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et du plus affreux despotisme, dont les fers honteux et pesans sont toujours difficiles à briser.

Laroyauté me paraît presqu'entièrement usée en Europe, d'où elle disparaîtra un jour tout-àfait. Mais il ne s'ensuivra pas pour cela qu'elle sera bannie de la terre, où les lumières de la civilisation ne sont pas plus permanentes que les ténèbres de l'ignorance et de la barbarie.

La royauté, une fois. décédée en Europe, renaîtra dans une autre contrée de la terre, où elle parcourra de nouveau la même carrière ou à peu près, et là comme ici, et comme partout, elle finira par s'éteindre; et toujours de même.

Les peuples qui sont plongés dans les épaisses ténèbres de l'ignorance ont besoin d'un guide pour éviter les gouffres et les abymes sans fond qui bordent le chemin de la vie, très-escarpé, dúr, rabotteux, extrêmement pénible et fatiguant de son naturel, quoiqu'il se présente ordinairement à l'imagi nation sous un aspect riant et plein de charmes dans l'avenir, mais à l'extrémité duquel les nations, dans leur enfance, ne pourraient jamais se flatter d'arriver, sans le secours de la royauté, dont les lumières pâles, mais utiles,

sont semblables à la clarté de la lune qui cesse avec le temps d'être nécessaire, se trouvant remplacée graduellement par l'aurore brillant des lumières de la civilisation qui, en l'éclipsant entièrement, la force de rentrer dans les ténèbres, son élément naturel.

Le dernier pé iode où l'agonie du pouvoir absolu sur une seule tête est générale,c'est lorsqu'il devient constitutionnel. Comme le cours des lumières de la civilisation est réglé, ainsi que celui de toutes les parties qui composent le vaste univers, l'on ne peut non-seulement les faire rétrograder, mais il n'y a pas de puissance humaine capable de les empêcher de suivre la tendance qu'elles ont à s'accroître, ainsi que toutes les autres productions de la nature.

Il serait aussi impossible de faire remonter les fleuves vers leur source, et de faire redevenir petit un individu qui a fait sa crue, que de rétablir la royauté, devenue constitutionnelle par la civilisation, que de la rétablir, dis-je, dans le despotisme et l'arbitraire dans lesquels elle avait pris naissance, afin de lui faire recouvrer son antique splendeur et la puissance qu'elle a perdue,

Arrivée à ce période ( devenue constitutionnelle), rien au monde n'est capable de

l'empêcher et de s'anéantir; car, après la vieillesse, vient nécessairement la mort, sur la terre où rien n'est éternel, la fixité résidant seulement dans l'ensemble admirable du grand tout..... l'univers..... et non dans les par ties qui le composent et qui s'anéantissent et sereproduisent sans cesse.

La royauté agonissante, ainsi que toutes les institutions humaines dans pareille circonstance, ne doit jamais employer les remèdes violens qui sont naturellement contraires à ces sortes de maladies, qu'ils enveniment ordinairement au lieu de leur appor. ter du soulagement; ils les enveniment, dis je, en les aggravant quelquefois au point de causer la mort du malade long-temps avant le terme qu'il aurait atteint sans cela.

L'anéantissement de la royauté est immanquable en Europe; mais il doit être, suivant les lois éternelles et immuables de la nature, l'ouvrage du temps qui détruit tout, et auquel on veut résister en vain.

Cette mort, qui s'opère chaque jour graduellement, sera évidemment prochaine, si l'on en juge par l'état du malade, les remèdes contraires à son mal, dont il fait usage, et le climat qui lui est désormais pernicieux.

Quand je dis que cette mort sera prochaine, c'est-à-dire comparativement au laps de temps qui s'est écoulé depuis qu'elle existe. Mais si sa mort était prématurée, par exemple, si elle devenait la suite d'attentats, ou même le résultat de son imprudence; malheur aux peuples, car l'agonie et la chûte de ce colosse si redoutable, serait accompagnée d'horribles convulsions, capables d'occasionner des maux irréparables et une agitation violente, peut-être aussi longue que difficile à appaiser. Quand la poire est mûre, elle tombe d'ellemême.....

CHAPITRE V.

De la religion suivant l'âge et les lumières des peuples.

Ce que j'ai dit du gouvernement temporel des nations, s'applique également au gouvernement religieux qui doit suivre la même marche et observer les mêmes nuances; car, en comparant toujours un peuple à un individu, l'on voit que dans leur enfance ils sont également enclins à la superstition, croient plus ou moins à la magie, aux sorcières, aux revenans, au diable et aux miracles; mais à mesure qu'ils avancent en åge, et par conséquent en lumières et en raison, ces contes et ces histoires, auxquelles ils ajoutaient naguère tant de foi, leur semblent de plus en plus absurdes et ridicules; mais la pure et saine morale, insensiblement dépouillée de cette enveloppe qui lui était alors nécessaire, reste seule l'objet principal du culte de l'individu, comme de la nation parvenue à une entière civilisation; d'où l'on doit conclure,

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