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Pourquoi ne pas laisser subsister l'usage de pays nombreux, soit de droit écrit, soit coutuiniers, qui donne au père, pendant la vie de l'enfant, l'usufruit de ses biens maternels et adventifs? Le droit de Paris doit-il faire le droit de toute la France? Il n'y a pas d'exemple qu'on se soit mal trouvé jusqu'ici de ce droit des pères dans les pays où il a lieu; et, au contraire, il est prouvé que partout ce sont les familles de l'Etat les mieux gouvernées et dont il a le plus à se louer. On ne saurait trop faire pour les pères, qui sont les vrais colons de la société.

Au moins qu'on conserve au père l'usufruit qui lui est acquis durant la minorité de son enfant, dans le cas où cet enfant viendrait à décéder pendant cet usufruit.

Ari. 16. « La disposition officieuse ne peut être «faite que par acte testamentaire. La cause Ꭹ doit « être spécialement exprimée : elle doit être juste, «<et encore subsistante à l'époque de la mort du «père et de la mère disposants. »>

C'est trop de retrancher l'exhérédation; c'est l'arme la plus naturelle et la seule puissance qu'on puisse laisser aux pères : elle n'est pas dangereuse; à peine, dans une aussi grande société, en voit-on quelques exemples dans le cours de plusieurs siècles. Ce n'est pas lorsque tous les liens ont été relâchés qu'il faut les relâcher encore; peut-être ne viendra-t-on jamais à bout de les resserrer comme il conviendrait de le faire.

Au moins serait-ce assez d'avoir dit que la disposition officieuse ne peut être faite que par acte testamentaire, sans ajouter que la cause doit être exprimée, qu'elle doit être juste, et surtout qu'elle doit étre encore subsistante au décès. C'est tout ôter au père que de ne pas lui laisser le droit de juger souverainement des mœurs de son fils, que personne ne peut connaître mieux que lui.

C'est de plus offenser le public et les mœurs, que de mettre le fils aux prises avec la mémoire de son père, et encore ce fils, en procès avec ses propres enfants, pour faire décider, ou au gré des juges ou à la disposition de témoins souvent suspects, de la justice du jugement porté par l'aïeul car si ce jugement n'est pas susceptible d'être soumis aux tribunaux, pourquoi dire qu'il doit être juste, puisqu'il sera présumé l'être de droit? et pourquoi exiger que la cause soit exprimée, si, l'étant, elle est toujours présumée juste? Eh! qui mieux que ce père sait qui convient à sa famille?

Mais n'est-ce pas détruire le peu de bien qu'on lui réserve de faire, que de vouloir que la cause de la disposition officieuse soit encore subsistante à l'époque du décès? Qu'a-t-on voulu dire par là?

Faut-il que la dissipation se soit perpétuée jusqu'au décès par des actes répétés? ou ne faut-il pas que le fils ait déjà réparé par une bonne conduite le mal de sa mauvaise administration? ou suffit-il qu'il ait donné depuis un certain temps des preuves d'ordre et de sagesse? Depuis quel temps? quelles preuves? S'il a tellement dissipé qu'il n'ait plus rien, s'il ne trouve plus à emprunter, s'il n'a plus de quoi jouer ou entretenir ses débauches, sera-ce merveille qu'il ne répète plus les actes de sa dissipation et qu'il paraisse sage par nécessité?

S'il a été assez hypocrite pour se retenir dans son penchant ou mieux cacher ses désordres aux approches de la mort de son père, sera-t-il absous pour cela? le père aura-t-il été injuste pour avoir été plus clairvoyant et plus sage?

Là dissipation est un vice du naturel; on ne

s'en corrige que par un retour efficace vers la morale (ce qui n'entre point dans les considérations de la loi civile), ou par l'impuissance absolue de jouir et alors, ou il n'est plus temps de se disposer à l'ordre, ou tombant dans l'excès contraire, plus dangereux peut-être que la dissipation, le dissipateur devient avare jusqu'à l'abrutissement.

Mais enfin il sera donc toujours sûr qu'une disposition officieuse engendrera toujours un procès, ne fut-ce que pour savoir si la cause subsistait au temps de la mort; et on donnera d'autant moins de confiance à la disposition, officieuse du père, que son testament sera d'une date plus éloignée de l'époque de son décès, quoiqu'il fût bien naturel de présumer qu'il n'aurait pas manqué luimême de le révoquer aussitôt qu'il aurait reconnu l'amendement de son fils.

Ne doit-on pas plus de confiance à ce jugement du père qu'à celui du fils, qu'à celui même des juges étrangers aux mœurs domestiques de cette famille? Et cependant, si le fils a approuvé la disposition du père en s'y soumettant, ou si elle a été confirmée par les tribunaux sur l'attaque que le fils lui aura livrée, tout est consommé et pour toujours en vain le fils deviendra plus sage (et peut-être la possession d'une ample fortune aurait produit će miracle); n'importe, il n'y aura plus de retour pour lui à la propriété; n'aura pas l'avantage de l'interdit pour prodigalité. D'où vient cette différence?

il

Dira-t-on que c'est par respect pour le jugement d'un tribunal qui aura consacré cette interdiction testamentaire? mais le jugement qui interdit le prodigue n'en mérite pas moins. Veut-on que ce soit le respect pour le testament du père qui a donné lieu à ce changement? mais alors pourquoi le soumettre à des discussions judiciaires et incertaines autant qu'inévitables? Pour un père qui pourrait avoir ainsi disposé par méchanceté ou par prévention, cent autres l'auront fait avec sagesse, discernement et regret; et néanmoins on assujettit le jugement de tous à la même épreuve, aux mêmes hasards, aux mêmes dangers; et pour éviter le trop léger inconvénient d'un fils qui aura été injustement réduit par son père à l'usufruit de ce qu'il aurait dû avoir en propriété, on ouvre la porte à mille inconvénients majeurs en police sociale et en bonne administration de gouvernement.

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Art. 18.« Si tous les descendants de l'enfant « dissipateur décèdent avant lui, il rentre de plein droit dans la nue propriété dont il avait « été privé, quant aux immeubles seulement qui « se trouveront éxister en nature dans la main « du dernier de ces descendants. Lesdits descen«dants ne peuvent disposer à cause de mort, au « préjudice de ce droit de retour. »>

Sans doute il doit être entendu que tous ces descendants seront morts sans enfants: il serait mieux de l'exprimer.

Il conviendrait aussi que cette propriété ne fût qu'en dépôt entre les mains des enfants, du vivant du père cela est d'autant plus nécessaire, que ces enfants ne seront retenus par aucun frein. L'autorité d'un père dissipateur, qui n'a point de propriété à transmettre, est bien faible; d'autre part, il y a bien peu à compter sur les soins que devra à ses enfants ce père déréglé, qui n'aura jamais assez de ses revenus pour sa dissipation: alors les enfants, manquant de tout, ne le regar deront plus que comme un usufruitier à charge; et ce père, à son tour, irrité de ne pouvoir dissiper davantage, ne verra que des ennemis dans

ses enfants, devenus propriétaires de sa fortune | malgré lui.

Dans cet état de guerre domestique, les usuriers, les faux amis, le besoin, persuaderont aisément à ces enfants de vendre leur nue propriété, d'où il arrivera: 1° qu'ils seront ruinés avant même d'avoir joui; qu'ils s'abîmeront dans les débauches par la funeste facilité d'y satisfaire; 3o que, contre le vœu de l'article, ils ne laisseront, à leur mort, aucune propriété que le père puisse recueillir; en sorte que, pour avoir voulu les sauver de la dissipation de leur père, on les perdra eux-mêmes et de mœurs et de biens.

Mais en supposant qu'au milieu de tant de sujets d'inconduite, ils soient assez sages pour ne pas consumer leur subsistance par anticipation, il faut au moins pourvoir à ce que le retour au père ne soit pas rendu illusoire par les conseils que des parents intéressés ne manqueront pas de donner aux enfants, de dénaturer leurs propriétés en les vendant pour en acheter d'autres. Il faudrait donc dire que les nouvelles propriétés demeureront subrogées de plein droit aux anciennes qui auront été vendues, jusqu'à concurrence de la valeur de celles-ci.

Art. 19. « L'usufruit laissé à l'enfant dissipa«teur peut être saisi par les créanciers qui lui << ont fourni des aliments depuis sa jouissance.

« Les autres créanciers, soit antérieurs, soit « postérieurs à l'ouverture de la succession, ne « peuvent saisir l'usufruit, si ce n'est dans le cas <«< où il excéderait ce qui peut convenablement « suffire à la subsistance de l'enfant dissipateur. »> Sans doute ces autres créanciers antérieurs à l'ouverture de la succession ne sont toujours que des créanciers personnels du dissipateur: il eût été bon de l'énoncer; il ne s'agit que de dire: « Les autres créanciers de cet enfant dissipateur. » Bon que ces créanciers ne puissent saisir au préjudice de la subsistance de ce dissipateur; mais le pourront-ils au préjudice de la subsistance de ses enfants, s'il en a? Ne doit-on pas plus d'égards à ces enfants qu'aux usuriers qui ont prêté à leur père? Ne paraît-il pas convenable qu'après ces mots, ce qui peut convenablement suffire à la subsistance de l'enfant dissipateur, on ajoute, et à celle de l'enfant, s'il en a?

Dans tous les cas, on doit, en bonne règle, ordonner la publication du testament, quant à la disposition officieuse.

Art. 20.« Les créanciers ne peuvent attaquer « la disposition officieuse qu'autant qu'elle a été «faite sans cause légitime ou non exprimée. »

Article à supprimer, par les réflexions qu'on a déjà faites, et parce que les mœurs et le bien public demandent qu'on réprime l'audace de cet enfant qui n'a pas craint d'emprunter sur l'espoir de la succession de son père, et la cupidité de ces infàmes usuriers qui ne lui ont prêté que par le désir de dévorer d'avance cette succession.

TITRE IX.

De la minorité, de la tutelle et de l'émancipation.

Art. 16. « Le tuteur nommé par le père ou la mère « doit l'être par acte de dernière volonté, ou par « déclaration faite soit devant le juge de paix, « soit devant un notaire. »>

Rédaction à corriger. Dans notre langue, la conjonction soit est le plus souvent copulative, et équivaut à celle-ci, tant là que là; il serait mieux de dire tout simplement, ou par déclaration qui sera faite devant le juge de paix ou devant un notaire, etc. La répétition de la disjonction cu

n'a rien de choquant, dès qu'elle est nécessaire. Art. 17. « Cette déclaration est, à peine de nul«lité, signée du juge de paix, de son greffier, du déclarant, du notaire et de deux témoins. »

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Autre vice de rédaction qu'on peut corriger ainsi: «Cette déclaration, si elle est faite devant « le juge de paix, doit être signée, etc.; et si elle « est faite devant notaire, elle doit l'être, etc.; le << tout à peine de nullité et si le déclarant ne << sait pas signer, etc. »>

Art. 38. Lorsque le mineur, domicilié en France, possède des biens dans les colonies, ses « parents qui y résident, et, à leur défaut, ses voi«sins et amis, s'y assemblent en conseil de fa« mille, pour procéder au choix d'un tuteur.

«Il en est de même à l'égard du mineur domi« cilié dans les colonies, qui possède des biens en « France; ses parents qui y résident, et, à leur « défaut, ses voisins et amis, s'y assemblent en « conseil de famille, pour procéder au choix d'un

« tuteur. >>

1re Partie. Qui est-ce qui donnera avis, dans la colonie, de la mort qui occasionne la tutelle ? qui est-ce qui provoquera dans les colonies ce conseil de famille?

2e Partie. De même, comment les voisins et amis le sauront-ils en France? qui les excitera, si ce n'est pas leur zèle, et d'où leur viendra ce zèle? quels sont les voisins, si le mineur a divers biens, si ces biens sont à peu près d'égale importance, s'ils sont situés en différents ressorts?

Si ces voisins n'ont pas la preuve en main du décès du parent du mineur, les admettra-t-on à provoquer une tutelle sur de simples ouï-dire ? évincera-t-on avec cela un fondé de pouvoir ?.

L'article, il est vrai, a pu paraître difficile; mais celui-ci est illusoire. Ne peut-on pas présumer que le Gouvernement établira en France un procurateur général pour les affaires des colonies, et dans les colonies un procurateur général pour leurs affaires de France, chargera les juges respectifs de donner avis à ce procurateur général, qui le transmettrait à celui du lieu de la personne ou des biens, d'après lequel avis ce juge serait tenu d'agir d'office?

Art. 46. La loi dispense de la tutelle, 1o etc. » Pourquoi donc pas les juges ordinaires, tant de première instance que d'appel? Il ne s'agit point de privilége, mais de justice égale il y a égalité d'intérêt public. Les juges d'appel, surtout, sont tirés des divers départements qui forment l'arrondissement du tribunal; comment vouloir qu'avec une fonction publique, journalière, péuible, qui les applique sans cesse à l'audience, ou aux délibérés, ou au cabinet, ils puissent exercer une autre fonction publique, importante sans doute, mais beaucoup moins que celle qu'ils exercent déjà? Faudra-t-il qu'après avoir abandonné leurs foyers, leurs affaires, le soin de leurs propriétés, l'éducation de leurs enfants, pour servir le public, ils quittent le public pour gérer les biens des autres, ou qu'ils paient, à gros frais, un commis-tuteur dont ils sont responsables? Les hommes nécessaires aux tribunaux ne sont pas assez communs, surtout en ce moment, pour qu'on n'eût pas à regretter ceux qu'une tutelle forcerait à renoncer au service public.

Art. 70. Tout ce que le conseil de famille « n'aura pas jugé à propos de conserver sera « vendu, à la diligence du tuteur, en présence « du subrogé-tuteur, par enchères et après des « affiches ou publications, dont le procès-verbal « de vente fera mention. »

Le conseil de famille pourra être d'avis de

vendre l'universalité du mobilier or une universalité de mobilier est comparée par les lois à un immeuble. D'ailleurs, une succession peut être toute composée de mobilier: il convient donc d'ajouter ici ce qui est dit à l'article 84 ci-après, sur la nécessité de faire attester les affiches par le juge de paix.

Art. 71. Les père et mère, auxquels les ar«ticles 5 et 6 ci-dessus accordent la jouissance « des biens du mineur, sont dispensés de vendre «<les meubles, s'ils aiment mieux les conserver " pour les remettre en nature.

«Audit cas, ils sont tenus d'en faire faire à « leurs frais une estimation, à juste valeur, par « un expert qui sera nommé d'office par le tri«bunal de première instance, et ils seront tenus de rendre la valeur estimative de ceux des <«< meubles qu'ils ne pourraient pas représenter

« en nature. »

Le père ou la mère qui perd la jouissance, « d'après les articles 11,12 et14 ci-dessus, est obligé « de faire vendre les meubles qu'il avait con«servés en nature.

La seconde partie de cet article est inutile ct dangereuse. Inutile, parce qu'elle ne se pratiquera jamais, si ce n'est quand on aura dessein de frauder; et par cela même elle est dangereuse, car on ne la pratiquera qu'autant qu'on aura l'espoir de gagner sur des objets précieux qu'on ne voudra pas rendre. Il sera presque toujours facile d'intéresser un expert d'office, sans responsabilité et sans contradiction. Il vaut mieux que le père ou la mère demeure obligé de tout représenter, ou laisser au mineur la faculté d'allouer ou de contester le prix des objets qu'on ne représentera pas, que d'introduire une formalité qui ne peut être bonne qu'à engager dans des frais frustratoires le père ou la mère, qui s'en vengera sur le mineur.

La dernière partie ne peut subsister comme elle est. On y confond la privation de la tutelle avec la perte de la jouissance. Certes le père et la mère, à qui la tutelle est ôtée, suivant l'article 14, n'ont plus le droit de faire vendre le mobilier des mineurs; ce soin doit être laissé au tuteur qui leur sera subrogé. A la bonne heure qu'ils soient tenus d'administrer jusqu'à cette nouvelle nomination, parce que, dans l'intervalle, l'adininistration ne doit pas être suspendue mais il n'y a aucun péril à conserver le mobilier pendant ce peu de jours, et il y en aurait beaucoup à le laisser vendre par le père ou la mère destitués.

Art. 76. « La succession, qui a été répudiée par «<le tuteur avec l'autorisation du conseil de fa«mille, peut être reprise, soit par le tuteur avec « pareille autorisation, soit par le mineur devenu « majeur, dans le cas seulement où elle n'aurait « été acceptée par aucun autre. »

Quel article redoutable pour le mineur? Combien de fois des intrigants qui s'entendraient avec un tuteur et avec un conseil tout composé d'étrangers, par exemple, dans la succession d'un banquier, d'un négociant de Paris ou de toute autre grande ville le défunt n'avait aucun parent qui connût sa fortune, viendraient à bout de persuader une répudiation funeste, qui cependant sera irrévocable!

Eh! à propos de quoi? On a dit, dans l'article précédent (et assez mal à propos peut-être), que le mineur ne pourrait jamais accepter que sous bénéfice d'inventaire; en quoi on a pourvu à ses intérêts, beaucoup plus qu'à sa délicatesse, et à l'honneur qu'il doit à son parent mais enfin,

voilà du moins son intérêt à couvert. Pourquoi, en voulant le protéger du côté de cet intérêt, lui donner moins de faveur qu'à cet autre héritier avide et cauteleux qui aura surpris sa répudiation pour le dépouiller? ne vaudrait-il pas mieux dire, au contraire, que, par la raison de l'article précédent, aucune succession ne pourra être répudiée pour le mineur?

Art. 77. La donation faite au mineur ne peut « être acceptée par le tuteur qu'avec l'autorisation « du conseil de famille; et, dans ce cas, elle a << vis-à-vis du mineur le même effet que contre << un majeur. »

Pourquoi cette autorisation de conseil? L'ordonnance de 1731, l'une des plus sages et des plus réfléchies qui aient été faites sous l'ancien gouvernement, dispense expressément de tout avis de parents, et de demande que l'acceptation du tuteur ou du curateur, ou du père ou de la mère, ou de tout autre ascendant, même du vivant du père et de la mère. Chez les Romains, il suffisait d'une autorisation bien moins grave; l'esclave pouvait accepter pour le mineur.

Aucune raison ne peut justifier la disposition de cet article, qui blesse évidemment les intérêts du mineur, au lieu de les protéger; car le plus souvent il aura des donations à recevoir de parents collatéraux, au préjudice d'autres parents successibles comme lui; jamais il ne parviendra à se faire autoriser par le conseil de famille.

On dit que la donation autorisée par le conseil aura le même effet contre le mineur que contre le majeur mais la simple acceptation du tuteur produit cet effet; et cet effet n'a rien de fâcheux ni pour le mineur, ni pour le majeur, puisqu'ils ne sont jamais tenus au delà de la valeur des choses données, et que le pis qui puisse leur arriver est que la libéralité soit illusoire. L'ordonnance, Ricard, la jurisprudence et les lois romaines avaient extrait sur cette matière tous les fruits de la sagesse humaine; on ne peut que s'égarer en' s'écartant.

Art. 101. «Tout traité sur la libération du tu«<teur n'est valable qu'autant qu'il est passé avec « le mineur devenu majeur, sur un compte rendu « en la forme ci-dessus. »

La forme ci-dessus comprend-elle aussi la nécessité de faire apurer ce compte par le juge de paix, comme cela est exigé dans l'article précédent? La forme du compte est autre chose que le jugement de ce compte rendu; et si on ne pouvait traiter qu'après ce jugement, autant vaudrait dire qu'il n'est jamais permis de traiter, puisque l'acquiescement à un jugement ne saurait être regardé comme un traité.

Art. 102. Ceux qui ont concouru aux délibé «<rations prises par le conseil de famille pendant « le cours de la tutelle, ou qui ont dû concourir « auxdites délibérations comme y ayant été «ment appelés, sont garants et responsables de « l'administration du tuteur, en cas d'insolvabi«lité seulement, soit que le tuteur fût insolvable « au jour de sa nomination, soit qu'il ne le soit « devenu que depuis, sauf ce qui est dit au titre « des hypothèques.

« Cette responsabilité n'est pas solidaire, et elle « ne peut être exercée contre les voisins ou amis. » Il paraît impossible d'admettre un article contraire à tout usage et à toute raison de droit et d'équité, qui, pour le moindre conseil sur une chose passagère et de la plus petite conséquence, rend les parents garants non-seulement de l'événement de ce conseil, mais encore de l'universelle administration du tuteur; un article qui

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jetterait la désolation dans toutes les familles, le trouble dans toutes les propriétés, et qui, pour une faveur excessive accordée à l'intérêt d'un mineur, pour un danger très-éventuel, infiniment rare et fort douteux, ferait que, partout où il y aurait une tutelle, les familles entières seraient regardées dans le commerce des affaires comme des familles pestiférées, avec lesquelles personne n'oserait former des alliances ou faire aucun autre contrat.

Mais pourquoi, d'ailleurs, les parents même qui auraient concouru à la nomination du tuteur en seraient-ils garants, sauf ce que dit Domat du cas de dol et de malversation, comme si on avait nommé un tuteur apparemment insolvable? Ce serait introduire une nouveauté effrayante dans presque tous les pays coutumiers, et qui, même pour le pays de droit écrit, n'a pas de fondement réel dans les lois romaines bien méditées, comme l'a fait voir l'avocat général Talon dans son plaidoyer rapporté par Bardet, tome II, p. 582.

Art. 107. « Le mineur émancipé peut recevoir « un capital mobilier. »

L'article 109 ne permet point au mineur émancipé de s'engager au delà d'une année de son revenu, et le 110 lui interdit la disposition de ses meubles. N'est-il pas inconséquent de lui permettre, dans celui que nous examinons, de recevoir et par conséquent de dissiper un capital mobilier qui peut être bien au-dessus d'une année de son revenu ou de la valeur de ses meubles; qui même peut composer toute sa fortune, comme il arrivera souvent parmi les gens d'art, négoce ou trafic? Sans doute, la faveur de la libération ne doit pas permettre de la rendre plus difficile vis-à-vis le mineur que vis-à-vis le majeur; mais, sans retarder la libération du débiteur, on pourrait pourvoir autrement à l'intérêt du mineur, en ordonnant la consignation des capitaux jusqu'à T'emploi fait par le conseil de famille. Réflexions générales sur le titre des minorités, tutelles, etc.

Au surplus, on remarque, contre tout ce titre des minorités et tutelles, que les conseils de famille et les frais qu'ils doivent occasionner, sont beaucoup trop multipliés.

On a trop considéré les familles comme riches ou aisées, peut-être parce que le travail s'est fait à Paris, et qu'on s'est trop circonscrit dans ce qu'on voit autour de soi où dans ce qu'on a l'habitude de voir. Les paysans, les ouvriers, les artisans, les familles indigentes sont les plus nombreuses, celles où il y a communément plus d'enfants, dont les pères, exposés à plus de dangers, à plus de maladies, avec moins de secours, rendent les plus fréquentes on ne viendra jamais à bout de distraire les parents de leurs occupations, de leur travail nécessaire, pour assister, souvent à des jours fort incommodes, souvent avec des frais de voyage qu'ils ne pourront pas fournir, à des conseils aussi fréquents; forcés de ne calculer que par leurs besoins présents, ils s'inquiéteront peu d'une responsabilité future; et cette responsabilité même sera une pépinière de procès, par lesquels on ruinera plusieurs familles pour l'intérêt médiocre d'une minorité.

Si on est réduit à des voisins, ce ne sera plus que des voisins officieux; ou ces voisins, de même classe que les parents, et aussi nécessiteux qu'eux, refuseront de venir.

Les mineurs eux-mêmes consumeront ou verront consumer une grande partie de leur fortune

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CHAPITRE PREMIER.

Des majeurs.

Art. 1er. La majorité est fixée à vingt-un ans accomplis.»

Eh! plutôt, hâtons-nous de revenir à la règle des vingt-cinq ans il n'est que trop vrai, comme on l'a dit dans le discours préliminaire, que mille causes concourent aujourd'hui à prématurer la jeunesse; et c'est une raison de plus de l'abandonner plus tard à elle-même. Qu'est en effet cette raison précoce, sans expérience, sans lumières, presque débile, à côté d'une volonté impétueuse, mue par des passions violentes qui, pour nous servir encore des expressions du discours, font que trop souvent la jeunesse tombe dans la caducité au sortir même de l'enfance?

Que ce ressort donné aux âmes vienne, comme le disent les auteurs du projet, de l'esprit de société et d'industrie plus généralement répandu, ou qu'il vienne, comme on le croit plus vrai, du relâchement des mœurs et de la discipline publiques et de l'absence de toute morale que les nouveaux disciples d'Epicure sont parvenus à ruiner; il n'en est pas moins inconcevable qu'il ait échappé aux auteurs du discours de dire que ce fatal ressort suppléait aux leçons de l'expérience, et disposait chaque individu à porter plus tôt le poids de sa propre destinée.

Ne sait-on pas que tout a son période marqué dans la nature; que la raison n'arrive pas un moment plus tôt, parce qu'on aura été lancé de meilleure heure dans le tourbillon social, avant même que l'esprit ait pu s'y former aucune idée; et qu'on deviendra encore moins raisonnable avant le temps, parce que de funestes habitudes de licence auront devancé le temps des passions?

Mais ce n'est pas parce qu'on n'est point encore raisonnable à vingt-un ans qu'il faut retarder l'effet de la majorité jusqu'à vingt-cinq; car, au commencement même de notre civilisation, la minorité ne s'étendait pas au delà de vingt-un ans: c'est parce que ce premier âge, où la raison ne fait que poindre, étant environné de plus de dangers, il a besoin de plus de secours; ce qui fit bientôt sentir la nécessité d'attendre une plus grande maturité pour livrer le jeune homme à ses propres forces; et nous ne pouvons que nous préparer des regrets, en méprisant l'autorité des siècles et la sagesse de ceux qui nous ont précédés.

CHAPITRE II.

De l'interdiction.

Art. 18. « Commission rogatoire, etc. » Il ne peut y avoir de commission rogatoire d'un tribunal d'appel à un tribunal de première instance. Art. 24. « Les actes antérieurs ne seront an«nulés qu'autant qu'il résultera de la procédure « sur laquelle l'interdiction aura été prononcée, « que la cause en existait à l'époque où les actes «< contestés ont été faits. »

Ce tiers, qui n'a rien su de cette interdiction, se trouvera-t-il jugé nécessairement et irrévocablement sans avoir été entendu? Il semble qu'on doit lui réserver ses défenses; par exemple, le

droit de tierce opposition au jugement d'interdiction car il serait possible que l'interdit se fût entendu avec sa famille tout exprès pour annuler un acte qu'il n'aurait pu attaquer autrement. Art. 25. « Après la mort d'un interdit, etc. » Il faut ajouter: ou d'une personne prétendue sujette à l'interdiction.

Art. 39. « Le mineur émancipé, contre qui on « provoque l'interdiction, sera assisté du curateur « aux actions immobilières, qui aura été nommé « lors de son émancipation. »

On a oublié qu'on ne lui faisait pas nommer de curateur lors de son émancipation, mais seulement s'il avait à plaider pour une action immobilière il faut donc dire à l'article 106, chapitre de l'émancipation, qu'on doit lui donner ce curateur aussitôt qu'il est arrivé à l'âge de devenir émancipé.

ADDITION A CE CHAPITRE.

C'était ici le lieu de parler de l'interdiction pour cause de prodigalité, et cependant on n'en dit rien. Ce n'est sûrement qu'une omission; car, quoique par le droit de propriété on entende celui d'user et d'abuser, on ne pense pas que les auteurs du projet se soient laissé surprendre à cette définition, jusqu'à en conclure que la loi n'est pas intéressée aux excès du prodigue qui, méprisant toute règle, et abusant de sa raison, corrompt les moeurs publiques et préjudicie aux intérêts d'autrui: l'imbécile, maltraité par la nature, doit

être secouru par l'humanité; le prodigue, insultant à la raison par ses désordres, et à la société par sa mauvaise conduite, doit être contenu par la loi.

Telles sont les réflexions qui nous sont survenues à l'examen rapide de ce premier livre du projet; nous les avons exprimées librement, comme nos lumières et notre conscience nous l'ont suggéré, persuadés que nous ne pouvions mieux honorer l'intention du Gouvernement et le travail des auteurs du projet.

Nos occupations ne nous ont pas permis d'aller plus vite ni plus loin, ni de dire tout ce que nous aurions eu à remarquer sur ce que nous avons parcouru; comme le temps n'a sûrement pas permis aux auteurs du projet de mûrir, autant qu'il aurait dû l'être, un ouvrage aussi important, le plus difficile qu'on puisse confier à des hommes, et cependant confié aux hommes qui étaient les plus capables de le rendre parfait.

Fait et arrêté à la chambre du conseil, le tribunal assemblé, ce 14 fructidor an IX de la République française,une et indivisible. A la minute ont signé : REDON, président, BEAULATON, CATHOL, MANDET, BONARME, TIOLIER, BRANCHE, TURRAULT, FARRADESCHES-GROMONT, BARRET-DUCOUDRET, LANDOIS, COINCHON, LAFONT, juges, et TOUTTÉE, substitut du commissaire du Gouvernement.

Certifié conforme. A Riom, le 17 fructidor an IX.

REDON, président.

L. ARMAND, commis-greffier.

FIN DU SIXIÈME VOLUME.

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