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passives. Ces ressources s'élevaient à 100 millions. Pour arriver au chiffre de 112 millions constituant ces obligations de l'Etat, il manquait 12 millions qu'il serait facile de trouver sur les excédants des colonies. Leur prospérité ne laissait aucun doute à cet égard.

Parmi les questions extérieures, heureusement terminées, il faut placer en première ligne un concordat signé le 16 mars avec le saint-siége. Ce concordat, que nous aurons à examiner plus tard, en détail, régularisait enfin la situation respective de l'Eglise et de l'Etat.

Des lettres apostoliques du saint-père, relatives au concordat, et portant la date du 5 septembre, reproduisirent, en la ratifiant, la loi du concordat du 16 mars.

En vertu du concordat, les biens de l'Église non aliénés jusqu'à présent furent remis entre les mains du clergé, et, à partir du 1er janvier 1852, chaque évêque prendrait l'administration de ceux situés dans son diocèse. Mais comme les revenus en sont à peine suffisants pour couvrir les frais qu'entraînent l'exercice du culte et l'entretien du clergé des cathédrales, on avait maintenu l'impôt déjà établi en faveur de l'Église, et la perception ainsi que l'équitable répartition des fruits de cet impôt appartiendraient au clergé seul. L'administration ecclésiastique, établie pour cet objet, entrerait en fonctions au commencement de l'année 1852.

Une question extérieure, d'une nature tout autrement grave, a été posée entre les Etats-Unis d'Amérique et l'Espagne, par les prétentions odieuses élevées dans un certain parti américain sur l'île de Cuba. Sous le nom honorable de sympathiseurs et de libérateurs, se cachent les convoitises de forbans, encouragés au vol par les annexions violentes des dernières années. Une sédition sans gravité qui éclata à Puerto-Principo, au mois de juillet, sédition fomentée, au reste, par les intrigues américaines, servit de prétexte à une expédition semblable à celle de l'année précédente. Le 12 août 1851, un bâteau à vapeur parti de la Nouvelle-Orléans jeta à Bahia-Honda cinq cents hommes environ, commandés par Narciso Lopez. Il y avait là des enfants perdus du parti démocratique, des aventuriers prêts à

tout, des Allemands, des Hongrois, quelques Espagnols. Les forbans se retranchèrent dans le village de Pozas, où un détachement espagnol les attaqua le 13: le 17, une nouvelle attaque, commandée par le général Enna qui y reçut une blessure mortelle, força les aventuriers à se disperser dans les montagnes où beaucoup périrent. Cinquante furent faits prisonniers, parmi lesquels Lopez et le colonel américain Crittenden, parent d'an des ministres des Etats-Unis. Les prisonniers furent fusillés ou garrottés le 1er septembre : le reste des pirates fut envoyé dans les prisons de la métropole.

La nouvelle de ces justes châtiments excita dans la NouvelleOrléans une émotion populaire : la maison du consul espagnol fut saccagée, et plusieurs établissements espagnols furent dévastés. Le ministre espagnol à Washington, M. Calderon de la Barca, demanda satisfaction de ces violences, et le gouvernement des Etats-Unis, qui s'était trouvé impuissant à les réprimer, dut, par une note en date du 13 novembre, exprimer son regret de ces scènes honteuses, et accorder les réparations demandées.

Nous n'avons plus à signaler, dans les rapports extérieurs de l'Espagne, que des traités de commerce, par exemple un traité avec la république de Nicaragua, ratifié le 22 juillet, et portant, de la part de l'Espagne, reconnaissance de l'indépendance du Nicaragua, et le traitement de faveur pour le pavillon espagnol.

PORTUGAL.

Déjà plus d'une fois on a assisté au spectacle des divisions intestines de ce malheureux pays. Sous la direction du comte de Thomar, le Portugal était entré dans une voie de réparation, d'autorité, de progrès: mais trop d'éléments dissolvants s'opposaient à une consolidation définitive. A la fin de l'année 1850, une fraction dissidente de la majorité chartiste, ayant à sa tête le frère même du président du conseil, unissait ses attaques contre la politique du comte de Thomar aux attaques du parti septembriste. Les uns voulaient une charte réformée et prétendaient concilier dans une politique nouvelle le principe monarchique et une

somme assez grande de libertés ; les autres, révolutionnaires timides ou déclarés, avaient pour mot d'ordre, les plus nombreux une régence, les moins nombreux une république plus théorique que pratique et qui se fût aisément conciliée dans leur pensée avec des honneurs, des titres et des places. Ces jacobins déclamateurs n'étaient guère autre chose que des incapables envieux ou des ambitieux déçus.

Mais, parmi les dangers qui menaçaient le gouvernement établi, le plus grave était dans ces grandes existences militaires, dans ces grands noms de vieille noblesse, dont l'influence est encore si puissante en Portugal. C'est de là que partit, en effet, la révolution nouvelle de 1851.

Il faut bien le dire, malgré dix-sept années d'existence, la dynastie régnante n'a véritablement pas de parti à elle dans le pays. Elle appartient à la première faction qui réussit à triompher des factions rivales. Respectée dans les provinces parce qu'elle est la royauté et que le Portugal est un pays profondément monarchique, elle n'y est pas aimée : car un pays monarchique n'a d'amour que pour un gouvernement fort. La faiblesse du monarque est la misère des sujets. Quant aux villes, grands centres d'action gouvernementale et révolutionnaire, la monarchie y est actuellement déconsidérée, soit par le spectacle plus rapproché de ses défaillances et de ses humiliations, soit par les longues et ignobles calomnies d'une presse sans frein.

C'est dans de semblables conditions qu'éclata tout à coup un soulèvement excité dans un corps de l'armée par le maréchal duc de Saldanha. Cette insurrection de caserne n'aurait eu aucun "succès et déjà le maréchal gagnait à toute vitesse la frontière d'Espagne, lorsqu'il fut rappelé par la nouvelle imprévue d'un mouvement qui venait d'éclater en sa faveur à Oporto.

Le comte Casal, gouverneur d'Oporto, avait eu vent des intelligences que le maréchal s'était ménagées dans la garnison: il avait fait arrêter un certain Sobral, commandant de la garde municipale, et quelques sergents du 9° chasseurs. Croyant s'être assuré ainsi de la fidélité de la garnison, il avait fait distribuer quinze jours de paye aux soldats. Cette dernière circonstance lui fut fatale. Avec cet argent, les soldats se mirent à boire. Leur

effervescence alla toujours croissant, et le 9° bataillon de chasseurs se prononça, à dix heures du soir, dans la caserne de Santo-Ovidio, aux cris de Vive la reine! Vive la charte! Vive le maréchal duc de Saldanha! Le 2o régiment d'infanterie et le détachement d'artillerie caserné dans le même édifice fraternisèrent avec le 9° chasseurs, et le pronunciamento fut décidé. Le colonel du 2e régiment, Joaquin de Sonsa Pinto Gardoso, qui fit quelque résistance, fut tué, ainsi que deux soldats du 9o chasseurs; le major Mecreles fut blessé. La troupe sortit et se dirigea vers Las Cadeas de Relazas, pour mettre en liberté le commandant Sobral ainsi que les deux sergents. A son arrivée au Largo do Carino, elle fut rejointe par le corps municipal, et, peu après, par le 6e régiment d'infanterie sous les ordres du colonel Moniz. On mit en liberté les prisonniers, et l'on fit des décharges en signe de réjouissance. Toute la troupe se forma en bataille sur le Campo Santo de Ovidio, et sur la place de Carino, où elle passa la nuit.

Le soir-même, le comte Casal, accompagné du 6e d'infanterie et du 6o de cavalerie, se rendit à la caserne de Santo-Ovidio, et donna l'ordre au colonel Moniz du 6e de ligne de charger les soldats, qui, devant la caserne criaient: Vive Saldanha! et tiraient en l'air. Le colonel Moniz refusa de faire feu alors le comte Casal piqua des deux et prit la fuite. Le lendemain, Oporto était au maréchal sans qu'il eût rien fait pour obtenir ce succès.

Ceci se passait le 25 avril. Une des premières mesures du gouvernement, lorsqu'il avait appris le départ de Saldanha, avait été la suspension des chambres. Celles-ci s'étant réunies reçurent communication d'un décret royal, à la date du 15 avril, prorogeant les Cortès générales jusqu'au 2 juin. Déjà le roi, général en chef de l'armée portugaise avait, le 9 avril, quitté Lisbonne pour prendre le commandement de l'armée. Mais, le 26 avril, on recevait à Lisbonne la nouvelle du mouvement d'Oporto. L'insurrection y régnait en maîtresse. Le colonel Cordova du 2e d'infanterie qui avait voulu ramener les soldats à l'obéissance avait été fusillé par eux. On attendait le duc de Saldanha pour organiser volte.

Ces nouvelles reçues à Lisbonne entraînèreut la démission immédiate du ministère le comte de Thomar, qui jugeait la situation perdue, s'embarqua à bord du Monrose et se réfugia à Vigo.

A partir de ce jour, l'insurrection triomphante a raison de la dignité royale. Le 27 avril, le duc entre à Oporto et y établit son quartier général. Toute la ville lui donne la bienvenue et lui fait une réception enthousiaste. Le 29, il passe en revue les troupes de la garnison et se met à la tête d'une armée insurrectionnelle. La royauté n'a plus qu'à courber la tête. Le 2 mai, le duc de Terceire renonce à former une administration. Un cabinet est formé par le baron de Luz, de la manière suivante : Président du conseil et ministre de la guerre, le duc de Saldanha; ministre des affaires étrangères et de l'intérieur, le baron de Luz; ministre ad interim de la guerre, de la marine et des colonies, M. Francos; ministre des finances et de la justice, M. Franzini.

Le 23 mai, le cabinet fut définitivement constitué comme suit: A la présidence du conseil, avec le portefeuille de la guerre, le maréchal Saldanha; aux affaires étrangères, M. Gervis; à l'intérieur, M. Jose-Ferreira Pestana, frère du maréchal, représentant du Portugal en Belgique ; à la marine, le marquis de Loulé; à la justice, M. Joaquim-Felipe Souré; aux finances, M. Franzini.

Dès lors, le maréchal Saldanha se complaît à l'abaissement de sa souveraine; il le fait largement constater par la nation tout entière; il en jouit avec intempérance; il en triomphe comme d'un succès qu'il n'espérait plus; il ne daigne même point employer ses soldats à imposer les volontés qu'il exprime; il ménage jusqu'à cet appareil de la force qui honore encore par son propre éclat la puissance qu'elle fait crouler. C'est par un aide de camp, c'est par une lettre qu'il change, à Lisbonne, ministres et fonctionnaires, qu'il intime des ordres sans réplique. Ce sont là de ces chutes morales dont un pouvoir ne se relève pas.

Le duc de Saldanha avait choisi ses principaux collègues dans les rangs de ce parti progressiste qu'il avait vaincu autrefois, après avoir été un de ses coryphées. Le premier acte du nouveau ministère fut une dérogation à la loi qui régissait la presse depuis

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