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Caisses d'épargne, législation nouvelle.

Deux conditions

ont été reconnues indispensables pour assurer l'existence des caisses d'épargne les déposants doivent trouver dans cette institution sécurité pour les capitaux qu'ils versent, et faculté d'en disposer immédiatement toutes les fois qu'ils en réclament le remboursement. De plus, ces sommes doivent produire un intérêt suffisamment élevé pour provoquer l'accumulation des économies. Le gouvernement est seul en position de satisfaire à toutes ces obligations; de là résulte la nécessité des rapports qui existent entre le Trésor et les caisses d'épargne.

Il s'agit de concilier, par la même législation, tout ce qui peut concourir à atteindre et à étendre le but de cette institution, avec ce qu'exigent justement la sécurité du trésor et l'intérêt des contribuables: c'est tout à la fois une question philanthropique et financière.

D'une part, le but qu'on a voulu atteindre a été d'habituer les ouvriers et toutes les personnes privées de fortune à faire des économies sur leur salaire journalier, de leur offrir la possibilité de rendre immédiatement productives les sommes les plus minimes, et de leur permettre, sans aucun risque, les accumulations successives qu'ils réaliseraient difficilement si ces économies partielles devaient rester longtemps entre leurs mains.

D'un autre côté, lorsque ces accumulations sont parvenues à former un capital susceptible d'un autre emploi, il est juste que le Trésor n'en reste plus dépositaire, surtout avec cette condition d'exigibilité qui, pour lui, deviendrait une cause de graves embarras, si ces capitaux pouvaient s'accroître indéfiniment.

Tel est l'esprit dans lequel ont été fondées les caisses d'épargne et sur lequel repose la législation qui les a régies jusqu'à ce jour. D'accord sur les principes, on ne peut différer que sur la limite de leur application. Aussi, est-ce uniquement dans ce sens que des variations se sont produites dans les diverses lois qui ont été successivement adoptées sur cette matière.

Trois points principaux ont constamment fixé l'attention du législateur et du gouvernement:

Quel sera, pour le déposant, le maximum de chaque versement hebdomadaire?

Quelle sera la limite de l'accumulation des sommes versées à chaque compte?

Quel sera le taux de l'intérêt payé aux déposants?

Ces trois questions, comme on le voit, intéressent également et le trésor public et les déposants: elles ont reçu depuis la création des caisses d'épargne des solutions différentes, suivant les nécessités et les appréciations de chaque époque.

L'ordonnance du 3 juin 1829, date à laquelle commencent les comptes courants des caisses d'épargne avec le trésor public, déclare que le taux de l'intérêt bonifié sur les versements sera fixé chaque année par le ministre des finances, et décide qu'il sera de quatre pour cent pendant les années 1829 et 1830.

L'art. 6 de la même ordonnance porte que le bénéfice des dispositions ci-dessus (le montant d'un compte avec le Trésor et la bonification d'intérêts) ne sera applicable qu'aux caisses d'épargne et de prévoyance qui limiteront les versements d'un même déposant à cinquante francs par semaine, et n'admettront pas de crédit supérieur à deux mille francs en capital.

Une autre ordonnance, à la date du 16 juin 1833, modifia les dispositions de l'art. 6 ci-dessus comme suit:

<«< Les caisses d'épargne et de prévoyance admises à placer en compte courant au trésor public, dans les formes déterminées par l'ordonnance du 3 juin 1829, les fonds qui leur seront remis, pourront, selon qu'elles le jugeront convenable, porter à trois cents francs par semaine la somme que chaque déposant sera autorisé à leur verser, sous la condition qu'aucun déposant ne pourra avoir à son compte une somme supérieure à deux mille francs en capital. »

Plus tard, le législateur intervenant, une loi à la date du 5 juin 1825 régla les rapports du trésor public avec les caisses d'épargne. (Voyez l'Annuaire), on y trouve les dispositions suivantes :

« Art. 3. Il sera bonifié par le trésor public, aux caisses d'épargne, un intérêt de quatre pour cent, jusqu'à ce qu'il en soit autrement décidé par une loi.

» Art. 4. Les statuts ne pourront autoriser les déposants à verser aux caisses d'épargne plus de trois cents francs par semaine. » Art. 5. Toutes les fois qu'un déposant sera créancier d'une

caisse d'épargne, en capital et intérêts composés, d'une somme de trois mille francs, il ne lui sera bonifié, sur les sommes qui excéderaient ce maximum, aucun intérêt provenant de l'accumulation des intérêts. »

Une autre loi, à la date du 22 juin 1845 (voyez l'Annuaire), établit les modifications suivantes :

« Art. 1er. Les déposants aux caisses d'épargne pourront verser de un franc à trois cents francs par semaine. Toutefois aucun versement ne pourra être reçu sur un compte dont le crédit aurait atteint quinze cents francs.

>> Ce crédit pourra néanmoins être porté à deux mille francs par la capitalisation des intérêts.

» Art. 3. Lorsque le dépôt aura atteint le maximum fixé par l'article premier, il cessera de porter intérêt.

» Art. 6. Tout déposant dont le crédit sera de somme suffisante pour acheter une rente de 10 fr. au moins, pourra obtenir, sur sa demande, par l'intermédiaire de l'administration de la caisse. d'épargne, et sans frais, la conversion de sa créance en une inscription au grand-livre de la dette publique.

» Art. 9. A partir du 1er janvier 1847, les sommes déposées antérieurement à la présente loi, et qui excéderaient deux mille. francs, cesseront de produire intérêt jusqu'à ce qu'elles aient été ramenées au-dessous de ce maximum. >>

Vint ensuite un décret du 8 mars 1848, ainsi conçu :

« Article unique. L'intérêt de l'argent versé par les citoyens dans les caisses d'épargne est fixé à cinq pour cent, à partir du 10 mars prochain. »

Enfin un projet de loi, présenté le 29 décembre 1849 par M. le ministre des finances, contenait les deux dispositions suivantes :

« Art. 1er. Les déposants aux caisses d'épargne ne pourront pas verser plus de 100 fr. par semaine.

» Art. 2. Le taux de l'intérêt, bonifié aux caisses d'épargne par la caisse des dépôts et consignations, sera fixé, à partir du 1er avril 1850, à quatre et demi pour cent par an, jusqu'à ce qu'il en ait été autrement décidé par une loi. »

Ainsi, comme on le voit, depuis l'origine des rapports des caisses d'épargne avec le trésor public, les trois questions principales que nous avons indiquées ont été constamment l'objet de l'attention du gouvernement et des législateurs, et ont donné ieu à des modifications successives appropriées aux diverses circonstances qui les motivaient.

Le taux de l'intérêt des capitaux déposés a été, dès le premier jour, reconnu devoir être mobile et être fixé d'abord par e ministre des finances, et plus tard par des décisions législaives.

Du 3 juin 1829 au 8 mars 1848, cet intérêt a été maintenu à quatre pour cent; le décret du 8 mars 1848 l'a élevé à cinq pour cent, et le projet du 29 décembre 1849 l'établissait à 4 112 p. 010:

Le maximum des versements hebdomadaires a été fixé pour chaque déposant :

A 50 fr., par l'ordonnance du 3 juin 1829;

A 300 fr., par l'ordonnance du 16 juin 1833;

A 300 fr., par la loi du 5 juin 1835;

A 500 fr., par celle du 22 juin 1845;

Et à 100 fr., par le projet de loi du 29 décembre 1849.

La limite imposée à l'élévation des capitaux versés au compte de chaque déposant a été de 2,000 fr. en capital, par l'ordonnance du 3 juin 1829 et celle du 16 juin 1833;

3,000 fr. en capital, par la loi du 5 juin 1835;

1,500 fr. en capital, et 2,000 fr. avec l'accumulation des intérêts, par la loi du 22 juin 1845.

Toutes ces dispositions ont toujours eu pour but de concilier la sécurité et les intérêts du trésor public avec le développement si utile de l'institution des caisses d'épargne.

Cette année, se présentait une proposition nouvelle de M. Benjamin Delessert, ayant avec les ordonnances ou les lois antérieures, un rapport marqué. Les principales modifications réclamées par l'honorable représentant à la législation du 22 juin 1845 et du 8 mars 1848 consistaient :

1o A réduire le maximum du compte de chaque déposant : En capital, à 1,000 fr. au lieu de 1,500 fr., et avec l'accumulation des intérêts à 1,250 fr. au lieu de 2,000 fr. ;

2o A ne bonifier, à partir du 1er janvier 1852, sur les capitaux versés aux caisses d'épargne, qu'un intérêt de 4 et demi pour 100 au lieu de cinq.

Le gouvernement, par l'organe de M. le ministre des finances reconnut l'utilité de la proposition, sans en approuver tous les détails. Selon M. de Germiny, la prudence et l'expérience faisaient un devoir de limiter l'importance des sommes versées au Trésor avec l'obligation de les rembourser, soit immédiatement, soit dans un très-court délai; il était impossible de ne pas tenir compte des embarras éprouvés par le trésor en 1848, par suite de l'exigibilité qui lui avait été imposée pour une somme de 350 millions par les caisses d'épargne, et pour 284 millions par les bons du Trésor, exigibilité qui avait occasionné à l'Etat une perte de plus de 140 millions sur la première somme, et de 130 millions sur la seconde ; il ne fallait pas retomber dans cette exagération, même en présence des apparences les plus calmes et les plus prospères, et le moment de prévenir cette exagération semblait arrivé; le compte des caisses d'épargne, descendu, en 1818, à 11 millions, s'élevait aujourd'hui à 140 millions, et chaque mois y ajoutait de 6 à 7 millions; dès lors il paraissait indispensable d'aviser au moyen de limiter les justes préoccupations du Trésor, sans, toutefois, nuire au développement de l'institution des caisses d'épargne; cette solution méritait au plus haut degré toute l'attention du gouvernement et de l'Assemblée, et il était opportun de ne pas en différer l'examen. L'abaissement à 1,250 fr. de la limite de l'importance du compte de chaque déposant, proposé par M. Delessert, parut à M. de Germiny un des moyens susceptibles d'être adopté.

M. le ministre des finances donna également son approbation, comme son prédécesseur, à la réduction du taux de l'intérêt à 4 et demi, au lieu de 5 p. 010. Cette réduction lui semblait parfaitement motivée par l'état actuel du crédit public; seulement il désirait que cette mesure fùt applicable dès le 1er juillet 1851, au lieu du 1er janvier 1852, époque indiquée par M. Delessert.

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