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produit que par le passé, le chiffre de la population européenne et celui de l'année étant restés stationnaires ou peu s'en faut pendant ces deux années.

Passons maintenant aux détails.

Importation. - Céréales. La diminution que présente l'année 1850 sur 1851 est de 93,000 hectolitres pour les blés, de 200,000 pour l'orge, et de 1,600,000 pour les farines. C'est donc une différence de près de 2,500,000 fr. sur ce seul article.

Huiles d'olive. En 1850, 317,000 kilog.; en 1851, 848,000; la différence est donc de plus de 500,000 kilog. que l'Algérie a fournis ou retenus pour sa propre consommation. Nous disons retenus, car nous verrons tout à l'heure à quel chiffre se sont élevées les exportations.

Houille crue.

Ici l'importation est plus considérale en 1851 qu'en 1850, et cependant les fers, fontes et aciers présentent un résultat contraire.

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Vins et esprits. La comparaison entre les deux années est sans intérêt. On reconnaît seulement une faible diminution sur les vins : 402,000 hectolitres en 1850, 386,000 en 1851.

Tissus de coton. Cette branche si intéressante de notre commerce avec les indigènes, et qui nous est tout entière réservée (sauf la contrebande), présente un accroissement d'un dixième. En 1850, les importations s'étaient élevées à une valeur de 7,400,000 f. En 1851, elles n'ont été que de 6,790,000 fr. Exportation. Laines en masse. En 1850, 2,138,000 kil.; en 1851, 2,743,000. Augmentation, 605,000 kil.

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Céréales. L'exportation était nulle en 1850. En 1851, elle s'élève à 104,000 kil.

Huiles d'olives.

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C'est ici que nous rencontrons le résultat le plus remarquable, et qui a vivement frappé l'attention du commerce marseillais. En 1851, l'exportation des huiles de l'Algérie s'est élevée à 6,550,519 kilogr., ou 6 millions de francs; en 1850, cette même exportation ne s'était élevée qu'à 92,000 kil. Cette énorme différence tient à ce que la récolte, qui avait été pauvre en 1849, a été très-abondante en 1850.

Brebis et moutons. Exportation nulle en 1850. Elle s'élève à 30,000 têtes de bétail en 1851.

Minerais. Cette branche importante de notre industrie éprouve une augmentation fort sensible. Ainsi, en 1851, nous trouvons Minerai de fer, 180,000 kilog.; minerai de cuivre, 1,018,000 kil.; autres, c'est-à-dire antimoine, plomb argentifère, etc., 1,377,000 kil.

Une distribution de médailles faite, le 15 mai, par M. le préfet du département d'Alger aux vainqueurs de l'exposition agricole de 1850, fut pour cet administrateur dévoué l'occasion de renou

veler aux colons ses conseils, ses encouragements, ses instructions fécondes. Il leur mit sous les yeux les progrès faits, leur rappelant ce qui restait à faire. Cette esquisse de la colonisation agricole dans le plus important des trois départements de l'Algérie est remplie d'intéressants détails.

Les Européens qui habitent le département ont ensemencé en céréales, dans le cours de l'année 1850, 11,978 hectares, qui ont produit 102,551 hectolitres de grains, dont la valeur est de 1 million 465,971 fr. Les terrains ensemencés en 1849 ne présentaient qu'une étendue de 9,000 hectares environ. Différence en plus pour 1850, 2,978 hectares, dont les produits représentent une valeur en numéraire de 360,000 fr.

Déjà quelques autres produits fournissent des chiffres élevés à la statistique agricole du département, et c'est dans ceux-là surtout qu'est l'avenir du pays.

Il est curieux, par exemple, de suivre le développement de la culture du tabac depuis 1844, époque à laquelle elle a été pour la première fois essayée par les Européens dans la province d'Alger.

On peut évaluer la production des 270 hectares de tabac à raison de 1,200 kilog. par hectare, à 324,000 kilog. sur lesquels 84,706 kilog. ont été achetés par la régie. Si l'on veut compléter cette statistique en y ajoutant les résultats de la culture indigène, il faut évaluer à 500 hectares environ la superficie plantée par les Arabes du Sahel et de la plaine, dont le rendement, calculé à 800 kilog. par hectare, porte à 400,000 kilog. le chiffre de la production. Sur cette quantité, la régie a seulement acheté 73,913 kilog.

En résumé, on a cultivé en tabac, dans la province d'Alger,

une surface de 779 hectares, dont la production peut être évaluée à 724,000 kilog.; 158,619 kilog. seulement, représentant en numéraire une valeur de 135,387 fr. 24 c., ont été achetés par la régie; le surplus est passé dans le commerce et dans la consommation locale.

Dans l'industrie séricicole, il a été fait aussi de remarquables progrès. En 1840, soixante-quinze personnes se livraient dans le département d'Alger à l'éducation des vers à soie et obtenaient 1,692 kilog. de cocons. En 1850, le nombre des éducateurs s'est élevé à quatre-vingt-onze, qui ont produit 3,778 kilogrammes, 176 grammes. Différence en plus pour 1850, 2,086 kilogrammes 176 grammes. Ainsi, la production a été en 1850 beaucoup plus du double de celle de 1849, et d'après les documents déjà réunis pour cette année, cette progression serait dépassée encore

en 1851.

L'industrie de la cochenille en est encore à son début, et cependant depuis l'année dernière plus de 400,000 nopals ont été plantés et fourniront avant deux ans une première récolte d'insectes.

Il est désormais acquis que le coton peut être cultivé avec avantage sur tout le littoral algérien.

La production des olives devrait être une des plus riches. Déjà beaucoup de vieux oliviers indigènes ont été greffés, mais il y en a encore des millions dans les diverses régions du Saheh, de la plaine et de l'Atlas, qui, dégagés des broussailles qui les étouffent, recépés et greffés, fourniraient d'abondantes et lucratives récoltes.

En dehors de ces cultures industrielles et spéciales, il faut signaler encore les progrès accomplis par une branche de l'industrie rurale qui est l'intermédiaire entre la grande culture et le jardinage, et qui déjà fournit la matière d'un assez important commerce d'exportation. Déjà beaucoup de fruits et de primeurs maraîchères vont peupler les marchés de nos départements méridionaux; l'achèvement des voies de fer les fera pénétrer bientôt jusqu'au cœur de la France et leur ouvrira de nouveaux débouchés.

Enfin les plantations sont aussi en progrès : les pépinières du

Hamma et de Bouffarick ont livré, en 1850, un total de 174,343 sujets ligneux et de 21,033 sujets herbacés.

La colonisation progresse donc, c'est là un fait considérable. Mais peut-être n'est-ce pas toujours dans sa voie véritable. Écoutons un homme dont l'intelligence supérieure et le dévouement incessant ont été déjà si utiles à l'Afrique française, M. LautourMézeray, préfet du département d'Alger. L'opinion de cet administrateur éminent est qu'il faudrait abandonner en Algérie les cultures faciles et de grande étendue, plus exposées peut-être que toutes les autres aux inconvénients du climat. L'avenir du pays est dans les cultures riches et étrangères à la France, dans les essais multipliés sur les variétés nombreuses de l'agriculture industrielle.

M. Lautour-Mézeray juge ainsi les différentes parties de la richesse algérienne.

L'élève du bétail y dénote beaucoup d'incurie. La race ovine pourrait cependant être une des grandes ressources du colon. Le fonds de la race est excellent; le type est le mérinos pur. Qu'arrive-t-il cependant? Les troupeaux sont composés d'une si grande quantité de métis que les laines mélangées ne prennent à la teinture que des nuances différentes, n'arrivant ainsi que dépréciées sur les marchés français; il faudrait rétablir l'homogénéité.

La race chevaline arabe est abâtardie. On ne met pas assez de soin dans le choix des juments poulinières; on les fatigue par des travaux pénibles et continuels pendant la gestation, et on met trop tôt au travail leurs jeunes produits.

La race bovine est de tous les produits agricoles celui qui a le plus d'avenir. Onze départements du midi de la France demandent à l'Espagne, à la Suisse et à l'Italie une partie de la viande qui leur manque. Elle pullule en Algérie. Mais le bétail y est élevé dans de mauvaises conditions hygiéniques. Aux grandes sécheresses l'animal ne trouve aucune réserve de fourrages; aux grandes pluies, aucun abri.

La garance, qui a fait la fortune du Comtat, le lin, le chanvre et surtout le chanvre géant de l'Inde, l'arachide, le sésame que nous demandons à l'étranger, le miel et la cire, ces produits si renommés de l'Afrique sous la domination romaine, les fleurs

pour essences, les capres, le sumac pour le corroyage des peaux de luxe, voilà les cultures que M. Lautour-Mézeray recommande comme parfaitement appropriées au sol et au climat. Par ses soins se poursuivent d'intéressantes expérimentations sur la culture du pavot à opium, de l'indigo, du thé, du camphrier, de l'arbre à quinquina.

Ces progrès si longtemps attendus, mais aujourd'hui si rapides, l'achèvement prochain de la conquête allait les étendre encore et les consolider. Au printemps de 1851, une expédition dans la Petite-Kabylie fut décidée : elle avait pour but de débloquer la place de Djijelli, d'assurer nos relations commerciales, de protéger nos colonies civiles et de rétablir les communications entre Philippeville et Constantine.

Ce projet fut, dans l'Assemblée nationale, le prétexte d'objections étranges, qui ne tendaient à rien moins qu'à établir l'indépendance de populations vivant au sein même de nos possessions africaines, sans reconnaître notre domination.

On ne s'en tînt pas à nier, malgré l'avis de tous les hommes compétents tels que MM. Cavaignac, Lamoricière, Bedeau, Charras, l'utilité de l'expédition projetée. On alla jusqu'à élever une objection constitutionnelle sur le droit que pouvait avoir le gouvernement d'ordonner une expédition sans consulter l'Assemblée, lorsque la Constitution déclarait qu'aucune guerre ne pouvait être entreprise sans l'assentiment du Pouvoir législatif. C'était pousser jusqu'à l'excès la manie des conflits. MM. Raudot et Emile Barrault se firent les organes de ces singuliers scrupules. L'Assemblée repoussa ces doctrines excessives par un ordre du jour qui obtint 378 voix contre 269 (24 mars).

L'expédition suivit donc son cours. On va voir si elle était nécessaire.

Depuis longtemps l'attention du gouvernement était fixée sur les montagnes qui bordent le littoral entre Dellys et Philippeville. Cette partie du pays était restée en dehors de notre autorité, alors que l'Algérie tout entière, de la frontière de Tunis à celle du Maroc, de la Méditerranée aux limites sud du Sahara algérien avait reconnu notre domination. Le groupe de montagnes plus particulièrement connu sous le nom de Kabylie est habité par

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