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asaient dans l'Arménie persane, pour se mettre « sous la protection de la Russie, qui avait conquis cette province dans la dernière campagne «< contre le prince royal Abbas-Mirza. Irrité de « cette démonstration d'attachement pour le czar, « de la part des Arméniens angoréotiques, le sul<«< tan prononça l'expulsion de Constantinople «< de tous ceux qui s'y étaient établis, au nombre « d'environ vingt-sept mille, et il leur fut enjoint « formellement de retourner en Asie, ordre qui « fut exécuté avec la plus grande rigueur; on ne «<leur accordait, pour se mettre en route, qu'un « délai de dix jours. Des milliers de familles quit<«<tèrent les quartiers de Péra et de Galata, et s'embarquèrent à la hâte; plusieurs de ces mal« heureux exilés périrent sur mer; d'autres ne « purent résister aux fatigues d'une route péni<«<ble au milieu des montagnes escarpées et cou« vertes de neige, et peu d'entre eux arrivèrent à << leur destination '. »

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Les Arméniens grégoriens ou non unis ont un chef spirituel qui réside à Eischmiadzin, sur le territoire annexé à la Russie, et qui prend le titre de catholicos ou patriarche universel. Les Russes ont espéré que la scission qui éloigue l'Église d'Arménie de celle de Rome tournerait au profit de l'Église gréco-russe; mais les Arméniens n'ont

Turquie, p. M. J. M. Jouannin, premier secrétaire interprète du roi pour les langues orientales, p. 412.

rien oublié de leurs vieilles querelles avec les Grecs; aussi n'éprouvent-ils aucune sympathie pour leurs nouveaux maîtres, et voient-ils d'un œil jaloux s'avancer les empiétements de la suprématie spirituelle du tsar au détriment du patriarche d'Eischmiadzin.

Le souvenir de leur illustration passée, celui de l'éclat que les lettres et les sciences ont répandu sur leur pays et un sentiment de reconnaissance pour les hommes éminents qui furent investis du patriarcat d'Arménie depuis la séparation des Églises sont autant de motifs qui retiennent les Arméniens dans les erreurs du schisme : ils croient que pour rentrer dans le giron de l'Église catholique il leur faudrait répudier les travaux et la gloire de leurs aïeux, et dire anathème à des patriarches dissidents dont ils vénèrent profondément la mémoire. Au surplus, tous les voyageurs, sans en excepter les plus fervents catholiques, rendent hommage à la piété ardente et austère des Arméniens, à la douceur de leurs mœurs, à leur politesse et à cette prodigieuse aptitude à l'étude des langues étrangères qui fait que, dans la plupart des échelles du Levant et de la Barbarie, comme dans l'Inde et l'Asie, ils sont en possession de fournir des interprètes aux Envoyés et aux voyageurs européens. On les a, il est vrai, accusés mainte fois d'astuce et de perfidie; mais il ne faut pas oublier que tout peuple qui se voit contraint à se prosterner devant la conquête

étrangère doit nécessairement se réfugier dans la ruse et la dissimulation, quand la force lui fait défaut. Les Arméniens se font encore remarquer par leur esprit commercial, et c'est ainsi que plusieurs de leurs coreligionnaires ont acquis de très-grandes richesses, et cette qualité ou ce penchant -ne les a pas abandonnés dans leur mission à Jérusalem. Le clergé arménien de cette ville n'est étranger à aucun genre de commerce, à aucune sorte de trafic, et il trouve le moyen de s'enrichir quand les autres nations chrétiennes végètent ou s'appauvrissent. L'esprit d'ordre et d'économie ont singulièrement relevé, de nos jours, la puissance et le crédit de ce peuple; et, tandis que les sociétés chrétiennes établies dans l'Orient languissent obscurément sous la domination mahométane, on voit les Arméniens, nation proscrite et vagabonde, sans patrie et sans asile, croître et prospérer dans les lieux même où la nature, d'accord avec les institutions, ne dispense aux enfants du pays qu'une existence dure et une condition précaire. Une troupe d'Arméniens vientelle planter ses tentes dans le désert, c'est pour y attendre le passage des caravanes, les soigner à prix d'argent, les accompagner, trafiquer et spéculer sur les marchandises qu'elles traînent à leur suite, et trouver moyen de prélever en détail sur de pauvres pèlerins des bénéfices devenus promptement considérables. Il n'est si chétive tribu arménienne qui n'apporte en terre

sainte des marchandises de toute sorte et de tous pays. Industrieux et complaisants, rusés et polis, dissimulés et patients, les Arméniens sont pleins de confiance dans la destinée qui les attend ; plus heureux que les enfants d'Israël, nulle voix prophétique ne s'est élevée pour leur prédire un exil sans retour, et ils ont cessé depuis longtemps de pleurer sur la patrie absente.

Ce n'est que l'an 1611 de Jésus-Christ (1019 de l'hégire) que les Arméniens, entrant en scène pour la première fois dans le but de disputer aux Latins la possession des lieux saints, s'unirent aux Grecs, et réclamèrent, de concert avec eux, les trois clefs de l'église et de la chapelle souterraine de Bethléem. Dans les années 1075, 1228 et 1245 de l'hégire de Mahomet (1664, 1812 et 1829 de l'ère chrétienne) ils ont obtenu de la Porte des firmans pour la possession du SaintSépulcre, en communauté avec les Latins et les Grecs: ces documents seront discutés ailleurs.

Le quartier des Arméniens (Haréth-el- Arman) à Jérusalem occupe une partie du mont Sion, à côté du quartier des juifs. Leur monastère, dont l'église est placée sous l'invocation de saint Jacques, est, après la mosquée d'Omar et l'église du Saint-Sépulcre, l'édifice le plus remarquable de la ville sainte, comme sa chapelle en est le plus riche et le plus éclatant sanctuaire. Ce monastère appartenait autrefois aux franciscains, et c'est par

là qu'a commencé la série des spoliations commises au préjudice des religieux latins.

L'imprimerie des religieux arméniens et celle des Pères latins sont les deux seuls établissements de ce genre à Jérusalem. Non loin de ce monastère se trouve le couvent des religieuses arméniennes; car cette nation est la seule qui possède, dans cette ville, un couvent de femmes. En dehors de la muraille actuelle, il n'y a plus aujourd'hui, sur le mont Sion, qu'un autre couvent d'Arméniens, bâti sur l'emplacement de la maison de Caïphe. Jusqu'à ces derniers temps, les religieux arméniens ont vécu sans hostilité et sans intimité avec les chrétiens des communions rivales; ce sont des hommes paisibles, tolérants et studieux, soumis scrupuleusement aux plus sévères pratiques imposées par les préceptes de l'Église qu'ils servent, et dont l'austérité est sans analogue parmi les nations religieuses établies à Jérusalem : Au temps du carême, ils prennent tout juste assez de nourriture pour ne pas succomber d'inanition. Ils avaient acquis, grâce aux riches aumônes des pèlerins de leur nation, un grand ascendant sur les évêques et les moines grecs, dont ils achetaient l'appui à prix d'argent, et c'est ainsi qu'ils se sont procuré plusieurs des

Le couvent de Sainte-Croix des religieuses grecques est situé hors de Jérusalem. En 1848, il est arrivé dans la ville sainte trois religieuses catholiques de l'ordre de Saint-Joseph.

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