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Pièce U.

(Tome n, page 33).

Lettre de Madame la Dauphine à M. le Dauphin

(interceptée ),

Mâcon, ce mercredi 28 au matin 1830.

J'ai reçu hier en arrivant ici, mon ami, ta lettre de dimanche, et suis bien fàchée que tu ne l'aies pas adressée à Autun je l'aurais eue plus tôt, y en ayant reçu une de madame d'Agoust de la même date, et une Gazette. Enfin

j'ai ta lettre, cela me fait plaisir; tu te portes bien, fort bien. Pour les dévotions, je les ferai un autre jour. Je croyais bien que ces histoires de promotions n'étaient pas vraies; je suis bien aise que tu sois content de ta lapinade. J'ai vu hier ici le préfet de Brosses; il avait déjà reçu les nouvelles du 26; lui, ni ses collégues, ne sont pas sans inquiétude; ils ne savent encore aucun détail, mais ils sont un peu effarouchés; ils croient qu'il y aura du mouvement, mais pas tout de suite. J'ai vu aussi hier à Châlon, celui de Dijon; il ne savait rien; c'est un fier trembleur, et je ne crois pas être très bien venue là; je l'ai été bien partout, je n'ai vu de très mauvais visages que dans un village. Saley et Laroque sont aussi venus ici. Je suis arrivée hier à six heures du matin à Autun, et ici à quatre heures, après m'être arrêtée deux heures à Châlon. Il a fait chaud et surtout beaucoup de poussière; il y a eu un peu d'orage cette nuit; je désire qu'il rafraîchisse le temps; je vais partir pour Bourg; je ne suis pas encore fatiguée, et si le temps était plus frais, je ne le serais pas du tout. J'ai bon courage et surtout bien résolue; tout ce que je pense voir ou entendre ne m'effraie pas. Je t'aime et embrasse de tout mon cœur. Hommages au roi, amitiés à ma sœur et aux enfants.

Pièce v.

(Tome 1, page 59).

COMMISSION MUNICIPALE.

Rapport au Rol.

(Moniteur du 4 septembre 1830).

« Sire,

« Les graves conjonctures d'où sort la patrie ont donné naissance à un pouvoir extraordinaire, qui, de même que tont autre, doit compte de ses actes; ce compte, la Com

mission municipale s'empresse de vous le rendre, nonseulement parce qu'elle est responsable, mais aussi parce que son autorité, qui a passé vite comme les grandes choses qui viennent de s'accomplir, doit cependant laisser quelques traces. L'administration publique et les finances de l'Etat ont été dans ses mains; elle a modifié des transactions commerciales, institué des officiers de l'état civil, créé des pouvoirs secondaires. Il importe qu'elle expose fidèlement ce qu'elle a fait et ordonné. Les droits privés, nés sous la garantie de son pouvoir temporaire, en seront plus certains, et l'autorité pourra plus sûrement continuer les affaires non achevées.

« Nous ne parlerons pas de ces jours de dangers où ceux des députés qui se trouvaient dans la capitale se réunirent pour sauver nos libertés. Peu étaient présents, tous auraient voulu l'être. Le 26 juillet, à l'apparition des ordonnances, l'indignation éclata de toutes parts; le 27, la lutte commença; le 28, on se battit avec acharnement. Paris était en état de siége; les autorités civiles suspendues, l'autorité militaire confinée dans quelques quartiers où elle résistait encore; et déjà le peuple inquiet au milieu de ces combats, le peuple qui voulait une victoire aussi pure que sa cause, demandait des chefs pour régler ses mouve

ments, et il les demandait à ceux que l'élection nationale venait de signaler à sa confiance.

« Dans la matinée du 29, à un moment où le combat encore incertain avait cependant renversé toutes les autorités de la capitale, les députés réunis décidèrent qu'ils devaient pourvoir au salut de la patrie. L'autorité supérieure militaire fut confiée à M. le général Lafayette; la direction des opérations actives à M. le général Gérard. Il fut arrété en même temps que, sous le titre de Commission municipale, une commission, investie de tous les pouvoirs que demandaient les circonstances, se transporterait à l'Hôtelde-Ville, et prendrait le maniement des affaires.

« Il serait difficile de dire quel trouble régnait alors à cet Hôtel-de-Ville, théâtre de combats acharnés, pris et repris trois fois, dont les murs étaient sillonnés par les balles et la mitraille. Une foule immense l'encombrait, allant, venant sans cesse, demandant des ordres, sans trouver personne qui en pût donner. Aussitôt qu'il fut connu que des membres de la Chambre prenaient en main 14 chose publique, chacun obéit: tant le principe de l'élection nationale est révéré des peuples! tant il a de puissance sur les esprits!

« La Commission devait s'occuper sur-le-champ d'orga

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