Page images
PDF
EPUB

tiques adressées au régime de l'octroi, et se préoccuper des modifications utiles qui pouvaient y être apportées.

Fraudes, falsifications.-Parmi les propositions mieux accueillies, et dont l'objet était le progrès du commerce et la moralisation de l'industrie, nous devons citer en première ligne une proposition dont nous avons déjà parlé ailleurs sous un autre point de vue. C'est la proposition relative à une répression plus efficace des fraudes commises dans le débit des marchandises et notamment des denrées alimentaires. On sait quelles indignes sophistications sont pratiquées par certaines avidités mercantiles, sur les produits le plus usuels. Cette plaie, l'une des plus honteuses de notre commerce, réclame un remède énergique, que la proposition prise en considération, ne donnait qu'en partie.

Il est triste, sans doute, d'obliger à la loyauté, à la bonne foi au nom de la loi; mais mieux vaut recourir à ce moyen extrême que de laisser l'honneur et la santé publique compromis par d'odieuses altérations de marchandises.

C'est dans cette déloyauté du fabricant et de l'expéditionnaire qu'il faut chercher une des causes les plus actives de la décadence de notre commerce maritime: car la bonne foi est un élément de succès dans les transactions commerciales. Il est pénible de le dire, mais le commerce français ne joùit pas à l'étranger d'une réputation de probité comparable à celle dont sont honorés les négociants anglais. Des scandales nombreux, des abus de confiance déplorables ont fait naître et maintiennent cette mauvaise réputation. Une loi qui assurerait aux négociants la propriété exclusive de leur marque de fabrique ferait sans doute disparaître ces abus qui sont une honte, en même temps qu'un mauvais calcul.

[ocr errors]

Pêches maritimes. Un projet de loi tendant à modifier la législation de 1841 sur les grandes pêches maritimes, avait été préparé l'année précédente.

Ce projet fut soumis, le 21 janvier, à l'examen des bureaux et fut généralement approuvé, mais ne put aboutir. Le système des primes fut défendu, surtout au point de vue maritime. La pêche de la morue, de la baleine, du cachalot, emploie environ douze

mille excellents marins, qui seraient au besoin une pépinière précieuse pour notre marine nationale.

Les questions relatives au travail agricole et à la situation des classes qui en vivent, soulevèrent aussi quelques discussions utiles, mais plus souvent peut-être des attaques passionnées et systématiques.

[ocr errors]

Baux à ferme. C'était, par exemple, l'honorable M. Morellet qui demandait qu'on interdît, dans les baux à ferme, toute clause tendant à charger le fermier des cas fortuits, et qu'on établît au profit du fermier ou du colon un droit à la plus-value du fonds. La première disposition était une atteinte au grand principe de la liberté des conventions, qui domine toute notre législation économique; elle eût, d'ailleurs, tourné au détriment du fermier, car si la clause qu'on voulait supprimer a, pour le propriétaire, l'avantage de lui garantir la fixité du revenu, elle a, pour le premier, l'avantage de lui procurer une diminution de loyer proportionnelle aux risques qu'il court. Quant au droit à la plusvalue du fonds, il eût conduit à cette singulière conséquence de forcer le propriétaire à accepter et à payer des travaux exécutés sans consulter son goût et ses convenances. M. Barre fit entendre quelques paroles pleines de sens, et la proposition de M. Morellet fut repoussée par un scrutin qui ne lui donna que 104 adhérents (23 janvier).

Législation des cours d'eau.

Prenons, parmi cent autres, un exemple de ces utiles et modestes problèmes, dont la solution eût donné plus de bien-être à la France que la plus brillante discussion politique. Délimiter le lit des fleuves et rivières et les alluvions artificielles, régler les intérêts de nombreux propriétaires riverains, ce serait là rendre un grand service à la propriété, à l'agriculture, à la viabilité du pays. Depuis longtemps la question est à l'étude. Elle a soulevé, avant 1848, de longs et stériles débats à la Chambre des députés, à la Chambre des pairs.

Des pétitions multipliées ont été adressées aux diverses Assemblées qui se sont succédé sous la monarchie et sous la république.

Le 29 juillet, la question se représentait encore. La dix-huitième commission d'initiative parlementaire proposait à l'Assem

blée de prendre en considération un projet de loi dû à l'honorable M. Desèze, représentant de la Gironde.

Mais que tirer d'un pareil débat? Il n'y avait là aucune source de scandales, aucun prétexte à déploiement d'éloquence. Il fallait apporter dans l'examen de cette question des connaissances spéciales, pratiques. La proposition fut laissée dans l'ombre.

Et cependant que d'intérêts suspendus, engagés! Aucune loi ne détermine, en effet, le mode de délimitation des fleuves et rivières, et pourtant l'article 538 du code déclare que les fleuves et rivières navigables ou flottables sont considérés comme des dépendances du domaine public. Rien n'indique où finit la propriété privée, où commence la rive. L'administration chargée, aux termes des lois du 8 janvier et du 20 août 1790, de la conservation des cours d'eau, et à laquelle il était enjoint d'en procurer le libre cours et de diriger toutes les eaux du territoire vers un but d'utilité générale, songeait, dês 1828, à entreprendre des travaux considérables, afin de perfectionner la navigation d'un certain nombre de fleuves et rivières. Les Chambres votèrent, en 1835, dix-huit millions dans ce but, et les travaux commencèrent. De toutes parts surgirent alors des difficultés entre l'Etat et les particuliers, au sujet des limites. On comprend l'importance de ces conflits il s'agissait de savoir si l'administration avait le droit de déterminer le lit d'une rivière, et, par ce seul fait d'un arrêté réglementaire, de déposséder, sur les bords de nos cent vingt-deux rivières navigables et flottables, un nombre infini de propriétaires dont les herbages se trouvent disséminés sur un développement de plusieurs mille kilomètres.

:

La délimitation du lit des fleuves était entendue ainsi par la loi romaine : « La rive est ce qui renferme la plénitude des eaux. » La définition manque dans notre droit nouveau comme dans l'ancien. Mais une définition n'était pas la seule difficulté à résoudre. Les travaux exécutés par l'État, pour procurer le libre cours aux rivières, eurent bientôt pour effet, en resserrant le lit des fleuves,de produire l'atterrissement d'un espace étendu sur chacune de leurs rives. Des alluvions aux fonds riverains se formèrent, et il en résulta, pour un grand nombre de propriétés, une plus-value importante, due toute entière aux dépenses faites par l'Etat.

L'article 556 du code, qui attribue cet accroissement aux propriétaires riverains, devait-il être appliqué en ce qui concernait les alluvions artificielles, créées par des travaux exécutés des deniers de l'Etat ? Telle était la seconde question à résoudre.

Divers systèmes furent proposés en 1837, en 1838, en 1842. Ce n'est pas ici le lieu de les développer. Disons seulement que la proposition de M. Desèze avait peut-être le mérite de coordonner tous les éléments de ces questions considérables.

Ce projet portait en substance que l'Etat devrait procéder à la délimitation du lit des fleuves, préalablement à l'exécution des travaux qu'il aurait à entreprendre dans l'intérêt de la navigation. Le lit des fleuves et rivières y était défini comme suit : « L'espace habituellement occupé par les eaux courantes nécessaires à la navigation. » La délimitation serait fixée par arrêté du préfet, après l'accomplissement de formalités sérieuses et les délais nécessaires aux réclamations des tiers intéressés.

Nous n'entrerons pas plus avant dans l'examen de ce projet. Disons seulement que ce que n'avaient pu faire, en tant d'années, les parlements divers de la France, un pouvoir exécutif plus fortement constitué l'eût fait en quelques jours.

Biens communaux. Une proposition de M. Dufournel, relative aux biens communaux, ramena, une fois de plus, la question du socialisme en agriculture.

L'article 4 de cette proposition portait une grave atteinte à la propriété communale, car il décidait que les biens des communes pourraient être mis en culture sans l'assentiment du conseil municipal. M. Raudot fit valoir cette considération avec force. Il y a bien des illusions sur la culture des terres en friche. Toutes les terres susceptibles de culture sont cultivées; l'intérêt du proprié taire est un sûr garant que la culture ne s'arrête que là où cesse le produit. Pourquoi supposer qu'une commune sera assez inintelligente pour conserver des friches dont il dépendrait d'elle de retirer un bon rapport par la culture? Quel intérêt pressant y at-il à ébranler le droit de propriété? Et cependant, si l'on admet qu'une commune n'est pas apte à administrer ses propriétés, il faudra bientôt admettre, par voie de conséquence, que les simples particuliers sont aussi inhabiles à administrer les leurs. La liberté

si faible que la loi de 1837 a laissée aux communes était encore restreinte par la proposition qui, nous n'avons pas besoin de le dire, fut repoussée par la Chambre.

Chambres consultatives d'agriculture. Une loi qui créait des chambres consultatives d'agriculture au chef-lieu de chaque département fut adoptée, sur la proposition de M. de Ladoucette (seconde délibération, 8 mars). C'était un témoignage de sympathie donné à la première des industries nationales. Fallait-il, au reste, attendre un effet considérable de ces institutions? Quelques-uns le pensaient, et ils constataient, à l'appui de leur opinion, que les départements où l'agriculture est le plus heureusement développée avaient dû, en partie, leurs progrès à la formation des comices agricoles. On pouvait penser que les chambres consultatives d'agriculture, en centralisant les efforts, en répandant les meilleurs procédés, concourraient à améliorer la situation agricole trop arriérée dans beaucoup de départements.

[ocr errors]

Haras. Déjà la question des haras avait été soulevée par une proposition de MM. Flandin et Durand-Savoyat, tendant à ouvrir un crédit au ministre de l'agriculture et du commerce pour l'acquisition des types régénérateurs de sang arabe que renfermait le haras de Saint-Cloud. La commission, adoptant le principe de la proposition, la modifia dans ses détails.

D'après son projet, l'établissement, une fois acquis, resterait à Saint-Cloud et serait exclusivement consacré à des propagations d'animaux de race pure de sang oriental. Il serait indépendant de l'administration de l'agriculture et des haras, et placé sous la direction du ministre de l'agriculture et du commerce, nommant un conseil gratuit de perfectionnement pour en surveiller la marche et les progrès.

A propos de cette question spéciale, un procès de tendance fut intenté à l'administration des haras. Vous n'aimez que le sang anglais; vous détestez le sang arabe ; vous n'avez fait que du mal! Tels étaient les reproches adressés à cette administration, reproches injustes. Elle avait pu commettre des erreurs, sans doute, mais enfin elle avait rendu de grands services. Loin de repousser le sang arabe, elle l'encourageait de tous ses efforts. L'Assemblée avait peine à suivre différents orateurs dans leurs digressions

« PreviousContinue »