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quelle le conseil de marcher au canon de Waterloo lui fut donné, et la distance qui l'en séparait, l'empêchèrent d'y attacher la moindre importance. On lui a répondu par une exacte mesure des distances, que deux heures lui auraient suffi pour atteindre la Dyle et pour se mettre en communication avec la grande armée, ce qui était conforme à toutes les instructions verbales et écrites de Napoléon, et eût sauvé la France, et que d'ailleurs l'insuccès même de l'entreprise ne le justifierait pas de ne l'avoir pas tentée, puisqu'il ne pouvait, dans le moment, en mesurer toutes les difficultés ou tous les obstacles. La seconde excuse donnée par le maréchal Grouchy dérive de la forme impérative de ses ordres, dont il ne pouvait pas, disait-il, s'écarter, ou de leur insuffisance. On a répondu que cette excuse ne pouvait pas être admise plus que la précédente; que ces ordres, en effet, étaient clairs, précis, comme tous ceux que donnait Napoléon, et que si quelque chose devait surprendre lorsqu'on les relit à près de cinquante ans d'intervalle, c'est de voir comment un si puissant génie pouvait descendre des grandes pensées qui l'occupaient en ce moment, jusqu'aux plus minces détails dans lesquels il ne craignait pas d'entrer, tant il attachait d'importance à ne rien laisser de vague ou d'indécis dans les instructions qu'il donnait à ses lieutenants. Voici d'abord 'ordre verbal donné par Napoléon sur le champ de bataille de Ligny, le 17 juin, à onze heures du matin, et reconnu exact par le maréchal Grouchy dans sa brochure de 1819.

‹ Mettez-vous à la poursuite des Prussiens, complétez leur défaite en les attaquant dès que vous les aurez joints et ne les perde≈ jamais de vue. Je vais réunir au corps du maréchal Ney les troupes que j'emmène avec moi; marcher aux Anglais et les combattre s'ils tiennent de ce côté-ci de la forêt de Soignes '. Vous correspondrez avec moi par la route pavée qui conduit aux Quatre

Bras. >

Rier de plus net et de plus précis, sans doute, que cet ordre,

Cette phrase montre assez que Napoléon n'a jamais eru, comme l'ont prétenda quelques-uns des historiens modernes de la campagne de 1815, que Wellington ne pourrait choisir son champ de bataille, pour couvrir Bruxelles, que de l'autre côté de la forêt de Soignes.

et l'intention de l'Empereur de paralyser les mouvements de l'armée prussienne, tandis qu'il va combattre les Anglais, y est clairement indiquée. Cependant Napoléon, avant de quitter le champ de bataille de Ligny, ayant reçu de nouveaux rapports sur la véritable direction prise par différents corps de l'armée prussienne qu'on avait cru faussement en retraite sur Namur, s'empresse d'en informer son lieutenant, et voici les instructions complémentaires qu'il lui donne, plus appropriées que les précédentes aux nouvelles circonstances qui se présentent et si positives, cette fois, qu'elles semblent ne devoir plus lui laisser la moindre hésitation sur la conduite qu'il aura à suivre.

NAPOLEON AU MARECHAL GROUCHY 1.

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Ligny, 17 juin 1815 (onze heures et demie environ.

« Monsieur le Maréchal,

« Je vous fais écrire la présente lettre par le grand-maréchal Bertrand, n'ayant pas en ce moment près de moi le major-général...

< Rendez-vous de suite à Gembloux avec la cavalerie du général Pajol, la cavalerie du 4 corps et le corps de cavalerie du général Excelmans, la division du général Teste, dont vous aurez un soin particulier, étant détachée de son corps d'armée, et le 3o et le

Ge document si précieux pour la gloire de Napoléon, puisqu'il montre clairement qu'il avait pénétré, dès le 17 juin, par la perspicacité de son génie, tous les desses de ses adversaires et le secret de la bataille de Waterloo livrée le lendemain 18, comme s'il eût assisté à leurs conciliabules, est resté longtemps inconnu; la maniere insolite dont il avait été écrit fait qu'il n'avait pas été inscrit sur le livre d'ordre de l'armée; il ne se trouve pas dans les cartons du dépôt de la guerre et il est probable que Napoléon lui-même l'avait tout à fait oublié, car il n'en est fait aucune mention dans les écrits émanés de Sainte-Hélène. On avait eru longtemps que le maréchal Grouchy n'avait reçu de l'Empereur que des instructions verbales; la lettre suivante prouve le contraire; elle a été donnée, pour la première fois, dans l'une des dernières brochures publiées par le maréchal Gronchy ponr sa défense; elle a ete reproduite de puis dans les ouvrages de MM. Charras et Ed. Quinet; mais tous deux l'ont tronquet et semblent n'en avoir pas compris tonte l'importance; nous la donnons ici sans en rien retrancher, même des détails tout à fait étrangers à la question dont nous nous ocenpons, parce qu'ils montrent mieux que tout ce que nous pourrions dire tonte à lucidité et l'étendue du génie de Napoléon, qui savait tout embrasser.

4 corps d'infanterie. Vous vous ferez éclairer sur la direction de Namur et de Maëstricht et vous poursuivrez l'ennemi.

Eclairez sa marche et instruisez-moi de ses manœuvres, de manière que je puisse pénétrer ce qu'il veut faire. Je porte mon quartier-général aux Quatre-Bras, où ce matin étaient encore les Anglais. Notre communication sera donc directe par la route de Namur. Si l'ennemi a évacué Namur, écrivez au général commandant la deuxième division militaire, à Charlemont, de faire occuper cette place par quelques bataillons de garde nationale et quelques batteries de canon qu'il formera à Charlemont. Il donnera ce commandement à un maréchal de camp.

Il est important de pénétrer ce que l'ennemi veut faire : ou il se sépare des Anglai-, ou ils veulent se réunir encore pour couvrir Bruxelles et Liège en tentant le sort d'une nouvelle bataille 2. Dans tous les cas, tenez constamment vos deux corps d'infanterie réunis dans une lieue de terrain, et occupez tous les soirs une bonne position militaire, ayant plusieurs débouchés de retraite. Placez des détachements de cavalerie intermédiaires pour communiquer avec le quartier-général 3.

NAPOLÉON. >

Deux ordres furent encore envoyés par le inajor-général du champ du bataille de Waterloo, au maréchal Grouchy, pour lui recommander, comme n'avait cessé de le faire Napoléon, de se mettre au plus tôt en communication avec la grande armée, mais comme ces ordres arrivèrent trop tard pour recevoir aucune

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Napoléon devinait parfaitement, comme on voit, la véritable direction de retraite du gros de l'armée prussienne sur Wavres et Bruxelles, malgré les fausses indications recueillies par sa cavalerie légère.

Napoléon ne pouvait indiquer plus clairement les projets de Wellington et de Blücher, et le plan de la bataille de Waterloo, que sa sagacité lui avait découverts avant même qu'ils fussent peut-être définitivement arrêtés entre eux. M. E. Quinet a prétendu que ce passage impliquait l'idée toujours poursuivie par Napoléon que le champ de bataille choisi par l'ennemi devait être de l'autre côté de la forêt de Soignes, mais rien ici n'appuie cette supposition, et Napoléon, dans ses instructions verbales, rapportées plus haut, avait dit précisément tout le contraire.

'Cette seule disposition, tant de fois recommandée par Napoléon, si elle eût été remplie, eût changé l'issue de la bataille de Waterloo; ainsi, dans cette journée fatale, quelques pelotons de cavalerie ont décidé du sort de la France et de l'Empire

exécution, il est inutile de les transcrire ici; cependant ce sont des documents intéressants pour ceux qui étudieront l'histoire de cette campagne, parce qu'ils montrent clairement que le mouvement conseillé par le général Gérard, de marcher au bruit du canon, était non-seulement conforme à toutes les règles de la stratégie, mais encore aux véritables intentions de l'Empereur, tandis que le maréchal Grouchy a toujours soutenu le contraire; ce qui prouve, encore une fois, qu'il s'était trop strictement attaché à la lettre de ses instructions, et qu'il n'en avait pas bien saisi l'esprit.

Concluons donc de ces observations qu'il serait facile d'étendre plus loin, que, conformément à ce que nous avons dit dans le texte, Napoléon, dans la courte campagne de 1815, a rempli tous les devoirs d'un chef habile et expérimenté; que son génie ne lui a pas fait défaut, et qu'il aurait sans doute triomphé à Waterloo, comme à Marengo, comme à Austerlitz, comme à Friedland, s'il avait trouvé pour le seconder les mêmes chefs, les mêmes soldats, les mêmes intelligences et les mêmes dé

vouements.

FIN DES NOTES ET PIÈCES HISTORIQUES DU TOME TROISIEME.

TABLE DES MATIÈRES

DU TOME TROISIÈME.

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LIVRE QUATRIÈME.

CONSULAT ET EMPIRE.

(1800-1815.)

CHAPITRE PREMIER.

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Visite du Premier
Enthousiasme avec lequel

Suites de la révolution du 18 Brumaire. M. de Pontécoulant revient à Paris.
Audience du Premier Consul. - Il refuse un portefeuille ministériel et un siége ar.
Conseil d'Etat. Ses raisons. Il est appelé à la préfecture du département de
la Dyle. Etat déplorable des départements nouvellement réunis à la France par
suite du traité de Campo-Formio. Exactions exercées par les agents du Direc-
toire dans ces provinces.- Soins apportés par le nouveau préfet pour ramener l'ordre
dans toutes les branches de l'administration. Protection donnée au rétablisse-
ment du culte catholique.-Réparation des voies de communication, sécurité réta-
blie sur leur parcours par la destruction des bandes de brigands qui les infestaient.
- Mesures philanthropiques prises par le préfet de la Dyle, pour arriver à l'ex-
tinction de la mendicité, et fondation de la maison centrale de Vilvorde, qui a
servi de modèle à tous les établissements du même genre. Adoucissements
apportés à la législation des émigrés, facilités offertes aux émigrés de toutes les
parties de la France pour rentrer dans leur patrie.
Instructions données à ce
sujet par le Premier Consul à l'insu de ses ministres.
Consul dans les départements réunis (juillet 1803).
il est accueilli par toutes les populations des anciennes provinces belges.
Arrivée du Premier Cousul à Bruxelles, le 2 thermidor an XI (21 juillet 1803).
Discours adressé par le préfet de la Dyle au Premier Consul, à son entrée dans la
capitale de l'ancienne Belgique; réponse du Premier Consul. En témoignage de
satisfaction pour la réception enthousiaste qui lui est faite, il consent à prolonger
d'une semaine son séjour dans le chef-lieu du département de la Dyle. - Récep-
tion des corps constitués. Il annonce aux ministres du culte catholique un
concordat basé sur la plus large interprétation des libertés de l'Église gallicane.
Promesse aux représentants de la magistrature d'un code civil et aux membres
de l'instruction publique du rétablissement, sur de nouvelles bases, de l'ancienne
université. Visites aux ateliers et manufactures. - Sagacité admirable du génie
de Bonaparte, son aptitude à saisir le but d'utilité dans toutes les branches des
connaissances humaines. Encouragements intelligents qu'il distribue aux indus-
tries spéciales à la Belgique. Protection particulière qu'il accorde aux manu-
factures de dentelles; ses raisons pour propager ce genre d'industrie; détails
curieux dans lesquels il entre à ce sujet. Le préfet de la Dyle présente au
Premier Consul un arrêté relatif à la radiation de la liste des émigrés, de quatre-
vingt-douze citoyens appartenant aux premières familles du Brabant.

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