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admet l'impossibilité de les renouveler, mais si on veut absolument introduire du nouveau, choisissons la fabrication des objets que nous allons chercher à grands frais à Paris et ailleurs; je veux parler des pendules de toute espèce et des meubles en marqueterie, genre de travail qui rentrerait dans les aptitudes de nos populations en leur créant de nouvelles ressources. La fabrication des pendules marcherait de pair avec l'horlogerie, ce serait une industrie normale, s'introduisant naturellement, et qui aurait pour cela d'autant plus de chances de réussir. La marqueterie introduirait un peu d'art dans l'industrie; les ornements en bronze qu'elle comporte, s'allieraient parfaitement avec l'ornementation des pendules, et au lieu d'envoyer pour ces objets notre argent au dehors, l'exportation de ces produits fabriqués arriverait bientôt à un chiffre élevé.

Si l'Etat ne peut pas chez nous, à l'instar des grands pays, dépenser de fortes sommes pour venir en aide au travail et principalement pour soutenir les beaux-arts, il a cependant le devoir de favoriser l'industrie nationale soit en ce qui concerne les fournitures de ses administrations, soit en facilitant par des droits d'entrée bien entendus et cotés suffisamment bas, l'entrée des marchandises de première nécessité dont nous sommes forcément tributaires de l'étranger. Mais si c'est le devoir de l'Etat de protéger l'industrie nationale, c'est aussi celui du public consommateur, et c'est ce que je tiendrais à lui mettre à cœur.

Un peuple est un corps constitué, c'est une famille, quand dans une famille unie, un membre souffre les autres s'en ressentent. De même si nous demandons à l'étranger ce dont nous avons besoin, en y portant notre argent, pendant que nos compatriotes sont sans travail et n'ont rien à gagner, la paix et la prospérité seront bientôt compromises, et ceux qui ont à cœur le bien-être général

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souffriront de cet état de choses. Celà est encore plus vrai pour la petite Suisse avec ses ressources restreintes que pour un grand pays, auquel la mer ouvre le chemin du monde entier. Nous devons compter les uns sur les autres dans tout et partout, et si, quand notre existence politique était menacée nous avons toujours été unis et disposés à tout sacrifier pour la patrie, pourquoi quand nous avons à combattre le combat de la vie, de tous les jours et de tous les instants, perdons-nous ce sentiment d'esprit de corps et de solidarité ? Que cet esprit se réveille en nous; pensons premièrement à nos concitoyens lorsqu'il s'agit de nos dépenses, car leur bien-être sera le bien-être de tous. Si la misère devait augmenter chez nous, celui qui est à l'abri du besoin s'en ressentirait même aussi et ses charges en seraient augmentées. Le minime profit réalisé en achetant quelque peu meilleur marché les produits étrangers est perdu doublement en sortant l'argent du pays; la richesse nationale diminue, et pendant ce temps son industrie périclite et tombe faute de débouchés; les forces vives du pays restent improductives, et quand par suite la prospérité de tout un peuple aura reçu une mortelle atteinte, celui même qui se croyait le plus invulnérable dans sa fortune et dans sa position risque de voir ou lui ou ses enfants porter la peine de cet état de choses.

Tenons-nous donc tous par la main, soutenons et apprécions notre industrie, n'achetons pas à l'étranger ce que nous obtiendrons tout aussi bien et peut-être encore en meilleure qualité chez nous, et si chacun contribue ainsi pour sa part au relèvement du travail, nous supporterons plus facilement la crise qui sévit et la grande transformation que subit l'industrie.

Nous verrons bientôt que ce n'est pas dans la création de beaucoup d'industries nouvelles qu'il faut chercher

notre salut, mais simplement en améliorant et soutenant celles déjà existantes.

Que le présent soit pour nous une leçon et un encouragement à ne jamais perdre de vue le bien et le bonheur de tous, qui est aussi le nôtre.

C.-L. SCHNIDER, ingénieur.

NOS VIEILLES GENS

Maisons, meubles, nourriture et costumes avant le XIX siècle

par A. QUIQUEREZ.

INTRODUCTION.

Après avoir étudié, dans plusieurs de nos publications, les diverses antiquités du Jura bernois, depuis les temps préhistoriques jusqu'au moyen âge, décrit les anciennes églises, les manoirs féodaux, tant ceux bâtis sur des rochers que les maisons fortifiées, qui étaient presque aussi nombreuses que nos villages, les maisons des bourgeois de nos villes, nous ne pouvions oublier de dire quelques mots des habitations du peuple des campagnes avant le XIXe siècle, et de quelques-unes des choses qui s'y rattachent, telles que le mobilier, la nourriture, le costume de leurs habitants.

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Il ne reste plus guère d'anciennes maisons; le petit nombre qu'on en remarque encore éprouve tour à tour des restaurations qui détruisent jusqu'aux derniers vestiges de ces demeures. Leur vieux mobilier disparaît encore plus rapidement et, avec ces meubles, les usages de table et les vêtements d'autrefois.

Tout cela cependant a de l'intérêt pour ceux qui étudient la marche des choses, et le résumé de nos recherches prouvera qu'il y a progrès dans le bien-être matériel du peuple des campagnes, quoique sous le rapport moral le progrès laisse encore à désirer.

L'histoire des temps passés offre toujours d'utiles leçons pour le présent. C'est dans ce but que nous avons recueilli quelques-uns de nos souvenirs personnels et de ceux consignés dans des documents divers, sans oublier les traditions qui, en telle matière, ont une certaine valeur. Mais, né en 1801, l'âge nous presse et nous avons hâte de laisser encore courir notre plume, pendant que la main reste ferme et la mémoire fidèle.

I. Habitations.

Nous n'avons pas de données certaines sur les habitations des peuples primitifs de nos montagnes. Elles ne devaient guère différer de celles qu'on attribue aux peuplades qui établissaient leurs demeures sur des pilotis le long des rives des lacs. Elles ne pouvaient être qu'en bois, aussi longtemps que l'usage des métaux fut inconnu. Le peu de vestiges que nous en avons découverts nous a pleinement confirmé dans cette opinion; car, sur les emplacements où les constructions ont existé, il n'y aucune trace de l'emploi de la pierre, mais au contraire du charbon et des cendres révélant la cause de la destruction de ces habitations purement ligneuses. Les cavernes du Jura, les abris sous roches qui ont été habités alors n'ont guère plus laissé de débris.

Dans nos recherches et publications sur le premier âge du fer, nous avons plus d'une fois décrit les huttes des industriels qui s'occupaient de sidérurgie. Elles n'étaient que la continuation de celles des temps antérieurs. Elles ne différaient guère de celles des autres habitants du pays et surtout de ces petites métairies éparses dans les montagnes. Souvent celles-ci ont dû leur naissance aux bûcherons, charbonniers et forgerons des anciens temps et elles ne pouvaient guère en différer que par un peu plus de grandeur, afin de pouvoir y loger leurs ani

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