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fentiment de nos foibleffes, c'eft alors que nous fommes forts, parce que c'eft alors que Jefus-Chrift fe plaît à nous communiquer fa grace. Rien, dit >>faint Auguftin, ne nous empêche » plus d'être forts, que la perfuafion » que nous fommes forts «. Notre plus grande force confifte dans un aveu humble & fincere que nous fommes foibles, & beaucoup plus foibles que nous ne le pouvons comprendre: car Dieu qui réfifte à tous les fuperbes, donne fa grace à tous les humbles. C'est ce qui fait dire à ce faint Docteur, que le commencement de la félicité, c'eft de bien connoître combien nous fommes miférables.

VII. Aimons donc, non pas nos foibleffes, mais le fentiment & la conviction de nos foibleffes. Cette humble conviction eft une grace dont nous ne pouvons affez eftimer le prix, ni affez remercier Dieu. Sans cette grace nous ne ferions point touchés & humiliés de nos miferes. Nous fommes trop miférables être fi bien per pour fuadés de nos miferes par nous-mêmes. Plus nous fommes foibles & pauvres, plus nous fommes orgueilleux; & c'est déja être bien fort & bien riche, que d'être touché de fa mifere, de

fa

fa foibleffe & fa pauvreté. Nous devons regarder ce vif fentiment & cet aveu fincere de toutes nos miferes comme un très-grand effet de la bonté & de l'amour de Dieu, & comme un nouveau motif de confiance. Plus nous voyons en nous de maladies, plus nous avons droit de nous approcher de Jefus-Chrift, puifqu'il nous a déclaré Mat. 9. lui-même qu'il n'y a que les malades 12. 13qui aient befoin de médecin, & qu'il n'eft point venu appeller les Juftes, mais les pécheurs. Plus il nous fait fentir que nous fommes pauvres, plus il nous pref de de recourir au tréfor infini de les mérites. Et ceux qui connoiffent plus fin-cérement le fond de leurs maladies & de leur indigence, font ceux qu'il diftingue & reçoit avec plus de bonté.

VIII. Quelque grande que foit notre mifere, quelque profonde que foit notre indignité, nous fléchirons certainement Jefus-Chrift par l'aveu humble & fincere que nous en ferons. Dès que nous deviendrons nous-mêmes nos accufateurs, il deviendra lui-même notre avocat; car il ne peut pas réfifter à un cœur humilié (h). Confeffons con

(b) Qui accufat peccata fua, jam cum Do facit. Accufat Deus peccata tua: fi & tu acculs, conjungeris Deo. Inde incipiunt bona opera tua. Auguft. Tract. 12, in Joan.

G

118. v.

166.

tre nous-mêmes notre iniquité & notre indignité; aimons les reproches & l'humiliation que la vérité & la juftice nous en font porter; mettons nous du côté de la vérité & de la juftice; tenons-nous dans la place où elles nous mettent, & qu'elles nous font connoître nous être due. Celui, dit Saint Ambroife, In Pfal qui reconnoît humblement fes égaremens, ne périra point : Non perit qui agnofcit errorem. C'eft par l'amour de la vérité & de la justice que le regne de Dieu commence às'établir dans les ames: & ce regne parfait, qui ne fe trouve que dans le Ciel, n'eft même autre chofe que l'amour parfait de la vérité & de la justice. Ce ne fera qu'alors que nous ferons parfaitement humbles, parce que ce ne fera qu'alors que nous connoîtrons par une vue claire & invariable de la vérité & de la justice éternelle, combien étoit profonde & univerfelle notre mifere, &.combien nous étions indignes des miféricordes dont il aura plu à Dieu de nous couronner. Plus les fentimens que nous avons maintenanc de nos miferes & de notre indignité, approchent de ceux que nous aurons dans le Ciel, plus auffi nous approcherons de la parfaite justice.

S. IV.

La défiance qui naîtroit du fentiment de nos miferes, feroit nne fausse humilité, & un vrai orgueil.

I. T

Out ce qui porte le nom de la vertu d'humilité, imprime du respect dans les ames fidelles, & en est fouvent reçu lans examen & fans précaution. Cependant il y a une fauffe humilité, qui n'a que l'apparence de la véritable, & dont les effets font bien différens. L'humilité, felon Saint Bernard, eft une vertu qui rend l'homme vil & méprisable à fes propres yeux par une connoiffance véritable de foi-même. Comme la conviction & le fentiment de nos miferes y a beaucoup de rapport, l'ennemi du falut abuse trèsfouvent de cette conviction & de ce fentiment de nos miferes pour nous inf pirer, fous prétexte d'humilité, un efprit de pufillanimité & de défiance: mais il ne faut pas, dit l'Apôtre Saint Jean (a), croire à tout efprit; il faut éprouver s'il vient de Dieu. Le bon efprit produit de bons fruits, & le mauvais en produit de mauvais ; c'est

(a) Cariffimi, nolite omni fpiritui credere. 4.

Joan. 1. 4.

&

par-là qu'on doit en faire le difcerne ment, & c'eft par-là auffi que l'on doit diftinguer la vraie & la fauffe humilité: l'une & l'autre naiffent de la conviction de nos miferes & de notre indignité; mais les fruits que l'une & l'autre produifent, font bien différens. La vraie humilité vient de Dieu, porte auffi à Dieu. Comme elle est un grand don de Dieu, elle fortifie l'ame, & lui donne une nouvelle vigueur, une promptitude & une liberté plus grande pour le prier, & pour le fervir. Le caractere & la marque de l'Esprit de Dieu dans une ame, est de l'élever vers Dieu, & de l'unir Loujours de plus en plus à Dieu, de ly porter comme à fà fin & à fon unique bien. L'Efprit de Dieu, principe de la vraie humilité & de toute autre véritable vertu, ne peut pas affoiblir & décourager les ames, les rendre plus défiantes de la bonté de Dieu, plus péfantes, plus inquiétes, plus lâches dans la priere & dans l'accompliffement des autres devoirs de la Religion; ces mauvais fruits ne peuvent venir que de l'opération du malin efprit. Ceft la grande regle que les Maîtres de la vie fpirituelle donnent pour difcerner l'opération du

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