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CHAPITRE III.

DANEMARK. Intervention allemande, attitude de l'Autriche, fin de la guerre; conférences de Kiel, règlement provisoire de l'affaire du Slesvig; question de succession au trône, crises ministérielles, rétablissement de l'autorité royale dans le Lauenbourg, règlement de la question de succession; ouverture de la diète ; loi sur la presse; budget.

SUÈDE ET NORVÉGE. Diète suédoise, réforme constitutionnelle, dispositions opposées des quatre ordres, résultats de la session; Storthing norvé gien, doctrines subversives, agitations populaires, clôture du Storthing ; chemins de fer; intolérance religieuse en Suède.

DANEMARCK.

Le règlement des affaires danoises est intervenu, cette année, au moment où on pouvait craindre que le Danemark ne fût condamné à lutter contre de nouvelles injustices. A la Prusse et à ses violences agressives semblait devoir succéder l'Autriche, que sa prépondérance croissante entraînait à son tour dans cette voie d'iniquité où la Prusse était entrée deux ans auparavant. L'ambition de représenter l'expansion germanique faisait oublier le droit à chacune des deux grandes puissances rivales.

Il avait été décidé dans les conférences d'Olmütz que la Prusse et l'Autriche interviendraient dans la pacification du Holstein. L'état de guerre avait à peu près cessé. L'armée danoise était campée à Danevirke, sur la frontière méridionale du Slesvig; mais, excepté quelques engagements d'avant-postes, aucune affaire sérieuse n'eut lieu, et l'armée rentra bientôt dans les provinces danoises, tandis que l'armée royale de l'insurrection était licenciée et remplacée par un corps d'occupation composé de Prussiens et d'Autrichiens. C'était là le résultat des conférences de Kiel.

Dans ces conférences, les commissaires réunis exprimèrent des opinions assez diverses. Le Danemark demandait que le Slesvig fût complétement séparé du Holstein. Il voulait gouverner ce duché comme il l'entendrait, et contestait à la Confédération germanique tout droit de le contrôler à cet égard, attendu que le Slesvig ne faisait point partie de la Confédération. En conséquence, il voulait que Fredrichsort fût occupé par des troupes danoises, et comme il prétendait en outre que Rendsbourg faisait partie du Slesvig (ce qui avait été contesté par la Confédération), il insistait pour que les troupes danoises occupassent cette forteresse en même temps que les troupes fédérales (des Autrichiens et des Danois).

Dans le Holstein, le Danemark voulait qu'il y eût une administration séparée et un gouvernement établi par le roi, la convocation des prélats et de l'ordre équestre du duché, auxquels il présenterait une constitution, l'abrogation de la loi fondamentale de 1848, et de toutes les nouvelles lois, et le rétablissement des lois anciennes. En outre, S. M. danoise exigeait la dissolution immédiate de l'Assemblée nationale de Slesvig-Holstein, et réservait à son appréciation personnelle la question d'une amnistie. L'Autriche insistait sur ce point, que Rendsbourg faisait partie du Holstein et ne serait occupé que par des troupes fédérales. Elle demandait aussi que les deux duchés restassent unis, mais avant tout que l'on supprimât l'union de la ligne de douanes entre le Slesvig et le Danemark, et qu'on rétablit celle de Slesvig et de Holstein.

H fut arrêté que M. de Tillisch, commissaire pour le roi de Danemark, administrerait provisoirement le Slesvig, avec entrée dans le conseil des ministres. Une amnistie, due à la généreuse initiative du roi, couvrit toutes les fautes commises: trente-trois personnes furent seules exceptées, parmi lesquels le duc et le prince d'Augustenbourg et les chefs les plus compromis de l'insurrection.

Pendant ce temps, la diplomatie cherchait à régler la question fondamentale de la succession au trône et celle des duchés. Le Danemark trouva contre lui la Prusse et l'Autriche réunies dans la pensée de faire au Slesvig une situation séparée : la Russie retira son appui au Danemark, et la mollesse significative de la France

et de l'Angleterre fit comprendre à la diplomatie danoise qu'il n'y avait plus qu'à céder.

C'était là, peut-être, une nécessité politique; mais peut-être aussi la division qui avait éclaté dans le ministère danois avaitelle favorisé ces exigences. Le 5 juillet, le cabinet tout entier donna sa démission.

Le nouveau ministère fut ainsi composé: Le comte Moltke, président sans portefeuille jusqu'à la fixation définitive de la position du Holstein et du Lauenbourg vis-à-vis du Danemark et du Slesvig; affaires étrangères, M. de Reedtz; finances, M. le comte Sponnek; marine, M. Van Dockum ; cultes, M. Madvig; intérieur, M. de Tillisch; M. le comte Charles Moltke, ministre sans portefeuille; ministre de la guerre, le général Fibiger; ministre pour le Slesvig, M. de Bardenfleth.

Bientôt eut lieu une modification nouvelle. MM. Fibiger, de Reedtz et Charles Moltke se retirèrent, et, plus tard, en décembre, M. Madvig céda la place à M. Bang. C'était tout le parti de l'Eider qui se retirait.

Malgré la retraite de M. Madvig, il semblait qu'un accord parfait ne régnât pas encore entre les membres du cabinet. Le ministre de la marine, M. Van Dockum, ne s'était, disait-on, décidé qu'après de longs pourparlers à conserver son portefeuille. On ajoutait que le ministre pour le duché de Slesvig, M. de Bardenfleth, différait sur plusieurs points de ses collègues, notamment pour ce qui était du rétablissement de la diète provinciale du Slesvig, contre lequel il s'était énergiquement prononcé.

Tous ces tiraillements favorisaient les injustes exigences de l'Allemagne, et déjà on pouvait prévoir que le Slesvig serait placé dans une position isolée du reste du royaume. Le Holstein et le Lauenbourg, bien que faisant partie de la Confédération allemande, seraient indissolublement unis à la couronne danoise.

Le 18 janvier, la souveraineté de S. M. le roi de Danemark avait été formellement rétablie dans le duché de Lauenbourg. Les autorités ecclésiastiques, civiles et militaires, convoquées à cet effet dans Ratzebourg, capitale du duché, renouvelèrent leur serment de fidélité à S. M. entre les mains de M. le comte de Reventlow-Criminil, nommé par le roi gouverneur du duché de

Lauembourg. M. le comte de Reventlow-Criminil donna lecture des lettres patentes royales (V. à l'Appendice le texte de ce document).

Restait la question de succession. Les puissances allemandes accédèrent au protocole signé à Londres, le 4 juillet 1850, par les plénipotentiaires du Danemark, de la France, de la Grande-Bretagne, et de la Suède, et il fut décidé qu'à l'extinction de la dynastie actuelle, la couronne passerait sur la tête du prince Chrétien de Gluksbourg, avec succession directe.

1o La Russie, pour ne pas empêcher l'adoption du prince Chrétien de Gluksbourg, époux de la nièce de Chrétien VIII, Charlotte de Hesse, renonça à son droit éventuel de succession sur diverses parties du Holstein; 2o la landgravine Charlotte de Hesse renonça entièrement à son droit de succession par amour pour sa patrie et pour favoriser l'adoption de son gendre; 3° l'Angleterre et la France ne voulurent exercer aucune influence sur l'ordre de succession; elles s'en rapportaient entièrement au roi Frédéric VII du soin de le régler; seulement elles exigaient qu'il n'y eût qu'un seul et même ordre de succession pour toute la monarchie; 4o l'Autriche ferait tout ce qui dépendrait d'elle dans les limites du droit fédéral germanique pour assurer l'exécution des articles du protocole de Londres, afin que l'ordre de succession fût le même pour toutes les parties de la monarchie; 5o la Prusse s'était engagée particulièrement dans le même sens; 6o l'Oldenbourg, qui vient après la Russie, suivrait son exemple, puisqu'elle avait renoncé à son droit. En ce qui concernait le droit des membres de la famille d'Augustenbourg sur le trône de Danemark, qu'ils tenaient de leur mère, sœur de Frédéric VI, on pouvait le considérer comme éteint par la renonciation de la landgravine Charlotte de Hesse.

Le 4 octobre S. M. le roi fit, en personne, l'ouverture de la diète (Voyez à l'Appendice, p. 192). Le discours royal annonçait la fin de la guerre et la bénédiction de la paix recommençant pour le royaume. Parmi les lois votées dans la session précédente, la loi sur la presse mérite quelque attention.

Quelques dispositions de cette nouvelle loi intéressent la production intellectuelle des pays étrangers. Nous les rapportons à ce titre Quiconque offenserait par la voie de la presse les

puissances étrangères amies ou alliées du Danemark, soit en blâmant ou en injuriant les membres des familles régnantes, soit en attribuant gratuitement aux gouvernements des actes injustes ou honteux, serait puni d'une amende de 50 à 500 écus de banque (125 à 1,250 fr.), ou d'un emprisonnement de trois mois à un an. Les poursuites desdits délits ne pourraient être exercées qu'à la demande expresse des parties lésées ou de leurs représentants légaux. 20 Tous les écrits imprimés en pays étrangers pourraient être importés librement en Danemark. Si le ministre de la justice trouvait qu'un de ces récits renfermât des passages criminels, il pourrait en faire saisir les exemplaires qui existeraient chez les personnes chargées de les vendre ou de les distribuer. La validité de cette saisie serait immédiatement poursuivie devant les tribunaux, d'après les règles indiquées par le Code de procédure criminelle, et dans le cas où les tribunaux déclareraient la saisie valable, ils fixeraient en même temps le délai dans lequel les exemplaires saisis seraient réexpédiés à l'étranger. Les jugements à intervenir à ce sujet seraient publiés trois fois dans les journaux d'annonces judiciaires, et toute personne qui après ces publications vendrait ou distribuerait des exemplaires de l'écrit incriminé serait passible d'une amende de 50 à 500 écus de banque (125 à 1,250 fr.), ou d'un emprisonnement de quinze jours à six mois. 3° Si un ou plusieurs journaux ou autres écrits périodiques étrangers, publiés par un même auteur ou un même éditeur, étaient incriminés, trois fois dans l'espace de deux années consécutives, les tribunaux pourraient, s'il y avait lieu, interdire l'importation en Danemark de tous les autres ouvrages périodiques ou non du même auteur ou du même éditeur, tant ceux qui seraient déjà publiés que ceux qui le seraient à l'avenir, à la seule exception de ceux dont le ministre de la justice jugerait à propos d'autoriser spécialement l'entrée dans le royaume. 40 Toutes les dispositions de la loi seraient pareillement applicables aux productions des arts du dessin multipliées par la gravure en taille-douce, par la lithographie, par le moulage ou par tout autre procédé mécanique.

Malgré la lutte inégale qu'il avait eu à soutenir, le Danemark pouvait se féliciter de l'état de ses finances.

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