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» vous prie de vous en charger, en vous assurant de mes sentiments les plus sin>> cèrement affectueux.

» LEOPOLD. »

La révision l'emportait à la reprise de la discussion du budget, une motion portant qu'il ne serait pas apporté de modifications à la loi organique fut rejetée par 55 voix contre 31, et la question de confiance posée par les membres restants du cabinet fut décidée en leur faveur par 56 voix contre 25 (25 janvier). Six représentants s'étaient abstenus lors de ce dernier vote. A l'occasion du premier, quelques libéraux, MM. Devaux et Lebeau, par exemple, avaient voté avec l'opposition.

Ainsi la division de la majorité survivait à la victoire du cabinet, et celui-ci se sentait entraîné de plus en plus vers le libéralisme radical. Il sacrifiait à l'opinion avancée jusqu'à ses propres opinions, car MM. Rogier et Frère-Orban s'étaient, l'année précédente, hautement déclarés contre la révision de la loi organique de l'armée.

La discussion d'un projet d'impôt sur les successions amena une crise nouvelle. Cette fois, le désaccord était entre le ministère et la chambre. Il s'agissait du serment auquel une des dispositions de la loi soumettait tout héritier collatéral pour la déclaration des valeurs mobilières. La section centrale chargée d'examiner cette disposition la rejetait, parce qu'à ses yeux le serment, aboli en 1830, avait contre lui l'instinct du pays tout entier. Elle rejetait encore, mais sans pensée hostile au ministère, le droit de 1 pour cent dont le projet frappait les biens acquis en ligne directe. Elle voyait pourtant dans cette disposition un écho des doctrines démoralisatrices prêchées dans un pays voisin. Et, en effet, ce projet déjà présenté en 1849 (19 mars), et ajourné après une discussion irritante (27 mars), n'avait été exhumé cette année que sous l'impulsion du parti radical.

Le 2 mai, le ministre des finances avait donc présenté de nouveau le malencontreux projet. Mais le cabinet, comprenant où le menait l'impôt sur les biens acquis en ligne directe, déclara, dès l'abord, y renoncer, maintenant seulement la disposition relative au serment. C'était mécontenter tout le monde. Le 16 mai, le

sermen t fut repoussé par 52 voix contre 39 et le cabinet tout entier donna sa démission.

La crise dura trois semaines et finit par un replâtrage. On s'entendit pour ne voir dans l'échec ministériel qu'un fait financier, sans aucune signification politique. C'est que le tiers parti libéral n'était pas assez puissant pour fournir les éléments d'un ministère et que ses membres eussent été forcés de s'appuyer sur l'opposition catholique.

En offrant sa démission au roi, le ministère avait espéré une manifestation politique en sa faveur; il avait compté sur une espèce de soulèvement de l'opinion publique contre les chambres, et sur des embarras tels que les libéraux modérés se seraient empressés de solliciter son maintien aux affaires. Rentré ainsi en vainqueur dans un parlement maté, le ministère aurait dominé la situation et obtenu de la représentation nationale les trois choses qu'il désirait le plus vivement l'impôt sur les successions directes, la dérivation de la Meuse et le chemin de fer du Luxembourg.

Ce calcul fut déjoué. L'agitation populaire se borna à une sorte de réunion bavarde; la chambre ne fit pas les démarches humiliantes qu'on attendait d'elle, les fonds haussèrent au lieu de baisser.

Le cabinet se retrouvait donc en face des mêmes difficultés, sans plus de ressources pour les vaincre. Il lui fallait persister dans la présentation de son projet d'impôt; il lui fallait demander une rétractation à la chambre. Le projet reparut donc, avec quelques modifications qui n'en atteignaient pas le principe et le ministère posa de nouveau la question de cabinet. Malgré les protestations du parti catholique contre ce jeu immoral, si contraire à la dignité de la chambre, le principe de l'impôt sur les successions en ligne directe fut adopté, le 28 juin, par 61 voix contre 31.

La chambre des députés s'était déjugée, mais ce n'était pas assez. Il fallait encore obtenir le vote du sénat. Rien ne fut négligé. Pendant quinze jours, la presse ministérielle menaça, chaque matin, le sénat, non-seulement d'une dissolution, mais encore d'une suppression complète, s'il refusait de se rallier au vœu du gouvernement. Le sénat ne tint compte de ces menaces. Il rejeta la loi (2 septembre).

Pour se sauver, le ministère avait fait présenter par M. le comte de Marnix, grand maréchal du palais, un amendement dans le but de ne donner à la loi qu'un caractère temporaire. Un certain nombre de sénateurs avaient donné dans le piége et acceptaient ce moyen terme. Néanmoins il fut repoussé au scrutin par 27 voix contre 24. L'art. 1er du projet qui entraînait tout le reste de la loi et qui lui donnait un caractère permanent fut rejeté ensuite par 33 voix contre 18.

Le lendemain, 3 septembre, la session était déclarée close, et, quelque jours après, le sénat était dissous.

Il fallait en appeler au pays par des élections nouvelles. Le parti libéral l'emporta à Bruxelles, à Gand, à Liége, à Anvers, c'est-àdire dans les grands centres de populations plus accessibles aux idées subversives, plus travaillés par les principes désorganisateurs de la société moderne. Mais l'esprit conservateur éclata dans les campagnes, dans les centres agricoles.

Sans doute le parti ministériel put s'enorgueillir de l'absence de MM. Dindal, de Waha, de Chestret et Vergauwen, mais il n'en fut pas moins obligé de reconnaître qu'il avait perdu les trois quarts des batailles engagées, qu'il avait été battu à Bruges, à Ypres, à Courtray, à Routers, à Ecloo, à Audenarde, à Alost, à Saint-Nicolas, à Tournay, à Thuin, à Philippeville, à Namur, à Dinanit, à Louvain, à Hasselt, à Tongres, à Wazemme, à Verviers, sans parler de Thielt, de Malines, de Turnhout et de Thermonde, où il n'avait pas même osé combattre.

Le seul succès réel qu'il eût remporté, c'était l'élimination de deux hommes aussi modérés que capables, MM. Cogels et de Baillet, sénateurs d'Anvers. Liége comptait à peine, car la dérivation de la Meuse étant impliquée dans le problème électoral à résoudre, cette ville était particulièrement intéressée au triomphe de l'impôt sur les successions. Les clubs despotiques de Bruxelles et de Gand y avaient assuré facilement la victoire au ministère.

Parmi les succès que l'opinion conservatrice et indépendante avait obtenus, plusieurs avaient une signification capitale. Elle avait littéralement écrasé le parti ministériel dans toutes les villes qui représentent le pays agricole et modéré.

Sur dix-huit sénateurs qui avaient voté l'impôt sur les succes

sions en ligne directe, cinq n'avaient pas été réélus. La minorité ministérielle était réduite à treize voix.

De trente-trois sénateurs qui avaient repoussé la ligne directe, vingt-six étaient restés debout et s'étaient fortifiés de l'adjonction de six députés conservateurs, M. de Ryckman, à Louvain; M. Pollet, à Tournay; M. de Robians, à Thuin; M. Della Faille, à Most; M. de Morman d'Harlebetke, à Courtray; et M. de Cartier, à Philippeville.

L'appel du ministère aux électeurs lui avait donc valu une voix.

Lorsque se rouvrit la session parlementaire (4 novembre), S. M. belge fit un appel pressant à la conciliation, mais le discours royal insistait sur l'incontestable utilité de l'ensemble de lois proposé (voyez le texte à l'Appendice, p. 165).

La question restait tout entière le parti catholique seul put la résoudre. MM. Spitaels et Dumon-Dumortier s'entendirent pour proposer au sénat une transaction qui, au droit de succession sur les biens en ligne directe, substituait un droit de mutation et arrachait au fisc les propriétés mobilières.

L'amendement fut adopté le 22 novembre par 46 voix contre 6. Un membre, M. le duc d'Urul, s'était abstenu; un autre, M. Van Remoorten, était forcément absent, ses pouvoirs n'ayant pas encore été vérifiés. L'assemblée se trouvait donc au grand complet, fait peut-être unique dans les annales du gouvernement représentatif.

Les discours de MM. d'Anethan et Dumon-Dumortier avaient préparé ce dénoûment. Les deux orateurs catholiques constatèrent que le sénat faisait acte de désintéressement et de conciliation en votant un impôt que le corps électoral avait condamné; ils déclarèrent que leurs convictions étaient restées les mêmes, mais que les circonstances politiques, jointes à une légère concession du cabinet, les engageaient à terminer un conflit déplorable. Ce langage, plein de dignité et de patriotisme, entraîna la résolution de la majorité.

C'est ainsi que le ministère, grâce à ses adversaires, put sortir de l'impasse où il était imprudemment entré. Il était temps. Quel. ques jours après éclatait le coup d'État du 2 décembre : s'il s'était

le

laissé entraîner dans une union absolue avec le parti radical, cabinet eût pu préparer des difficultés sérieuses à la Belgique. Il n'avait déjà que trop, par ses imprudentes avances au parti du désordre, alarmé les populations paisibles et jusqu'au libéralisme conservateur.

Mais ces défiances durent s'évanouir devant des craintes plus graves qui réunirent en un seul parti tous les hommes vraiment animés de l'amour de la patrie.

La Belgique se trouva placée, par l'installation en France d'un pouvoir fondé sur les souvenirs de l'Empire, dans une situation inquiétante dont les dangers ne devaient disparaître que devant les loyales assurances du gouvernement français et devant les promesses de protection efficace données par les autres puissances de l'Europe. L'histoire de cette crise politique appartient à l'année 1852.

Voici l'évaluation du budget pour l'année.

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