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Renoncez donc pour toujours à faire couler aussi inutilement le sang humain, ou craignez de voir un jour se soulever contre vous les ombres ensanglantées des malheureuses victimes de votre tyrannie et de votre fanatisme.

Rappelez-vous qu'un roi puissant (1), poursuivi jusqu'au fond de son palais par l'image

(1) Charles IX, roi de France. L'on voit encore aujourd'hui, sur la façade de la grande galerie du Louvre, une croisée donnant sur la Seine, et ornée d'un balcon, d'où ce roi, avec une carabine, faisait feu sur ses sujets protestans, la nuit de la Saint-Bar thélemy. L'on prétend que depuis cette époque, il fut attaqué d'une fièvre ardente, accompagnée de - transports et d'un délire continuel, pendant lequel il croyait voir sans cesse à ses côtés les ombres plaintives, errantes et ensanglantées des malheureux qui furent massacrés dans cette fatale nuit. Enfin, après deux ans de ce supplice épouvantable, le 30 mai 1574, il termina ses jours dans une agonie vraiment effrayante, et pendant laquelle le sang et la sueur qui lui sortaient par les pores, ruisselaient sur ses membres livides et décharnés. La haine que lui portaient les Français se changea en pitié, quand ils apprirent ses tourmens et son repentir. Ils plaignirent la fin tragique de ce jeune et malheureux roi, qui avait été entraîné au crime. Il est sensible et généreux, le peuple français, autant que brave!....

effrayante de spectres qui le harcelaient sans cesse, en horreur à lui-même, mourut enfin baigné dans son sang, accablé par le remords insupportable d'avoir trempé ses mains dans celui de ses sujets.

CHAPITRE VII.

De l'opulence du clergé.

DEPUIS long-temps l'opulence du haut clergé est en butte aux attaques des critiques, qui prétendent qu'en leur qualité de premiers ministres et serviteurs d'un Dieu qui, pour apprendre aux hommes à ne mépriser aucune condition età supporteravec courage et résignation toutes les misères et les vicissitudes de la vie humaine, avait voulu naître dans la misère et la pauvreté ; qu'en qualité de premiers ministres de ce Dieu, dis-je, ils doivent imiter les apôtres, dont la nourriture était aussi frugale que leur genre de vie était simple et laborieux.

Si l'on examine la chose avec toute l'impartialité et l'attention qu'elle mérite, l'on reconnaîtra en effet que le haut clergé est réellement trop opulent, qu'il affiche quelquefois un luxe et une oisiveté qui ont lieu de révolter dans les ministres d'un Dieu dont l'humilité et la modestie étaient les premières qualités. Le

contraste trop frappant qu'il y avait entre la simplicité de moeurs des premiers pères de l'église, qui ajoutaient à la parole de Dieu une conduite exemplaire et à l'abri du plus léger reproche, et la vie licencieuse d'un grand nombre de prélats de l'église moderne, ne pouvait manquer de donner lieu aux traits mordans de la censure.

La civilisation ayant établi des rapports. nouveaux entre les diverses classes d'individus composant la société, et établi certains usages inconnus alors, les prêtres qui, en conservant l'extrême pauvreté qui les distinguait dans les premiers temps, ont senti qu'ils n'auraient plus été qu'un objet de dérision et de mépris aux yeux du vulgaire, à qui une certaine représentation impose toujours plus de respect et de vénération que la vertu, qui ne s'annonce que par la simplicité et l'indigence; ils ont parfaitement senti, dis-je, la nécessité de se conformer aux mœurs.

Lors même que par inclination le clergé eût été attaché au genre de vie simple et modeste des premiers pères, il se serait vu forcé de suivre le torrent. Mais si les membres du clergé en cela ont reconnu la nécessité de se conformer aux usages établis par les progrès des lumières

et de la civilisation, pourquoi n'ont-ils pas aperçu la nécessité d'une réforme semblable, dans la forme du culte qu'ils desservaient et qu'ils auraient dû débarrasser de tout ce qu'il avait de gothique et de contraire aux mœurs et aux usagesdes peuples qui le professaient? Il est affligeant d'être forcé de convenir qu'ils n'ont adopté pour eux seuls la nécessité de se conformer aux usages nouveaux, que parce qu'ils flattaient leur orgueil et favorisaient les penchans qu'ils avaient comme les autres hommes à s'abandonner à la mollesse et à l'oisiveté. Je vous le dis en vérité, prélats par trop incrédules, le culte que vous prêchez disparaîtra un jour de la terre comme ceux qui l'ont précédé et ceux qui le suivront; mais sa mort prématurée sera votre ouvrage.

Les critiques qui prétendent que les prélats d'aujourd'hui devraient prendre pour modèles la frugalité, la simplicité et la modestie des apôtres, s'abusent autant que les prêtres qui s'imaginent que de la manière dont ils s'y prennent, c'est à dire sans l'accorder avec les mœurs et les usages des nations, ils rendront à la religion catholique ce qu'elle a perdu pour jamais sans cela.

Quand les apôtres allaient à pied, le Sei

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