a établi des règles spéciales.

D'une part, les associations formées pour créer et entretenir des cours ou établissements d'enseignement supérieur échappent à l'empire de l'article 291 du code pénal (loi du 12 juillet 1875, art. 10).

Mais, d'autre part, les sociétés secrètes sont déclarées illicites (art. 13 de la loi du 28 juillet 1848).

Et il en est de même des associations internationales qui, sous quelque dénomination que ce soit, auraient pour but de provoquer à la suspension du travail, à l'abolition du droit de propriété, de la famille, de la patrie, de la

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