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contingent de tous les départements maritimes a éprouvé une réduction sensible. Peut-être restet-il encore, malgré les changements que nous vous proposons, quelque inégalité dans la répartition du contingent; peut-être eùt-il fallu accorder quelque adoucissement aux cantons non maritimes, mais dont la population est fixée sur les bords des fleuves et des grandes rivières; peut-être eût-il fallu, saisissant d'une main hardie le système entier des deux conscriptions... mais le génie même le plus vaste ne peut tout embrasser dans le même instant; mais il est de la nature du bien de n'arriver qu'avec lenteur, et de celle de la sagesse de ne marcher qu'à la lueur de l'expérience aussi le Gouvernement a-t-il pensé qu'il devait cette année se borner à ce premier pas. La connaissance que vous avez de son activité et de ses principes ne vous permettra pas de douter qu'il ne parcoure bientôt dans son entier la carrière qu'il vient d'ouvrir, et nous devons espérer qu'il y laissera, comme il l'a fait partout, les empreintes de son amour pour la justice et de son désir de terminer tout ce qui peut ajouter au bonheur et à la gloire des Français.

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Le changement que le Gouvernement vous propose, citoyens législateurs, ne sera pas la seule amélioration que l'an XII aura fait éprouver au système de la conscription. La création des bataillons de vélites et celle des compagnies de voltigeurs. le rendront plus doux sans l'énerver, tandis que la libération de la classe non active de l'an VII, qui a été proclamée en l'an XII, et celle de la classe non active de l'an VIII, qui le sera en l'an XIII, lui donneront une force qu'il n'avait pu encore obtenir il ne nous manquera plus alors que de voir s'établir dans chaque corps de l'armée les écoles publiques dont le législateur avait reconnu la nécessité. Ou je me trompe fort, ou bientôt nous verrons paraître ces espèces d'écoles secondaires qui doivent couronner et la grande institution qui nous occupe, et le système de notre instruction publique.

Une preuve irrefragable des progrès que nous avons faits, et par conséquent des avantages qu'ont produits les lois de l'an X et de l'an XI, c'est la manière dont la conscription a été exécutée dans l'étendue entière du territoire français. Partout l'ordre et le calme ont régné; partout les désignations ontété faites avec célérité el justice; et s'il s'est encore trouvé cette année quelques réfractaires, le nombre est infiniment moins considérable que pendant les années précédentes. Bientôt, nous osons l'espérer, la conscription cessera d'être une affaire majeure pour les agents du Gouvernement et pour tous les Français. La justice en rendra les opérations douces; l'habitude les rendra faciles; l'augmentation du nombre des contribuables les rendra plus légères, et celui des remplaçants moins pénibles. En effet, citoyens législateurs, le nombre des individus passibles de la conscription est déjà augmenté et augmentera chaque année, parce que la Révolution n'a point touché aux classes qui entrent en activité, et les remplaçants deviendront plus faciles à trouver. parce que chaque année leur nombre sera accru d'un cinquième.

Si le Gouvernement vous demande, citoyens législateurs, de mettre 60 mille hommes à sa disposition, ce n'est pas que nous ayons besoin de donner à l'armée un nouveau renfort pour terminer la guerre publique qui nous a été si injustement déclarée, et qui nous est si ridiculement faite par le gouvernement anglais ce qui existe de soldats sous les drapeaux de la République est plus que suffisant pour punir ce gouvernement perfide, et la situation politique du reste de l'Europe n'exige de notre part aucun surcroît de forces; ce n'est pas non plus que nous ayons besoin de donner à l'armée de nouveaux renforts pour terminer la guerre sourde et souterraine que nous fait le gouvernement anglais, guerre mille fois plus déshonorante pour lui que la guerre publique; les nombreux amis de la patrie qui entourent le chef de l'Etat, secondés par l'armée telle qu'elle est aujourd'hui, sont plus que suffisants pour garantir sa vie, si précieuse à tout bon Français, à tout ami de l'humanité, et pour contenir, réprimer et punir tous les ennemis déclarés ou secrets de la liberté et de la République. Non, citoyens législateurs, la demande que le Gouvernement vous fait aujourd'hui n'a aucune cause extraordinaire pour motif; son unique objet, son unique but, son seul besoin, c'est d'entretenir l'armée sur le pied de son organisation et de continuer à préparer pour la réserve l'augmentation annuelle qui doit la porter à son complet. C'est ainsi que depuis l'an VIII vous avez mis le même nombre à sa disposition; c'est ainsi qu'en l'an XIII, comme dans les années précédentes, le Gouvernement n'usera de la latitude entière qu'il vous demande, que s'il y est forcé par les circonstances.

Sur les 60 mille hommes,30 mille seront, suivant l'usage, destinés à rester en réserve, et 30 mille à remplacer dans nos cadres un nombre égal d'anciens soldats qui recevront leur congé absolu, ou qui auront été enlevés à l'armée par les événements ordinaires de la vie.

La conscription étant pour la nation française un besoin d'un ordre au moins aussi éminent que celui des contributions pécuniaires, des améliorations sensibles ayant été faites à la manière de la répartir et de la lever, le Gouvernement qui connaît, citoyens législateurs, votre dévouement à la patrie, vous soumet avec confiance un projet de loi qui doit puissamment contribuer à la faire jouir du bonheur et de la gloire, ces biens qui sont l'objet constant de votre sollicitude, de nos travaux, de nos désirs et de nos vœux.

Projet de loi.

Art. 1er. Il sera levé 30 mille conscrits pris sur la conscription de l'an XIII, pour compléter l'armée sur le pied de son organisation, et 30,000 pour rester en réserve, ou être uniquement destinés à porter l'armée au pied de guerre, si les circonstances l'exigeaient.

Art. 2. Le contingent de chaque département est fixé par le tableau annexé à la présente loi.

Art. 3. La répartition entre les arrondissements et les municipalités sera, ainsi que les désignations et tout ce qui concerne les peines et les remplacements, exécutée conformément aux dispositions des lois du 28 floréal an X et du 6 floréal an XI.

TABLEAU

RELATIF A LA RÉPARTITION DE 30,000 CONSCRITS ENTRE LES DÉPARTEMENTS DE LA RÉPUBLIQUE

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La discussion devant le Corps législatif est indiquée au 3 germinal.

Le Corps législatif arrête que ce projet de loi sera transmis au Tribunat par un message.

L'élection pour la nomination des candidats à la présidence du Corps législatif est reprise.

Après deux scrutins successifs, les citoyens Lahure et Duranteau sont proclamés candidats.

En conséquence, les candidats élus sont les suivants 1e série, Fontanes; deuxième série, Ramond (scrutin du 30 ventôse); troisième série, Lahure; quatrième série, Duranteau (scrutin du 1r germinal).

Le Corps législatif arrête que cette présentation de candidats sera portée au Premier Consul par un message.

La séance est levée.

TRIBUNAT.

PRÉSIDENCE DU CITOYEN DUVIDAL. Séance du 1er germinal an XII (jeudi 22 mars 1804). Le procès-verbal de la séance du 30 ventôse est adopté.

L'ordre du jour appelle le renouvellement du bureau.

Le citoyen Gillet-Lajacqueminière est élu président.

Les nouveaux secrétaires sont les citoyens Malès, Gillet (de Seine-et-Oise), Depinteville-Cernon et Leroy.

Le citoyen Delaistre est élu membre de la commission administrative, en remplacement du citoyen Chassiron.

Le Corps législatif communique par un message un projet de loi relatif à la conscription de l'an XII.

Ce projet est renvoyé à l'examen d'une commission spéciale composée des citoyens Sahuc, Jubé, Siméon, Leroy, Girardin, Chabaud-Latour, Perrée, Chassiron et Costé.

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PRÉSIDENCE DU CITOYEN GILLET-LAJACQUEMINIÈRE. Séance du 2 germinal an XII (vendredi 23 mars 1804).

Le procès-verbal de la séance d'hier est adopté. Sahuc fait un rapport sur le projet de loi relatif à la conscription de l'an XIII.

Citoyens tribuns, le projet de loi qui vous occupe aujourd'hui diffère essentiellement, par sa nature et son objet, de tous ceux que vous avez discutés dans le cours de la mémorable session qui va se terminer.

Il y a peu de jours, vous acheviez, par votre sanction, le recueil imposant des lois qui formeront désormais le Code civil des Français : le résultat pénible et glorieux de la méditation de nos sages, de la science des siècles, de notre propre expérience, et de la volonté constante et éclairée du héros immortel qui semble réunir dans sa personne tous les genres de gloire des

hommes célèbres dont le nom est devenu le patrimoine de la postérité.

Aujourd'hui les mêmes mains, qui ont élevé cet édifice de sagesse qui doit assurer le repos et la paix des familles, s'occupent de fournir à nos armées le complément nécessaire pour les maintenir sur le pied formidable qui peut vous garantir la paix au dehors.

Ce projet, dont vous avez renvoyé l'examen à une commission, porte qu'il sera levé trente mille conscrits pris sur la conscription de l'an XIII pour compléter l'armée sur le pied de son organisation, et trente mille pour rester en réserve ou être uniquement destinés à porter l'armée au pied de guerre, si les circonstances l'exigeaient. Il n'est que l'application d'un principe déjà reconnu, que l'exécution des lois des 28 floréal an X et 6 floréal an XI. La seule différence qui existe est dans le tableau de la répartition, et cette différence est une amélioration. Jusqu'à ce moment il n'y avait point eu de distinction entre les départements maritimes et les départements méditerranés. La population respective avait servi de base unique. Le Gouvernement, fidèle au plan de justice distributive qu'il s'est imposé, a réparé cette erreur, et les départements maritimes fournissent moins au service de terre en raison de ce qu'ils fournissent plus à celui de mer. Cette mesure acquerra une plus rigoureuse perfection, lorsqu'on aura obtenu des données plus positives sur leur population respective, ou qu'un plan plus étendu aura pu être adopté. Les dispositions générales sont d'ailleurs les mêmes que pour la levée de l'an XII, et l'expérience en a sanctionné l'utilité et la sagesse. Ce projet n'est donc susceptible d'aucune discussion, d'aucun développement particulier, puisque sa justice et sa nécessité sont également senties, et sont maintenant des vérités pratiques. Ces motifs ont déterminé votre commission à vous en proposer l'adoption.

Mais le mot conscription ne peut être prononcé sans rappeler à la fois toutes les idées de gloire, de puissance et de prospérité publique que nous lui devons, et les sentiments magnanimes d'une nation pour qui les plus grands sacrifices ne sont rien quand l'amour de la patrie les commande.

C'est à la composition purement nationale de nos armées qu'on doit attribuer les choses étonnantes qu'elles ont exécutées; et les retracer ici c'est faire l'éloge du peuple français tout entier.

A peine les premiers cris de la liberté s'étaient fait entendre, que nos voisins, prévoyant sans doute les grands résultats que cet élan généreux devait produire, cherchèrent à l'étouffer dès son berceau. Mais leurs intrigues, leurs sourdes menées n'ayant pu arrêter la tendance de l'opinion publique pour un nouvel ordre de choses, ils s'en montrèrent ouvertement les ennemis, et la guerre fut déclarée.

La France cependant n'avait point d'armée; les chefs étaient divisés d'intérêts avec les soldats; cette confiance réciproque, qui donne le courage et fait la force, n'existait plus; la discipline était totalement détruite, plusieurs corps étaient en insurrection complète, avaient chassé leurs officiers, ou s'étaient totalement dissous.

L'ennemi s'avançait rapidement; il avait percé la frontière sur différents points, et, fier de ses premiers succès, il partageait déjà dans sa criminelle espérance les dépouilles d'un peuple qu'il croyait ne pouvoir lui résister.

Dans cette crise terrible un appel se fait aux Français; et les Français de tout âge, de tout état, volent à la délivrance de la patrie. De nombreux

bataillons sont organisés, et bientôt l'ennemi est repoussé au delà des frontières qu'il avait franchies. Ni sa forte discipline, ni sa profonde tactique, ni ses talents éminents, ni là longue expérience de ses généraux ne peuvent arrêter la marche triomphante de nos armées; tout cède à l'impétuosité française et au sublime élan que donne l'amour de la gloire et de la patrie. De mercenaires soldats, étrangers aux grands intérêts qui seuls électrisent les âmes, pouvaient-ils résister à des hommes combattant pour le premier des biens, pour la liberté; à des hommes qui avaient à défendre leur indépendance et à conquérir le titre le plus glorieux dont on puisse s'honorer dans la société, celui de citoyen?

De ce moment le sort de la guerre fut fixé : votre armée avait une force morale que rien ne pouvait plus balancer. Les succès, les revers mèmes ne purent qu'ajouter à sa gloire sans rien changer à sa puissance qu'elle tenait d'elle-même, qu'elle ne devait qu'à sà composition. Homogéné dans ses éléments, elle fut constante dans ses principes, dans sa conduite; et tandis que la discorde, exaspérant toutes les passions, répandait le désordre et le trouble au sein de la France, l'armée, pure comme sa gloire, restait étrangère à toutes ces scènes désastreuses et ne s'occupait qu'à battre nos ennemis. En vain des chefs perfides, comptant sur leur popularité, sur leur réputation, tentèrent de séduire quelques corps; ils furent abandonnés dès que leur criminelle intention fut soupçonnée. Toujours l'armée de la République, jamais celle des factions ni des partis qui tour à tour ont dominé, elle est constamment restée fidèle à la cause qu'elle avait embrassée; et dans ce moment encore qui de vous n'éprouve une vive émotion en voyant le concert unanime qui se manifeste de tous les points de l'armée? Quelle preuve plus éclatante de patriotisme et d'esprit national que ce dévouement entier pour le chef de l'Etat, dont les intérêts ne peuvent être séparés de ceux de la patrie? Qui peint mieux le caractère français que ces témoignages de reconnaissance et d'amour, que ce désir de venger son injure qui est aussi la nôtre?

Ses jours ont été menacés et avec eux le bonheur et la gloire de l'Empire!... Mais ce moment d'alarmes est déjà loin de nous; le crime fut puni aussitôt que conçu, et nos pensées se tournent maintenant vers cet ordre immuable des destins, vers cette providence éternelle qui régit tout, contre laquelle se brisent nos vains projets, et dont malgré tous nos efforts nous sommes les aveugles instruments.

Ces mouvements sublimes d'enthousiasme, cette inquiétude profonde en apprenant les dangers qui menaçaient une patrie chérie; les élans d'une joie unanime lorsque le cri « Elle est sauvée » retentit soudain; tous ces sentiments généreux n'ont pu être éprouvés que par des armées essentiellement citoyennes, si j'ose m'exprimer ainsi, par des armées uniquement composées d'hommes qui tiennent au sol qui les a vus naître, à la gloire, à la liberté de leurs concitoyens, par les liens de la propriété, du sang ou de l'amitié, par tous ceux enfin dont se compose le sentiment sublime du patriotisme. Des armées mercenaires qui ne combattent que par intérêt seraient restées froides et inanimées à l'aspect des grands événements qui seront l'étonnement de la postérité.

Mais c'est en vain que j'essaierais de peindre tout ce qui a été fait de grand, d'extraordinaire, surtout lorsque, guidée par un héros dont les conceptions profondes prévoyaient tout, dont le

vaste génie créait des ressources dans les occasions les plus difficiles, et dont le courage brillant ne trouvait rien d'impossible dans l'exécution, cette armée n'eut plus à compter que des succès, et ne cessa de combattre et de vaincre que pour donner la paix. C'est au burin de l'histoire à transmettre å la race future ces merveilles de nos jours, et à rendre croyables des faits qui paraîtront appartenir aux siècles fabuleux.

Cette esquisse rapide, en présentant les avantages d'une armée nationale sur une armée mercenaire, doit nous convaincre de la nécessité de consacrer à jamais, non-seulement le principe de la conscription, mais encore son application la plus étendue, la plus rigoureuse.

Sans doute les hommes qui se vouent au ministère des autels, à celui non moins sacré d'administrer la justice, ou de secourir l'humanité souffrante; ceux qui cultivent les sciences exactes et les beaux arts; qui consacrent leurs veilles à l'instruction ou à l'utilité de leurs concitoyens, sont obligés de se livrer à de longues et pénibles études, dont il serait fâcheux d'interrompre le cours. Mais le Gouvernement, dont le chef disait un jour à la plus illustre association savante de l'Europe : «Les conquêtes faites sur l'ignorance sont les seules qui ne laissent aucun regret,» a su parer à tous ces inconvénients par les sages dispositions de la loi qui permettent les remplacements, et qui, chaque jour, deviendront plus faciles à mesure que les classes qui fournissent les remplaçants deviendront plus nombreuses. C'est à cette faculté seule que doit se borner toute la condescendance de la loi; encore doit-elle être entièrement subordonnée aux circonstances, aux besoins du moment: car tous les avantages de la société, toutes les jouissances de la civilisation ne peuvent être garantis que par la force, et cette force est dans la bonne composition de l'armée. Ce n'est que sous cette puissance égide, à l'abri de ce rempart d'airain, que le prêtre peut en paix offrir ses sacritices, le magistrat administrer la justice, le savant, l'homme de lettres, se.livrer à d'utiles ou brillantes conceptions. Le palais fastueux et l'humble chaumière, l'opulente cité ou le simple hameau sont également protégés par elle. Toutes les classes de la société ont un intérêt commun, et tous ses membres doivent concourir à sa formation, puisque d'elle dépend la sûreté au dehors et le repos au dedans.

Mais plusieurs peuples, dira-t-on, ont joui de ces avantages avec des armées mercenaires : des circonstances particulières, la faiblesse de leurs voisins, les talents d'un grand capitaine, ont pu leur donner un rang, une existence, dont la durée plus ou moins bornée était le résultat de la composition plus ou moins pure de leurs armées. Les circonstances changent; les hommes passent; les institutions seules demeurent et assurent la longue prospérité des empires.

Tant que la population entière de Rome fut guerrière, tant que le devoir le plus sacré, comme le droit le plus honorable, fut de porter les armes, ce peuple-roi remplit le monde de sa gloire et de sa puissance; mais lorsque, corrompu par le luxe, amolli par les jouissances citadines, il remit ses armes victorieuses en des mains étrangères ou mercenaires, et leur confia le soin de sa défense, il fut vaincu par des barbares qu'il avait longtemps méprisés, par des hommes moins civilisés, moins polis, mais plus vigoureux et plus braves que lui. La France est essentiellement cultivatrice et guerrière; sa population et son sol sont inépuisables; l'épée et la charrue sont les deux bases

de sa puissance, et c'est particulièrement vers ces deux points que doivent tendre toutes les institutions publiques.

Une guerre opiniâtre est encore à soutenir contre l'ennemi acharné du nom français de perfides conjurations menacent au dehors et au dedans la sûreté de l'Etat et du chef entre les mains duquel ses destinées reposent. Dans de semblables circonstances, si de nouveaux et pénibles sacrifices étaient demandés, on les verrait supportés avec résignation par l'immense majorité des Français; mais le Gouvernement n'a pas besoin de tels moyens, et, par là, prouve combien est insensé l'espoir de ravir la liberté et l'honneur à un peuple fort de la grandeur de ses ressources, de la sagesse de ses magistrats et de la justice de sa cause. Combien une pareille conviction ne doitelle pas nous pénétrer de reconnaissance envers ceux avec lesquels nous avons, citoyens tribuns, la satisfaction de coopérer au bonheur d'un peuple aussi généreux que brave!

Pour chatier un ennemi injuste et parjure, et venger l'Europe et l'humanité outragées, de nouveaux défenseurs ne sont pas nécessaires. D'un autre côté, une tranquillité profonde règne sur l'horizon politique du reste de l'Europe, et rien n'annonce que l'harmonie, qui a succédé parmi les nations aux longues scènes de carnage, puisse être sitôt troublée. La sécurité du peuple français et sa confiance en la sagesse du Gouvernement doivent donc à cet égard ètre aussi complètes que la nôtre.

Si les symptômes d'une paix longue et durable sur le continent ne se manifestaient de tous côtés, l'appel que nous faisons aujourd'hui serait un appel au courage des Français. Mais puisque l'esprit de modération et de sagesse règne partout, excepté dans le palais de ce roi plus aveugle encore que coupable, que le ciel semble n'avoir frappé de délire que pour avertir son peuple infortuné que ce délire était l'image du vertige qui domine dans ses conseils, le projet de loi soumis à votre sanction n'est plus qu'un appel à l'obéissance passive aux lois de l'Etat, dont aucun Français, digne de porter ce nom, ne sut jamais s'écarter.

Le Tribunat ordonne l'impression du rapport de Sabuc.

L'Assemblée procède immédiatement au scrutin sur le projet de loi, et vote l'adoption à la majorité de 45 voix contre une.

Les orateurs chargés de porter au Corps législatif le vœu du Tribunat, sont les citoyens Sahuc et Jubé.

La séance est levée.

CORPS LÉGISLATIF.

PRÉSIDENCE DU CITOYEN FONTANES. Séance du 3 germinal an XII (samedi 24 mars 1804). Le procès-verbal de la séance d'hier est adopté. Le Président. Notre collègue Marcorelle a demandé la parole pour une motion d'ordre.

Marcorelle. Législateurs, la France depuis longtemps était courbée sous le fardeau d'une législation civile incohérente et formée d'éléments hétérogènes et grossiers; la diversité innombrable de coutumes n'était que le résultat de l'anarchie des siècles malheureux qui les virent naître. La sagesse du droit romain en avait amélioré, il est vrai, les dispositions; mais il ne les avait pas toutes atteintes, et il restait toujours d'un amalgame fait sans unité de plan, ni de temps, ni de lieu, l'inconvénient monstrueux que les droits et

les devoirs des citoyens changeaient à toutes les démarcations territoriales. Bonaparte a voulu que tous les habitants de ce vaste empire fussent gouvernés par la même loi, et qu'en écartant ce qui est étranger à son siècle et à nos mœurs, on mit enfin une juste harmonie entre nos besoins et nos lois. Le Code civil, en réalisant les espérances de son génie, recommandera à la justice des siècles les noms de ceux qui, comme vous, distingués par des hauts faits militaires, éprouvés par la sagesse de leur caractère et par leur haute expérience, ont contribué à la gloire de cette institution.

Le jour où vous mettez la dernière main à ce chef-d'œuvre de la philosophie, de la justice, ce jour doit être marqué dans les fastes de la République.

Mandataires du peuple, vous devez être l'organe de sa reconnaissance.

Vous éprouvez vous-mêmes le besoin de satisfaire à ce sentiment profond envers le héros à qui la patrie est redevable de sa félicité.

C'est à l'histoire à fixer le rang qui lui appartient parmi les législateurs des nations; mais la France le contemple avec orgueil, et ses sentiments devancent le jugement de la postérité.

Elevons au restaurateur de la religion, de la morale, et de nos lois, un monument digne de lui et de nous. Qu'un acte éclatant de notre amour annonce à l'Europe que celui qu'ont menacé les poignards de quelques vils assassins est l'objet de notre affection et de notre admiration; que les sentiments les plus vrais et les plus intimes lient à ses destinées celles du peuple français ; que désormais l'image chérie du chef suprême de l'Etat décore ce sanctuaire auguste, et que cette inauguration solennelle atteste à nos derniers neveux le souvenir de nos besoins et de ses bienfaits, de sa gloire et de notre hommage. En conséquence j'ai l'honneur de vous proposer l'arrêté suivant :

« Le Corps législatif, voulant éterniser l'époque à laquelle le Code civil devient la règle générale du peuple français, et l'hommage de sa reconnaissance envers le chef suprème de l'État, arrête ce qui suit :

Art. 1er. Le buste en marbre blanc de Bonaparte sera placé, à l'ouverture de la session prochaine, dans le lieu des séances du Corps législatif.

Art. 2. Les questeurs du Corps législatif sont chargés de donner à cette inauguration toute la pompe et la solennité qui conviennent à la dignité de son objet.

Art. 3. Le présent arrêté sera présenté au Premier Consul par une députation des membres du Corps législatif.

Cette proposition est appuyée de toutes parts. Elle est adoptée à l'unanimité.

Les membres désignés par le sort qui, avec le président, deux vice-présidents et deux questeurs, doivent composer la députation, sont les citoyens : Jacomin, Delahaye, Rivière (de l'Aube), Brezets, Serviez, Delecloy, Francia, Montault-Desilles, Nattes, Chancel, Chestres, Sautier, Lautour-Boismaheu, Girod (de l'Ain), Rabaud, Desribes, FreminBeaumont, Bavouz, Galli et Jacquier-Rosée.

L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi relatif à la conscription de l'an XIII. Les orateurs du Gouvernement et ceux du Tribunat sont introduits.

Le Président. Le citoyen Jubé, orateur du Tribunat, a la parole.

Jubé. Citoyens législateurs, la loi que vous avez rendue en l'an XI, sur la conscription militaire, a servi de modèle au projet qui vous est soumis en ce moment.

Le principe de cette institution est générale

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