CHAPITRE X. COMMERCE, INDUSTRIE, AGRICULTURE. Situation générale économique, commerciale, agricole.-Commerce intérieur. Résultats pour l'année. — Cabotage. Influence des voies ferrées sur la navigation côtière, mouvement général,mouvementparticulier des ports principaux.- Exportation parisienne. Brevets d'invention, patentes, produit de l'octroi, consommation. Production agricole. Avilissement du prix des céréales, son înfluence sur la production et sur le prix de la viande. Progrès et desiderata de l'agriculture.-Sucres. Loi du 13 juin, système nouveau de tarification d'après la richesse et le rendement, les raffineries soumises à l'exercice, résumé de la loi.- Octrois. Propositions tendant à l'abolition ou au remplacement des octrois; MM. Joret et Soubiès, discussion, rejet de la prise en considération; M. Sauteyra, rejet. Fraudes et falsifications. Déloyauté commerciale, son influence sur notre commerce maritime, la marque de fabrique. Péches maritimes. Le système des primes. Baux à ferme, proposition Morellet, repoussée. Législation des cours d'eau. Délimitation des fleuves et rivières, proposition Desèze, avortement.— Biens communaux. Proposition Dufournel, le socialisme en agriculture, rejet.-- Chambres consultatives d'agriculture. Proposition de Ladoucette, votée. Haras. Proposition Flandin et Durand Savoyat, les haras de Saint-Cloud, vote. Code forestier, défrichement des forêts. Proposition Anglade, refus de prise en considération; modifications à apporter à la législation forestière, commission spéciale, rapport de M. Beugnot; rapport de M. Faultrier; amendement de M. Dufournel, l'interdiction du défrichement maintenue. Liberté du commerce. Proposition Sainte-Beuve, prise en considération repoussée; M. Thiers, les deux écoles, l'absolu des deux côtés. · Exposition universelle. Part prise par la France, supériorité française, injustices de mauvais goût; résultats relatifs au tarif douanier, résultats moraux de ce concours international. La part de l'Assemblée dans les questions commerciales, industrielles et agricoles, se réduit à une loi péniblement élaborée et d'une utilité contestable sur les sucres ; à une discussion théorique sur le libre échange et à quelques propositions d'une importance secondaire. Avant d'analyser l'œuvre parlementaire au point de vue éco nomique, commercial et agricole, traçons un tableau général de la situation du pays à ce triple point de vue, pendant l'année 1851. Nous aurons à revenir plus tard sur les résultats spéciaux du quatrième trimestre. Commerce extérieur. Nous avons déjà signalé une grande amélioration introduite dans les publications officielles relatives au commerce extérieur : c'est la réduction en valeurs actuelles ou réelles de l'ancienne valeur officielle que la douane appliquait aux marchandises depuis vingt-cinq ans. Désormais, par cette réduction, on a à la fois, pour la comparaison avec le passé, la valeur officielle permanente, et, pour expression exacte de l'importance de nos échanges, la valeur actuelle que fixe, tous les ans, pour chaque marchandise, une commission formée, au ministère de l'intérieur et du commerce, de l'élite de nos industriels. Voici d'abord comment s'était composée la somme générale et officielle de nos échanges en 1851 : Importation. 1,077 millions 81 Avec l'étranger nos colonies. Exportation. 1,439 m. 190 Total. 2,516 m. 271 1,158 millions 1,629 in. 2,787 m. Ces chiffres généraux dénotent, au premier abord, la faiblesse des transactions coloniales dans le commerce d'un pays qui fait pour près de 3 milliards d'affaires : ce n'est pas plus de 9 pour cent. Il ne faut cependant pas perdre de vue l'importance de nos colonies sous le double rapport de l'intérêt maritime et du débouché national, et il est à remarquer en outre que leurs échanges avec la métropole s'étaient accrus en 1851 de 50 millions environ. Une autre observation que fait naître l'examen de ces chiffres, c'est l'énorme supériorité de l'exportation sur l'importation. La première dépasse la seconde de près de moitié. Voici comment on peut l'expliquer : nous achetons à l'étranger beaucoup de matières brutes que nous lui réexpédions après leur avoir donné une haute valeur de fabrication. La différence, au surplus, peut se trouver comblée en partie par les mouvements du numéraire qui, représenté par du papier, échappe nécessairement au contrôle de la douane. Maintenant, si l'on ramène les chiffres généraux qui précèdent à la valeur qu'avaient les objets échangés en 1851, à leur valeur réelle, on les voit s'abaisser pour l'importation à un milliard 94 millions, et pour l'exportation à 1 milliard 520 millions. Le total général en valeurs réelles ressort donc à 2 milliards 614 millions, véritable chiffre de notre commerce extérieur. On trouve là, entre les deux valeurs comparées, un écart de 173 millions qui peut donner l'expression assez exacte de la baisse qu'ont subie dans leur ensemble les marchandises depuis environ vingt-cinq ans. C'est une évaluation dont on aura à tenir compte dans les données numériques qui vont suivre. Sur les 2 milliards 787 millions de marchandises que nous échangeons ainsi au dehors, 767 millions, c'est-à-dire 28 pour cent environ, appartiennent au transit, à la réexportation, et représentent ainsi la part que vient prendre la marchandise étrangère dans notre commerce national proprement dit, ou commerce spécial, lequel avait été, en 1851, de 2 milliards 20 millions; soit, en valeurs actuelles, 1 milliard 923 millions, dont 765 millions à l'importation et 1 milliard 158 millions à l'exportation. Là se retrouve, on le voit, et plus marquée encore, la supériorité qu'obtiennent à l'étranger nos ventes sur nos achats; mais ce qui est remarquable, c'est que cette supériorité existe seulement pour le commerce par mer. Pour les opérations par terre, c'est tout l'opposé. On en jugera par les chiffres suivants : Commerce par mer importation, 734 millions; exportation, 1 milliard 265 millions. Total, 1 milliard 999 millions. importation, 423 millions; exportation, Commerce par terre 365 millions. Total, 788 millions. Ainsi notre commerce maritime met en mouvement près de 2 milliards de marchandises, le tiers environ du commerce britannique. Là-dessus, le pavillon national couvre 953 millions ou 48 pour cent. Reste donc, pour le pavillon étranger, 1 milliard 46 millions ou 52 pour cent. Sa part est, on le voit, un peu plus forte que la nôtre; mais, dans la somme des transports, c'est-à-dire du tonnage, la proportion lui est bien plus favorable encore : le pavillon étranger, qui nous apporte presque tous les produits encom brants, a 2 millions 389,000 tonneaux contre 1 million 699,000, c'est-à-dire qu'il obtient 58 4 pour cent, quand nous n'avons que 41 6 pour cent. Et encore cette dernière proportion avait-elle décru en 1851 : elle était de 45 5 pour cent en 1850. Notre commerce maritime est donc loin d'être en voie d'amélioration, et sa situation au milieu du progrès général des autres pays, semble réclamer la plus sérieuse attention. Pour compléter le tableau d'ensemble du commerce extérieur de la France, il reste à faire connaître les variations qu'il avait subies en 1851. En valeurs, il s'était accru, dans son ensemble, de 82 millions, dont 76 sur nos échanges propres et 6 sur le transit. En 1850, notre commerce avait grandi de 140 millions; en 1849, de 550, après avoir fléchi de 600 en 1848. L'accroissement de 1851, pour être assez notable, était donc loin de répondre à ce qu'il avait été antérieurement. L'augmentation n'avait d'ailleurs porté que sur l'exportation; à l'importation on trouvait même une décroissance de 16 millions. Somme toute, l'exercice 1851 pouvait être considéré comme l'une des bonnes années commerciales de la France. Nous dirons plus loin quelle avait été dans le mouvement général la part des trois premiers trimestres et celle du dernier, et nous insisterons, à cette occasion, sur l'influence des agitations et des inquiétudes politiques sur la fortune du pays. Il reste à faire connaître le mouvement par pays du commerce extérieur. La France, on l'a vu, fait au dehors pour 2 milliards 787 millions d'échanges, dont 271 millions avec ses colonies et 2 milliards 516 millions avec l'étranger. Un mot d'abord sur la nature des produits dont se forme ce vaste ensemble. Nous achetons au dehors pour 697 millions de matières premières, pour 181 de denrées et produits divers de consommation, et pour 280 d'articles fabriqués. En retour, nous plaçons sur le marché extérieur pour 525 millions de produits naturels et pour 1 milliard 104 millions d'articles manufacturés. On le voit, notre fabrication livre à l'étranger quatre fois autant de produits ouvrés qu'il nous en fournit; ce qui constitue une situation irrégulière. Les partisans absolus du libre échange proposent à ce mal le remède, souverain selon eux de la liberté commerciale. Rayez disent-ils, la prohibition de notre code de douanes, sauf à le substituer, à l'a vantage même du fisc, quelques droits modérés, et vous verrez affluer chez nous d'importants produits que réclame notre consommation, et dont le pays trouvera bénéfice à payer la contrevaleur par un plus large écoulement de vins, de soieries, de modes, de sucres raffinés, d'articles de Paris, etc. Ainsi s'élargirait, au profit de tous, le champ de nos affaires commerciales. Parmi les pays qui occupent dans ce mouvement la place la plus importante, il faut en première ligne citer l'Angleterre. Nous faisons avec elle pour 463 millions d'échanges, dont 344 appartenant à notre commerce propre et 119 au transit. C'est près du quart de tout notre commerce maritime (2 milliards). Sur ce chiffre, nos achats comptent pour 66 millions seulement, nos ventes pour 278, ce qu'explique l'énorme réexportation que le commerce anglais fait de nos produits. C'est un factage d'où il tire double bénéfice, la commission et le fret, que notre marine marchande devrait un peu plus se préoccuper de garder pour elle. On jugera des progrès qu'a faits notre commerce avec la Grande-Bretagne, si l'on considère qu'en 1847 le chiffre de nos échanges ne dépassait pas 279 millions. En cinq ans, il a grandi de 66 pour 100. Après l'Angleterre viennent les Etats-Unis, dont la marine, en progrès constant, nous apporte les cotons, les bois, les potasses, les suifs, etc. La valeur des échanges est ici de 366 millions. C'était 409 en 1850, et nul progrès réel ne s'y fait remarquer depuis 1847, ce qui s'explique d'autant moins, que l'Union américaine, dans ce laps de temps, a vu s'accroître considérablement son commerce général. Ses fabriques, il faut le dire, font des progrès au moins aussi rapides, et leurs produits étendent chaque jour la concurrence qu'ils font aux nôtres, à ceux de l'Angleterre, sur les marchés étrangers. La Belgique, qui, en 1846, n'occupait que le cinquième rang dans nos relations, s'était élevée en 1851 au troisième; elle y figurait pour 317 millions, sur lesquels ses envois comptaient pour 181. De 1846 à 1851, notre commerce avec la Belgique avait presque doublé; et même, nos envois, de 60 millions étaient passés à 134; ils sont moins considérables toutefois que |