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elle voudra et alors ils auraient eu tort de dire que l'Etat n'a ni ne peut avoir un droit d'hérédité, qu'il ne succède pas, qu'il n'est établi que pour régler l'ordre des successions. Si, au contraire, le droit de succéder est, comme celui de propriété, une institution directe de la nature, il ne saurait être vrai ni que l'Etat donne le droit de succéder, ni qu'il a un droit d'administration sur les biens des successions. Eh! qui ne voit qu'en effet le droit de succéder vient de cette association naturelle des pères et des enfants, ou, à défaut de ceux-ci, de l'association qui existait entre le défunt ou ses auteurs et les auteurs des collatéraux qui lui succèdent; que la perpétuité des familles y entretient la perpétuité de la propriété ; et que, jusqu'au dernier qui la recueille, elle conserve sa première origine, et semble, pour ainsi dire, s'être toujours continuée sur la même tête, comme le dernier descendant de la famille tient à son premier auteur et s'identifie avec lui?

D'après ces idées, aussi simples que certaines, il est évident que ce n'est pas la loi qui donne le droit de succéder, car on ne donne que ce qu'on a, et, de l'aveu même des auteurs du projet, dans leur propre système, jamais le droit de succéder aux fortunes privées n'a fait partie des prérogatives attachées à la puissance publique.

TITRE II.

Dispositions générales.

Art. 4. « Déclaration et consentement par soi « ou par un fondé de procuration. >>

Exceptez au moins les mariages que, sans doute, vous ne voulez pas qu'on puisse contracter par procureur.

Art. 6. « Témoins choisis par les déclarants. >> Si l'officier ne les connaît pas, ne serait-il pas même nécessaire de les lui faire attester? et si on lui suppose de faux témoins, si le déclarant lui-même est une personne supposée, où sera la garantie de l'officier contre les faussaires, et celle de la société contre l'officier?

Art. 11. « Amende de cent francs. >>

C'est une peine bien légère pour des fautes plus graves peut-être que le faux, puisqu'elles peuvent rendre impossible de le constater.

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Art. 14. Transmission par les héritiers. »> L'officier saisi des trois registres meurt dans le courant de l'année; voilà ses héritiers maîtres de ces trois registres jusqu'à la nomination de son successeur qu'est-ce qui garantit ce dépôt livré ainsi à l'imprudence, peut-être à l'infidélité des héritiers, où même de quelques valets ou autres personnages faciles à corrompre pendant l'absence des héritiers? Ce dépôt, sur lequel repose la sûreté des familles, n'est-il donc pas assez précieux pour mériter qu'à la mort de l'officier, il soit mis sous les scellés, à la diligence du juge de paix, ou même retiré incessamment par lui en en dressant procès-verbal?

Mais pourquoi supposer que l'officier public peut tenir, dans sa maison privée, des registres publics et aussi intéressants? il n'en est pas ainsi des autres registres d'administration. Est-il donc dù moins d'intérêt à la société dans une partie que dans l'autre ?

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les seuls registres, puisque, dans le sens de la phrase, il faudra toujours les consulter; car pour obliger à les consulter, il suffira de cet argument simple: « Il n'y a que l'extrait conforme au re

gistre qui fasse foi suivant la loi; or le juge « ne peut savoir le fait que cet extrait est con« forme au registre, sans connaître le registre; « donc il faut qu'il voie d'abord le registre pour « accorder ensuite foi à l'extrait. »

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Art. 19.« Si les registres sont perdus, ou qu'il n'y en ait jamais eu, la preuve en est reçue «tant par titres que par témoins; et, en l'un ou «l'autre cas, les mariages, naissances et décès « peuvent être justifiés tant par les registres ou « papiers domestiques des pères et mères décédés, « que par témoins; sauf à la partie de vérifier le « contraire. »

Comment supposer qu'il y a eu un mariage sans qu'il y ait eu des registres? et comment admettre la preuve du mariage par témoins ou par des papiers domestiques? Les mœurs, le droit public s'y opposent; jamais de telles preuves n'ont été admises que pour les naissances et les décès, parce que ni les enfants ni les morts ne se font inscrire mais ceux qui se marient veillent eux-mêmes à ce qu'il en soit fait un acte porté sur des registres, puisque eux et leurs témoins doivent y signer, et ne peuvent pas ignorer s'ils l'ont fait ou non.

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Art. 25. 2o alinéa « et par le père s'il est présent. » Il faut ajouter: et s'il sait signer; car on n'entend pas, sans doute, que le défaut de signature du père fasse obstacle à la confection des doubles.

Il faut dire encore que, s'il n'est pas marié, sa déclaration doit être signée de lui, ou répétée dans une procuration faite au lieu où le navire aborde, et remise en même temps que le double à l'officier de ce lieu. (Argument de l'article 26 ci-après).

Art. 26.« Déclaration du père, signée de lui. » On aime à croire que ce n'est pas sans dessein qu'ici les auteurs du projet veulent que la déclaration du père soit signée de lui; sans quoi il serait trop facile et trop funeste au repos des familles et au bien de l'Etat, de supposer à un bâtard le père qu'on voudrait : mais qu'on le fasse donc mieux sentir. et qu'on dise, dans la dernière phrase de l'article, que la procuration qu'on ne fait que permettre est un acte nécessaire dans le cas où le père ne sait signer; qu'on exige du moins que ce père, ignorant dans l'art d'écrire, se fasse assister dans sa déclaration devant l'officier public, par deux témoins qui garantissent et l'identité de sa personne et le fait de sa déclaration; ce que ne feraient pas les témoins de l'acte de naissance, qui sont appelés pour certifier un autre fait, et qui ne voudraient peut-être pas certifier le fait de la déclaration du soi-disant père, ou qui même, venant là de la part de la mère, ne seraient peut-être pas assez hors de soupçon pour mériter la même confiance que des témoins spécialement appelés par le père pour le fait particulier de sa déclaration.

Art. 31 et 35. « Publication dans le lieu, etc. » Erreur. Suivant le modèle, c'est devant la porte extérieure et principale de la maison commune : or la porte du lieu n'est pas le lieu; et ce qu'on doit faire devant la porte du lieu ne peut pas être fait dans le lieu; ce n'est pas non plus à la porte de la municipalité que se tiennent les séances municipales.

Mème réflexion pour l'affiche qui doit être posée, non à la porte du lieu des séances, mais à la porte extérieure de la maison municipale.

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Art. 68. « Officier responsable des altérations « qui peuvent survenir aux registres pendant « qu'ils sont en sa possession. >>

Il est donc convenable qu'il y ait procès-verbal dans l'état duquel ils sont remis au successeur; car comment prouver sans cela que les altérations ont été commises pendant qu'il en était en possession, à moins qu'on n'ajoute qu'elles sont présumées de ce temps, s'il ne prouve le contraire? (1). Modèle d'acte de mariage.

Ajoutez qu'on fera mention de l'état de veuvage, si les époux ou l'un d'eux s'y rencontrent, et des noms, prénoms, etc., des personnes dont ils sont veufs.

TITRE III.

Du domicile.

Art. 4 et 5.« Domicile (des autres individus) « fixé au lieu de leur établissement principal.

« L'intention suffit pour le conserver: il faut « l'intention et le fait pour l'acquérir ou le « perdre. >>

A quoi reconnaîtra-t-on le domicile? Cette veuve a quitté le domicile de son mari, et s'est fixée, pendant six mois, dans un autre lieu; au bout de six mois encore dans un autre; et là comme là est son établissement principal: on voit bien le fait de l'habitation réelle, mais rien qui marque l'intention; cependant, pour constituer le domicile, il faut, comme le disent très-bien les auteurs du projet, le fait et l'intention; et l'intention sans le fait suffit pour le conserver jusqu'à intention contraire.

Art. 8. « Le domicile des majeurs en service, << ou chez un artiste ou un commerçant, est là « où ils demeurent. »>

Quid des mineurs émancipés, ou des majeurs qui étudient en école publique? Leur résidence fait-elle leur domicile? non, suivant l'article 1er: pourquoi n'en pas parler, pour dire qu'ils ont le domicile de naissance?

Art. 10. « Celui qui n'a aucun domicile actuel « peut être cité soit à son dernier domicile, soit « au lieu de sa résidence de fait. »

Cet article, comme beaucoup d'autres, appartient exclusivement au Code judiciaire.

Mais puisqu'il est là, à quoi encore reconnaîtra-t-on que cet individu n'a aucun domicile actuel? et pourquoi ne pas l'expliquer en cet endroit, où le citoyen doit trouver sa leçon et sa règle?

Quid aussi de celui dont le nouveau domicile est absolument ignoré, ou que feindra d'ignorer celui qui veut le citer? Il n'en sera pas moins vrai qu'il a un domicile actuel, et que ce n'est que celui qui n'en a pas qu'il est permis d'assigner au lieu de son dernier domicile ou à celui de sa résidence; il faut donc, au moins, ajouter le mot de l'ordonnance de 1667, connu, et dire « celui « qui n'a aucun domicile actuel ou connu. »>

TITRE IV. Des absents.

Art. 3. « Témoins parents. »>

Il semble, au contraire, que ce sont les parents spécialement qu'on devrait exclure, en même temps qu'il faudrait les avertir tous, autant que faire se peut, par l'affiche de l'acte de notoriété, à la porte du juge, durant quinzaine avant l'envoi en possession: car il est à remarquer que ce sont les parents eux-mêmes qui seront intéressés à cacher l'existence de ce malheureux absent; et que, suivant l'antique proverbe, que les absents

(1) Voy. Archives Parlement. Tom. VI, page 214.

ont toujours tort, il y aura, le plus souvent, une ligue de famille contre lui.

Art. 9. « Possession provisoire donnée aux parents, qui sont au degré successif. »>

Quels parents? sont-ce les successibles à l'époque de l'absence, ou les successibles à celle de l'envoi en possession? On dit qu'ils seront envoyés en possession des biens qui appartiennent à l'absent au jour de son départ : on considère donc le temps du départ, et par conséquent les héritiers successibles à cette époque; mais alors il fallait le dire. Alors, il faut dire aussi, comme l'ancienne jurisprudence, qu'après cinq ans du jour du départ ou des dernières nouvelles, l'absent est réputé mort, respectivement à ses héritiers, du jour des dernières nouvelles ou du jour de sa disparition. Alors, encore, il faut réformer l'article 6 du chapitre 11, par lequel on ne présume l'époque de sa mort qu'après cent ans, sans quoi on n'entendra plus rien ni à cet article, ni aux articles subséquents.

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Art. 13. « Après dix années de l'envoi en pos<< session, l'absent qui revient ne recouvre pas les fruits; on lui donne seulement une somme «< convenable pour ses premiers besoins. »> Contradiction avec l'article 11. Puisque les parents ne sont que dépositaires, comment peuventils garder? pourquoi ce dépôt, si ce n'est pour l'intérêt de l'absent et par respect pour la propriété, comme on donne un tuteur au mineur, un curateur à l'interdit, et pour être fidèle à la protection que la loi doit à tous? On tourne donc contre l'absent ce qui n'est introduit qu'en sa faveur; car, encore une fois, le dépôt est un acte essentiellement conservatoire. Si l'absent était présent, il serait maître de faire de son bien ce qu'il voudrait; or ce qu'on fait durant son absence, on ne le fait que par la présomption de ce qu'il ferait le mieux pour son intérêt; et, au contraire, l'article dispose contre lui.

Au moins, qu'on ne fasse gagner les fruits aux parents qu'à l'époque où on leur fait gagner le fonds; sans que cependant il soit dans l'intention de la commission d'approuver cette dernière disposition, qu'elle se réserve d'examiner ci-après. Art. 14. Point de prescription de la propriété << pendant la possession privisoire; mais après << trente ans de l'envoi provisoire en possession, « les parents peuvent demander la propriété in«< commutable. »

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Cet article paraît intolérable; car, par la même raison que le parent n'est que séquestré et ne peut gagner les fruits, il ne peut non plus gagner le fonds mais ce qui est plus intolérable, c'est que cela s'opère par le fait de la loi. Qu'un homme se mette en possession du bien d'un autre, et en acquière la propriété par trente ans de jouissance utile, cela est dans l'ordre, parce qu'une si longue jouissance, sans plainte ni interruption, fait présumer un titre où une convention, et parce que, d'ailleurs, il n'a dépendu que de l'ancien proprié taire d'y pourvoir, vigilantibus jura subveniunt; mais lorsque la loi vient se mettre à la place de l'absent pour veiller elle-même à ses intérêts, il est sans exemple, et contre tous les principes, qu'elle ne s'en entremette que pour le dépouiller.

Il y a, de plus, contradiction évidente entre cet article et l'article 11, qui dit que l'envoi en possession provisoire n'est qu'un séquestre et un dépôt pure administration, qui rend comptable envers l'absent s'il reparaît.

de

Art. 25. « Pétition d'hérédité et autres droits « réservés aux parents du chef de l'absent jus« qu'à la prescription. »>

Cet article est obscur on aurait dù, au moins, ajouter à cette réserve: à la charge, par les représentants ou ayanis cause, de prouver l'existence.

Mais comment concilier tout cela avec l'article 6? Que ne nous a-t-on dit, dans cet article 6, que la vie de l'homme n'était présumée de cent ans que par rapport au mariage? Il paraît inexplicable qu'on nous donne cette présomption comme générale et pour tous effets, et que, dans les conséquences, on ne lui laisse aucun effet.

Art. 28. « Le nouveau mariage, contracté pen<< dant l'absence et sans la certitude de la mort « de l'absent, ne sera pourtant pas dissous, si « l'absent ne reparaît point, ou ne réclame point « par un procureur muni de la preuve de son « existence. »>

Contradiction avec l'article 27, qui ne permet d'admettre un nouveau mariage que sur la preuve positive du décès, à moins que l'absent ne soit parvenu à sa centième année accomplie. Toujours aussi des conséquences contraires aux principes: il n'y aura pas une femme qui ne se remarie après cinq ans d'absence, en changeant de domicile; et alors que deviendrait l'intérêt social, celui des mœurs et celui des enfants?

Art. 30. «Enfants mineurs de l'absent mis sous « la surveillance de la mère, qui doit leur faire « nommer un subrogé-tuteur.

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L'article ne fixe point d'époque. Est-ce après cinq ans? on doit l'induire du mot absent, et de la définition qu'en donne le projet. Mais quand on lit l'article suivant, on voit que par absent on entend aussi celui qui a disparu, et que, six mois après cette disparition, on ordonne l'assemblée de famille.

Sera-ce donc six mois après la disparition du mari, quand la mère existe?

La femme fait-elle les fruits siens?

Si les enfants sont majeurs au temps de l'absence, jouiront-ils aussitôt, exclusivement à la mère?

TITRE V.

Du mariage.

Art. 3. « C'est un contrat dont la durée est, « dans l'intention des époux, celle de la vie de « l'un d'eux. »>

Si sa durée n'est que dans l'intention, pourquoi a-t-on dit que sa perpétuité était dans la volonté de la nature? L'intention est un penchant de l'âme qui la fait tendre vers un objet éloigné ici, il s'agit d'un objet présent, d'une volonté qui doit être ferme et constante comme celle de la nature, et que la loi ne doit jamais permettre de révoquer, pas plus qu'elle ne peut révoquer les lois naturelles et fondamentales de la société. Eh! qui a dit aux auteurs du projet qu'il était toujours dans l'intention des époux que leur contrat durat jusqu'à la mort de l'un d'eux? Ce n'est pas à eux qu'il faut apprendre qu'il y a le plus souvent une grande différence entre ce qui est et ce qui doit être; qu'il y a plus d'intentions désordonnées que d'intentions droites: et puisque la raison naturelle est la source de toutes les lois positives, puisque cette raison gouverne tous les hommes, et que cependant il faut des lois pour les contraindre à se soumettre à ce gouvernement, il s'ensuit donc que les lois positives ne sont nécessaires que parce que les intentions tendent sans cesse à contrarier les lois naturelles.

Ne semble-t-il pas que, dans ce Code, où les règles d'ordre et de justice qui tendent à maintenir la société en paix, doivent toujours être en religieuse harmonie avec les principes des mœurs,

on raisonne du plus saint de tous les engagements naturels et sociaux, comme on en traite dans un roman? qu'on le fasse toujours commencer par l'amour? Principe bien dangereux pour les mœurs, et bien faux en lui-même car si rien n'est plus commun que la passion, rien n'est plus rare que l'amour; il l'est peut-être plus que l'amitié.

Mais qu'a de commun le sentiment des époux avec celui des amants? Comment la nature, qui veut la perpétuité des mariages, se serait-elle méprise sur leur principe, en les fondant sur une passion que le temps a bientôt usée, et qui ne ferait autre chose du mariage que ce qu'est l'union des deux sexes dans les animaux ?

Comment les auteurs du projet, d'ailleurs si éclairés et si judicieux, n'ont-ils pas aperçu la contradiction choquante dans laquelle ils tombaient, en déplaçant le vœu de perpétuité, qu'ils ont d'abord sagement mis dans la nature, et qu'ils ne supposent plus ici que dans l'intention des époux?

On ne peut rapporter cette erreur qu'à la persuasion où ils ont été qu'ils n'étaient pas libres de proscrire le divorce, et à la violence qu'ils ont faite à leur propre sentiment: car, pour lier le divorce à leurs principes, il a fallu oublier que la volonté constante de la nature y résistait, et faire dépendre le contrat de la volonté ambulatoire des hommes, ou d'un penchant mal éclairé, soumis lui-même à un penchant contraire, qui, faisant cesser le premier contrat, devait en légitimer un autre.

Dans cette fatale illusion, ils n'ont pas vu qu'au temps où nous vivons, et plus encore, peut-être, pour les temps qui se préparent, si le Gouvernement n'y pourvoyait avec fermeté, le mariage ne serait plus désormais qu'un commerce de prostitution, où il serait d'autant plus sûr que l'idée de perpétuité, dans le long éloignement qu'elle présente, n'entrerait jamais dans l'intention des époux; qu'au contraire l'idée du divorce y viendrait d'une manière plus prochaine; en sorte que l'effet naturel du divorce serait tout à la fois de rendre les mariages communément plus faciles, dans la perspective commode de pouvoir les rompre, et de les rompre ensuite avec la même facilité qu'on les aurait contractés.

Eh! qu'on ne croie pas que c'est avoir remédié à ce danger, que d'avoir embarrassé les voies du divorce 1 la difficulté qu'on a cru y mettre n'est qu'apparente; 2° cette difficulté même, ne servant qu'à irriter le désir d'user de la permission, fera aisément vaincre tous les obstacles, et finira par faire une nécessité indispensable de ce qui, sans cela, n'eût été qu'une fantaisie passagère.

Art. 11. « Si l'un des deux est mort, ou s'il est <«< dans l'impossibilité de manifester sa volonté, « le consentement de l'autre suffit, bien qu'il ait « contracté un second mariage. »

Jamais le consentement de la mère ne devrait suffire, bien moins encore de la mère remariée, pas même celui du père qui convolé car, dans ce cas de convol, ce sera presque toujours le beau-père ou la belle-mère qui disposera de ces malheureux enfants. On parait ne s'ètre attaché qu'à l'importance du consentement; mais il aurait fallu voir aussi l'abus d'autorité ou le danger de la séduction, et ordonner un conseil de famille pour ce cas, comme pour celui de l'article.

Art. 13. « Permis à l'enfant de vingt-un ans de « passer outre au mariage, nonobstant que la fa« mille s'y soit refusée dans une première assem

« blée et qu'elle ait persisté dans une seconde. >> N'est-il pas étonnant qu'on n'assemble cette famille que pour lui faire injure? On l'appelle, on la consulte, comme formant une assemblée de protecteurs et de sages, et c'est à l'étourdi qu'on donne la préférence d'opinion.

Art. 40. Mariage à réhabiliter, au cas de simple omission des formalités prescrites par les articles 21, 22, etc. »

Il faut donc elfacer l'article 21, puisque cet article déclare nul, et qu'ici on ne prescrit que la réhabilitation.

Art. 47. « Action criminelle contre l'officier public qui n'aurait rédigé l'acte de mariage que sur une « feuille volante.

<«< Même action contre les deux époux, s'ils ont « concerté ce délit, ou contre un seul s'il n'y a « que lui qui y ait concouru.

«Faculté à l'un des deux de l'exercer contre « l'autre. »>

C'est aller bien loin que d'autoriser la plainte contre les époux on doit s'attendre que jamais, en pareil cas, il n'y aura de plainte contre l'officier sans qu'elle soit aussi dirigée contre eux; ce qui présente beaucoup d'inconvénients et nul motif d'utilité; car il sera toujours certain, par le fait même, que le délit est personnel à l'officier, et presque jamais que les époux en soient intentionnellement coupables, à moins qu'ils n'en abusent pour désavouer leur mariage et tromper la foi publique, ou faire perdre l'état civil à leurs enfants.

Il y a lieu, au moins, à supprimer l'action d'un des deux époux contre l'autre, parce que c'est trop oublier l'honneur du mariage, et les conduire à la nécessité du divorce si le divorce est adopté. Art. 51. « Obligation des époux de nourrir, entretenir et élever leurs enfants. >>

Il faut ajouter, chez eux seulement; sans quoi un enfant pourrait oser agir contre ses parents, pour les contraindre, sous prétexte d'éducation, à lui fournir les aliments et frais nécessaires hors de leur maison, ce qui serait un sujet de révolte et de scandale public.

Art. 53 et 54.

Il est bon de répéter que ces articles ne concernent que les aliments dus aux pères et mères par les enfants, et que les enfants les doivent hors de chez eux.

Art. 56. « Obligation des époux de ne pas dis«poser, à titre gratuit, de la totalité de leurs « biens, au préjudice de leurs enfants. »>

Article déplacé, étranger à l'essence du mariage, et absolument inutile en lui-même. Ce n'est pas le sujet d'une loi, puisque c'est la conséquence et le résultat d'autres lois qu'on trouve en leur lieu.

Art. 57. «Puissance des pères et mères sur leurs enfants. »

Autre article inutile, parce qu'on ne traite pas, en cet endroit, de la puissance paternelle. Ce qu'on en dit là est une simple réflexion, et non une loi; encore est-ce une réflexion tronquée, car le père a aussi cette puissance sur son bâtard, et il est d'ailleurs convenu qu'elle vient de la

nature.

TITRE VII.

De la paternité et de la filiation.

Art. 9. « Si le mari est décédé sans avoir fait le « désaveu, mais ayant encore la faculté de le faire << aux termes de l'article 7, la légitimité de l'en«fant peut être contestée par tous ceux qui y ont «< intérêt. »>

Dans quel état les intéressés pourront-ils contester la légitimité? auront-ils six mois, comme les avait le père présent? n'auront-ils que ce qui manquera à l'accomplissement des six mois, déduction faite de ce qui s'en est écoulé du vivant du père? par exemple, n'auront-ils que vingtquatre heures, s'il ne manque que cela aux six mois? I fallait l'expliquer.

Art. 33. Effet de la reconnaissance dans la succession de celui qui l'a faite. »>

Article inutile et de sens équivoque. Il est parlé plus haut de la reconnaissance du père et de la mère, comme nécessaire pour produire effet : il est même dit que celle du père seul, non avouée par la mère, n'en produit aucun, ni à l'égard de l'un ni à l'égard de l'autre : et ici, le sens littéral de l'article ne suppose que la reconnaissance de l'un des deux, et qui cependant produit effet contre le déclaraut.

TITRE VIII.

De la puissance paternelle.

DISPOSITIONS GÉNÉRALES.

Art. 1er.« Droit fondé sur la nature, confirmé <«< par la loi, qui donne au père ou à la mère la « Surveillance de la personne et l'administration « des biens de leurs enfants, etc. >>

Définition fausse, contradictoire, dangereuse. La loi ne confirme point les droits de la nature; elle les exprime, elle les reconnaît, elle les protége. « Le législateur exerce moins une autorité qu'un sacerdoce. » (Discours préliminaire). Le droit de confirmer suppose puissance; le droit de donner de la stabilité à ce qui en manque, de la force à ce qui n'en a point par soi.

c'est

Or c'est renverser les idées que de dire que la loi positive a puissance pour la loi naturelle, et que la loi naturelle n'a ni stabilité ni force. La loi positive n'est que le produit de la loi naturelle : celle qui soumet ou doit soumettre à son autorité les gouvernements des peuples, les actions et les volontés des hommes.

C'est ce qu'on ne trouve avoué dès l'entrée du Code (livre préliminaire), où on est forcé de dire que la raison naturelle est un droit existant par soi, et que le droit est la source de toutes les lois positives, en tant qu'il est universel. Or il y a erreur à dire que le principe est confirmé par sa conséquence, et la cause par son effet.

Et il y a contradiction à mettre à côté du principe qui commande, une puissance supérieure qui confirme l'effet montre la cause, comme les cieux publient l'existence de Dieu. Le peintre ne confirme pas la fleur qu'il a représentée. Et puisqu'on convient que les lois positives ne sont que la copie exprimée du droit ou de la raison universelle, il y a manifestement contre-sens à dire que la loi confirme la raison, tandis qu'au contraire c'est la raison qui, de son autorité universelle et irrésistible, peut et doit confirmer la loi.

Sans doute, ici, il n'y a qu'abus de mots; mais si les mots doivent peindre exactement les idées, c'est surtout dans un ouvrage public, et en quelque sorte élémentaire, qui instruit et qui commande, qui est destiné à être la lumière et la règle de tous, et dont l'autorité irréfragable impose un respect religieux.

Et déjà le danger de cette fausse expression se fait bientôt sentir dans l'explication qu'on donne tout de suite. de la puissance paternelle, qu'on borne au droit de surveillance et d'administration,

et qu'on suppose donnée aux pères par la loi ; c'est là surtout qu'on voit la funeste conséquence d'un abus de mots, par un abus plus intolérable des choses.

Quoi le père n'a qu'un droit de surveillance sur la personne de ses enfants, et il ne l'a que par la foi! la loi peut donc le lui ôter? Cette autorité, la première et le type de toutes les autres, ne serait pas une autorité existante par elle-même, une autorité de commandement et de correction, comme celle des gouvernants sur les sujets à gouverner!

Qui ne sait que la société n'est autre chose qu'un assujettissement contenu des personnes à d'autres, et de celles-ci à la règle qu'elles doivent faire observer? Et puisque cette règle est l'expression des lois immuables de la nature, quelle loi plus universelle, plus impérieuse, plus indépendante de la volonté des hommes que celle qui assujettit les enfants à leurs pères, filii, obedite parentibus per omnia; que cette loi sacrée qui transmet aux pères l'autorité de Dieu lui-même, et qui est le fondement de toutes les autorités qui gouvernent sur la terre?

Eh comment a-t-on pu allier ces deux mots puissance et surveillance? La puissance est-elle sans action? la surveillance est-elle autre chose qu'attention? Le gardien surveille les fruits et u'en dispose pas; le concierge surveille les prisonniers; la garde, les malades; et ils ne leur commandent pas. Est-ce là toute la puissance du père? ce ne serait pas seulement celle du mari sur sa femme, pas même celle du maître sur ses domestiques.

Cette surveillance n'est pas celle seulement du physique des enfants; c'est aussi et c'est principalement celle des mœurs, qui commencent à se former dans les premières habitudes de la vie. Mais le père aura beau surveiller, si la règle n'est pas dans ses mains pour ordonner, corriger et punir, si, à chaque instant, il doit compte de sa surveillance à un autre, si sa puissance n'est que de nom, que pourrez-vous attendre des enfants qu'il n'aura pu élever? et qu'aurez-vous fait, que déplacer un droit naturel et légitime, pour créer un droit factice, funeste à la société, et désavoué universellement par la raison ?

Mais alors que devient ce que l'on a dit que toutes les lois positives prennent leur source dans le droit naturel?

Que devient la magistrature domestique, la plus essentielle comme la première de toutes, et dont toutes les autres ne sont que l'image?

N'a-t-on pas reconnu cette magistrature dans le discours préliminaire?

N'a-t-on pas rendu hommage à son gouvernement, qu'on appelle le gouvernement de la famille, et dont on a dit qu'il est le chef? Familia appellatione et ipse princeps familiæ continentur.

Ainsi, pour n'avoir pas voulu dire ce qui est, en parlant de sa puissance, ou a été forcé de conclure en sens contraire de ce qu'on avait déjà dit.

On a soumis l'autorité du droit naturel à celle des lois positives, qui ne font qu'en dériver, contre cette maxime de tous les temps, de tous les peuples, et de tous les codes, que le droit civil ne doit point déroger au droit naturel, jus civile naturali non derogat.

On a, par un renversement inouï, mis la surveillance de la loi à la place de l'autorité naturelle du père, et cette autorité à la place de la loi.

Otons donc aux pères, ôtons-leur tous leurs enfants dès le berceau pour les confier à une éducation publique; ou gardons-nous de leur rien.

ôter de la puissance qu'ils auront naturellement sur leurs enfants.

Ou donnons des règles à tous les pères pour vêtir, loger et alimenter leurs enfants, tant en santé qu'en maladie, comme nous le faisons dans les hospices de charité, ou laissons-leur, à plus forte raison, toute la puissance qu'ils tiennent de la nature, pour éduquer aussi leurs âmes et former leurs mœurs selon leur jugement, qui vaut mieux que le nôtre, et leur tendresse, qu'une puissance plus forte que nous leur a inspirée.

Faisons des lois pour régler la puissance des tuteurs, des curateurs, qui n'en ont aucune par eux-mêmes, et ne peuvent avoir que celle que la loi civile leur donne n'en faisons pas pour les pères, à qui les enfants sont assujettis par un droit indélébile, par un droit qui nous assujettit nous-mêmes, et que notre Code enfin ne soit pas le premier livre où les enfants prendront leur première leçon de désobéissance et d'indocilité.

En vain dirait-on que de fait on n'a rien retranché de la puissance légitime des pères; c'est ce que nous examinerons après.

Mais cela fût-il vrai, il ne l'est pas moins que la règle ci-dessus, également fausse et dangereuse, reste écrite, et que cette règle empoisonnée empoisonnera les esprits et les cœurs.

Et prenez garde que le texte est qualifié disposition générale; qu'ainsi c'est une véritable régle de droit qu'on a entendu faire rappelons-nous qu'une règle de droit n'est autre chose que la proclamation de ce qui est, regula est quæ rem quæ est breviter enarrat; rappelons-nous que la chose qui est, renferme essentiellement en elle et la cause qui la fait être ce qu'elle est, et les droits qui y sont attachés, rei appellatione et causæ et jura continentur; et jugeons, d'après cela, du danger de laisser subsister une déclaration qui dit la chose qui est, autre qu'elle n'est en effet.

Eh! qu'était-il besoin de toutes ces nouveautés? Ne sait-on pas qu'en droit toute règle est pernicieuse, omnis definitio in jure civili periculosa? ne suffit-il pas de dire ce qu'ont dit ces hommes si puissants en sagesse et en raison, ces hommes si justement vantés par les auteurs du projet, la puissance paternelle est le droit naturel qui appartient aux pères sur leurs enfants? puis de cette règle générale on fera découler les lois qui en sont la conséquence.

Art. 4. « L'ordre d'arrestation doit exprimer la « durée de la détention. >>

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Exprimer la durée de la détention, c'est trop en montrer le terme à l'enfant révolté; il sera moins occupé de la punition que du temps auquel elle doit finir, et plus résigné à la souffrir qu'à se corriger c'est l'effet de l'orgueil qui endurcit jusque dans les peines dont on connait la durée. Il vaudrait mieux ne rien exprimer à cet égard dans l'ordre, et laisser à l'officier de police d'abréger ou de prolonger la détention suivant la nature des faits, et après avoir consulté le préposé à la maison de correction, le père et même la famille si besoin est; car si, par exemple, le fils a attenté aux jours de son père, exposera-t-on ce père à recevoir nécessairement au bout d'un an son fils devenu plus furieux par sa détention, plus avisé par le dessein de vengeance qu'il aura sans cesse médité et nourri?

Art. 12. « Le père, constant le mariage, a, « jusqu'à la majorité de ses enfants non émancipés, « l'administration et la jouissance des biens qui <«<leur adviennent, autres, etc. »

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