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CHAPITRE DEUXIÈME.

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Préparatifs et discussion des ordonnances. — Elles sont signées le 25 juillet.

-Réflexions sur ces actes de l'autorité royale.

que leur apparition fait naître dans la capitale. nalistes.

Premières impressions

Protestation des jour

ON objectait un jour à Charles X l'exemple de l'Angleterre, où, par le fait, la puissance souveraine réside dans le parlement: « Cela est vrai, répondit-il, mais il y a cette différence entre les deux états, qu'en Angleterre, ce sont les Chambres qui ont fait la part au roi, tandis qu'en France, c'est le roi qui l'a faite aux Chambres. Cette idée, grosse d'une révolution de 1688, explique fidèlement l'origine des ordonnances de juillet, conception qui ne fut pas moins propre à Charles X luimême qu'aux ministres qui reçurent la mission de la múrir et de l'élaborer.

D

La pensée d'une excursion éventuelle hors des limites rigoureuses de la Constitution était ancienne dans l'esprit du roi. Sans remonter ici à ses antécédents contre- révolutionnaires, sans rappeler sa constante opposition aux tendances libérales du gouvernement de Louis XVIII, et, plus récemment sa tentative abandonnée pour restreindre, lors du sacre de Reims, son serment à la Charte (1), on sait avec quelle prédilection, depuis la retraite de M. de Villèle, ce prince avait caressé les théories de pouvoir constituant dont l'attitude hostile de l'opinion publique avait produit le développement. Ces théories flattaient d'autant plus ses penchants personnels, qu'elles ne paraissaient point inconciliables avee l'esprit ni même avec les dispositions textuelles de la Charte, pour laquelle il professait, comme on l'a déjà dit, un respect sans conviction. Personne à sa cour ne se montrait plus que lui pénétré du principe de la suprématie royale et de l'o

(1) C'est un fait peu connu mais certain, que Charles X, la veille du jour de son sacre, était à peu près décidé à prêter à la Charte un serment restrictif et non absolu. Les représentations que fit à ce sujet, à M. de Villèle, un dignitaire éminent de l'Etat, firent échouer ce plan impolitique et dangereux, à la conception duquel on doit croire que quelques membres du corps diplomatique, et notamment M. Lambruschini, nonce du pape, n'étaient pas étrangers.

la

bligation légitime d'en reculer les limites pour soustraire aux atteintes de la démocratie populaire ou parlementaire. Cette disposition, chez un prince naturellement loyal et bienveillant, était exempte de toute idée de vaine gloire ou d'ambition individuelle: elle avait sa source dans une appréciation peu éclairée des dangers qui menaçaient le trône, et dans un sentiment exagéré, mais sincère, de l'autorité monarchique. « J'aime mieux être un roi exilé qu'un roi avili», répétait-il souvent, et ce mot rendait bien l'espèce d'abnégation quelque peu chevaleresque qui portait un roi septuagénaire à commettre sa couronne aux hasards d'une lutte ouverte, préférablement à la léguer à ses descendants, dépouillée de quelques unes des prérogatives qu'il y supposait attachées. La question religieuse exerça, quoi qu'on ait dit, peu d'influence sur les déterminations politiques de ce prince. Puissant dans quelques provinces où, par un indigne scandale, il favorisait l'accès des ambitions aux emplois publics, le parti improprement appelé congréganiste, n'avait jamais obtenu dans les hautes régions du pouvoir qu'un ascendant très limité. En 1830, cet ascendant était moindre encore que sous le ministère de M. de Villèle, qui l'avait subi bien plus qu'encouragé. On peut croire que Charles X, esprit consciencieux et timoré, recueillit sur la légitimité

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des ordonnances projetées l'avis de quelques ecclésiastiques dont il honorait les lumières; peut-être aussi d'officieux, d'imprudents encouragements lui furent donnés par d'autres prélats. Là, nous le croyons, l'histoire doit borner la part que prit le clergé au dernières résolutions de Charles X. Ce prince, sévère pour lui-même, était plein d'indulgence pour son entourage. Sa confiance personnelle fut toujours indépendante d'un attachement plus ou moins assidu aux pratiques religieuses. Le cardinal de Latil, dont on a tant exalté l'influence, vivait à la cour dans une alternative perpétuelle de faveur et de disgrâce. Le confesseur du roi était un prêtre obscur, appelé Jocquart, dont le nom ne s'est trouvé mêlé à aucune intrigue politique.

Tout porte à croire néanmoins que le projet d'un coup-d'état ne prit une consistance réelle dans l'esprit de Charles X que lors du renvoi de la Chambre pour laquelle il avait imprudemment déclaré son antipathie (1). Toute conciliation parut impossible après cette éclatante manifestation de la France

(1) On possède une lettre de Charles X à M. de Polignac, à la date du 29 mai 1830, moins de deux mois avant les ordonnances, dans laquelle il est positivement question du discours du trône pour l'ouverture de la prochaine session législative.

électorale, et l'on ne délibéra plus que sur les moyens propres à dégager de haute-lutte la royauté acculée dans ses dernières positions.

Ce fut au commencement de juillet que le principe et les dispositions des ordonnances subirent pour la première fois une discussion sérieuse et régulière au sein du conseil. La proposition de ces mesures extrêmes ne fut combattue que par deux des ministres, tant le résultat des dernières élections avait jeté d'irritation dans les esprits. M. de Peyronnet contesta leur opportunité dans l'état actuel de la France. Un autre membre du cabinet, qui professait pour la Charte un respect presque évangélique, M. de Guernon-Ranville, les repoussa avec énergie. Dans une note remise au prince de Polignac, le 15 décembre précédent, ce ministre avait fait remarquer que les journaux libéraux ne pouvaient être considérés comme les organes avoués de la Chambre; il avait repoussé comme exagérées les alarmes de ceux qui présentaient la Révolution comme prête à tout envahir si l'on ne se hâtait de l'enchaîner. Il reproduisit cette opinion, et insista pour qu'on réunit les Chambres, sans tenir compte de l'Adresse des 221. En sortant du conseil, M. de Guernon-Ranville exhorta vivement M. de Peyronnet à ne pas se départir de son opposition, et à lutter de concert avec lui contre les résolutions pé

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