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ceux qu'elle nous fait, et le traité de 1845, en fait, ne lui a pas été moins favorable qu'à nous.

Après les trois pays que nous venons de nommer, se classent, eu égard à leur importance commerciale, la Suisse, pour 241 millions, dont 135 appartiennent au transit; les Etats sardes, 176; l'Espagne, 132; l'Algérie, 116; dont 99 appartenant aux envois de la métropole; le Zollverein, 104; la Turquie, 82; le Brésil, 74; les Deux-Siciles, 49; les Pays-Bas, 46; la Russie, 42, etc. Excepté l'Espagne et la Turquie, on trouvait augmentation sur tous ces pays. Il y avait aussi accroissement avec le Chili, le Pérou, l'Uruguay, le Vénézuela, mais décroissance avec Cuba, la Plata, et plus spécialement encore avec la côte d'Afrique, avec les Indes anglaises, hollandaises et espagnoles surtout. En somme, notre commerce avec le monde oriental, si on le compare à celui des dernières années, n'avait fait aucun progrès; mais pour mieux juger de la marche qu'ont suivie nos relations avec les diverses parties du monde, il convient de remonter plus haut, et nous prendrons pour point de comparaison l'année 1838.

Avec l'Europe, nous faisions, en 1838, pour 1 milliard 230 millions d'affaires. En 1851, ce chiffre s'était élevé à 1 milliard 726 millions. Accroissement, 45 pour cent.

Avec l'Amérique, la progression était de 427 à 619 millions. Accroissement, 45 pour cent.

Avec l'Asie, de 32 millions à 52. Accroissement, 62 pour

cent.

Avec l'Afrique, de 44 millions à 59. Accroissement, 34 pour

cent.

Enfin, avec nos colonies, de 160 à 271 millions. Accroissement, 69 pour cent.

Laissons de côté dans cette comparaison nos colonies qui n'ont fait aucun progrès réel, leur chiffre commercial ne s'étant en apparence grossi que par celui de l'Algérie, qui ne représente guère eneore qu'une valeur d'approvisionnement militaire: que voyonsnous dans ces données comparatives? Un accroissement marqué sur chacune des divisions et se partageant également entre l'Europe et l'Amérique, et un accroissement plus considérable encore avec l'Asie, si toutefois l'on s'arrête ici au terme de la proportionnalité

et si l'on se résout à qualifier de progrès un mouvement de 52 millions d'affaires avec ce vaste ensemble de pays, où l'Angleterre, les Etats-Unis et la Néerlande en font aujourd'hui pour plus de 1 milliard. Que nos opérations avec le littoral africain ne s'élèvent encore qu'à 59 millions, on se l'explique aisément : c'est un monde qu'ont à peine entamé les relations d'Europe et qu'occupe encore la plus sauvage barbarie; mais que les contrées d'Orient si riches en soies, en teinture, en bois précieux, en coton, en laine, en thé, en sucre et autres denrées tropicales; que ces contrées où la Néerlande a Java, Sumatra et Bornéo, où l'Angleterre a l'Inde et l'Australie et s'est ouvert la Chine, où les Etats-Unis convoitent le Japon, où la Russie pénètre par-la Tartarie, où l'indolente Espagne elle-même conserve Manille; que notre pays, essentiellement maritime par sa situation géographique, n'ait sur cet immense champ commercial, qu'un chiffre d'affaires à peine supérieur à celui qu'il fait avec le petit royaume des Deux-Siciles (49 millions), cela est pénible à dire, difficile à expliquer, et accuse certainement, soit dans le mode d'opération de notre commerce maritime, soit dans l'incurie de nos exportateurs ou de la fabrication qui travaille pour le marché extérieur, soit enfin dans la constitution économique de notre régime commercial, et probablement dans ces divers éléments à la fois, des imperfections, des lacunes qui appellent toute l'attention de l'administration publique.

Cabotage. Jusqu'ici, le développement de nos voies ferrées n'a exercé aucune influence sensible sur le mouvement général de notre navigation côtière. L'ensemble des expéditions a représenté pour 1850 le poids de 2 millions 69,851 tonnes de 1,000 kilog. En 1849, ce poids avait été de 1 million 991,569 tonnes. L'année 1850 est donc en progrès, bien que, comme toutes les autres branches de l'activité commerciale, le cabotage n'ait pas encore atteint la moyenne des années antérieuresà la révolution.

Le petit cabotage forme à lui seul plus des trois quarts du mouvement général, et l'Océan y figure pour 1 million 419,000 tonnes, tandis que la Méditerranée n'y prend part que pour 457,000.

La navigation côtière, dans son ensemble, a occasionné, en 1850, le va-et-vient de 1,281 bâtiments pour le grand cabotage, et de 70,572 pour le petit. Et encore ne s'agit-il que du mouvement d'expédition; celui de l'arrivée doublerait au moins ces chiffres.

Ceux de nos ports qui ont expédié le plus de marchandises sont: Marseille, pour 271,000 tonnes; le Havre, pour 205,000; Nantes, pour 171,000; Rouen, pour 163,000. A la réception, c'est encore Marseille qui occupe le premier rang, 305,000; puis viennent par ordre d'importance, Bordeaux, 242,000; le Havre, 189,000; Nantes, 136,000, etc. Quant aux denrées et aux matières qui s'expédient ainsi entre les divers points de notre immense littoral, ce sont, d'après leur rang au tableau, les bois de construction et de chauffage d'abord, qui, des bassins de la Seine et de la Loire principalement, vont alimenter le travail et la consommation des ports du Sud ou des divers points secondaires; les bois forment un total de 333,368 tonnes, soit 16 centièmes; viennent ensuite les matériaux de construction pour 239,581 tonnes; les vins, 224,203; les grains et farines, 202,448; le sel, 191,252; la houille, 90,990 tonnes; les eauxde-vie, 58,903, etc. Le contingent du fer, de la fonte et de l'acier, des huîtres, des savons, des pierres et des terres servant aux arts, des engrais, des résines indigènes, des futailles, des poissons, des bitumes, des poteries, des verres et des cristaux, montant ensemble au chiffre de 379,590 tonnes, représente 18 centièmes 112 de la masse des transports.

Exportation parisienne. Une part importante de notre exportation appartient en propre à l'industrie de la capitale. L'exportation parisienne a atteint, en 1851, une valeur de 229,172,295 fr. En 1850, ces expéditions n'avaient représenté que 201,492,968 fr.; en 1849, 169,692,509 fr.

L'augmentation dans les demandes de brevets d'invention a aussi son importance. En 1848, le chiffre des demandes était tombé à 807; il s'est élevé, en 1849, à 1,378; en 1850, à 1,586; en 1851, à 1,716.

Notons encore que le nombre des patentés s'est accru. Il était, en 1850, de 77,663 : il a été, en 1851, de 79,321. '

Un autre chiffre qui indique la situation du commerce, c'est le produit de l'octroi. Ses revenus, qui étaient en 1847 et pendant les années antérieures, d'environ 34 millions, s'étaient abaissés, en 1848, à 26,519,000 fr.; ils se sont élevés, en 1851, à 37,279,000 fr. Dans cette somme, il est vrai, se trouve comprise celle de 2 millions environ résultant des taxes établies en 1848 et des produits du second décime; mais il n'en faut pas moins constater la reprise d'un mouvement ascensionnel très-sensible. La consommation de la viande s'est sensiblement accrue à Paris. Il y a été consommé, année moyenne, par chaque habitant, en viande de boucherie et de porc pendant l'année 1849, 59 kilogrammes 33 hectogrammes; en 1850, 64 kilogrammes 43 hectogrammes; en 1851, 68 kilogrammes 10 hectogrammes. La vente à la criée est une des mesures auxquelles est due cette heureuse amélioration.

Production agricole. Au milieu d'incontestables progrès, la situation de notre agriculture révèle aussi un mal caché dont les causes diverses peuvent être trouvées, soit dans les agitations politiques qui alarment les intérêts, soit dans la constitution économique et financière du pays. Au commencement de l'année, l'abondance inaccoutumée de quatre récoltes successives occasionnait une dépression progressive du prix des blés. La moyenne générale du prix de l'hectolitre de froment pour tout le territoire, qui dépassait encore 14 fr. au 31 décembre 1850, était descendue à 13 fr. 78 c. au 31 janvier. Comparé aux moyennes générales annuelles de toutes les années écoulées depuis 1797, le prix de 13 fr. 78 c. leur était de beaucoup inférieur, sans en excepter la moyenne de 1809 (14 fr. 86 c.) qui était la limite la plus basse des cinquante-trois dernières années. Malheureusement, cet avilissement même n'assurait plus aujourd'hui l'écoulement des blés.

Les céréales ainsi descendues à 25 pour cent au-dessous de leur prix de revient, la production de la viande se trouvait gravement compromise. Car, toute l'agriculture de la France étant en souffrance par la complète annulation du commerce des grains, les agriculteurs se voyaient obligés de vendre leurs moutons, leurs veaux, leurs vaches, leurs bœufs, pour avoir de l'argent, afin de

payer leurs impôts et leurs frais de culture; ils préféraient vendre leur bétail plutôt que leurs grains, connaissant exactement la perte qu'ils auraient à supporter sur ce dernier produit, en cas de vente.

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Cette situation anormale avait amené ce singulier résultat : une marchandise rare, de moitié insuffisante pour les besoins de l'agriculture et de la boucherie, offerte cependant et vendue à vil prix.

Quoi qu'il en soit de cette situation transitoire, le plus remarquable peut-être des progrès obtenus depuis cinquante ans, c'est l'accroissement des produits alimentaires qui permet de nourrir plus substantiellement sur la même surface de terre arable, une population qui s'est élevée de 25 millions à 36 millions d'hommes. C'est une véritable et pacifique augmentation de territoire. En effet, au témoignage de Vauban, du marquis de Mirabeau, de Lavoisier, la production moyenne du blé, en 1700, en 1750, en 1790, n'était que de 8 hectolitres par hectare; elle ne s'est élevée à 13 hectolitres, en 1840, qu'à la suite du grand mouvement de 1789, et de toutes les réformes qui en ont été la conséquence. Le salaire annuel des ouvriers de la campagne, estimé par Vauban à 200 fr., et par Chaptal à 375 fr. sous l'empire, dépasse la moyenne de 450 fr. au milieu de ce siècle. Le nombre des bestiaux, toujours difficile à évaluer, particulièrement pour le passé, s'est accru dans des proportions analogues, et le recensement que le gouvernement ordonna cette année, démontrerait sans doute que la richesse rurale n'est pas restée stationnaire sous ce rapport, grâce à l'extension chaque jour croissante des prairies artificielles et des irrigations. La culture française dispose en ce moment de plus de 900,000 hectares plantés en pommes de terre, de 500,000 hectares produisant les légumes secs, et de près de 400,000 hectares de jardins potagers, richesses presque entièrement inconnues à nos pères.

Quels que soient cependant les progrès réalisés, voici, comme signe trop caractéristique de la condition de nos populations rurales, un fait capital qui semble dominer tous les autres : c'est le chiffre du nombre des bâtiments d'habitation, officiellement constaté en 1855. Ce chiffre indique 346,401 maisons des

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