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CHAPITRE QUATRIÈME.

Nuit du 28 au 29 juillet.

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parti libéral prennent une part ouverte à l'insurrection. Journée du 29 juillet. ·Proclamation pacifique du maréchal. - MM. de Sémonville et d'Argout se présentent à l'état-major comme médiateurs. — Départ des ministres pour Saint-Cloud. - Défection d'une partie de la ligne. Prise du Louvre et des Tuileries par le peuple. - Déroute des troupes royales. — Pillage du Musée d'artillerie et de l'Archevêché. Siége et prise de la caserne de Babylone. - Conférences de M. de Sémonville avec Charles X et le prince de Polignac, à Saint-Cloud.—Installation d'un gouvernement provisoire à l'Hôtel-de-Ville de Paris. — Le roi se décide à révoquer les ordonnances du 25, et à appeler M: de Mortemart à la tête d'un nouveau cabinet. Démarches de MM. de Sémonville, d'Argout et de Vitrolles auprès de la commission municipale, en faveur de la cause de Charles X. Conférence des Députés réunis chez M. Laffitte. Premières intrigues pour porter au trône le duc d'Orléans. Le roi signe tardivement la révocation des ordonnances du 25 juillet.

LES Parisiens employèrent la nuit du 28 au 29 juillet à tous les préparatifs d'une formidable défense. Une population en armes inonda les rues, rendues libres par la concentration des troupes, et dépavées de vingt en vingt pas. Près de six mille barricades, solidement établies à l'aide de tonneaux

remplis de pavés, de poutres, de voitures ou d'arbres abattus, défendirent toute circulation à la cavalerie et à l'artillerie. La plupart avaient été construites sous la direction des élèves de l'Ecole polytechnique, dont la présence, réveillant les souvenirs de la conduite héroïque attribuée à ce corps lors de l'invasion de 1814, contribua beaucoup au succès de l'insurrection. A défaut des reverbères, qui avaient été brisés sur tous les points, on plaçait des lumières sur les croisées, on apportait aux travailleurs des vivres et des rafraîchissements. Au silence habituel de la nuit avait succédé le son du tocsin qui se faisait entendre dans quelques églises, et un immense bourdonnement, composé de mille bruits divers. Le chant des hymnes patriotiques de 1793, mêlé aux gémissements des blessés et aux lamentations des familles, ajoutait un douloureux contraste à ce spectacle de tumulte et d'anarchie. Parmi les citoyens qui dirigeaient l'activité populaire, on remarquait, au premier rang, Lafayette, puis le général Mathieu Dumas, ce vieux débris de l'assemblée législative, le duc de Choiseul, MM. Alexandre Delaborde, Carbonnel, Dumoulin, les colonels Jacqueminot, Dufay, Girard et les deux fils du maréchal Ney. M. Audry de Puiraveau se faisait remarquer par l'ardeur de ses excitations et par l'abondance des

secours qu'il fournissait aux insurgés. Enfin, le général Pajol s'était mis, dès six heures du matin, à la tête de la garde nationale, sur un ordre des députés, rédigé par M. Dupin aîné.

Cette activité et cette harmonie de dispositions étaient loin d'exister au quartier-général de l'armée royale. Aucun préparatif matériel de défense n'avait eu lieu aux abords des Tuileries. Les casernes, inutilement occupées par les troupes, à des distances plus ou moins éloignées, n'avaient point été évacuées. On n'avait point songé à faire maintenir par la cavalerie, désormais sans emploi, les grandes communications autour de Paris, et à prévenir le bris des télégraphes par les insurgés. A l'intérieur, il régnait une extrême irrésolution. Un sentiment fàcheux de défiance et d'abattement commençait à se répandre parmi les serviteurs d'une cause juste en soi, mais évidemment affaiblie par une agression prématurée. Déjà las de cette lutte pénible, deux officiers de la garde royale, MM. de la Tour-du-Pin et Turgot, avaient donné leur démission (1). Le maréchal, visiblement dé

(1) Voici la lettre que M. de la Tour-du-Pin écrivit au prince de Polignac:

« 28 juillet 1830. Monseigneur, après une journée de massacres et de désastres, entreprise contre toutes les lois divines et humai

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couragé, changea plusieurs fois ses dispositions défensives. Il se détermina enfin à faire prendre les positions suivantes à ses troupes, renforcées durant la nuit d'un bataillon suisse venant de Ruel, de deux bataillons de la garde, arrivés de Versailles, et d'un régiment de chasseurs.

Trois bataillons suisses occupèrent, dès trois heures du matin, la cour intérieure et les bâtiments du Louvre, qui formaient la tête de sa ligne. Les 3° et 6° régiments de la garde furent placés sur le Carrousel avec le 3o bataillon du régiment suisse de Salis et quatre pièces de canon. Les 1er et 2o régiments de la garde occupèrent la place Louis XV et le boulevard de la Magdeleine, également avec deux pièces d'artillerie. Le 15° léger

nes, et à laquelle je n'ai pris part que par un respect humain que je me reproche, ma conscience me défend impérieusement de servir un moment de plus.

« J'ai donné dans ma vie d'assez nombreuses preuves de dévoûment au roi pour qu'il me soit permis, sans que mes intentions puissent être calomniées, de distinguer ce qui émane de lui, des atrocités qui se commettent en son nom. J'ai donc l'honneur de vous prier, Monseigneur, de mettre sous les yeux du roi ma démission de capitaine de sa garde.

« J'ai l'honneur d'être etc.,

« Le comte Raoul de la Tour-du-Pin. »

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