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La société, qui n'abdique pas, allait chercher à simplifier le problème. Puisqu'on était acculé à une éventualité fatale, puisqu'on avait à jouer contre l'anarchie, en 1852, une grande et décisive partie, toute la question était de savoir s'il y avait plus de chances de la gagner à la jouer seul, qu'à la jouer à deux. La révision votée, on eût été deux à lutter; or, en pareil combat, la victoire est à l'unité d'action.

L'Assemblée avait été impuissante à voter la révision. Elle abdiquait donc, pour 1852, entre les mains du Président de la République.

Lorsque se rouvriront les portes de l'Assemblée nationale, la crise politique sera près de son terme. Les événements se précipiteront et les passions ne laisseront aucune place aux affaires. Nous pouvons donc, dès à présent, considérer la session comme terminée, et en signaler les principaux résultats législatifs, économiques et financiers.

CHAPITRE VII.

ASSISTANCE, MORALISATION.

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Questions sociales, éveil donné par la révolution de février, tendances de l'Assemblée nationale, optimistes et pessimistes; bilan des travaux en ce genre. Enquête sur le travail agricole et industriel, avortement; demande d'une enquête supplémentaire, déclamations, M. Madier de Montjau et M. Mortimer Ternaux, l'association de Clichy, M. Nadaud et M. Loyer, le salariat et le capital, M. Boysset, la misère à Lille, exagérations fâcheuses; le supplément d'enquête repoussé. M. Crestin, refonte de la législation, la société calomniée.-Bains et lavoirs publics, scrupules des conservateurs, MM. Raudot et de Vatimesnil, vote de la loi. Création d'un conseil supérieur de l'assistance, rapport de M. Dufaure, rapport de M. de Melun, énumération des travaux en ce genre, le conseil supérieur de l'assistance approuvé; la charité. Contrat d'apprentissage, proposition Peupin, lacunes de la législation, projet du gouvernement, vote; situation des domestiques ou gens à gages, art. 1781 du code civil, M. Nadaud en demande la suppression, proposition Heurtier et Riché, rapport de M. Chegaray, prise en considération, discussion peu sérieuse, l'art. 1781 maintenu.- Monts de piété, réduction de l'intérêt, projet du gouvernement, contre-projets de la Montagne, suppression des commissionnaires, l'Assemblée se déjuge, vote de la loi. Hospices et hôpitaux, histoire de la charité publique; projet de loi réglementant l'admission dans les hôpitaux et hospices et l'administration de ces établissements; renvoi à la commission, ajournement. Caisse des retraites, utilité de cette institution. Assistance judiciaire, troisième délibération, vote. Réforme pénitentiaire, mission de M. Perrot, proposition de MM. Boinvilliers et Dupetit-Thouars, les colonies pénitentiaires. Bibliothèque des prisons, M. Carlier, heureux effet de cette institution. Police des cafés et cabarets, proposition Vaudoré-Pidoux, prise en considération. Bourse des travailleurs, repoussée. Taxe des théâtres, le droit des pauvres. Falsification des subsistances alimentaires. Sapeurs-pompiers, vote définitif de la proposition Antony Thouret. La charité publique et la charité privée.

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Parmi les travaux entrepris en commun par le gouvernement et par l'Assemblée nationale, nous choisirons d'abord, pour les

réunir en un seul faisceau, tous ceux qui ont eu pour objet la guérison des plaies sociales. Assistance, moralisation, protection et direction des classes souffrantes, tel est le vaste champ ouvert désormais à la plus utile, à la plus noble des enquêtes. On comprendra qu'en dehors des questions purement politiques, nous donnions la première place aux questions de ce genre.

Un excellent résultat de la dernière commotion sociale, qui en a eu tant de funestes, c'est d'avoir placé irrévocablement au premier rang des obligations de l'État la recherche incessante des. moyens d'améliorer la situation morale et matérielle des populations déshéritées. Disons, à l'honneur de l'Assemblée dont nous retraçons l'histoire, qu'elle aura accompli sa tâche, sinon avec une intelligence parfaite des nécessités sociales, au moins avec un zèle incontestable. Il faut pourtant reconnaître ici encore la déplorable influence des passions politiques d'un côté, une défiance justifiée, mais peut-être excessive, des innovations; de l'autre, une vue souvent trop absolue, l'oubli systématique des conditions et des nécessités humaines, et une témérité dangereuse dans le choix des moyens.

Chez les uns, la recherche, sans doute très-sincère, des moyens d'améliorer le sort des classes souffrantes, se présentait, le plus souvent, avec un fâcheux commentaire d'invectives et d'accusations passionnées. C'était toujours ce reproche banal adressé à des adversaires politiques de voir avec indifférence les douleurs du peuple. C'était toujours cette prétention singulière au monopole du progrès. Si l'on avait trouvé un remède efficace aux misères, si l'on possédait des moyens pratiques de rendre meilleure la situation des travailleurs, qu'avait-on besoin de suspecter les intentions d'autrui? Il n'y avait, sans doute, rien de mieux à faire que de présenter un système arrêté, praticable, supérieur à tous les autres. Au lieu de cela, on n'apportait que la violence et l'emphase, moyens malheureux pour dissimuler l'indigence des idées.

Il est sans doute facile de se poser comme les défenseurs exclusifs de ceux qui souffrent, de montrer sans cesse leurs plaies, de les sonder d'une main imprudente, au risque de les envenimer inutilement, alors que l'on n'indique aucun moyen de les

cicatriser. Mais si l'on pense que la société ne fait pas assez, parce qu'elle n'est point parvenue à effacer entièrement la souffrance et la pauvreté, pourquoi ne pas aider de ses lumières ceux qui se sont donné la mission de résoudre ces difficiles problèmes?

Chez les autres, au contraire, ne pouvait-on pas blâmer quelquefois un optimisme superficiel, une regrettable tendance à consacrer des abus dangereux, à pallier des situations douloureuses?

Si pourtant, nous élevant au-dessus des passions de circonstance, nous considérons l'ensemble des efforts faits de chaque côté pour atteindre à un but identique, nous sommes heureux de constater d'honorables résultats, de fécondes études. Le bilan de l'année parlementaire est assez riche en ce genre. Parmi les utiles travaux de la commission de l'assistance, nous citons avec bonheur:

La loi sur l'apprentissage (22 février 1851) destinée à protéger le jeune ouvrier dans son travail, dans son éducation et dans sa santé ;

La loi sur l'assistance judiciaire (22 janvier);

La loi sur les bains et lavoirs publics (4 février);

La loi sur la répression des fraudes et falsifications (27 mars); Et divers projets sur les enfants trouvés, sur les jeunes aveugles et sourds-muets, sur les monts de piété, sur les établissements hospitaliers; sur les secours à domicile; des enquêtes sur les boissons, sur la viande; études sur lesquelles nous aurons à revenir et dont les bienfaits s'ajoutent à ceux des lois déjà votées, l'année précédente, sur l'éducation et le patronage des jeunes détenus, sur les sociétés de secours mutuels, qui offrent à l'ouvrier économe un placement avantageux et solide pour ses épargnes, qui l'assurent contre les éventualités de la maladie et contre les besoins de la vieillesse; sur l'assainissement des logemen's insalubres; sur le mariage des pauvres; sur l'usure.

Lorsque s'ouvrit l'année parlementaire, toutes ces études partielles étaient couronnées par une question d'ensemble. Quand l'Assemblée constituante se réunit au mois de mai 1848, une de ses premières, de ses plus vives préoccupations, dut être de re

chercher les moyens d'adoucir les souffrances apportées aux classes laborieuses par une grande commotion politique et sociale, venue à la suite d'une année de disette et de misère. C'était pour elle aussi un devoir impérieux de constater quels étaient les besoins, les vœux de l'agriculture et de l'industrie, alors que des théories insensées, mettant en péril les intérêts les plus sacrés, menaçaient le pays d'une perturbation complète, sous prétexte de remédier à des maux souvent trop réels, mais inséparables de toute société nombreuse, où de grandes infortunes se produisent falalement à côté des jouissances du luxe et de la richesse.

Le 25 mai 1848, un décret ordonnait qu'une enquête sur la question du travail agricole et industriel fút ouverte sur toute l'étendue du territoire de la République. Dans chaque canton, les juges de paix furent chargés de diriger cette vaste opération, de coordonner les renseignements qui devaient leur être fournis par des délégués de chaque spécialité d'industrie, pour être transmis, par l'intermédiaire et avec les avis des préfets, au comité du travail formé dans le sein de l'Assemblée nationale.

De toutes parts on se mit en devoir de répondre à cet appel, et, deux mois après, 2,177 canton's avaient envoyé les procès-verbaux contenant pour chacun d'eux les réponses aux questions qui leur avaient été posées.

Le résultat de cette enquête ne répondit pas à la pensée qui l'avait inspirée. Aucune suite n'avait été donnée à une œuvre prescrite et exécutée d'urgence, lorsque l'Assemblée législative succéda à sa devancière. Peu après, au mois de juillet 1849, une commission fut chargée, sur la demande de M. Loyer, de résumer, dans un rapport, les résultats des procès-verbaux réunis dans les archives de l'Assemblée.

Cette commission avait terminé la longue et aride tâche qui lui avait été confiée, son rapport était sur le point d'être soumis à l'Assemblée, quand MM. Nadaud, Gilland, Greppo et vingt-deux autres de leurs collègues déposèrent une proposition tendant à faire nommer une commission de trente membres chargée de procéder immédiatement au dépouillement des procès-verbaux de l'enquête ordonnée par le décret du 25 mai 1848; de résumer,

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