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et d'admiration en voyant le cadavre de son illustre adversaire.

Mithra-dates fut enseveli à Sinope dans le tombeau de ses ancêtres; ainsi c'est sans fondement qu'une tradition locale fait dire aux habitants actuels de la presqu'ile Trachée, que ce prince a sa sépulture aux environs de Kertch. Ces lieux, à la vérité, sont pleins de son souvenir le promontoire le plus voisin de Jenikalé se nomme phare de Mithra-dates; c'est le phanar des Russes. Les vieilles colonnes, les ruines imposantes, les débris poudreux et jusqu'aux montagnes elles-mêmes, tout ici est paré du nom de cet illustre rival de la grandeur romaine.

Pompée, cependant, n'avait pas rougi d'accorder à Pharnace le titre d'ami et allié du peuple romain. Il lui refusa l'investiture du royaume de Pont; mais il lui confirma celle du Bospore, à l'exception de Phanagorie, qui fut déclarée ville libre en récompense de ce qu'elle avait donné l'exemple de la révolte. Peu satisfait de ces concessions, Pharnace ne vit pas plus tôt les Romains partis de ses états, qu'il vint mettre le siége devant Phanagorie et la prit par famine. Il soumit ensuite la Colchide, rentra dans l'Asie-Mineure, tenta de reconquérir le royaume de Pont, et battit même les Romains en diverses rencontres. Toutefois, cet indigne fils de l'un des plus grands rois qui aient jamais existé ne jouit pas long-temps du fruit de son forfait. Les querelles de César et de Pompée avaient seules retardé l'explosion de la vengeance. Libre désormais et vainqueur, César quitte l'Égypte, rentre dans le Pont, voit Pharnace et le met dans une déroute complète : Veni, vidi, vici ( je suis venu, j'ai vu, j'ai vaincu ), écrivit-il à cette occasion. Pharnace obtint la permission de s'embarquer pour le Bospore, où, à peine arrivé, il fut tué dans une bataille que lui livra Asander, son lieutenant et son gendre, qui, pendant son absence, s'était emparé de la couronne. Cet Asander régna paisiblement, soumis à la domination de Rome; mais, parvenu à un âge avancé, on ne sait

quels motifs le portèrent à se laisser mourir de faim. Un aventurier, nommé Scribonius, monta sur le trône et fut bientôt après mis à mort par le peuple, quand on sut que Polémon Ier, roi de Pont, s'avançait à la tête d'une armée nombreuse, sur l'ordre que lui en avait donné Agrippa, proconsul de Syrie. Ce Polémon, reconnu roi du Bospore, fit la guerre aux Aspurgitains, peuple de la Sarmatie asiatique, et fut tué auprès d'une ville nommée Césia. Comme il ne laissait que des enfants en bas age, sous la tutelle de leur mère Pythodoris, une révolution appela sur le trône bosporien les rejetons de l'antique dynastie des Leuconiens, et on voit, à cette époque (premières années de l'ère chrétienne), figurer successivement quatre souverains de cette famille, Rheskouporis I, Cotys I, dit l'Aspurgien, Sauromates I, contemporain de Tibère, et son fils Rheskouporis II, qui règne sous la tutelle de Gépépyris sa mère. Toutefois, les Romains ne souffrirent pas long-temps cette usurpation de la descendance des Leuconiens; l'empereur Caligula rendit la couronne à Polémon II, fils du dernier roi pontique ( de 38 à 42 de l'ère chrétienne). A partir de ce point nous aurons peu de chose à dire d'une série de 22 souverains, dont les noms seuls à peu près nous ont été transmis par la numismatique et les lambeaux d'histoire. Ces princes, qui s'intitu laient amis de César et du peuple romain (quozziozpes et pikopóμaici), promptement châtiés par leurs suzerains chaque fois qu'ils tentaient d'en secouer le joug, ne brillèrent de quelque éclat que dans leurs contestations avec les Scythes ou leurs voisins les Chersonites. Plus d'une fois même, battus par les proteron ou magistrats de Cherson, ils virent leurs possessions resserrées dans les plus étroites limites. La vie de ces rois est d'autant moins susceptible de recevoir ici quelque développement que leurs médailles contribuent elles-mêmes à y jeter la confusion, en démontrant que plusieurs souverains ont régné simul

tanément dans cet empire si étroit. On est porté à croire que les princes légitimes durent maintes fois associer à leur royauté des chefs barbares, tels que Ininthimévus, Aréansès, Téïranes et Rhadaméadis, qui firent frapper des médailles d'or à leur effigie, en même temps que les Sauromates et les Rheskouporis (voyez la table chronologique ). Sans doute de nouveaux matériaux éclairciront un jour nos doutes à ce sujet, le gouvernement russe mettant un grand soin à conserver dans les musées d'Odessa, de Nikolaïeff, de Caffa et de Kertch, les précieuses antiquités dont chaque jour amène la découverte.

Les querelles des Chersonites et des Bosporiens amenèrent la chute du royaume dont nous venons de tracer une si rapide esquisse. Dans les premières années du Ve siècle, un proteron de Chersonèse, nommé Pharnace, fait la guerre à Sauromates VIII, le tue en combat singulier, ravage tout le pays, ne prévoyant pas que c'était favoriser l'invasion de ces nouvelles légions de barbares qui, sorties des régions hyperboréennes, venaient à leur tour ravager le midi de l'Europe.

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TROISIÈME ÉPOQUE. Les invasions. Deux peuples qui jouent dans l'histoire un rôle fort important, rôle de sang et de larmes, vont d'abord se montrer à nous. Ce sont les Goths et les Huns. Mais à l'époque où nous sommes parvenus ( 400 à 420 de Jésus-Christ), si nous n'avons pas mentionné encore le nom des premiers, c'est que nous avons craint de jeter quelque confusion dans le récit des événements relatifs aux rois du Bospore.

Les Goths, que plusieurs auteurs supposent originaires des pays que baigne la Baltique et qu'arrosent la Vistule et l'Oder, tandis que d'autres les font venir de l'Asie, commencerent à déborder sur le midi de l'Europe, vers la fin du II° siècle de l'ere chrétienne. Plusieurs de leurs tribus s'étendirent durant les premières années du siècle suivant, jusqu'au Tanaïs où elles se confondirent avec les Sarmates et les Alains. Ces der

niers avaient alors succédé aux TauroScythes dans la domination de la Crimée, et ils ne cessaient d'inquiéter leurs voisins les rois du Bospore. Vers 276, l'empereur Tacite rencontre dans la Cappadoce, une division de ces barbares, la pousse devant lui, et la refoule sur le Bospore Cimmérien.

On est fondé à croire que les Goths ne sont pas un autre peuple que celui que l'on voit établi, au IVe siècle, entre le Danube et le Borysthène, sous le nom de Gètes. Nous partageons entièrement, à ce sujet, une opinion de M. de Saint-Martin, d'après laquelle ces peuples seraient euxmêmes les anciens Scythes, dont le nom n'est qu'altéré par une prosthèse.

Cependant la troupe hideuse des Huns, d'origine finno-ouralienne, vient à son tour pousser devant elle les Goths et les Alains. Ceux-ci en fuyant, se jettent dans la Crimée, le Caucase et l'Asie-Mineure. Quelquesuns passent le Danube, entrent dans la Pannonie, inondent les Gaules et l'empire romain, et déplacent subitement des nations entières. C'est un curieux spectacle que de voir ces hommes qui, vaincus, abandonnent leur propre territoire et se présentent en vainqueurs sur celui des autres. Une de leurs plus puissantes tribus se fixe sur le littoral de la mer Noire, dans le royaume du Bospore même; c'est celle des Goths Tétraxites.

Ammien-Marcellin, Sidoine-Apollinaire, et plusieurs autres écrivains contemporains nous ont laissé un portrait des Huns, digne d'être conservé. Leurs traits étaient horribles à voir tant ils prenaient de soin d'ajouter, par des usages terribles et biZarres, à leur difformité naturelle. Ils étaient forts et trapus, avaient la tête grosse, les yeux petits et enfoncés, la bouche large et le teint livide. Par un raffinement de ce qu'on pourrait appeler la coquetterie de la laideur, ils aplatissaient le nez à leurs enfants, et leur couvraient le front et les joues de cicatrices tailladées symétriquement. Vêtus de peaux ou d'étoffes grossières, la tête enveloppée

d'une calotte de cuir, et montés sur des chevaux de petite taille, mais d'une grande légèreté, ils combattaient avec l'arc et le sabre, et portaient, en outre, une sorte de filet dont ils se servaient habilement pour envelopper leurs ennemis. Les fenimes et les enfants les suivaient à la guerre; mais les vieillards restaient en arrière, ou se donnaient la mort, car chez ce peuple, la vieillesse était un objet de mépris et de honte. Ils n'avaient pour demeures que des chariots traînés par des boeufs, et pour nourriture que les racines crues et la chair de cheval mortifiée sous la selle. Ils buvaient avec passion le koumiss, breuvage d'eau et de lait de jument aigri. Enfin la difformité et l'abrutissement des Huns étaient tels qu'on les regarda en Europe, dit Jornandès, comme des monstres issus du commerce des femmes scythes avec les démons.

Nous ne suivrons pas ces farouches conquérants dans leurs expéditions; les guerres que l'empire romain eut à soutenir contre les Goths et les Huns, les victoires et la mort d'Attila, le fléau de Dieu, appartiennent

à une autre histoire. Nous nous bornerons à dire que la Crimée partagea tous les désastres que ces barbares firent peser sur les nations qu'ils envahirent.

D'autres conquérants arrivèrent bientôt sur les traces des premiers. Les Ougres, ou Igours, pénètrent en Crimée, où ils demeurent pendant deux siècles, en dépit de tous les efforts des Goths Tétraxites. La péninsule est bouleversée par les guerres intestines de ces nations, parmi lesquelles la politique des empereurs grecs s'efforce d'entretenir la haine et la jalousie. Après elles, diverses tribus, venues de l'intérieur de l'Asie, les Avares et les Géourgen, appartenant à la race turque, bien que de nos jours encore on s'obstine à les appeler Tatares, se heurtent tour à tour sur le sol de la Tauride, ne laissant aucun repos aux anciens peuples de cette contrée. Les Chersonites invoquent en vain le secours des empereurs de By

zance; ceux-ci ont assez de peine à se défendre eux-mêmes, et rarement ils peuvent satisfaire aux vœux de leurs

vassaux.

Les Khazars entrent dans la Chersonèse - Taurique vers le milieu du septième siècle, y refoulent les Goths dans les montagnes, et fondent un empire puissant; la Crimée prend même le nom de Khazaria. Les villes grecques, quoique relevant toujours de la cour de Byzance, se soumettent à payer aux Khazars un tribut annuel. Partout, dans cette période, nous voyons régner, sur le sol de la presqu'ile, la désolation, l'anarchie et la misère, résultat inévitable d'une suite non interrompue de conquêtes et d'usurpations. L'état de Cherson était réputé, en particulier, un séjour si fâcheux, qu'il devint, comme aujourd'hui la Sibérie, un lieu d'exil pour plus d'un illustre proscrit; nous citerons, entre autres, le pape Martin Ir et Justinien II.

Martin était un pontife respectable et savant; il fut chéri et vénéré de ses ouailles, mais il eut le malheur de déplaire à l'empereur Constant II, petit-fils d'Héraclius, qui le fit traiter avec une barbarie inouïe. L'infortuné pontife, chargé de chaînes, fut traîné, malade et pauvre, dans la Calabre, à Messine, à Constantinople, et enfin à Cherson, où il succomba à la fatigue et au chagrin, le 16 septembre 655. (Voir Italie, pag. 43.)

Justinien II, monstre altéré de sang, surnommé le Rhynotmète depuis qu'à la suite d'une révolte qui l'avait jeté à bas du trône, le patrice Léontius lui avait fait couper le nez, fut exilé également à Cherson, où quelques railleries, que les habitants se permirent sur sa mutilation, le jetèrent dans de violents accès de fureur. Préoccupé par des idées de vengeance, il se retire auprès du khan des Khazars, qui l'accueillit d'abord avec bienveillance, et lui donna même sa sœur Théodora en mariage; mais, plus tard, gagné par l'or des ennemis de ce prince, le khan allait le faire périr si Théodora ne s'y fût

opposée. Le Rhynotmète s'enfuit chez un peuple puissant qui, fixé auprès du Volga, ou Bolga, avait reçu le nom de Boulgare. Le chef de cette nation accorda au fugitif une protection intéressée, et l'aida même, sous de dures conditions, à reconquérir son trône. Justinien, rentré à Constantinople, n'oublia pas d'envelopper les Chersonites dans sa vengeance (692 de l'ère chrétienne). Il voulait détruire leurs villes de fond en comble, mais le secours des Khazars déjoua cet odieux projet. En 731, la puissance de ce dernier peuple avait acquis un tel lustre, que l'empereur Léon III, surnommé l'Isaurien, épousa la fille de leur khan. Cette princesse, convertie à la religion chrétienne édifia ses sujets par ses vertus et sa piété. En 840, l'empereur Théophile visita la Crimée, et reçut, de la part des Khazars, des marques de respect et d'attachement. Il leur fournit, sur leur demande, des ouvriers pour construire, sur le Tanaïs, une ville nommée Sarkel, ou la Station blanche. Vers la fin du neuvième siècle, de nouvelles cohortes, émigrées de l'Asie, les Patzinaces, appelés encore Petchénègues, de race turque, parviennent, après des succès variés, à s'emparer d'une partie de la Crimée, ou Khazarie proprement dite.

Les Petchénègues étaient aussi un peuple sauvage et nomade, vêtu de peaux de bêtes fauves, vivant sous des tentes, se nourrissant de chair mortifiée sous la selle, de quelques racines et de lait de jument. Ils trafiquaient cependant avec les Grecs, les Byzantins et même les Russes, fournissant à ces peuples du miel, des cuirs, des bestiaux et une sorte de cochenille. En retour, la cour de Byzance leur envoyait des bijoux, des couronnes d'or, et autres riches pré

sents: elle adressait à leurs chefs des lettres tracées en caractères dorés, et leur donnait, on ne sait trop pourquoi, le titre d'archonte. Leur histoire ultérieure est toute contenue dans celle des Russes.

Aux Petchénègues succède un autre

peuple de même origine et parlant à peu près la même langue. Les Comans, ou Kiptchak, que les Russes appellent Poloutzes, se font connaître en Europe vers l'an 1000 de J.-C. Confondus bientôt avec les précédents, ils paraissent être les véritables ancêtres des Nogais. Ce fut sous leur domination que la Crimée devint entièrement indépendante des souverains de Byzance.

Depuis long-temps le zèle des missionnaires du christianisme et les relations avec les Grecs avaient introduit, dans la presqu'île, la religion chrétienne, mais l'influence des empereurs d'Orient y avait propagé le schisme de Photius. Cependant, les diverses nations que nous venons de nommer se soumirent maintes fois à la religion de Mahomet, conservant d'ail leurs, dans l'une et l'autre croyance, les pratiques superstitieuses et barbares de leur premier culte.

La fin de cette période est caractérisée par le premier développement d'un empire qui devait embrasser un jour la moitié de l'Europe et le tiers de l'Asie. Les grands princes russes poussèrent leurs conquêtes jusqu'au pied du Caucase et dans les steppes de la Tauride. Vladimir-le-Grand, qui venait d'abjurer ses faux dieux et s'était converti à la religion catholiquegrecque, marcha sur Cherson, et s'en empara en 988, sous le prétexte qu'il y trouverait les prêtres et les reliques dont il avait besoin. On rapporte que, pendant le siége de cette ville, un espion, nommé Anastase, lança dans le camp des assiégeants une flèche, à laquelle était attaché un billet conçu en ces termes : « Cherchez derrière vous, « vers l'Orient, vous y trouverez les «< canaux qui fournissent l'eau à la « ville.» Ce fut par-là, en effet, que Vladimir réduisit les Chersonites à se rendre à discrétion; mais ce prince ayant, peu après, épousé la soeur de l'empereur grec, rendit la ville à son premier maître. Son fils, Mtislav, passa dans l'ile de Taman, où, depuis la chute de l'empire bosporien, s'était formé un état distinct

sous le nom de royaume de Tmoutarakan. Il y trouva un peuple alanique, les Yasses, dont le chef l'appela en combat singulier. Mtislav sortit vainqueur de ce duel, et entra dans la ville de Taman, capitale de ce nouvel apanage de l'empire des grands princes.

Enfin, nous touchons au terme de cette triste époque, où tant de peuples barbares se sont rués les uns sur les autres, ne laissant d'autres traces de leur passage que la destruction et la mort. L'historien trouve peu à glaner sur ce champ désolé, où les inondations n'ont déposé aucun germe de fécondité; mais il n'en sera pas de même de la période suivante, qui s'ouvre devant le grand nom de Tchinghis-Khan.

QUATRIÈME ÉPOQUE. - Les khans de Crimée. La première invasion de Tchinghis-Khan date de l'an 1221 de notre ère. Ce serait sortir des limites d'une notice particulière à la Crimée, et envahir le domaine de l'histoire universelle, que d'entrer dans de trop longs détails sur l'origine de son peuple et sur les succès ou les revers de ses courses en Europe. Cependant il est certains points généraux sur les quels notre attention doit se porter spécialement pour la complète intelligence de cette époque, bien qu'ils soient peut-être plus directement nécessaires ailleurs.

Tchinghis-Khan commandait à des nations d'origine mongole, les Tatares et les Mongols proprement dits, pasteurs nomades et barbares, dont les tribus couvraient le vaste plateau qui, des confins de la Sibérie, s'étend jusqu'aux frontières de la Chine. La guerre seule pouvait tenir ces hordes farouches réunies sous l'obéissance d'un chef; aussi, lorsque la voix puissante de Tchinghis-Khan les eût convoquées dans les solitudes de l'Asie, ce grand capitaine ne leur laissa plus de repos; il leur fit entrevoir, dans le lointain, les richesses de Byzance et de Kiew, mit à profit l'enthousiasme d'un instant, et les entraîna à des combats qui ne devaient avoir un terme que pour quelques chefs

privilégiés. Les lieutenants de Tchinghis seuls pénétrèrent en Russie et dans la Crimée. En 1237, TouchiKhan, son fils, acheva la conquête des possessions russes en Europe, et Bathou-Khan, son petit-fils, fonda peu après, au nord de la mer Caspienne, l'empire du Kaptchak, qui s'étendait jusqu'au Dnieper. Les princes du Kaptchak s'intitulaient khans de la horde dorée. Ce pays était alors occupé par des nations turques, qui se soumirent aux chefs tatares. Or, l'armée de ceux-ci ne tarda pas à se retirer; elle se dispersa même si complétement, qu'au bout de quelques années leur langue était oubliée dans le Kaptchak; et lorsque eut lieu le démembrement de cet empire et sa répartition entre plusieurs princes d'origine mongole, on continua à donner mal à propos à leurs sujets le nom de Tatares, que, de nos jours encore, on applique aux descendants des Comans ou des Petchénègues qui habitent la Crimée, Kazan ou Astrakan. Ces prétendus Tatares sont positivement de race turque, différant essentiellement par le langage et les traits physiques des Tatares-Mongols, auxquels ils furent soumis jadis. Ce point une fois bien établi, nous pouvons continuer à parler des prétendus Tatares de la Crimée, sans craindre aucune méprise.

Le chef de la horde dorée divisa ses conquêtes en plusieurs gouvernements, à la tête desquels il mit les plus braves de ses lieutenants, ou les plus chéris de ses parents. Ajouter ainsi à l'autorité de ces ambitieux était introduire, dans les constitutions du nouvel empire, un germe de dissolution que nous allons voir, avec le temps, murir et se développer. En 1240, Batou-Khan soumit la Crimée entière, l'incorpora à l'empire du Kaptchak, et choisit pour sa résidence une ville connue aujourd'hui sous le nom de Eski-Krim, l'ancienne Crimée. Lorsqu'on y a vu se succéder avec tant d'acharnement les invasions des Barbares, et tous les désastres qui devaient en être la conséquence, on conçoit la

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