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j'ai accepté le pacte d'alliance qui m'était proposé. J'aurais vivement désiré ne jamais occuper le trône auquel le vœu national vient de m'appeler. Mais la France, attaquée dans ses libertés, voyait l'ordre social en péril; la violation de la Charte avait tout ébranlé; il fallait rétablir l'action des lois, et c'était aux Chambres qu'il appartenait d'y pourvoir. Vous l'avez fait, Messieurs : les sages modifications que nous venons d'apporter à la Charte garantissent la sécurité de l'avenir; et la France, je l'espère, sera heureuse au dedans, respectée au dehors, et la paix de l'Europe de plus en plus affermie. >

Le roi sortit immédiatement après ces paroles, multipliant autour de lui les témoignages d'une affection cordiale et populaire. La reine s'arrêta quelques instants dans la salle des Conférences, où elle entretint plusieurs personnes avec une bienveillance pleine de dignité. Tous deux regagnèrent le Palais-Royal au milieu des acclamations de la multitude. Il y eut un grand couvert auquel assistèrent la plupart des personnages qui avaient pris une part active à la Révolution qui venait de s'opérer. M. Bérard, auteur de la proposition qui avait placé la couronne sur la tête du duc d'Orléans, était au nombre des convives. Après le diner, Louis-Philippe le présenta avec empressement à la

reine comme « l'homme qui leur avait rendu tant de services et auquel il avait de si grandes obliga

tions. »

Que deviennent, devant l'effusion d'un tel accueil, les protestations d'indifférence et même d'éloignement de Louis-Philippe pour le trône que les circonstances l'appelaient à remplir? Mais cette question, frivole aux yeux de l'histoire, est la moins grave sans doute de celles qui se rattachent à la détermination de ce prince. Ces circonstances étaientelles assez impérieuses pour autoriser la brusque substitution du principe orageux de l'élection parlementaire au principe pacifique de l'hérédité ? Une telle innovation n'allait-elle point émouvoir l'Europe? L'héritier du sceptre de Charles X, de son côté, était-il sans devoirs personnels envers une famille dont la foudre populaire avait brisé les prétentions, mais non les droits ni les espérances? Enfin, l'origine tumultueuse de son pouvoir ne serait-elle point elle-même un obstacle insurmontable, sinon à la répression matérielle de nouveaux désordres, du moins à la conquête de cette autorité morale sans laquelle il n'est point de soumission solide et durable ? Pourrait-il se flatter d'enchaîner un peuple échappé de ses lois sans appeler au secours de son gouvernement la corruption et la violence, et sans renier, au prix de dangereu

ses inimitiés peut-être, une partie de ses antécédents?

Telles sont les questions pressantes sous le poids desquelles Louis-Philippe entrait dans la périlleuse carrière que la Révolution de juillet lui avait ouverte. Il n'est point dans notre plan de l'y suivre. Une pareille tâche appartient à des jours plus calmes, à des temps plus désintéressés. Un jour peutêtre nous y dévouerons nos efforts; et, prenant pour terme de départ la situation actuelle, nous nous efforcerons d'apprécier à quel point le nouveau règne sut triompher des obstacles qui menaçaient sa marche; nous essaierons de caractériser avec impartialité le systême qu'il substitua au régime loyal dont un malentendu habilement exploité, d'incontestables fautes, une précipitation aveugle, et par-dessus tout une fatalité irrésistible avaient amené le renversement.

CHAPITRE QUATRIÈME.

Voyage de la famille royale de Maintenon à Cherbourg.

Passage à Dreux; Laigle, le Melleraut, Falaise, Condé. Arrestation de MM. de Polignac, de Peyronnet, Chantelauze, de Guernon-Ranville. Charles X et sa famille à Vire, Saint-Lô, Carentan, Valognes et Cherbourg. Son embarquement. Sa traversée et son débarquement à Cowes en Angleterre. Enthousiasme que la Révolution de juillet excite dans la Grande-Bretagne et aux Etats-Unis. Effet qu'elle produit à Alger.

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TANDIS que tous les prestiges, toutes les illusions du rang suprême se pressaient comme à l'envi autour du trône du nouveau monarque, la famille déchue s'acheminait lentement vers la terre d'exil.

A son arrivée à Maintenon, Charles X composa son escorte de ses gardes du corps à cheval, de la gendarmerie d'élite et de deux pièces d'artillerie. Tout le reste de l'armée fut congédié et cantonné par le maréchal Maison à Chartres et dans les environs. Quelques officiers de la cavalerie de la garde obtinrent toutefois la faveur d'accompagner le roi

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