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d'une modification de détails et d'un développement du principe républicain ;

2o Celle de M. Bouhier de l'Écluse qui voulait la nomination d'une Constituante chargée de ramener la France à ses lois fondamentales, d'affirmer, de déclarer ces lois qui, disait-il, sont éternelles et n'ont besoin que d'être constatées. M. Bouhier de l'Écluse demandait encore la nomination d'un Président provisoire le 2 mai 1852;

3o La proposition de M. Creton, qui avait pour but de faire convoquer une Assemblée de révision chargée de décider quelle serait la forme du gouvernement, et de rédiger une Constitution en conséquence de cette décision.

En voici le texte :

« Art. 1er L'Assemblée émet le vœu qu'à l'expiration de la législature une Assemblée Constituante soit convoquée à l'effet de procéder à la révision totale de la Constitution de 1848.

» Art. 2. En émettant le vœu de révision totale, l'Assemblée Législative entend que les pouvoirs de l'Assemblée de révision soient illimités, et que cette Assemblée établira définitivement les bases du gouvernement et de l'administration du pays.

>> En conséquence, l'Assemblée Nationale constituante sera d'abord appelée à statuer entre la république et la monarchie.

» Art. 3. Dans le cas où la république serait confirmée, l'Assemblée décidera si le pouvoir législatif doit être délégué à deux Assemblées, et si le chef du pouvoir exécutif ne doit pas être élu par les deux Assemblées réunies.

» Art. 4. Dans le cas où la monarchie serait adoptée, l'Assemblée rédigera et promulguera une charte constitutionnelle dont l'observation devra être jurée par le chef de l'Etat à son avénement au trône.

» L'Assemblée procédera, dans la plénitude des pouvoirs qui lui auront été délégués par le peuple français, à la désignation de la personne qui sera revê→ tue du pouvoir monarchique pour le transmettre héréditairement. »>

4o La proposition de M. Larabit ainsi conçue :

« 1° Que l'Assemblée Législative émette le vœu d'une révision de l'article 45 de la Constitution en ce qui concerne la rééligibilité du Président de la République ;

» 2° Que cette révision ne soit pas déférée à une nouvelle Assemblée Constituante, mais à la souveraineté du peuple français appelé à voter pour l'élection du Président de la République ;

» 3° Qu'à cet effet une proclamation de l'Assemblée avertisse le peuple français qu'à lui seul appartient de dire s'il veut ou non réélire le même Président. >>

50 Enfin, la proposition de M. le duc de Broglie, patronée par la réunion des Pyramides.

La proposition de M. Creton fut rejetée par tous les membres, à l'exception de M. le général Cavaignac.

Les propositions de M. Larabit et de M. Bouhier de l'Écluse, furent accueillies par la question préalable comme inconstitutionnelles.

La proposition de M. Payer également écartée, restait la proposition de M. le duc de Broglie, signée par les 233. M. le duc de Broglie en abandonna la rédaction, et la transforma en une proposition pure et simple de révision totale, dont les considérants n'invoquaient plus le principe de la souveraineté nationale.

La rédaction nouvelle était ainsi conçue :

« L'Assemblée législative, vu l'art. 111 de la Constitution (1), « émet le vœu que la Constitution soit revisée en totalité, con>> formément audit article. >>

Neuf membres de la commission votèrent pour la proposition nouvelle. C'étaient: MM. le duc de Broglie, de Montalembert, Moulin, Dufour, de Tocqueville, Berryer, de Corcelles, de Melun (du Nord) et Odilon Barrot. Six votèrent contre. C'étaient MM. le général Cavaignac, Charras, de Mornay, Jules Favre, Baze et Charamaule.

Un seul paragraphe additionnel fut proposé. M. Charamaule voulait qu'on ajoutât au texte de la proposition ces mots : « Pour l'amélioration et la consolidation de la république. Cet amende

(1) Voici le texte de cet article:

«Art. 111. Lorsque, dans la dernière année d'une législature, l'Assemblée nationale aura émis le vœu que la Constitution soit modifiée en tout ou en partie, il sera procédé à cette révision de la manière suivante :

» Le vœu exprimé par l'Assemblée ne sera converti en résolution définitive qu'après trois délibérations consécutives, prises chacune à un mois d'intervalle et aux trois quarts des suffrages exprimés. Le nombre des votants devra être de cinq cents au moins.

>> L'Assemblée de révision ne sera nommée que pour trois mois.

» Elle ne devra s'occuper que de la révision pour laquelle elle aura été convoquée.

» Néanmoins elle pourra, en cas d'urgence, pourvoir aux nécessités législatives. >>

ment fut combattu par MM. Berryer et de Montalembert par cette raison qu'il n'appartenait pas à l'Assemblée de limiter en quoique ce fût les pouvoirs de la Constituante. Mis au voix, l'amendement fut rejeté par 12 voix sur 15. Deux membres avaient seuls voté pour, MM. Charamaule et Jules Favre. M. le général Cavaignac s'était abstenu.

Restait à nommer un rapporteur : M. de Tocqueville fut désigné par 8 voix (25 juin).

Le Président de la République continuait à parler à la France du haut de ces tribunes improvisées que lui élevaient les fêtes de l'industrie. L'inauguration de la section de Tours à Poitiers (1er juillet) lui fournit une occasion nouvelle de se mettre en rapport avec les populations. La municipalité de la ville de Poitiers passait pour républicaine, et on disait que sur des ordres envoyés de Paris par les meneurs des sociétés secrètes, le ban et l'arrière-ban des démocrates allaient être convoqués sur toute la ligne du chemin de fer pour donner une leçon de républicanisme au chef de l'Etat républicain. La veille de la solennité, dans une proclamation inconvenante, le maire de la ville de Poitiers recommandait à la générosité de ses administrés l'hôte qu'ils allaient recevoir. On s'attendait à un scandale.

Le discours adressé par ce maire au Président exprima l'espoir que la légalité serait respectée par tout le monde et que les institutions républicaines sortiraient de la crise de 1852 saines, sauves et raffermies. Le Président, dont les paroles étaient attendues avec une curiosité pleine d'inquiétude et d'émotion, répondit avec une réserve et une mesure parfaites; rien dans son toast ne rappelait les allusions agressives du discours de Dijon. En voici le texte :

« Monsieur le maire,

» Soyez mon interprète auprès de vos concitoyens pour les remercier de leur accueil si empressé et si cordial.

>> Comme vous, j'envisage l'avenir du pays sans crainte, car son salut viendra toujours de la volonté du peuple, librement exprimée, religieusement acceptée. Aussi j'appelle de tous mes vœux le moment solennel où la voix puissante, de la nation dominera toutes les oppositions et mettra d'accord toutes les rivalités; car il est bien triste de voir les révolutions ébranler la société, amonceler

les ruines, et cependant laisser toujours debout les mêmes passions, les mêmes exigences, les mêmes éléments de troubles.

>> Quand on parcourt la France et que l'on voit la richesse variée de son sol les produits merveilleux de son industrie; lorsqu'on admire ses fleuves, ses routes, ses canaux, ses chemins de fer, ses ports que baignent deux mers, on se demande à quel degré de prospérité elle n'atteindrait pas si une tranquillité durable permettait à ses habitants de concourir de tous leurs moyens au bien général, au lieu de se livrer à des dissensions intestines.

>> Lorsque, sous un autre point de vue, on réfléchit à cette unité territoriale que nous ont léguée les efforts persévérants de la royauté, à cette unité politique, judiciaire, administrative et commerciale que nous a léguée la révolution; quand on cor.temple cette population intelligente et laborieuse, animée presque tout entière de la même croyance et parlant le même langage; ce clergé vénérable qui enseigne la morale et la vertu, cette magistrature intègre qui fait respecter la justice, cette armée vaillante et disciplinée qui ne connaît que l'honneur et le devoir; enfin, quand on vient à apprécier cette foule d'hommes éminents, capables de guider le gouvernement, d'illustrer les Assemblées aussi bien que les sciences et les arts, on recherche avec anxiété quelles sont les causes qui empêchent cette nation, déjà si grande, d'être plus grande encore, et l'on s'étonne qu'une société qui renferme tant d'éléments de puissance et de prospérité s'expose si souvent à s'abîmer sur elle-même.

>> Serait-il donc vrai, comme l'Empereur l'a dit, que le vieux monde soit à bout et que le nouveau ne soit pas assis? Sans savoir quel il sera, faisons notre devoir aujourd'hui, en lui préparant des fondations solides.

» J'aime à vous adresser ces paroles dans une province renommée à toutes les époques par son patriotisme. N'oublions pas que votre ville a été, sous Charles VII, le foyer d'une résistance héroïque, qu'elle a été pendant quatorze ans le refuge de la nationalité dans la France envahie. Espérons qu'elle sera encore une des premières à donner l'exemple du dévouement à la civilisation et à la patrie.

>> Je porte un toast à la ville de Poitiers. >>

L'opinion républicaine avait au banquet des représentants qui n'attendaient qu'un prétexte pour lancer en forme de protestation le cri de Vive la République! Le prétexte leur manqua et des applaudissements nombreux accueillirent l'orateur qu'on avait espéré faire tomber dans un piége et dont l'habileté déjouait les mauvais vouloirs.

Louis-Napoléon Bonaparte pouvait se résigner à la patience: à l'exception de quelques autorités municipales jalouses de jouer un rôle, de quelques gardes nationaux fiers de manifester leur indépendance, de quelques émissaires apostés des clubs de petites villes, imperceptible minorité faisant nombre à force de bruit et de mouvement, il n'avait rencontré sur sa route que sympathie

et bienveillance. Le véritable peuple, les ouvriers des villes, les cultivateurs des campagnes, l'acclamait avec enthousiasme. Pour un cri de Vive la République éclataient mille cris de Vive le Président! Vive Napoléon!

A Châtellerault, la démagogie avait concentré toutes ses forces. Il fallut arrêter quelques misérables qui poursuivaient la voiture du prince en criant à bas Napoléon! A un discours reconnaissant et respectueux du maire, le Président répondit:

<< Messieurs, en remerciant M. le maire des paroles affectueuses qu'il m'adresse, je ne puis attribuer à moi seul les heureux résultats qu'il a bien voulu signaler. Depuis trois ans, ma conduite peut se résumer en quelques mots. Je me suis mis résolûment à la tête des hommes d'ordre de tous les partis, et j'ai trouvé en eux un concours efficace et désintéressé. S'il y a eu quelques défections, je l'ignore, car je marche en avant sans regarder derrière moi. Pour marcher dans des temps comme les nôtres, il faut en effet avoir un mobile et un but. Mon mobile, c'est l'amour du pays; mon but, c'est de faire que la religion et la raison l'emportent sur les utopies, c'est que la bonne cause ne tremble pas devant l'erreur.

» Ce résultat sera obtenu si nous suivons dans toute la France l'exemple de Châtellerault, et si nous forgeons des armes, non pour l'émeute et pour la guerre civile, mais pour accroître la force, la grandeur et l'indépendance de la

nation.

>> A la ville de Châtellerault ! »

Ainsi s'effaçaient à chaque pas les traces du discours qui avait ému si vivement les parlementaires. A Beauvais, quelques jours plus tard, tout en prêchant d'exemple la conciliation et l'oubli, le Président laissa percer dans quelques paroles pleines d'énergie, cette foi puissante et invincible en sa propre destinée qui faisait sa force au milieu de l'indécision et des défaillances des partis.

Le maire de Beauvais s'était adressé, non plus au Président de la République, mais à l'élu du 10 décembre, à l'héritier d'un guerrier illustre. Le Prince répondit :

<< Messieurs,

» L'honorable maire de Beauvais me pardonnera de me borner à un simple remercîment pour les paroles flatteuses qu'il vient de m'adresser. En y répondant, je craindrais d'altérer le caractère religieux de cette fête, qui, par la commémoration d'un fait glorieux accompli dans cette ville, offre un haut enseignement historique.

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