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RAPPORT

Fait par M. Fould et contenant l'exposé de la situation financière. << Monseigneur,

» Vous pensez que la publicité est la plus sûre garantie d'une bonne gestion financière, et au commencement d'une année nouvelle, quand il est possible de constater avec exactitude le chiffre des revenus publics pendant l'année précédente, vous m'avez demandé de vous présenter et de porter à la connaissance du pays l'exposé général de la situation de nos finances.

» Pour répondre à vos vues, je dois vous entretenir des charges que le passé a léguées au présent, des modifications apportées à divers impôts, des dépenses qu'ont pu nécessiter les derniers événements, de celles qui pèsent sur l'avenir et des ressources du Trésor.

» Les découverts des exercices antérieurs à 1851 peuvent être aujourd'hui indiqués avec certitude. Ils s'élevaient, au 1er janvier 1848, à 292 millions; l'exercice 1848, grâce à des ressources

extraordinaires montant à plus de 560 millions, n'a aggravé cette situation que de 3 millions, auxquels l'année 1849 a ajouté un nouveau découvert de 214.

>> Le déficit de l'exercice 1850 dépassera à peine 36 millions, ainsi qu'il résulte du compte définitif qui en est aujourd'hui établi. Il est vrai que ce résultat favorable tient à ce qu'il a été possible d'appliquer au budget 50 millions de ressources extraordinaires provenant 11 millions et demi de la négociation d'obligations de la Compagnie du chemin de fer de Rouen, et 38 et demi des rentes qui faisaient partie du portefeuille des Caisses d'épargne au moment de leur liquidation. Sans cette ressource, le découvert de 1850 eût été de 86 millions; mais la dépense des travaux extraordinaires, chemins de fer et autres, s'étant élevée à 92, il en résulte que l'année 1850 a présenté sur le budget ordinaire un excédant de 6 millions, au lieu de laisser un déficit. En résumé, tous ces découverts réunis s'élèvent à la somme de 545 millions, savoir :

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>> Ce sont là des faits accomplis et définitifs : l'avenir n'apportera aucun changement aux chiffres qui viennent d'être indiqués.

>> Quant à l'année 1851, le montant des recettes peut être dès aujourd'hui fixé avec précision; mais l'exercice ne devant être clos qu'au 31 août, le chiffre des dépenses ne peut être évalué qu'approximativement.

>> Les revenus de l'État, dans le cours de cette année, ont naturellement subi l'influence des agitations et des incertitudes de la politique. Le budget les évaluait à 1 milliard 371 millions; ils resteront de 11 millions au-dessous de cette somme, et ne dépasseront pas le chiffre de 1 milliard 360 millions, soit 2 millions au-dessous du chiffre réalisé en 1850. La diminution sur les prévisions du budget porte pour 6 millions sur le produit des forêts, et pour 19 sur les revenus indirects. D'un autre côté, il y a une augmentation de 2 millions 500,000 fr. sur les contributions directes, résultant de l'impôt sur les constructions nouvelles, de l'accroissement du produit des patentes, et de 11 mil lions d'augmentation sur les produits divers. C'est ainsi que la différence entre le chiffre prévu et le chiffre réalisé se trouve réduite à 11 millions environ.

» La réduction sur le produit des forêts constitue moins une perte qu'un retard; elle tient à ce que des coupes n'ont pu être vendues; la reprise des affaires en assure la réalisation à des conditions avantageuses pour l'exercice prochain.

>> C'est surtout dans les trois derniers mois que la diminution des revenus s'est manifestée. En effet, les neuf premiers dépassent de 12 millions ceux de la période correspondante de l'année 1850, et cette augmentation a été complétement absorbée par la perte sur le dernier trimestre.

>> Quand on examine séparément les différentes branches du revenu, on remarque que les contributions indirectes proprement dites présentent sur l'année précédente une augmentation de 9 millions 400,000 fr., et que la diminution porte pour 6 millions sur les droits de douane, et pour plus de 4 millions sur les droits de timbre et d'enregistrement, qui, si on tient compte de 16 millions

sur

produits par les impôts nouveaux les mutations et le timbre, ont baissé de près de 20 millions. Ainsi les événements politiques ont exercé leur action sur les droits qui grèvent les transactions, et n'ont pas empêché l'augmentation de ceux qui attestent le plus positivement le bien-être et l'activité des classes les plus nombreuses. L'altération qu'ont éprouvée certaines branches du revenu ne sera, nous pouvons l'espérer, que passagère; elle fera bientôt place à une augmentation d'autant plus considérable que l'affermissement de l'ordre et le rétablissement de la confiance vont donner et donnent déjà une grande activité aux affaires.

» Les dépenses de 1851 ne peuvent encore être évaluées qu'approximativement; les crédits ouverts ou à ouvrir sur cet exercice s'élèveront à 1 milliard 409 millions pour les dépenses ordinaires, à 77 millions pour les travaux extraordinaires, et seront atténués d'au moins 40 millions par les reports et les annulations qui les réduiront à environ 1 milliard 446 millions pour les deux services réunis. Le découvert de l'exercice 1851 sera donc de 86 millions, et portera à 630 millions l'ensemble des découverts.

>> Il est utile de constater, en parlant de l'exercice 1851, que les événements du 2 décembre n'ont mis à la charge de l'État qu'une dépense extraordinaire de 500,000 fr., savoir: 300,000 fr. de crédits supplémentaires sur les fonds secrets de police générale et 200,000 fr. pour réparation de dommages causés aux propriétés privées et aux personnes. Tous les autres crédits ouverts par décrets, depuis cette époque, en dehors des prévisions du budget, ont pour objet des dépenses de service et d'utilité publique indépendants des événements. La plupart avaient fait l'objet de propositions de loi ou avaient été compris dans les prévisions du gouvernement communiquées à la commission du budget de l'Assemblée.

>> Pour présenter les choses d'une manière complète, il faut tenir compte des éléments qui atténuent et expliquent cette situation. Les découverts proviennent en très-grande partie de la dépense des travaux publics, et principalement des frais causés par la construction des chemins de fer. Ces frais ne resteront

pas entièrement à la charge de l'Etat : ils seront réduits du montant des somdues par les Compagnies concessionnaires soit pour prêts, soit pour remboursements de travaux exécutés par l'État; ils ne constituent réellement que des avances dont le recouvrement est assuré. Si l'on admet en déduction des découverts les sommes dues par les Compagnies des chemins de fer à l'Etat (1), et qui s'élèvent à 197 millions, le chiffre en est réduit à 433 millions.

» Je dois mentionner ici, sans la faire entrer en compte, la créance de la France sur l'Espagne, qui s'élève aujourd'hui, par l'accumulation des intérêts, à plus de 100 millions.

» En établissant ainsi la situation financière, je me place plutôt au point de vue du budget et de la liquidation définitive des dépenses de l'Etat qu'au point de vue de la trésorerie; celle-ci a des ressources particulières qui, avec l'ordre et la paix, assurent le service sans difficulté, et permettent d'attendre les échéances de ces diverses rentrées.

» Tel est l'état exact des résultats financiers des quatre dernières années : pour apprécier les causes des découverts successifs qui sont venus grever l'avenir, et les efforts du gouvernement afin de rétablir l'équilibre dans le budget, il est nécessaire de placer en regard l'exposé des différentes lois de finances intervenues pendant la même période.

» La révolution de Février, en troublant l'ordre et en alarmant la propriété, avait non-seulement ébranlé le crédit et tari les sources de la fortune publique et de la fortune privée, mais elle avait, en outre, en pour conséquence la suppression d'une partie des impôts. La réforme postale et la réduction des droits sur le sel avaient seules imposé à l'Etat une dimiuution de revenu de 57 millions.

(1)

>> C'est sur ces bases ébranlées que votre gouvernement avait la tâche difficile de reconstruire tout notre édifice financier; dans l'accomplissement de ce devoir, ni le courage ni la persévérance ne lui ont manqué.

» L'élévation du port des lettres de 20 c. à 25 c., l'extension des droits de mutation aux inscriptions de rente et l'augmentation des droits qui pèsent sur la transmission des biens meubles, par décès ou à titre gratuit; une réforme de l'impôt des patentes ayant pour objet de dégrever les dernières classes des patentables et de soumettre aux droits les professions libérales; la création de droits de timbre sur les effets de commerce, les actions industrielles et les polices d'assurances, ont procuré à l'Etat de nouvelles ressources, et ont eu pour résultat d'opérer une répartition plus équitable des charges publiques entre la propriété mobilière et la propriété immobilière.

» Grâce à ces mesures et à l'élévation naturelle du produit des contributions indirectes, il a été possible d'accorder à la propriété foncière un dégrèvement de 27 millions que rendaient indispensable l'état de gêne où l'avaient successivement placée l'impôt des 45 c. en 1848 et la dépréciation de ses produits. Dans le même but, et pour donner aux propriétaires d'immeubles des moyens plus faciles de recourir au crédit, vous avez jugé utile de faire un nouveau sacrifice de 6 millions, en réduisant de moitié les droits d'enregistrement sur les quit ances et les obligations.

» Plus récemment, d'importants problèmes économiques ont été résolus par la loi sur les sucres et par l'institution d'un régime douanier favorable aux productions de l'Algérie. Cette dernière mesure, en donnant une vive impulsion

État des sommes dues par les Compagnies de chemins de fer à l'État.

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aux transactions commerciales dans les possessions françaises en Afrique, y a fait naître des besoins nouveaux, et a permis d'y fonder avec succès une banque, désirée depuis longtemps, et dont l'action exercera à son tour un effet salutaire sur le commerce et l'agriculture.

>> Tout ce qui concerne le crédit méritait, après la crise commerciale et financière de 1848, une sollicitude particulière. La banque de France, dès qu'il a été possible de rentrer dans les conditions normales de toute bonne circulation, a repris ses paiements en espèces. Les comptoirs d'escompte, dirigés avec prudence sous l'active surveillance de l'administration, ont rendu et rendent encore d'utiles services; leur institution a été maintenue partout où les ressources de l'industrie privée faisaient encore défaut; elle a même reçu de nouveaux développements pour venir au secours des différentes branches d'industrie et notamment des Compagnies de chemins de fer.

» L'institution d'une caisse de retraites, en procurant aux classes laborieuses un moyen assuré de mettre leur vieillesse à l'abri du besoin, ouvre, dans l'avenir, au Trésor, la possibilité de convertir successivement une partie de sa dette perpétuelle en dette viagère.

» Une loi sur les Caisses d'épargne a consolidé ces utiles établissements en donnant à l'Etat des garanties dont l'expérience avait démontré la nécessité.

» L'enquête sur l'impôt des boissons a justifié et affermi ce système de taxes, tout en indiquant certaines améliorations dont il est susceptible; l'administration en poursuit avec sollicitude la réalisation.

>> Ces réformes ne sont pas les seules dont l'administration des finances se soit occupée; elle en a introduit d'importantes dans la comptabilité générale, songe à vous en proposer d'autres encore. Les divers documents financiers publiés annuellement par le ministère des finances ont pris successivement, soit dans leur nombre, soit dans leur étendue, un développement tel, que la situation de la fortune de l'État et des charges publiques, loin d'être plus facile à apprécier, est devenue plus obscure. La forme des lois de finances peut être simplifiée. Le budget notamment, surchargé d'un

grand nombre d'articles de recettes et de dépense, les uns formant double emploi, les autres relatifs au service des départements et des communes, n'a que trop souvent servi à répandre de fausses alarmes et à autoriser des exagérations sur l'étendue des sacrifices demandés aux contribuables. Les commissions de finances des anciennes Assemblées avaient souvent signalé les conséquences fâcheuses de cet état de choses. Il y a là des améliorations à opérer je me propose de les étudier avec tout le soin qu'elles méritent.

>> Aucune occasion de réaliser des économies sur les frais de service ou de perception n'a été négligée. La suppres sion de 1,500 perceptions a été arrêtée en principe et est en cours d'exécution; cette mesure a permis successivement d'opérer des réductions sur les remises allouées aux agents, et assure dans l'avenir la réalisation d'une économie de 1 million 500,000 fr. Le soin scrupuleux avec lequel ont été examinées toutes les propositions de pensions a permis de diminuer la subvention aux caisses de retraites. Grâce à l'affermissement du crédit, il a été possible d'atténuer les charges du Trésor par la réduction de l'intérêt d'une partie de la dette flottante. Enfin, tout récemment, dans des vues d'amélioration de service, la directicu des contributions indirectes et celle des douanes ont été réunies : cette réunion sera encore dans l'avenir la source d'une économie importante.

>> On a souvent reproché aux administrations publiques leur esprit de routine et leur inertie. En présence des faits que je viens de rappeler, un semblable reproche ne saurait être adressé à votre gouvernement. Pendant ces quatre années que les agitations publiques rendaient si peu favorables aux améliorations réelles, il n'est pour ainsi dire pas un impôt qui n'ait été l'objet de quelque réforme, pas un service financier qu'on n'ait essayé de modifier et d'améliorer. >> C'est en présence de ces faits accomplis que s'ouvre l'exercice de 1852, dont je dois maintenant vous faire connaître les ressources et les charges, par prévision, puisqu'il ne sera réglé dans son ensemble que par le Corps législatif. Le budget de cette année, d'après les évaluations qui avaient été faites par

la commission de la dernière Assemblée, et en y comprenant les crédits nouveaux qui, depuis le 2 décembre, ont été ouverts par des décrets spéciaux, présente pour le service ordinaire un excédant des dépenses sur les recettes d'environ 20 millions. Mais le rétablissement de la confiance et la vive impulsion donnée aux affaires assurent une augmentation considérable des revenus publics, soit par la vente plus avantageuse des coupes de bois, soit par l'élévation des produits des contributions indirectes, et notamment des droits d'enregistrement et de timbre. Il est donc permis d'espérer que non-seulement cette augmentation portera les recettes au chiffre qui figure dans les évaluations du budget, mais qu'elle dépassera et atténuera de moitié au moins le découvert prévu. Si des crédits supplémentaires nouveaux sont nécessaires, et cette nécessité est dès aujourd'hui reconnue, ils auront pour compensation les réductions résultant chaque année des annulations et des rapports en fin d'exercice.

» La dépense des travaux extraordinaires, telle qu'elle est aujourd'hui fixée, sera de 57 millions; mais une ressource extraordinaire importante résultera pour le Trésor de l'autorisation dounée par la Joi du 7 août 1851, d'aliéner les forêts de l'Etat. Ces aliénations réduites, conformément aux délibérations des conseils généraux, s'élèveront encore à 25 millious: il avait paru sage de les ajourner quand toutes les industries étaient en souffrance. Elles pourront se réaliser aujourd'hui à des conditions avantageuses; elles réduiront la charge imposée à l'Etat par les travaux extraordinaires à 32 millions. Le decouvert de 1852, pour les deux services réunis, ne paraît donc pas devoir dépasser 45 millions, qui, en venant s'ajouter aux découverts antérieurs tels que je les ai indiqués, en élèveront le chiffre à 675 millions.

» Ce chiffre doit être atténué par les remboursements des Compagnies de chemins de fer, qui, ainsi que je l'ai dit plus haut, se montent à 200 milions; en en tenant compte, le découvert total du Trésor, à la fin de 1852, se réduit à 475 millions. Sans doute les remboursements n'étant pas immédiats, une somme plus considérable devra rester à la

charge de la dette flottante. Il n'y a là aucun sujet d'inquiétude, car ces ressources ont une élasticité qui permet sans inconvénient d'en élever le chiffre au niveau des besoins du Trésor.

» Cette dette est aujourd'hui bien audessous du chiffre auquel elle s'est ordinairement élevée dans les années qui ont précédé la chute du dernier gouvernement. Il est bon d'ailleurs qu'on sache qu'elle se compose, jusqu'à concurrence de 400 millions, de sommes dont le dépôt au trésor est obligatoire et en quelque sorte permanent.

» Ainsi, à la fin de l'exercice qui vient de s'ouvrir, la France aura traversé quatre années difficiles, et elle aura, pendant ces quatre années, consacré plus de 300 millions à des travaux publics extraordinaires, sans charger le Grand-Livre de la dette consolidée, et en maintenant la dette flottante dans les limites que commande la prudence; cette situation n'a rien que de rassurant et justifie la conduite qui a été suivie.

>> Le gouvernement aura prochainement à s'occuper de la préparation du budget pour l'année 1853. J'ai la confiance qu'en maintenant notre système d'impôts qu'il faut améliorer sans l'ébranler, en réalisant toutes les économies compatibles avec le bien du service et avec une juste rémunération des forctions publiques, nous obtiendrons pour nos finances un équilibre normal, objet de vos constantes préoccupations. Ce résultat si désiré sera dû au rétablissement de l'ordre, du travail, du crédit et à l'abaissement du taux général de l'intérêt; enfin, à l'accroissement naturel des revenus qu'assurent le maintien de la paix et la politique sage et ferme de votre gouvernement.

>> Vous aurez, par cet éclatant service, acquis de nouveaux droits à la recon-naissance du pays.

» J'ai l'honneur d'être, Monseigneur, avec un respectueux dévouement, votre très-humble et très-obéissant serviteur.

» Le ministre des finances,

» A. FOULD. Paris, le 20 janvier 1852. »

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