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CHAPITRE DEUXIÈME.

Approches de la session des chambres. Plan du ministère.

Discours imprudent de la couronne.

Séance

- Discussion

royale au Louvre. de l'Adresse à la chambre des pairs. M. de Châteaubriand. — A la chambre des députés. MM. Agier, de Conny, de Montbel, Benjamin Constant, de Guernon-Ranville, Dupin aîné, Berryer, etc. -L'Adresse est votée par 221 membres. Réflexions sur cet acte. au roi.

Prorogation des chambres.

Sa présentation

L'INERTIE du ministère n'attiédissait point la fermentation des esprits. On se persuadait qu'elle ne servait qu'à couvrir des projets violents, et la méfiance publique était entretenue à cet égard par des écrits où les limites de l'autorité royale étaient discutées dans le sens le plus large et le plus absolu. On y prêchait, en cas de résistance décidée aux vues de la couronne une extension abusive de l'article 14 de la Charte, par quel le roi s'était réservé: « le droit de faire les réglements et ordonnances nécessaires pour l'exécution des lois et la sûreté de l'état. » On inférait de cet article que si le chef de l'état jugeait la sécurité du trône compromise, il avait le droit d'y pourvoir par des mesures même extra-légales. In

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dépendamment des brochures de MM. Cottu et Madrolle, qui soutenaient ces thèses irritantes, quelques feuilles publiques, rédigées dans un esprit analogue à la nuance politique du cabinet, exprimaient la possibilité légitime d'un recours à un coup-d'état, dans le cas où le pouvoir royal le croirait utile au maintien de la constitution. Ces publications menaçantes ajoutaient encore à l'éloignement que le ministère du 8 août inspirait à une portion considérable de l'opinion publique.

Aux incriminations répétées de l'opposition libérale, le gouvernement opposait officiellement encore les dénégations les plus absolues. Il s'indignait qu'on prêtât ainsi aux ministres des intentions coupables, des projets insensés, sans qu'on pût articuler un seul fait qui justifiât ces odieuses suppositions. Il signalait les agressions de la presse comme une guerre insolente qui poussait ses attaques jusque sur les marches du trône, mettait en question l'exercice libre et spontané de la prérogative royale, et compromettait la prospérité du pays et la tranquillité publique. « Malgré de séditieuses clameurs, disait-il par la voie du Moniteur, les ministres ne dévieront pas de la ligne que leur tracent l'honneur et le devoir; ils se montreront dignes du prince qui les a choisis; ils connaissent son inébranlable volonté de consolider les institu

tions octroyées par son auguste frère. La Charte est pour la France un gage de paix, et pour la maison de Bourbon un monument de gloire : les ministres affermiront les libertés qu'elle consacre; ils sauront faire respecter les droits de la couronne. »

Quelques élections partielles avaient eu lieu dans l'intervalle des deux sessions. Sur plusieurs députés à élire, cinq candidats ministériels avaient réussi, à Albi, à Laval, à Marseille, à Nantes et à Issengeaux. Deux organes notables de l'opinion royaliste, MM. Dudon et Berryer fils, l'avaient emporté dans ces deux dernières villes. Mais le gouvernement éprouva un désavantage marqué à Bordeaux, où M. Bosc se fit élire en remplacement de M. Ravez. Il y eut à cette occasion des scènes tumultueuses, dans lesquelles M. de Peyronnet, poursuivi par la populace ameutée, fit preuve de sang-froid et d'intrépidité. M. Ravez, naguère si populaire à Bordeaux, essuya quelques outrages. Il ne put s'empêcher d'être frappé d'une réaction aussi violente: « Ce n'est pas une crise, dit-il, c'est la gangrène dans le corps politique. »

L'hiver si rigoureux de 1830 vint ajouter les misères de la classe laborieuse aux autres éléments de l'exaspération générale. La famille royale se signala, dans ces circonstances, par cette active bienfaisance qui faisait sa vertu caractéristique.

Le 1er janvier de cette année trop mémorable ramena à la cour ces harangues de félicitations banales qui ne trompent plus les peuples, et qui ne sont propres qu'à faire illusion aux rois sur la nature et les limites de leur puissance. Le seul incident remarquable fut la réponse sévère de Charles X à M. Séguier, premier président de la cour royale de Paris, dont le discours avait été empreint pourtant d'un grand esprit de convenance. Le monarque, trop plein du souvenir de l'acquittement récent du Journal des Débats exhorta les magistrats « à ne jamais oublier les importants devoirs qu'ils avaient à remplir, et à se rendre dignes des marques de confiance qu'ils avaient reçues de leur roi. » Quand la cour se présenta pour offrir ses hommages à la Dauphine, elle fit de son éventail un geste d'impatience, et se contenta de dire: Passez. Mot imprudent, qui rappèle ces témoignages de mécontentement que les princes de la monarchie absolue adressaient aux corps judiciaires rebelles à leurs volontés, et que l'histoire s'afflige de rencontrer dans la bouche d'une princesse dont la vie offrait le modèle de toutes les vertus.

La convocation des Chambres fut annoncée pour le 2 mars. Le ministère la fit précéder d'une promo

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