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Dans ce système de tarification, le droit normal de la première classe était de 47 fr. 50 cent. par 100 kilogr. pour le sucre indigène, de 42 fr. 50 cent. pour le sucre des colonies, et de 58 fr. pour le sucre étranger. Pour la deuxième classe, le droit était réduit de 3 fr. par 100 kilog. Une seconde réduction de 3 fr. par 100 kilog. était opérée sur la troisième classe. Enfin, d'après les dispositions combinées des art. 9 et 15 de la nouvelle loi, les taxes différentielles, applicables en raison des provenances, étaient de quotité fixe pour chaque classe. Les sucres des colonies françaises, au delà du cap de Bonne-Espérance, seraient admis à un droit inférieur de 3 fr. par 100 kilogr. à celui qui portait sur les sucres des colonies d'Amérique. Le droit normal des sucres étrangers était abaissé de 5 fr. par 100 kilogr. pour les sucres de la Chine, de la Cochinchine, de Siam et des Philippines, et de 3 fr. pour les sucres des autres contrées de l'Inde. Il était, au contraire, augmenté de 10 fr. par 100 kilogr. pour les sucres venant des entrepôts par navires français, et de 15 fr. par 100 kilogr. pour les importations effectuées par navires étrangers, sans distinction de provenance.

L'art. 15 de la nouvelle loi réglait aussi le régime des sucres raffinés aux colonies. Ces sucres acquitteraient, comme ceux qui seraient raffinés dans les fabriques de sucre indigène, un droit supérieur de 10 pour cent à celui des sucres au-dessus du premier type. La prohibition générale dont la loi du 28 avril 1816 frappait l'importation des sucres raffinés, ne subsisterait, par conséquent, qu'à l'égard des sucres raffinés à l'étranger.

Un nouveau système de primes était substitué, par l'art. 10 de la loi, aux drawbacks dont jouissaient jusqu'alors les sucres réexportés après raffinage. Mais ce nouveau régime ne serait appliqué qu'à l'époque de la mise en vigueur de l'ensemble de la loi. Rien n'était changé provisoirement aux rendements d'après lesquels les taxes d'entrée étaient actuellement restituées. Ils restaient fixés à 70 pour cent pour les sucres mélis ou quatre-cassons entièrement épurés et blanchis, ainsi que pour les sucres candis secs et transparents, et à 73 p. 010 pour les sucres lumps ou tapés, de nuance blanche.

Les conditions établies par la loi du 3 juillet 1840, pour l'ad

mission des sucres au drawback, se trouvaient aussi provisoirement maintenues. Cette admissión continuerait de n'avoir lieu que sur la production de quittances ayant au plus quatre mois de date au jour de la déclaration, et se rapportant à des sucres arrivés directement des pays hors d'Europe par navires français. Ainsi que cela était de règle aujourd'hui, celles de ces quittances qui seraient relatives aux anciens droits ne seraient valables qu'autant qu'elles auraient été délivrées pour des sucres de nos colonies au premier type, ou pour des sucres étrangers bruts autres que blancs, ou terrés bruns dits moscouades. A l'égard des sucres soumis aux nouveaux droits, la loi du 13 juin ayant supprimé la distinction précédemment établie, pour les sucres étrangers, entre les sucres bruts et les sucres terrés, on serait autorisé à admettre, pour toutes les provenances, les quittances concernant les sucres de nuance égale, au plus, à celle du premier type, c'est-à-dire les sucres rentrant soit dans la classe de ce type, soit dans celle du sous-type.

On verra dans l'Annuaire pour 1852 quelles difficultés la pratique devait opposer à l'application de la loi nouvelle.

Choisissons, maintenant, parmi les projets ou propositions discutés ou votés, les plus importants au triple point de vue du commerce, de l'industrie et de l'agriculture.

Et d'abord, ici comme en politique, déblayons le terrain des propositions radicales inspirées par l'esprit de système.

Octrois. Une proposition de MM. Joret et Soubiès, relative à l'abolition des octrois, et une autre de M. Sauteyra, tendant au remplacement des octrois, centimes additionnels et taxes municipales, par un impôt sur le capital, se présentèrent devant la Chambre, le 4 février.

La pensée qui avait inspiré M. Joret était sans doute une pensée généreuse. Il désirait venir en aide aux classes nécessiteuses et aux populations agricoles. Mais le moyen indiqué était-il praticable, efficace ?

L'opportunité fut d'abord contestée par M. le ministre de l'intérieur et par M. Heurtier. La loi communale était prête

l'une

de ses dispositions concernait les revenus des communes. Pourbuoi ne pas attendre la discussion de cette loi ?

On compte en France 1,438 communes qui ont des octrois. Leur recette annuelle, déduction faite du prélèvement du trésor, s'élève à 80 millions. C'est à l'aide de ces ressources qu'elles peuvent pourvoir aux dépenses des salles d'asile, des hospices et autres établissements de bienfaisance. M. Joret ne voulait sans doute pas la suppression de ces institutions créées en faveur des classes pauvres. En proposant l'abolition des octrois, il aurait donc fallu indiquer immédiatement les moyens nécessaires pour remplacer leurs produits. M. Joret remettait à une loi, qui interviendrait ultérieurement, le soin de chercher ce remplacement, soit dans un impôt sur le revenu, soit dans un impôt sur le capital, soit dans toutes autres ressources. En d'autres.termes, il proposait l'ajournement des moyens pour suppléer aux produits des octrois. Cela était-il admissible? Pouvait-on abolir un impôt dont la nécessité était reconnue sans s'être assuré préalablement qu'il pourrait être remplacé par un autre impôt, offrant moins d'inconvénients dans son établissement et sa perception?

L'impôt tant sur le revenu que sur le capital, a d'ailleurs été expérimenté il y a six ou sept siècles, et les difficultés qu'il soulève ont dû y faire renoncer. Les octrois ont aussi une origine très-reculée. On les supprima en 1791, mais au bout de quelques années il fallut les rétablir. Un essai avait donc été fait, il n'avait pas réussi, serait-il sage de le recommencer? Aujourd'hui il était parfaitement loisible aux communes, en se renfermant dans les limites de l'impôt direct, de substituer cet impôt à celui des octrois et réciproquement. Si elles adoptaient l'un de préférence à l'autre, n'était-ce pas évidemment qu'elles y trouvaient un avantage? La proposition de M. Joret eût eu pour résultat de leur faire perdre cette faculté, c'est-à-dire qu'elle eût porté atteinte aux franchises municipales dont il est question aujourd'hui d'élargir le cercle. Il est vrai que l'honora ble membre invoquai: un intérêt respectable, celui des classes pauvres. Mais ne voyait-il pas que si l'impôt sur le capital était substitué aux octrois, le propriétaire ferait payer plus cher le loyer des instruments de travail? quel soulagement en résulterait-il donc pour les travailleurs? Il y avait, au surplus, une observation toute récente et qui trouvait naturellement sa place

dans cette discussion. On se rappelle qu'en 1848 la taxe sur la viande de boucherie fut supprimée. Les prix avaient-ils fléchi? Non, le consommateur ne profita en rien, et ne pouvait profiter, dans ses achats au détail, d'une suppression de droit qui aboutissait à une fraction de centime. Aussi la taxe fut-elle rétablie au bout de quelques mois d'expérience.

Tels furent les principaux arguments successivement développés par MM. Vaïsse, Heurtier et Carteret. M. Joret crut devoir insister, en prétendant que l'impôt de consommation était le moyen d'enlever le plus d'argent possible à ceux qui n'en ont pas. Il critiqua vivement, ainsi que M. Raudot, l'application des tarifs à certains articles de première nécessité. Plusieurs de ces critiques méritaient une sérieuse attention : les adversaires de la proposition le reconnurent. Mais l'Assemblée n'avait pas á se prononcer sur les améliorations dont la matière des octrois est susceptible: il s'agissait pour le moment de la proposition radicale de M. Joret. A la majorité de 389 voix contre 251, elle rejeta la prise en considération (5 février).

Venait ensuite la proposition de M. Sauteyra, plus radicale encore. Ce n'était pas seulement l'abolition des octrois qu'elle demandait, elle supprimait également tous les impôts locaux votés sous le titre de centimes additionnels, taxes municipales ou sous toute autre dénomination, et elle les remplaçait par l'impôt du capital sur toutes les valeurs mobilières et immobilières.

Tout avait été dit vingt fois sur cette utopie, et M. Sauteyra ne put la rajeunir. M. Léon Faucher lui montra que sa proposition dépassait le but et arrivait, d'une façon détournée, à l'abolition de toutes les contributions indirectes. Or, cette suppression profiterait-elle, comme on le pensait, aux classes laborieuses?

M. Léon Faucher prouva clairement, en prenant séparément les produits dont se compose le budget annuel de la France, que la partie qui pèse de la manière la plus lourde sur les pauvres ne s'élève qu'à la dixième partie de l'impôt total. Et cela se conçoit. Chez nous, l'impôt général est direct et l'impôt local indirect, tandis qu'au contraire, en Angleterre, les contributions indirectes forment la généralité de l'impôt. La substitution proposée par M. Sauteyra, pour les villes qui ont des octrois, aurait pour résul

tat inévitable de jeter la perturbation dans leurs finances et de leur créer une situation exceptionnelle. Ainsi, d'après les calculs de M. Léon Faucher, le produit des octrois et taxes municipales peut être évalué annuellement à 150 millions. Ce serait donc cette somme que l'impôt sur le capital devrait atteindre. Or, l'impôt de trois pour cent sur le revenu mobilier, que proposa M. Goudchaux sous la Constituante, ne devait rendre que 60 millions pour toute la France, et l'impôt de un pour cent sur tous les revenus, proposé plus tard par M. Passy, ne devait produire également que cette somme. Quinze cents communes, comprenant environ cinq millions d'habitants, auraient à supporter, dans le système de M. Sauteyra, un impôt direct de 150 millions pour faire face aux dépenses municipales. Ne serait-ce pas une anomalie étrange? A la vérité, on pourrait étendre ce système à toute la France, et peut-être devait-on dire avec M. Léon Faucher, que le but de la proposition était d'introduire l'impôt sur le revenu par la petite porte. Mais, sans parler des motifs généraux qui s'opposent à l'établissement d'un impôt unique, l'impôt sur le revenu a contre lui la difficulté de sa perception: il sera toujours impossible d'arriver à une évaluation exacte de la richesse individuelle.

Comme on pouvait s'y attendre, la proposition fut repoussée à une forte majorité (6 février).

On peut faire sans doute de fortes objections au régime de l'octroi; mais encore faudrait-il, en réclamant sa suppression, substituer des ressources sérieuses à celles qu'on veut enlever aux budgets communaux. C'est là une objection capitale, et qui, jusqu'à présent, reste sans réponse. Avant de détruire un impôt et de jeter la perturbation dans les finances d'un pays, n'est-ce pas un devoir de bon sens et de patriotisme de présenter les moyens de suppléer au déficit? Sans doute il faut tout faire pour procurer la vie à bon marché aux classes ouvrières; mais ne serait-ce pas leur retirer d'un côté ce qu'on leur donnerait de l'autre, que de frapper dans leur existence ces nombreuses institutions municipales dont profite surtout le pauvre? Toutefois l'Assemblée n'avait accompli que la moitié de sa tâche en faisant actede prudence; peut-eêtr eût-elle dû en même temps tenir compte des justes cri

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