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aux pieds de ses partisans, qui déjà de tous côtés envahissaient le sérail. Un si odieux attentat ne pouvait que hâter la chute de l'usurpateur en montrant aux conjurés qu'ils n'avaient à attendre de lui ni pardon ni merci. Ils prononcèrent donc sa déposition, tous ceux qui avaient pris part au meurtre du sultan Selim III furent sur-lechamp décapités, et Mustapha fut précipité dans la même prison où il avait si longtemps retenu et fini par assassiner son souverain et son oncle, et où il ne tarda pas à éprouver le même sort. Son frère fut choisi pour lui succéder et fut déclaré empereur sous le nom de sultan Mahmoud (29 juillet 1808). Plus heureux que Sélim et que beaucoup de ses prédécesseurs, Mahmoud eut l'avantage peu commun parmi les despotes de l'Orient de mourir sur le trône où la sédition de Mustapha-Baïractar l'avait placé, tandis que celui-ci paya de sa tête la haine implacable que la faction des janissaires lui avait vouée. La fin de cet homme extraordinaire fut digne de sa vie. Nommé grand-visir par le sultan Mahmoud, quelques mois à peine s'étaient écoulés depuis la dernière révolution, lorque les réformes qu'il avait introduites dans l'armée firent éclater parmi les troupes de Constantinople une terrible sédition qu'il ne put ni réprimer ni calmer. Retranché dans l'enceinte du sérail où, après des prodiges de valeur, il avait été obligé de se retirer, accablé par le nombre de ses ennemis et sommé par les janissaires révoltés de leur rendre Mustapha IV, qu'ils voulaient remettre sur le trône, il leur fit la même réponse que, quelques mois auparavant, il en avait reçue dans une occasion semblable, il fit jeter à leurs pieds le cadavre de Mustapha étranglé dans son

cachot; puis, se dirigeant vers un endroit écarté du palais où étaient placés les magasins à poudre, il y mit le feu de sa propre main et se fit sauter en entraînant avec lui ceux de ses adversaires qui s'étaient le plus acharnés à sa poursuite.

Le règne du sultan Mahmoud fut encore plus d'une fois troublé par les violences criminelles de cette faction indisciplinée, qui venait d'immoler son grand-visir dans son palais même et presque sous ses yeux; mais à force d'adresse et de persévérance, après avoir triomphé de plusieurs complots qui menaçaient à la fois sa couronne et sa vie, le rusé Mahmoud parvint enfin à détruire le fatal pouvoir de ces orgueilleux et turbulents prétoriens qui avaient causé la perte de tant de sultans, et si souvent jeté le trouble et le désordre dans l'empire ottoman. Mahmoud poursuivit ensuite son règne avec plus de tranquillité, et put commencer dans l'administration et dans l'armée cette série de réformes qu'avait rêvées le sultan Sélim, et qui auraient rendu à l'antique empire des Osmanlis la place et l'importance que devrait occuper parmi les peuples de l'Europe une nation brave et intelligente, si les mœurs, les préjugés et la religion n'opposaient chez elle un obstacle insurmontable à tout perfectionnement social.

Mais retournons à l'année 1807, et reprenons la marche des événements sur lesquels nous avons un peu anticipé pour n'avoir plus à revenir dans la suite de ce récit sur les importantes révolutions survenues successivement à Constantinople pendant les années suivantes. Les succès des armes de Napoléon, qui terminait par des succès aussi inouïs que décisifs, l'une de ses plus glorieuses

campagnes, donnaient chaque jour moins d'importance à nos relations amicales avec la Turquie; déjà la nouvelle de la victoire de Friedland était arrivée jusque sur les bords du Danube, et laissait espérer qu'une paix glorieuse allait terminer enfin cette guerre contre la Prusse et la Russie qui durait depuis près d'une année. M. de Pontécoulant, jugeant désormais sa présence à l'armée du grand-visir inutile et sans objet, profita de cette heureuse réunion de circonstances pour reprendre le cours de son voyage que son amitié pour le général Sébastiani et sa soumission aux ordres de l'Empereur l'avaient seuls forcé d'interrompre, et, n'écoutant plus que les puissants intérêts qui le rappelaient dans sa patrie, après plus de onze mois d'absence, le 11 juin 1807, il rentrait dans Paris.

CHAPITRE III.

- Sénatus

Exaltation du peuple français en apprenant les étonnants succès de la campagne de 1807. - Paix de Tilsitt; réflexions sur quelques articles authentiques ou secrets du traité de paix signé le 7 juillet 1807. Napoléon, arrivé au faite de la fortune, ne peut plus que déchoir. — L'Empereur rentre dans Paris. Joi enthousiaste que la population parisienne lui témoigne à son retour. — Fêtes pour célébrer la victoire et la paix. Nouvelle étiquette introdu te au palais des Tuileries. M. de Pontécoulant est appelé en audience particulière pour rendre compte de sa mission en Turquie. Son étonnement en remarquant le prodigieux changement qui s'est opéré dans la constitution de Napoléon pendant la dernière campagne. - Changement non moins remarquable dans son langage, dans son attitude et dans ses idées politiques. Sinistres pressentiments pour l'avenir. Confidence du duc de Bassano. Projet de démembrement de la Turquie. Le comte de Pontécoulant est appelé à faire partie de la commission chargée d'élaborer le projet. - Le général Sébastiani est rappelé de Turquie pour donner son avis.-M. de Pontécoulant et le général Sébastiani se prononcent énergiquement en faveur de l'intégrité de l'empire ottoman. - Napoléon renonce à ses premières idées sur l'Orient; toute son attention se concentre sar la péninsule Ibérique. Conférence de Bayonne; abdication forcée de Charles IV, roi d'Espagne, au profit d'un prince de la maison impériale. — Consternation que ce grand attentat répand dans l'Europe entière. consulte qui prononce la réunion à l'Empire français de Flessingue, Cassel, Kehl et Wesel. Décret qui prononce le démembrement des États de l'Église et leur réunion au royaume d'Italie. Décret qui prononce l'annexion à l'Empire de la Toscane, des duchés de Parme et de Plaisance. Rome devient le chef-lieu du département du Tibre. Entrée en Espagne des armées françaises. - Soulèvement général de la population contre l'invasion étrangère. · lation de Baylen par le géréral Dupont. - Colère de Napoléon. - Entrevue d'Erfurt entre Napoléon et l'empereur de Russie. - Napoléon l'abrége pour se rendre en Espagne. Sa présence rétablit ses affaires; il entre triomphant dans Madrid, où il rétablit sur son trône son frère Joseph. Nouvelle coalition suscitée par l'Angleterre; l'Autriche déclare la guerre à la France. Une partie de l'armée d'Espagne repasse les Pyrénées et franchit le Rhin. - Bataille incertaine d'Essling; mort du maréchal Lannes, duc de Montebello. Bataille san. glante de Wagram. La victoire coûte à Napoléon ses meilleurs soldats. L'Autriche se livre à la discrétion du vainqueur. - Dures conditions imposées par Napoléon. Les villes de Goritz, Monte-Falcone, Trieste, Willack, cessent d'appartenir à la maison d'Autriche; tout le pays au delà de la Save est réuni à la Dalmatie. -L'Autriche s'engage à rompre désormais toute relation avec l'Angleterre et à reconnaître les changements opérés par Napoléon dans les deux péninsules espagnole et italienne. -Retour de Napoléon dans sa capitale. - Joie de la population; fêtes et réjouissances publiques à l'occasion de la paix. - Sénatus-consulte qui prononce la dissolution du mariage de Joséphine et de Napoléon. Deux puissances, l'Autriche et la Russie, se disputent l'honneur de donner une nouvelle épouse à Napoléon; raisons qui le déterminent en faveur de

-

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l'Autriche. piègne. Louise.

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Première entrevue de Napoléon et de Marie-Louise à ComCérémonie du mariage de Napoléon avec l'archiduchesse MarieFêtes pompeuses qui ont lieu dans Paris à l'occasion de cette solennité. Voyage de Napoléon dans les principales provinces de l'Empire. - Louis Bonaparte, roi de Hollande, abdique la couronne. Un décret impérial réunit à l'Empire la Hollande, les Villes anséatiques et le Valais. Le maréchal Bernadotte est appelé au trône de Suède. L'insurrection fait de nouveaux progrès en Espagne. Naissance du Roi de Rome. Allégresse que cette nouvelle répand dans toutes les classes de la population parisienne. - Nouvelles rigueurs apportées par Napoléon au blocus continental. - Prise de possession par les troupes françaises du grand-duché d'Oldenbourg.. Le prince souverain, beau-frère de l'empereur Alexandre, est chassé de ses États. Réclamations inutiles faites à cet égard par l'empereur de Russie. - Indices précurseurs d'une prochaine rupture avec cette puissance. Immenses préparatifs faits par Napoléon dans cette prévision. Le comte de Pontécoulant est envoyé en mission dans la FrancheComté pour organiser dans cette province des bataillons de réserve sous le nom de premier et d'arrière-ban. — L'Empereur quitte Paris le 9 mai 1812. — Son arrivée à Dresde, où se sont empressés d'accourir, pour lui rendre foi et hommage à son passage, l'empereur d'Autriche, les rois de Prusse, de Saxe et tous les princes sonve rains d'Allemagne. Départ de Dresde; arrivée à Thorn; Napoléon apprend dans cette ville qu'un traité d'alliance offensive et défensive a été signé entre la Porte et la Russie; violente contrariété que lui cause cette nouvelle inattendue. - Le 22 juin Napoléon établit son quartier général à Wilkowiski, sur les confins du grand-duché de Varsovie; proclamation qu'il adresse à ses troupes, prêtes à entrer sur le territoire russe. Le 24 juin 1812 l'armée française franchit le Niemen sur trois ponts établis près de Kowno. - Napoléon, suivi de ses innombrables bataillons, s'enfonce, avec la fortune de la France, dans les plaines sablonneuses de la Lithuanie; réflexions à ce sujet.

L'arrivée de M. de Pontécoulant à Paris n'avait précédé que de quelques jours la nouvelle de la paix de Tilsitt et des circonstances extraordinaires qui avaient accompagné ce grand événement. C'était un spectacle étrange, en effet, et jusque-là sans exemple dans les fastes de l'histoire, que celui de deux souverains, l'un vainqueur l'autre vaincu, traitant par eux-mêmes et sans l'intervention d'aucun agent diplomatique, les intérêts de leurs peuples et le partage du continent. On eût dit que Napoléon, non content d'étonner le monde par les prodiges de la guerre, voulait le frapper encore par l'appareil inaccoutumé dont il entourait les négociations de la paix. Le bivouac d'Austerlitz avait laissé dans les esprits une impression que rien dans la suite ne semblait

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