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années, il s'était fait, pour ainsi dire, un vide dans la consommation française. La production, retrouvant quelque sécurité, s'empressa de le combler. L'exportation, presque complétement interrompue depuis février, avait offert cette année un aliment plus considérable au travail national; mais lorsque l'équilibre entre la production et la consommation serait rétabli, il faudrait nécessairement créer des débouchés nouveaux à cette activité surabondante.

On se tournerait alors avec plus d'ardeur que jamais vers les grands travaux d'utilité publique, et particulièrement vers les chemins de fer.

Quelques jours écoulés entre le moment où la France se rassit dans le calme et la fin de l'année, ne sauraient permettre d'apprécier les résultats de la situation nouvelle sur les finances du pays. Disons seulement que l'élévation subite des fonds publics et des valeurs industrielles, la diminution de l'encaisse métallique de la Banque de France et l'accroissement de la circulation des billets ne tardèrent pas à signaler une reprise dans les affaires et un retour à la confiance.

A défaut de documents réguliers constatant, dans les délais ordinaires, la situation des finances à la fin de l'année, nous empruntons quelques résultats généraux d'un rapport présenté par M. Achille Fould au Président de la République, sur les finances de la France (voyez le texte à l'Appendice).

Dans ce document, les découverts des exercices antérieurs à 1851 étaient évalués à 545 millions. Quant à l'année 1851, l'exercice ne devant être clos qu'au 31 août suivant, le chiffre des dépenses n'avait pu être évalué qu'approximativement. Il n'y avait que le chiffre des recettes qui pût être fixé, dès cette époque, avec précision. Les revenus de cet exercice, évalués par le budget à 1 milliard 371 millions, resteraient de 11 millions au-dessous de ces prévisions; ils ne dépasseraient pas le chiffre de 1 milliard 360 millions, et ils produiraient 2 millions de moins que l'année précédente.

Cette diminution, effet évident des agitations politiques, s'était manifestée surtout dans les trois derniers mois de l'année. En effet, les neuf premiers mois dépassaient de 12 millions ceux

de la période correspondante pendant l'année antérieure, et cette augmentation avait été complétement absorbée par la perte signalée dans le dernier trimestre.

Il ressortait des résultats constatés dans les différentes branches du revenu que les événements politiques avaient principalement affecté les droits de douane et les droits de timbre et d'enregistrement, c'est-à-dire ceux qui grèvent les transactions des classes aisées; tandis qu'ils n'avaient pas empêché l'augmentation des revenus provenant des contributions indirectes, c'està-dire de ceux qui attestent le plus positivement le bien-être et l'activité des classes ouvrières.

En comparant le chiffre des recettes ainsi fixé dans le rapport avec le chiffre approximatif des dépenses, le ministre évaluait à 86 millions le découvert de l'exercice 1851, ce qui porterait l'ensemble des découverts à 630 millions.

Quelle était la part pour laquelle les événements du 2 décembre figuraient dans les charges du budget? Selon le rapport, elle se réduisait à une dépense extraordinaire de 500,000 fr., savoir 300,000 fr. de crédits supplémentaires sur les fonds secrets de police générale, et 200,000 fr. pour la réparation des dommages causés aux propriétés privées et aux personnes. Le ministre affirmait que tous les autres crédits ouverts par décrets depuis cette époque, en dehors des prévisions du budget, avaient pour objet des dépenses de service et d'utilité publique indépendantes des événements. Le rapport ajoutait que la plupart de ces crédits avaient fait l'objet de propositions de loi ou avaient été compris dans les prévisions du gouvernement communiquées à la commission du budget de l'Assemblée.

Les découverts signalés par le ministre provenaient en trèsgrande partie, selon lui, de la dépense des travaux publics, et principalement des frais causés par la construction des chemins de fer, et qui, par conséquent, ne resteraient pas entièrement à la charge de l'Etat, puisqu'ils seraient réduits du montant des sommes dues par les Compagnies concessionnaires.

Quant à l'exercice de 1852, la dissolution de l'Assemblée législative ayant précédé le vote définitif du budget, il ne restait plus que le projet avec les modifications que la commission lui

avait fait subir. Les dépenses du budget ordinaire étaient aimsi

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30 Services des ministères.

4 Frais de régie, de perception et d'exploi tation des impôts et revenus publics.

5o Remboursements et restitutions, nonvaleurs, primes et escomptes.

Total.

Les recettes du budget ordinaire, comprises

tres suivants :

392,916,855

9,048,300 1,749,341,570

152,231,177

80,791,660

1,384,329,562 dans les chapi

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D'où, pour le service ordinaire, un excédant de dépense de.. 4,774,756 outre les dépenses du budget extraordinaire s'élevant à la somme de 53,002,267.

A cette situation générale du pays, ajoutons l'état satisfaisant de la production agricole. Par un véritable bienfait de la Providence, en ces temps de troubles, le prix des farines se relevait vigoureusement. Le mouvement de hausse provoqué, pendant Ies dernières semaines de l'année, par le déficit de la dernière récolte dans les pays d'outre-Rhin et dans le nord-est de la France, encourageait les producteurs, et cependant le prix moyen de l'hectolitre était descendu à 15 fr., cours bien inférieur à celui de 19 fr., qui a toujours été considéré comme le prix moyen général du froment en France.

Quant aux impôts, ils rentraient avec facilité. Les impôts et revenus indirects avaient donné, pour l'exercice tout entier, 737 millions contre 738 en 1850. En voici la décomposition par trimestre, avec comparaison des deux années:

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Cependant on était arrivé au 20 décembre. Le scrutin s'ouvrit dans la France entière. Dans beaucoup de localités, enthousiasme sympathique ou terreur soumise, le vote eut tous les caractères d'une acclamation. Grand nombre de communes répondirent par up oui unanime. Les départements les plus ravagés par le socialisme, les plus éprouvés par les insurrections récentes, ne furent pas ceux qui donnèrent les résultats les moins favorables. L'abstention prêchée par les démocrates, par les orléanistes et par les légitimistes parlementaires ne put empêcher que le plébiscite du 2 décembre ne fût consacré par 7,439,216 adhésions (non compris les résultats du département des Basses-Alpes, arraché le dernier à l'insurrection, et de quelques communes de France et d'Algérie). Le nombre des protestations ne s'élevait qu'à 640,737, et celui des bulletins nuls à 56,880. Le département des Basses-Alpes ajouta à ce résultat 34,215 oui et 614 non. La France avait parlé : désormais il n'y avait plus qu'à accepter sa volonté souveraine.

Ce résultat fut communiqué solennellement, le 31 décembre, au prince Louis-Napoléon Bonaparte, par la commission consultative chargée de dépouiller les procès-verbaux du scrutin. Le vice-président de la commission, M. Baroche, adressa ces paroles au prince :

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Oui, Prince, la France a confiance en vous; elle a confiance en votre courage, en votre haute raison, en votre amour pour elle, et le témoignage qu'elle vient de vous en donner est d'autant plus glorieux, qu'il est rendu après trois années d'un gouvernement dont il consacre ainsi la sagesse et le patriotisme...

Jamais, dans aucun pays, la volonté nationale s'est-elle aussi solennellement manifestée? Jamais gouvernement obtint-il un assentiment pareil, eut-il une base plus large, une origine plus légitime et plus digne du respect des peuples? Prenez possession, Prince, de ce pouvoir qui vous est si glorieusement déféré. Usez-en pour développer, par de sages institutions, les bases fondamentales que le peuple lui-même a consacrées par ses votes. Rétablissez en France le principe d'autorité, trop ébranlé depuis cinquante ans par nos continuelles agitations. Combattez sans relâche ces passions anarchiques qui attaquent la société jusque dans ses fondements. Ce ne sont plus seulement des théories odieuses que vous avez à poursuivre et à réprimer; elles se sont traduites en faits, en horribles attentats. Que la France soit enfin délivrée de ces hommes toujours prêts pour le meurtre et le pillage, de ces hommes qui, au XIXe siècle, font horreur à la civilisation, et semblent, en réveillant les plus tristes souvenirs, nous reporter à cinq cents ans en arrière... >>

Le prince répondit par un discours où l'on retrouvait cette confiance calme et froide qui fait sa force :

«La France a répondu à l'appel loyal que je lui avais fait; elle a compris que je n'étais sorti de la légalité que pour rentrer dans le droit. Plus de sept millions de suffrages viennent de m'absoudre en justifiant un acte qui n'avait d'autre but que d'épargner à la France et à l'Europe peut-être des années de troubles et de malbeurs. Je vous remercie d'avoir constaté officiellement combien cette manifestation était nationale et spontanée. Si je me félicite de cette immense adhésion, ce n'est pas par orgueil, mais parce qu'elle me donne la force de parler et d'agir ainsi qu'il convient au chef d'une grande nation comme la nôtre.

>> Je comprends toute la grandeur de ma mission nouvelle, je ne m'abuse pas sur ses graves difficultés; mais, avec un cœur droit, avec le concours de tous les hommes de bien qui, ainsi que vous, m'éclaireront de leurs lumières et me soutiendront de leur patriotisme, avec le dévouement éprouvé de notre vaillante armée, enfin avec cette protection que demain je prierai solennellement le ciel de m'accorder encore, j'espère me rendre digne de la confiance que le peuple continue de mettre en moi. J'espère assurer les destinées de la France en fondant des institutions qui répondent à la fois aux instincts démocratiques de la nation et à ce désir exprimé universellement d'avoir désormais un pouvoir fort et respecté. En effet, donner satisfaction aux exigences du moment en créant un système qui reconstitue l'autorité sans blesser l'égalité, sans fermer aucune voie d'amélioration, c'est jeter les véritables bases du seul édifice capable de supporter plus tard une liberté sage et bienfaisante. »

Il restait au gouvernement nouveau à compléter, à régulariser son œuvre par tout un ensemble d'institutions politiques. Ce n'était pas l'inconnu sans doute qu'il allait fonder: il avait élevé assez haut les assises traditionnelles de ces institutions. On savait où il voulait aller restait à savoir comment il marcherait vers ce but

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