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le 3 août 1850. Un décret royal en date du 22 mai consomma cet acte, qui n'était autre chose qu'une avance faite au parti septembriste.

L'immense majorité de la nation s'était prêtée, avec une triste indifférence, à cette révolution militaire. Les ambitions particulières, les vanités et les intérêts personnels, l'appétit des fonctions publiques avaient seuls donné au dictateur des complices qu'il n'eût pas même osé espérer. Pas une seule ville, pas un village, pas une municipalité, pas une corporation n'avaient pris parti dans ce soulèvement fomenté par quelques factieux. La victoire ressembla à la lutte. Bientôt le maréchal se vit forcé de partager entre une multitude de compétiteurs le butin fait sur l'ennemi: l'administration tout entière dut être bouleversée pour satisfaire à des avidités sans nombre. Quant à l'armée, l'usage qu'on venait d'en faire l'avait démoralisée pour longtemps.

Les chefs septembristes et la junte de l'opposition libérale n'avaient pris aucune part ostensible à l'insurrection, bien que M. Silva Cabral et ses amis se fussent mis en rapport avec le duc de Saldanha. De leur côté, MM. Lavradio, Magalhaes et leurs partisans n'avaient pas donné signe de vie. Mais bientôt les exigences des partis extrêmes et les dangers de la situation se manifestèrent. Un mois après la révolution, la ville d'Oporto, qui avait assuré la victoire au maréchal, n'était déjà plus à lui; elle courbait la tête sous le régime d'une terreur organisée par une infime minorité de la démagogie. Les sociétés secrètes, représentées par la Patuleia, y régnaient en souveraines maîtresses. Un corps d'environ 2,000 individus, embrigadés. et armés tant bien que mal par les chefs du parti anarchique, y faisait la loi à tous les honnêtes gens et se permettait impunément toutes les violences. Déjà l'armée, tout à l'heure complice de la révolution, y était considé rée comme un instrument de réaction et accablée d'outrages. On lui reprochait comme une trahison le peu de discipline qu'elle avait conservé.

Si Oporto était en proie à l'anarchie, Lisbonne n'en était défendue que par les forces imposantes de l'escadre anglaise, envoyée pour empêcher toute agression directe contre la couronne de la reine dona Maria.

Le gouvernement nouveau allait cependant subir l'épreuve du suffrage public. Il avait inauguré une loi électorale nouvelle; la base de ce système était l'élection indirecte; les électeurs des députés seraient élus dans des assemblées primaires de paroisses, le 28 septembre. Il faudrait, pour être électeur, payer sur un bien-fonds ou autre un impôt de 10,000 réis; avoir un emploi dans les corporations, les hospices et hôpitaux, ou payer 5,000 réis sur des biens ruraux. Seraient aussi électeurs les chefs de famille qui auraient évidemment des moyens de subsistance provenants de propriété, commerce, industrie, emploi, pourvu qu'ils eussent douze mois de résidence dans le district où ils se présenteraient pour voter, comme aussi ceux revêtus des degrés scientifiques et littéraires; les employés en activité ou en retraite et ceux qui auraient appartenu à des départements supprimés; c'était, en un mot, presque le suffrage universel. Il serait choisi dans chaque district une commission pour la formation des listes électorales; à Lisbonne et à Oporto, une commission siégerait à cet effet dans chaque quartier. Tout individu qui se croirait lésé ou dont le nom ne serait pas inscrit, pourrait en appeler à l'autorité compétente.

Les électeurs des colléges électoraux devraient payer un impôt double de celui ci-dessus spécifié, excepté ceux qui pourraient être électeurs en vertu de leur emploi, degrés, pension ou toute autre cause. Ne pourraient être nommés électeurs ni députés les employés de la couronne, non plus que ceux attachés à la maison royale.

Les élections primaires auraient lieu dans les paroisses de 300 à 1,000 feux qui constitueraient une assemblée électorale; les paroisses qui ne contiendraient pas le nombre de feux nécessaire (300) se réuniraient à d'autres pour l'exécution du décret. Chaque assemblée primaire nommerait un électeur pour chaque 150 votants. L'élection des députés aurait lieu dans les circonscriptions électorales; une circonscription électorale serait composée de 6,500 à 7,000 feux, et enverrait un député aux Cortès.

L'indifférence de la nation, qui n'est en aucune façon préparée pour le régime constitutionnel, la victoire récente du maréchal,

les cupidités excitées par l'appât des places et des faveurs amenèrent une facile victoire.

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Mais ce n'était pas assez que d'avoir une majorité dans le Parlement il fallait encore gouverner. Or, le dictateur avait ébranlé les bases mêmes du gouvernement; il avait détruit le respect de l'autorité, la discipline militaire; il s'appuyait à la fois sur deux éléments hostiles: le parti chartiste, qu'il essayait de gagner par des concessions de principe que ne justifiaient en rien les faits, et le parti septembriste, qu'il gorgeait de places et d'argent.

A la fin de l'année, le nouveau gouvernement n'avait encore à présenter d'autre résultat qu'une banqueroute partielle. Un décret du 3 décembre capitalisait en inscriptions de rentes 4 pour cent au pair les intérêts de la dette consolidée intérieure et extérieure, les intérêts dus à la banque de Portugal et les traitements d'activité et de retraite dus pour les trois années écoulées. Chacune de ces mesures renfermait une confiscation déguisée. Ainsi le gouvernement du duc de Saldanha ébranlait encore une des bases de la société civile, le crédit.

CHAPITRE VII.

GRANDE-BRETAGNE.

Bill des titres ecclésiastiques, scandales popu laires, crise ministérielle, abandon des clauses les plus importantes du bill, vote; oppositions, protestation en Irlande, création d'un nouveau siége épiscopal, progrès du catholicisme, faiblesse de l'établissement anglican. Situation des finances et de l'industrie; exposition universelle, ses résultats; exposé financier, abandon de la taxe sur les fenêtres, excédant de recettes; le revenu public; le budget; les chemins de fer. Questions extérieures; les réfugiés; encouragements à la révolution en Europe; chute de lord Palmerston ; terreurs britanniques.

AMÉRIQUE. États-Unis

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Soixante-seizième anniversaire de la déclaration d'indépendance; pose de la première pierre du nouveau Capitole à Washington; discours de M. Webster; progrès immenses de l'Union; importations et exportations; navigation ; Californie, son avenir; influence de la découverte de l'or sur la civilisation générale. Relations extérieures; le principe d'intervention; querelle avec l'Autriche; réception de M. Kossuth; expédition contre Cuba. Brésil. — État général du pays; ouverture de la session législative; discours impérial; les partis et les hommes; les adresses; les ministères, finances, guerre, marine, affaires intérieures, justice, Eglise; la traite et la colonisation; travaux publics. Questions extérieures; affaires de la Plata; intervention; origines de la question; la diplomatie européenne, ses résultats ; le traité Leprédour; entrée en campagne des forces brésiliennes et d'Urquiza; défaite d'Oribe; prise de Montévidéo; traités signés avec l'Uruguay et le Paraguay ; rôle nouveau du Brésil dans l'Amérique du sud.

États de la Plata.

Finances; intervention brésilienne.

Chili. - Modifications à la législation maritime; négociations commerciales avec la France.

GRANDE-BRETAGNE.

Au milieu du mouvement de progrès matériel qui entraîne les forces productives de la Grande-Bretagne, un événement moral d'une haute portée est venu tout à coup révéler la faiblesse de cette organisation, si puissante en apparence, du Royaume-Uni. On se rappelle quelles colères avaient accueilli dans le protestan

tisme la bulle par laquelle le saint-père avait institué dans la Grande-Bretagne des circonscriptions diocésaines. Excité par une lettre de lord John Russell, lettre écrite à l'évêque de Durham et dans laquelle un ministre anglais insultait à la religion d'une partie considérable de la nation, le fanatisme anglican avait organisé des démonstrations populaires dignes du moyen âge. C'est par des scènes honteuses que le protestantisme avait célébré, l'année précédente, l'anniversaire du 5 novembre. Cette année, au milieu du calme qui avait succédé à l'agitation antipapale, des orgies non moins scandaleuses eurent lieu dans la plupart des villes de province. On ne saurait croire, si on ne les avait vues, à ces saturnales tolérées par le gouvernement d'une nation civilisée. Ce n'était pas assez d'insulter dans le saint-père un monarque de l'Europe, on blasphémait de la manière la plus hideuse la mère de Dieu.

Quelques sages esprits s'effrayaient de ces violences. Vous excitez le peuple, disaient-ils, à crier: No popery! qui vous dit que bientôt il n'en arrivera pas à crier: No church! après: A bas le Pape! A bas l'Eglise! Et pense-t-on qu'après ces deux triomphes, la populace ameutée s'arrêtera en si beau chemin? Dans un pays où l'Eglise officielle est si intimement unie à l'Etat, ne craignez-vous pas que l'ébranlement de l'établissement religieux ne cause celui de l'édifice politique? Tous les respects se commandent et se tiennent. Qui détruit l'un, détruit les autres. Et quand on a déchaîné les populations contre cette autorité, il ne faut pas s'étonner si elle se tourne contre cette autre.

Cependant lord John Russell avait annoncé un bill pour réprimer ce qu'on appelait l'agression papale. A l'ouverture du Parlement (4 février), le discours royal déclara que le gouvernement prendrait des mesures pour défendre la suprématie anglicane, tout en respectant la liberté religieuse.

Le 8 février fut présenté, en effet, un « bill pour empêcher de prendre certains titres ecclésiastiques dans les places du RoyaumeUni. » Le bill punissait cette usurpation d'une amende, annulait tous les actes accomplis, et invalidait toutes donations et substitutions faites aux catholiques en vertu de pareils titres.

L'immense et confuse discussion qui s'engagea sur ce bill fut

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