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Le souffle subversif qui l'avait effleurée, bouleversait maintenant le monde, en ébranlant tous les trônes de l'Europe par la chute de la monarchie française. La révolution de 1790 venait d'éclater. Nos vallées elles-mêmes furent bientôt entraînées dans l'effrayante orbite de ses innovations.

« Tout alors, dit M. Monastier (1), tendait à détourner l'âme de la vie intérieure, cachée avec Christ en Dieu. La puissance de l'intelligence humaine, unie à la force matérielle, s'était faite la régénératrice du monde. Il n'était question que d'organisation sociale, de conquêtes visibles et de gloire mondaine; il ne restait pour ainsi dire plus de place sur la terre pour les intérêts du ciel. »

Maís on peut dire aussi, que ce fut là un temps d'oet que le propre des orages est d'être rapides

rage,

et de purifier l'air.

«Nos chutes sont si fréquentes, nos transgressions si multipliées, nos vices si nombreux, que nos consciences, d'accord avec la religion, nous pressent de solliciter la clémence divine. » (Synode de 1774, § III.) Et les jeunes solennels qui eurent lieu depuis lors, savoir, en 1775, 1778, 1781, 1783, 1786, 1789 et 1799, ont tous été précédés par de pareilles humiliations, ferventes de repentir, pleines de prières et de supplications, telles que nulle Eglise, peut-être, n'en adressa jamais de plus profondément senties.

(1) T. II, p. 200.

Aussi la lourde atmosphère du passé s'est-elle dégagée, dans ces agitations, des éléments vieillis qui étaient incompatibles avec la vie du progrès.

Dieu tire le bien du mal, et il dirige à leur insu les hommes qui s'agitent sous sa main.

i

LES VALLÉES VAUDOISES

PENDANT LES GUERRES

SURVENUES EN ITALIE A LA SUITE DE LA

RÉVOLUTION FRANÇAISE.

(De 1789 à 1801.)

SOURCES ET AUTORITÉS.

à la fin de la Bibliographie.

En général, les auteurs modernes, mentionnés En particulier les Mémoires inédits de Paul Appia, renfermant le récit des événements qui ont eu lieu dans les vallées vaudoises, de 1799 à 1816. — Enfin, les sources de détail indiquées au bas des pages.

Les scènes révolutionnaires dont la France était le théâtre, n'excitèrent d'abord, dans les vallées vaudoises, qu'un sentiment de prudente réserve.

Dans un sermon prononcé en public (1), un pasteur

(1) A l'ouverture du synode de 1789, dit M. Monastier, T. II, p. 193. Mais aucun synode n'a été tenu, que je sache, dans les vallées vaudoises, de 1788 à 1791.

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vaudois s'étant permis, en 1789, de faire allusion aux événements qui s'accomplissaient de l'autre côté des Alpes, fut suspendu de ses fonctions pour six mois. « Cette décision, dit M. Monastier, était aussi sage que juste, car le prédicateur avait manqué à son devoir, soit comme sujet du roi de Sardaigne, en attirant l'attention sur des questions antipathiques à son gouvernement, soit comme pasteur, en introduisant la politique dans la chaire chrétienne. Il était difficile que des hommes aussi peu favorisés du pouvoir que les Vaudois l'avaient été, pussent montrer, en de pareilles circonstances, plus de prudence et de modération (1).»

Mais il était difficile aussi que d'ardentes sympathies pour la cause de la liberté ne fissent pas en secret palpiter bien des cœurs, dans ces pauvres vallées si longtemps asservies.

Le fait même que nous venons de citer prouve l'existence de ces sympathies secrètes, dont l'expression publique était seule blâmée.

Et comme si le génie du passé avait pressenti sa défaite, comme s'il avait voulu livrer une dernière lutte au génie des temps modernes, l'esprit haineux

(1) Monastier, T. II, p. 183.

et fanatique du vieux papisme se redressa au seuil de cette nouvelle ère, pour conspirer le massacre des Vaudois; il voulut répondre par de nouveaux martyres à cette acclamation républicaine : « liberté, fraternité, égalité, » dont les échos de nos montagnes, commençaient à vibrer.

En 1792, la guerre s'était déclarée entre la France et l'Autriche. Le Piémont soutenait cette dernière puissance. Vers la fin de l'année, la Savoie, conquise par Montesquiou, et la province de Nice, par Anselme, furent unies à la France, qui venait de s'ériger en république (1).

Le roi de Sardaigne (Victor-Amédée III), ayant fait prendre les armes aux Vaudois, leur confia la défense de leurs frontières, sous les ordres du général Gau

din (2).

Toutes les milices vaudoises étaient campées sur la crête des Alpes, pour s'opposer à l'ennemi. Il ne restait dans le bas des Vallées que les femmes, les enfants, les vieillards, les infirmes faibles défenseurs! dit M. Monastier (3).

(1) 21 septembre 1792.

(2) Originaire Suisse; né à Nyon; son nom est écrit dans quelques auteurs Gudin, et dans d'autres Godin.

(3) T. II, p. 185.

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