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pital et des banques colossales s'établissaient sans base sérieuse. Qui pouvait affirmer qu'une crise grave ne terminerait pas brusquement ces folles aventures?

Les relations de l'Union avec les puissances étrangères sont, depuis quelque temps, sinon compromises, au moins atteintes par la nouvelle doctrine de l'immixtion dans les affaires des pays étrangers toutes les fois que la liberté des peuples peut sembler menacée. Cette doctrine si contraire à celle de la non-intervention qui, depuis la déclaration d'indépendance, fit la grandeur de l'union américaine, favorise les entreprises ambitieuses de tous les intrigants et de tous les agitateurs politiques de l'Europe. Attirées par cette faveur que l'esprit démocratique américain accorde à toute insurrection, des insurgés vaincus de tous les pays de la terre se donnent rendez-vous sur le sol hospitalier de l'Amérique. Cette écume du vieux monde, qui se répand sur le nouveau, menace de dénaturer les sages institutions et l'esprit d'ordre des Américains.

L'insuccès de l'insurrection hongroise fut ainsi le prétexte d'une manifestation inouïe dans les annales de la diplomatie. Déjà, l'année dernière, le général Cass avait demandé au gouvernement la cessation compléte des relations avec l'Autriche. Le cabinet whig avait fait dans cette voie, un pas des plus graves. Un chargé d'affaires, M. Dudley Mann, avait été envoyé auprès du gouvernement révolutionnaire de la Hongrie. L'Autriche victorieuse évoqua ce souvenir par une protestation énergique de son ministre, M. le chevalier Huselmann. Une réponse insultante de M. Daniel Webster fut bientôt suivie d'un acte plus étrange encore, la réception faite à M. Kossuth que le gouvernement turc mit en liberté le 1er septembre, ainsi que les autres réfugiés hongrois, Une frégate à vapeur de l'Union fut mise à la disposition de M. Kossuth et de ses compagnons.

Toutefois, le gouvernement de Washington déplora bientôt la pensée qui avait attiré en Amérique ce brandon d'anarchie. Lé président Fillmore dans son message au congrès le 13 décembre, se hâta de se débarrasser de toute responsabilité en priant le congrès de décider ce qu'il voulait faire pour M. Kossuth. Quelques têtes chaudes du Sénat demandaient qu'une députation de cette assem

blée se rendît à New-York pour inviter solennellement le chef hongrois à se rendre au siége du gouvernement. Mais la motion fut repoussée, ainsi que plusieurs autres propositions trop significatives, et enfin après huit jours de discussion, le Sénat adopta une motion qui décernait à M. Kossuth une bienvenue, un simple wellcome, sans aucune signification politique. La Chambre des représentants ne s'était pas encore à la fin de l'année occupée sérieusement de ce grave sujet; elle avait seulement entendu une motion projetant d'expulser M. Kossuth du territoire américain, comme cherchant à y troubler la paix publique. Ces lenteurs calculées, et les discours par lesquels le congrès repoussait unanimement toute idée d'intervention en Europe, tous ces échecs irritèrent l'ex-dictateur, et, dans sa réponse à la députation de Philadelphie, il répondit avec dédain qu'il ignorait s'il se rendrait dans cette ville, que cela dépendrait de ce que le congrès ferait pour lui, et que s'il avait su le peu d'empressement qu'on montrerait à l'accueillir à Washington, il ne serait pas venu en Amérique.

La réception faite à M. Kossuth n'eut donc point l'éclat sur lequel avaient compté ses partisans. Une motion fut présentée au sénat par M. Foot, pour qu'une invitation officielle fût adressée à l'ex-dictateur, et pour que sa réception en Amérique prît le caractère d'une fête nationale. Cette proposition rencontra si peu de sympathie, que son auteur fut obligé de la retirer. Une proposition plus modeste, présentée le lendemain par M. Seward, sénateur de l'Etat de New-York, fut ajournée à huitaine, de façon à ce qu'elle ne pût être discutée avant l'arrivée de M. Kossuth à Washington.

M. Kossuth avait espéré exciter aux Etats-Unis des passions politiques sérieuses et productives, il n'y rencontra que cette enthousiaste curiosité qui, quelques mois auparavant, avait fait cortége à deux chanteuses, Jenny Lind et Catherine Hayes, qui, quelques mois plus tard, allait l'abandonner pour une nouvelle étoile, la danseuse Lola Montez, héroïne de scandales récents.

Une autre affaire, l'expédition de forbans préparée au grand jour contre l'île de Cuba, et dont nous avons plus haut raconté la triste issue (voyez Espagne) montra une fois de plus ce qu'est

devenu le sens moral dans l'Union. Jusqu'à ce jour, il est vrai, el gouvernement de Washington avait montré une louable intention de s'opposer à ces violations d'un territoire ami, et d'observer l'esprit des traités qui le lient à l'Espagne ; des navires de guerre étaient en croisière sur toutes les côtes pour arrêter loyalement tout bâtiment suspect. Mais le pouvoir fédéral a peu d'action dans les États particuliers, et celle que lui accordent les lois est encore paralysée par la popularité honteuse qu'ont acquis les projets d'annexion de Cuba. L'année dernière le jury avait acquitté tous les acteurs et complices de l'expédition de Cardenas, et la certitude de l'impunité enhardissait les partisans de Lopez. De plus, si le parti whig, actuellement au pouvoir à Washington, répudiait toute acquisition de Cuba par des moyens si peu honorables, le parti démocrate, qui se flattait de porter son candidat à la prochaine présidence, n'était pas animé des mêmes scrupules, et il était à craindre qu'on ne le vît seconder secrètement les tentatives de ce genre, et s'empresser de reconnaître ensuite les faits accomplis.

BRÉSIL.

L'année 1851 a été en tous points favorable au Brésil; son influence politique s'est accrue singulièrement et il a pesé d'un poids sérieux dans les affaires de la Plata. Sous l'impulsion intelligente du ministère conservateur du 29 septembre 1848, l'administration publique de ses immenses provinces, les travaux publics, le commerce, l'industrie, la navigation, les finances ont pris un développement inattendu.

La session législative s'ouvrit le 3 mai, par un discours dans lequel S. M. l'Empereur faisait part de la situation favorable des relations avec les puissances étrangères, du bon état des finances, du désir sincère du gouvernement de travailler aux réformes possibles. S. M. annonçait que l'extinction presque totale de la traite des noirs allait être bientôt la conséquence de la loi du 4 septembre 1850, et que le gouvernement brésilien allait être obligé de faire respecter ses nationaux sur les frontières de l'Etat oriental (voyez le texte à l'Appendice).

Le ministère se composait à cette époque, de M. le vicomte de Montalegre, président du conseil, et de MM. Paulino Soares, Rodrigues Torres, Eusebio de Lueiróz, Felisardo et Tosta. Le Sénat et la Chambre des députés nommèrent à la presque unanimité, MM. Araujo Vianna et Mendes dos Santos, présidents, tous deux candidats du gouvernement. Les commissions de l'adresse eurent le même sort. MM. Carneiro Leaô, Linpo d'Abreu, et le vicomte d'Olinda, formèrent celle du Sént; MM. Pereira da Silva, Aprigio et Maciel Monteiro, celle de la Chambre des députés. La majorité assurée au cabinet était immense et les deux adresses furent rédigées dans les vues les plus favorables à sa politique extérieure et intérieure.

La discussion fut cependant longue et vive. MM. Alves Branco, Alencar, et Hollanda au Sénat, et MM. Sousa Franco et Mello Franco à la Chambre des députés, combattirent le ministère et attaquèrent avec force sa politique; mais le ministère soutint dignement la lutte et par ses membres, tous choisis parmi les illustrations du pays, et par les membres des commissions de l'adresse, la plupart orateurs remarquables.

Selon les habitudes du parlement brésilien, après la discussion de l'adresse vient celle des budgets, et c'est alors que chaque ministre expose devant les yeux du public les actes de son administration; la discussion de l'adresse ne roule que sur la direction générale de la politique; celle du budget descend aux dé. tails, et c'est par elle qu'on peut juger de l'état véritable du pays.

L'administration des finances présenta cette année, des résultats satisfaisants; le ministre, qui à son entrée au gouvernement en 1848 n'avait trouvé qu'une recette de 26,000,000,000 de réis c'est à dire 80,000,000 de francs, l'avait fait monter en 1850, à 30,000,000,000 de réis ou 96,000,000 de francs, et il promettait qu'en 1851 elle monterait encore à 33,000,000,000 de réis, ou 105,000,000 de francs, car les douanes augmentaient leurs produits avec l'accroissement du commerce et de la navigation et les douanes, c'est-à-dire les impôts indirects d'importation sont la base de tout le système financier brésilien.

A l'administration de la guerre on remarquait que l'armée

n'avait jamais été portée à un chiffre aussi imposant; il atteignait 26,000 hommes de toutes les armes; les arsenaux avaient reçu de larges approvisionnements; on faisait relever les fortifications dans la province de Rio Grande do Sul, à Matto Groño, et au Para; on avait engagé au Holstein, près de 2,200 hommes allemands. surtout artilleurs, et quelques excellents officiers.

A la marine tout était en progrès aussi. En deux ans on avait fait l'acquisition de plusieurs frégates à vapeur de guerre, et de quelques corvettes à voiles; l'activité se faisait sentir dans tous les services; une administration aussi bien réglée fermait enfin des plaies jusqu'alors saignantes, car jusqu'alors la marine avait été singulièrement négligée, et il fallait de grands efforts pour la relever. Une bonne marine se crée avec difficulté ; mais elle se détruit avec une facilité étonnante. On pourrait dire qu'avant le ministère du 29 septembre 1848 le Brésil n'avait pas réellement de marine; mais cette année il en présentait une excellente et qui fit ses preuves à la Plata, où une trentaine de bâtiments à vapeur et à la voile soutinrent dignement l'honneur du pavillon brésilien.

A l'administration des affaires intérieures de police, de justice et de l'Église, le ministre M. Gueiroz, avait voulu prouver qu'il n'était pas moins habile administrateur, qu'orateur distingué. Une scrupuleuse surveillance, une probité inattaquable, une étonnante activité, avait été déployée par ce ministre, le plus jeune de tous ses collègues. Il avait réformé la garde nationale, l'administration de la justice, et celle des prisons; il avait poursuivi l'exécution du traité de septembre sur la traite des noirs avec une grande loyauté. On pouvait dire que la traite était condamnée au Brésil; mais ce résultat n'était pas dû aux efforts du gouvernement britannique, dont les actes violents ne faisaient que surexciter les justes antipathies de la nation. Cette loi de 1850 qui proclamait la traite acte de piraterie avait déjà pour effet, non pas sans doute d'éteindre, mais de restreindre sensiblement le commerce des esclaves dans l'Empire. La part prise par le gouvernement impérial dans la répression de cet infâme trafic avait été des plus loyales. Plus de cent facteurs portugais avaient déjà dû renoncer au commerce des noirs et un seul marchand d'esclaves, de la famille de Fonseca, avait per

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