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tout à coup interrompue par un échec que subit le ministère à propos d'une réforme de détail proposée par M. Locke-King, sur le droit de vote des tenanciers. Le 24 février, le cabinet donna sa démission: mais en vain lord Stanley et les Peelites. cherchèrent à former une administration nouvelle: il fallut que le cabinet tombé remontât au pouvoir.

A la seconde lecture, grâce à la crise ministérielle, le bill des titres ecclésiastiques s'était vu réduit à la première clause, à la moins sérieuse, c'est-à-dire à l'amende. Ainsi mutilé, ce bill qu'on avait si fièrement annoncé, passa à la majorité de 478 voix contre 95. Il fut voté à la Chambre des lords à 227 voix de majorité et reçut la sanction royale le 1er avril (voyez le texte à l'Appendice).

Des hommes considérables du parti protestant avaient fait à cette mesure dérisoire une opposition sérieuse. Le duc d'Aberdeen en avait demandé le renvoi à six mois. Sir James Graham s'était attaché à faire ressortir les équivoques, les doutes, et par suite les dangers de la première clause du bill, et avait vu dans cet article une aggravation des deux clauses abandonnées par le ministère dans le premier projet soumis à la Chambre. Si tout acte, bref, rescrit émané de Rome était nul et illégal devant les tribunaux anglais, si toute juridiction spirituelle exercée en vertu de ces brefs était nulle et illégale, l'Angleterre et l'Irlande se trouveraient, par le fait de l'adoption de la loi, privées d'évêques, si cela pouvait être. Les archevêques et évêques d'Irlande, qui avaient toujours. eu des titres locaux, ainsi que les nouveaux évêques d'Angleterre, ne pourraient plus ordonner, ou, s'ils passaient outre et administraient le sacrement de l'ordre, leurs prêtres ne pourraient pas marier sans s'exposer à voir les tribunaux, sur la demande de l'une des parties, prononcer la nullité du mariage.

La première protestation contre la loi devait partir de l'Irlande, où une nouvelle association venait d'être organisée sur les bases de la célèbre association catholique qui, en 1829, emporta l'émancipation. La reine, en sanctionnant le bill, avait donné le signal d'une agitation religieuse qui allait rappeler les jours d'O'Connell. Le premier meeting de l'association eut lieu à Dublin le 6 août, jour anniversaire de la naissance du tribun qui fut

surnommé le libérateur de l'Irlande. La convocation du meeting était signée par vingt-cinq archevêques et évêques, par trente membres du Parlement et par un grand nombre de magistrats, de membres de l'aristocratie, d'hommes éminents dans toutes les professions libérales.

Au moment même où l'Angleterre protestante refusait au souverain pontife le droit d'ériger des siéges épiscopaux et de nommer des évêques dans toute l'étendue de l'empire britannique, le saint-siége répondait aux clameurs anglicanes en usant de nouveau de son droit et en exerçant l'autorité qu'on lui déniait. Le pape érigeait en Irlande un nouveau siége épiscopal. Le diocèse de Cloyne et Ross était divisé en deux, et S. S. Pie IX nommait un évêque au nouveau diocèse.

Voici maintenant quel a été le résultat inévitable de cette tentative ridicule de persécution.

L'année 1851 a vu, en Angleterre, un mouvement heureux et bien significatif de retour vers le catholicisme. Sans parler des couvents et des congrégations religieuses, dix-neuf églises nouvelles se sont élevées sur le sol de la Grande-Bretagne, et c'est par centaines qu'il faut compter le nombre des conversions, même parmi les ministres de l'Église anglicane (1).

Ainsi chancelle, sous la main si faible en apparence du chef de l'Eglise catholique, l'un des supports les plus puissants du gigantesque édifice britannique, la hiérarchie épiscopale. L'Eglise anglicane, manquant à son sommet d'une autorité spirituelle qui précise le dogme, attise la foi, entretienne la discipline, est émiettée peu à peu par le puséisme, qui ramène au catholicisme les hommes de foi, et par l'ultra-rationalisme, avec ses conséquences de scepticisme révolutionnaire.

(1) Citons, entre beaucoup d'autres, les révérends Bedford et Dodsworth, curés de l'église du Christ, le révérend Harpes, le révérend Vale, de la chapelle du palais de Buckingam: à Lieds, les révérends Rooke, Coombs et Crawley, tous trois curés de Saint-Sauveur; à Chichester, le vénérable archidiacre Manning; à Bristol, le révérend Towry Law, frère de lord Ellenborough. Parmi les convertis de distinction, on remarque M. Hope, l'un des conseillers de la reine, rédacteur du Morning-Chronicle; lord Nigel Kennedy, en Ecosse; la marquise de Lothian, lady Newry, lady Howard, lady Peat et sa famille, sir Vere de Vere et sa famille, sir J. Talbot, amiral de la flotte et grand commandeur de l'ordre du Bain, etc.

La session fut, du reste, singulièrement stérile. En dehors des questions religieuses, le Parlement n'eut guère à s'occuper que de la situation financière et de l'industrie.

Ces questions furent dominées, cette année, par un grand fait, le concours industriel de toutes les nations dans le palais de cristal d'Hyde-Park. Nous avons dit ailleurs comment la Grande-Bretagne, à la faveur de nos divisions intérieures, s'était habilement emparée de cette idée toute française. La première colonne du palais fut posée le 26 septembre 1850. L'exposition, ouverte le 1er mai 1851, fut close le 15 octobre; elle avait, durant ces cinq mois et demi, attiré sept millions de visiteurs tant du RoyaumeUni que de toutes les parties du monde, et ses recettes s'étaient élevées à une somme de plus de 13 millions de francs. C'est au moyen de ressources individuelles, sous la direction éclairée du prince Albert, que toute cette affaire avait été conduite.

Le 15 octobre, les exposants furent réunis dans le palais de cristal pour une dernière cérémonie : le vicomte Canning, président du conseil des exposants, présenta au prince Albert, président de la commission royale, les rapports du jury international, et proclama les noms des exposants que le jury avait jugés dignes de récompense.

La Grande-Bretagne comptait 9,970 exposants; la France, 1,750; le Zollverein, 1,450; l'Autriche, 750; les Etats-Unis, 600; la Belgique, 520; l'Espagne, 475; la Russie, 376; la Turquie, l'Egypte, Tunis, la Perse, la Grèce, 300; la Suisse, 280; l'Italie, 280; l'Allemagne du Nord, 170; les Etats scandinaves, 170; le Portugal, 128; la Hollande, 120; la Chine, le Brésil, le Chili, la Nouvelle-Grenade, etc., 64. Le jury international était composé de 314 membres.

Le globe tout entier avait donc répondu à l'appel. La GrandeBretagne et la France occupèrent dans ce concours des nations un rang exceptionnel; mais, peut-être, en raison de ses longues. et pacifiques prospérités, le Royaume-Uni n'avait-il pas déployé toute la puissance industrielle dont il espérait écraser le reste du monde.

L'exposition universelle paraît appelée à exercer une influence sérieuse, inattendue sur la direction industrielle de l'Angleterre.

Au milieu de sa grande prospérité commerciale, de sa prépondérance marquée sur presque tous les marchés du monde, le Royaume-Uni semblait avoir quelque raison de se croire de beaucoup le plus avancé en industrie. Mais la comparaison forcée entre les produits de son activité et ceux des autres nations ne pouvait lui laisser ignorer plus longtemps que le côté artistique de l'industrie était resté chez lui en arrière.

Un savant anglais, membre du comité directeur de l'exposition, pouvait prononcer les paroles suivantes devant la Société des Arts:

<< Dans toutes les fabrications où la science et l'art entrent comme éléments de progrès, nous avons vu, comme une loi fatale, que les nations qui les cultivaient le plus avaient les devants. Nos manufacturiers ont été surpris de voir la plupart des nations étrangères se rapprocher de nous, et quelquefois nous surpasser dans les fabrications qui nous appartenaient de droit héréditaire et traditionnel. >>

En faisant la part de l'orgueil national, on trouvera l'aveu explicite.

Aussi l'Angleterre, qui sait profiter de tous les enseignements, allait-elle s'empresser de remédier à cette infériorité relative. Le reliquat de fonds que les ressources de l'Exposition avaient laissé disponible, allait servir à régénérer l'enseignement industriel, par la fondation d'une vaste institution, où les arts et les sciences seraient professés sur une large échelle et élevés à la hauteur des progrès révélés par le génie des peuples rivaux.

L'exposé financier fait par le chancelier de l'échiquier constata des résultats satisfaisants. Le chancelier proposait l'abolition de la taxe sur les fenêtres (1,856,000 liv. sterl.), et la remplaçait par une taxe sur les maisons, proportionnelle au revenu. La taxe nouvelle ne produirait que 720,000 liv. sterl. Malgré cet abandon, les recettes de l'année présenteraient un excédant de près de 1 million de livres sterling. Cet excédant fut appliqué aux éventualités de la guerre qui se continuait en Cafrerie.

Le tableau du revenu public, pour l'exercice 1851, accusait une certaine diminution dans les recettes du Trésor. De 50 millions 16,314 livres sterling, elles étaient tombées à 49 millions 489,267

livres sterling, présentant ainsi une réduction de 527,047 livres sterling, soit de 13 millions 180,000 fr. environ. Deux branches avaient cependant donné des excédants, savoir: douanes, 146,189 livres sterling, et excise, 89,209 livres sterling. Mais la taxe sur le revenu faisait voir une diminution considérable : 796,216 livres sterling. Celle des postes présentait au contraire un excédant de 244,000 livres sterling, résultat d'autant plus remarquable que depuis longtemps le service des transports étrangers avait cessé de donner des bénéfices.

En somme, si l'on tient compte de l'abaissement qui avait eu lieu dans le tarif des sucres et dans le droit du timbre, on peut en conclure que la situation n'avait rien en soi de défavorable, du moins en ce qui concerne l'année financière, mais il est à remarquer que le dernier trimestre avait été fortement affecté : il donnait un déficit de 713,547 livres sterling, soit d'environ 17 millions 840,000 fr.

Voici le détail des services du budget finissant au 5 janvier 1851 :

Recettes ordinaires. (REVENU NET.)

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Annuités et pensions civiles, navales, militaires et judiciaires.

384,664

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