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par conséquent, au souverain territorial; mais elle leur accorde l'autorisation d'entretenir les anciennes églises, c'est-à-dire de les réparer et de relever les parties tombées, sans pouvoir toutefois y ajouter de nouvelles constructions. A des époques déterminées, les commissaires délégués par les gouvernements de provinces vont visiter les sanctuaires et les églises des chrétiens pour s'assurer qu'il n'y a rien été ajouté, sous prétexte de restauration. Il est curieux et très-important de consulter à ce sujet le texte même de la loi musulmane; voici ce qu'elle porte:

« Il n'est point permis, en pays musulman, de «< construire de nouveaux temples (chrétiens, juifs ou autres non musulmans); mais il est

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permis de renouveler (reconstruire ou réparer) « ceux qui sont en ruines; car c'est une tradition <«< qui est venue du Prophète jusqu'à nous, de lais«ser ces temples dans les villes des musulmans; << et comme les bâtiments ne durent pas toujours, <«< il s'ensuit qu'il doit être permis aux chrétiens de reconstruire les leurs. L'iman, en les con<«< firmant dans la possession de leurs églises, a <«< contracté par là l'obligation là l'obligation de les leur laisser « rebâtir, parce qu'elles ne durent pas toujours; «< mais il n'est pas permis de les transporter ail« leurs (de les reconstruire sur un autre empla« cement), vu que ce serait établir réellement une nouvelle église dans cet endroit..... Il est défendu

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<«< est de même des monastères, parce que, quand «< on les bâtit, c'est afin de les faire servir de re<< traite pour prier... Le principe est différent << pour l'oratoire qui fait partie d'une maison.... << Il ne convient pas d'empêcher une personne << d'établir dans la maison qu'elle a louée d'un <«< musulman un oratoire destiné pour elle seule..... « Cette règle n'est applicable qu'aux villes et non << aux villages, et nous entendons par villes l'en<«< droit où l'on observe les pratiques extérieures « de l'islamisme.

<< C'est d'après ces principes qu'ont été rendus << divers fetwas permettant, dans les villes musul«manes, la réparation et la reconstruction d'égli<< ses anciennes, suivant leurs dimensions premières; et, dans les villages habités par les infidèles, la construction d'églises nouvelles et le <<< transport d'églises anciennes sur des emplace<< ments nouveaux (c'est-à-dire leur réédification «< sur un autre terrain). »

Ainsi la loi de l'islamisme s'oppose à toute construction nouvelle d'églises, de sanctuaires et de monastères au profit des infidèles, et elle leur permet uniquement d'entretenir, c'est-à-dire de réparer, les anciennes constructions qui ne peuvent pas durer toujours. Les traités ne nous ont pas non plus conféré le droit de construire dans les pays mahométans de nouveaux édifices religieux, et il ne pouvait pas en être autrement, puisque l'islamisme s'y oppose, et que la loi réputée

divine ne saurait être infirmée par la loi des hommes. Cette défense, selon la loi de l'islamisme, n'est applicable qu'aux villes, et non aux villages:

or, il faut entendre par le mot villes, dans l'acception religieuse de l'islamisme, tout endroit habité par des musulmans et où l'on peut observer les pratiques extérieures de la religion de Mahomet, c'est-à-dire là où il se trouve une mosquée, où les fidèles sont appelés à la prière, où ils peuvent célébrer leurs fêtes et observer le jeûne et les abstinences. Les villages, au contraire, sont des lieux occupés par les giaours, les raïas, où les musulmans n'habitent pas, et où ils n'ont élevé aucune mosquée. Quelque restreinte que soit cette exception au profit des villages, elle supposerait encore un droit de propriété; mais un droit inapplicable, attendu que la loi du prince, plus sévère à ce sujet que la loi de l'islamisme, s'oppose à ce que les infidèles fassent construire sans son autorisation spéciale, même dans les lieux ré putés villages, c'est-à-dire habités par des raïas. Il est vrai qu'une église nouvelle du rite grec a été construite à Péra dans le siècle dernier; mais la Russie l'avait exigé; et en avait fait l'objet d'un article spécial du traité de Kaïnardgi (art. xiv); la Porte a cédé à la force.

Il doit être bien entendu, en conséquence, que la possession des lieux saints par les religieux des églises chrétiennes n'implique pas à leur profit le droit de propriété, mais seulement un droit d'usu

fruit garanti par les traités. Dans les usages de l'Orient et de la terre sainte, la possession exclusive d'une église, d'un sanctuaire, d'un autel, quel qu'il soit, par une communion chrétienne, n'exclut pas les autres communions de la faculté d'y célébrer; mais les possesseurs ont seuls le droit d'en garder les clefs, de réparer ces édifices et de les entretenir à leurs frais, d'y allumer des lampes et d'y étendre les tapis, signe extérieur du droit de possession. Une chose singulière, c'est la manière dont les musulmans, en cas de contestation, jugent le droit de possession : s'ils ont va quelqu'un balayer une chapelle, un sanctuaire quelconque, ils estiment que ce lieu appartient à celui qu'ils y ont vu un balai à la main. Et il ne faut pas s'en étonner: l'enceinte sacrée dans laquelle se trouve placé le tombeau de Mahomet à Médine est balayée tous les jours par quarante ferrasch (balayeurs); c'est une charge très-considérée chez les musulmans et que le sultan confère à ses favoris et aux principaux personnages de sa cour1.

Cette question du droit de propriété selon les prescriptions de la loi du Koran nous amène à examiner un argument sur lequel s'appuie la cause des Grecs, et qui a toujours été considéré par eux comme le plus logique, le plus irrésistible, le plus propre à assurer un jour le triomphe de leur prétention à la possession des lieux saints.

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Sainte Hélène, disent les Grecs, est venue à Jérusalem; elle a visité la terre sainte et y a fondé elle-même ces églises et ces sanctuaires dont on nous dispute aujourd'hui la propriété. Peut-on nier la tradition de quinze siècles, et repousser tant de témoignages gravés sur des pierres contemporaines, et recueillis par les historiens de l'Église latine eux-mêmes, dans les chroniques les plus dignes de foi, les plus authentiques? Or, sainte Hélène était la mère de Constantin le Grand, fondateur de l'empire grec. C'est en héritant de sa mère que Constantin a conféré aux Grecs les droits de propriété qu'ils revendiquent aujour

d'hui.

Nous répondrons sérieusement et avec tout le respect que nous inspirent les grands noms qui figurent dans cette question.

Il est vrai, selon la tradition, qu'Hélène a visité les saints lieux, et qu'elle y a fondé l'église du Saint-Sépulcre et plusieurs de ces sanctuaires qui font aujourd'hui l'objet d'une querelle si regrettable; mais les traditions historiques nous font connaître, en même temps, des dates qu'il importe de recueillir. Le voyage d'Hélène eut lieu l'an 326 de J. C., et cette princesse mourut en 328, avant l'époque où son fils éleva Constantinople sur les ruines de Byzance: Hélène avait cessé de vivre, et l'empire grec n'était point encore fondé.

La pieuse mère de Constantin appartenait, comme son fils, à la religion de Rome; car, à

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