pris ses précautions pour comprimer toute tentative de résistance. Le maréchal Marmont, duc de Raguse, dont le nom, justement odieux par sa trahison de 1814, devait être encore une fois fatal à la France, avait été choisi comme le digne exécuteur de ses volontés. Il avait reçu le 25 juillet, au moment même de la promulgation des ordonnances, le commandement supérieur de la ville de Paris, et de toutes les troupes cantonnées dans la division, avec la mission d'établir par la force des baïonnettes le régime arbitraire que la volonté d'un prince insensé venait de substituer au pacte qu'il avait juré. Le gant était jeté, il fut noblement relevé. Toutes les nuances de partis, tous les organes de l'opinion publique, se confondirent dans un même sentiment, la défense de la gloire et de l'indépendance nationales. Alea jacta est !!! Malheureux Roi! Malheureuse France! s'écria, avec le juste pressentiment de ce qui allait arriver, le Journal des Débats qui s'était toujours signalé par son dévouement à la cause de la légitimité. Accourez, écrivait M. Pagès (de l'Ariège), rédacteur du Courrier français, à Benjamin Constant, alors à la campagne à quelques lieues de Paris, venez vaincre ou mourir avec nous, une partie terrible est engagée et nos têtes sont ̧ les enjeux! Le combat dura trois jours, et le 28 juillet éclaira encore une fois, comme aux grandes journées de notre première révolution, le triomphe de la liberté, et l'un de ces spectacles qui ne s'offrent guère deux fois dans la durée d'un siècle, la victoire noble et sans tache d'un peuple fier et courageux armé pour la défense de ses droits et de ses institutions. Ce serait sortir du cadre que nous nous sommes im posé que de retracer ici les émouvantes et nombreuses péripéties de cette lutte glorieuse, nous dirons seulement qu'elle fut digne en tout du noble patriotisme qui avait armé les combattants; la population parisienne se montra pendant ces trois immortelles journées, intrépide dans l'attaque, généreuse envers les vaincus, pure de tout excès même dans l'enivrement du triomphe. Jamais depuis les jours où le cri de la liberté s'était fait entendre pour la première fois en 89, elle ne s'était soulevée avec une telle unanimité, jamais elle n'avait déployé sur une si vaste échelle l'exemple de toutes les vertus civiques, et si cette lutte eût été sa dernière prise d'armes, si elle avait su jouir avec calme, avec modération des bienfaits de cette liberté, pour laquelle elle venait de verser tant de sang généreux, elle aurait sans doute laissé dans l'histoire la renommée du peuple le plus grand et le plus glorieux des temps modernes. Mais une question difficile sur laquelle on ne s'était point arrêté pendant la chaleur du combat, se présenta bientôt à tous les esprits, dès que la lutte fut terminée. Charles X était vaincu, il avait recueilli à Saint-Cloud, d'où il assistait à cette guerre fratricide déchaînée par son imprudence, les débris de son armée, puis il s'était retiré avec eux derrière Versailles sur les hauteurs de Rambouillet. Toute transaction avec ce roi fugitif était devenue impossible, c'eût été désormais entre le peuple et le souverain une alliance sans dignité d'une part, sans confiance de l'autre ; la Charte était violée et les mains qui l'avaient déchirée ne pouvaient prétendre à en réunir les lambeaux. Le trône était donc encore une fois vacant, le temps pressait, les partis s'agitaient; déjà l'on parlait de manifestations républicaines; la faction bonapartiste, de son côté, quoique faible par le nombre, invoquait des souvenirs qui impressionnaient fortement les classes inférieures de la nation ; il fallait agir promptement ou s'attendre à voir surgir des obstacles qu'il serait impossible de surmonter. On doit rendre justice ici aux sentiments vraiment patriotiques qui animèrent quelques citoyens dévoués à leur pays et à la cause des libertés publiques, qui paraissait en ce moment intimement liée à sa gloire et à son existence. Ils avaient distingué sur les marches du trône un prince qui, à l'aurore de notre première révolution, avait pris part aux plus glorieux faits d'armes de nos armées républicaines; qui, sur les champs de bataille de Valmy et de Jemmapes, avait donné les preuves du plus brillant courage; qui avait ensuite déployé dans l'exil la fermeté d'un noble caractère; qui, de retour dans sa patrie par suite des événements de 1814, s'était tenu soigneusement à l'écart, étranger à toutes les intrigues, donnant tous ses loisirs à l'étude, s'entourant de tous les hommes distingués dans les lettres, les sciences et les arts, et s'en faisant aimer bien plus par l'accueil bienveillant qu'il avait pour tous, que par les encouragements pécuniaires qu'il leur prodiguait. On l'avait vu applaudir aux progrès de toutes les libertés nationales; il avait voulu que ses fils, l'objet de ses plus chères affections, fussent élevés au milieu de la jeunesse parisienne dans l'amour de la Charte et des institutions constitutionnelles; entouré d'une famille nombreuse et charmante, il donnait à ses concitoyens l'exemple de toutes les vertus privées. Distingué par la supériorité de l'esprit et du caractère, d'une fidélité invariable dans ses engagements, en quelles mains le dépôt de nos libertés reconquises pouvait-il être plus sûrement placé? Si la tâche était grande, les gages donnés assuraient qu'elle serait dignement remplie. Ce fut vers lui que se tournèrent tous les yeux au sortir de cette terrible crise, qui avait brisé tous les ressorts de l'ancien gouvernement, et qui menaçait, si elle eût duré quelques jours encore, de livrer la société désarmée à toutes les horreurs de l'anarchie et de la guerre civile. Louis-Philippe, duc d'Orléans, fut nommé, par un assentiment unanime, lieutenant-général du royaume, c'était un acheminement vers le trône que Charles X venait de perdre par son aveugle obstination et par la violation des serments les plus sacrés. LIVRE SIXIÈME. RÈGNE DE LOUIS-PHILIPPE. (1830-1848.) CHAPITRE PREMIER Suites de la révolution de juillet 1830. Enthousiasme général du Royaume. - Visite du prince à l'Hôtel de Ville. populaire qui éclate partout sur son passage. d'Orléans est proclamé Roi des Francais. La Chambre se rend en corps au de cette translation. |