Page images
PDF
EPUB

nées après (1514 de Jésus-Christ), Menghély termina une vie glorieuse, pendant laquelle il avait montré les vertus qui font les bons rois, et les qualités qui constituent les grands hommes. Son fils aîné, MohammedGhéraï, lui succéda.

III. Mohammed-Ghéraï Ier, prince d'humeur belliqueuse, employa les huit années de son règne à lutter contre les Moscovites et les Circassiens. On croit qu'il périt dans une expédition contre les Dadians ou princes de la Mingrélie (1522-3).

Pendant plus de deux siècles, l'histoire des khans de la famille de Ghéraï offre une triste monotonie de guerres sans éclat comme sans résultat définitif avec les Polonais, les Russes ou les Tatares du Kaptchak. A chaque avénement, le nouveau khan allait à Constantinople recevoir l'investiture de ses fonctions. Quelquefois le Grand-Seigneur déposait le prince régnant et lui substituait un autre souverain, pris également dans la dynastie des Ghéraï. Il paraît, d'ailleurs, que le droit de primogéniture était fort mal observé parmi ces princes, car on vit souvent plusieurs frères se disputer le pouvoir, et, en ces occasions, le sultan choisissait selon ses convenances, et non selon le droit d'ainesse. A cette même époque figurent les princes de Mangoup, sorte de seigneurs suzerains, tributaires à la fois des Tatares et de la Porte-Othomane; mais ce qui caractérise plus particulièrement cette période, c'est l'importance que commence à acquérir l'histoire d'un nouveau peuple, formé de la lie de diverses nations errantes et barbares; nous voulons parler des Cosaques. Leurs traits rappellent ceux des Mongols, et leurs mœurs se rapprochent incontestablement de celles des anciens Scythes.

IV. Sadet-Ghéraï Ier régna douze ans. En montant sur le trône il avait envové son frère Sahed à Constantinople pour lui servir d'otage. Battu lui-même aux environs d'Azow par un autre de ses frères, du nom d'Islam, il déposa la couronne, que le

Grand-Seigneur donna à Sahed (1533).

V. Sahed-Ghéraï Ier, s'il faut en croire les écrivains orientaux, fut un prince cruel et sanguinaire. Il fut déposé en 1551, et assassiné huit ans après, par Dewlet, son cousin et son compétiteur.

vi. Dewlet-Ghéraï Ia. On sait peu de chose de ce monarque, bien qu'il ait régné vingt-six ans (1551-1577). Sous le règne précédent, il avait, conformément à l'usage, résidé à Constantinople, pour y servir d'otage.

VII et VIII. Mohammed-Ghéraï II qui lui succéda, ayant refusé de marcher contre les Persans, fut déposé en 1584, après six années de règne. Il se retira chez les Cosaques, qui embrassèrent sa cause et lui fournirent une armée pour l'aider à reconquérir la couronne. Mohammed fut vaincu et tué par les Turcs; mais son successeur, Islam-Ghéraï Ier, périt dans cette même rencontre (1587).

IX et X. Ghazy-Ghéraï Io, fils de Dewlet, montra de grandes qualités et une plus grande cruauté. Le sultan l'exila en 1596; mais au lieu d'obéir, ce prince courageux se rendit à Constantinople même, où il plaida sa cause et obtint son pardon. Pendant son absence, son frère, Fétah-Ghéraï Ier, s'était arrogé le pouvoir suprême; en expiation de cette audace, Ghazy le fit périr. Il mourut luimême l'an 1608-9.

XI. Son frère, Sélamet-Ghéraï Ier, qui lui succéda, était hydropique. Il succomba l'an 1610.

XII. On ne connaît pas les motifs qui portèrent le sultan à déposer Djan-Beyg-Ghéraï, frère et successeur des précédents. Ce prince avait régné glorieusement de 1610 à 1623, et avait fait preuve d'une rare bravoure et de beaucoup de talent dans la guerre qu'il avait soutenue contre les Persans, au sein même de leur empire.

XIII. Mohammed-Ghéraï III, cinquième fils de Dewlet, portait la plus tendre amitié à son frère Chahyn. Mais celui-ci, abusant des bontés de son souverain, leva l'étendard de la rébellion,

et marcha, à la tête d'une troupe nombreuse de Tatares, contre son bienfaiteur et son frère. Mohammed succomba les armes à la main; mais le fratricide n'osa pas ceindre son front de cette couronne qu'il venait d'ensanglanter. Redoutant avec raison la colère du sultan, il chercha un refuge à la cour de Perse, auprès d'Abbas-le-Grand (1627). Djan-Beyg fut alors rétabli sur le trône de Crimée, qu'il occupa jusqu'en 1633. A cette époque il fut déposé de nouveau.

XIV. La facilité avec laquelle la cour de Constantinople accueillait les dénonciations dirigées contre les khans, et la promptitude qu'elle mettait à déposer ces fantômes de rois, sont des témoignages irrécusables de la vénalité de cette cour, autant que de l'esprit d'intrigue qui animait les, membres de la famille de Ghéraï. Énaïet, qui succéda à Djan-Beyg, fut déposé après deux ans seulement de règne. (1636-7.)

XV. Il eut pour successeur Béhader, protecteur de la science et de la poésie, savant et poète lui-même, qui mourut en 1640.

XVI. Son jeune frère, MohammedGhéraï, quatrième du nom, monta sur le trône. Inhabile à tenir les rênes du gouvernement, ce prince fut exilé après trois ans de règne; il reviendra sur la scène politique.

XVII. Islam-Ghéraï II, qui ceignit la couronne pendant 13 ans ( 1643 à 1655), a laissé de lui une mémoire glorieuse. Ses succès contre les Moscovites, sa bravoure, sa générosité et sa justice font encore l'objet d'une vénération traditionnelle parmi les Tatares. Après lui, Mohammed-Ghéraï IV, son prédécesseur, revint au pouvoir.

En l'année 1647, Vladislas VII, roi de Pologne, ayant refusé de payer au khan de Crimée le même tribut de pièces d'or et de peaux de moutons que son prédécesseur, Sigismond III, lui avait accordé, le khan joignit ses armes à celles du célèbre Kmielnitski, hettman des Cosaques - Zaporogues, alors en guerre avec la Pologne. Les résultats de cette glorieuse campagne

valurent aux Tatares de riches dépouilles et des monceaux d'or enlevés aux vaincus. Leur puissance paraît, à cette époque, avoir atteint sa plus brillante phase. En effet, les hostilités ayant recommencé, en 1649, entre le roi de Pologne, Jean Casimir, et Kmielnitski, le khan de Crimée conduisit à ce dernier un secours de 100,000 Tatares. L'hettman, de son côté, avait réuni 200,000 combattants. Cette armée formidable, qui rappelait les anciennes incursions des Scythes, d'Attila et de Tchinghis-Khan, inondá les provinces polonaises, semblable à ces flots de sable poussés par le funeste sémoum, qui dévastent et renversent tout, les villes et les campagnes; qui comblent les vallées, ensevelissent les ruisseaux, et ne laissent derrière eux que le désert et la mort.

La bravoure et la prudence de Jean Casimir furent insuffisantes pour arrêter ce torrent dévastateur; il conclut forcément à Zborow (17 août 1649) un traité onéreux, par lequel il s'engagea notamment à payer au khan de Crimée la pension annuelle que lui avait accordée Sigismond III. Ses conditions avec l'hettman ne sont pas du domaine de cette histoire.

Quelques intrigues, auxquelles les seigneurs polonais ne furent pas étrangers, ayant amené, dès l'année suivante, une rupture entre Jean Casimir et Kmielnitski, le khan, avide de gloire et de butin, accourut à la première invitation de son ancien allié; mais la victoire, infidèle cette fois, passa du côté des Polonais (bataille de Béresteko, 29 juin 1651): on dit même que les Tatares, saisis d'une terreur panique, causèrent la déroute complete de l'armée des alliés. Le khan perdit ses équipages, sa tente, son étendard, ainsi que le petit tambour d'argent doré, au moyen duquel il appelait les personnes de sa suite. La retraite des Tatares fut si précipitée, qu'au mépris des préceptes religieux ils abandonnèrent aux chrétiens leurs morts et leurs blessés. L'année suivante, le khan fit la paix avec Jean Casimir: il s'engagea à entrer sur les

terres des Cosaques, ses anciens alliés, à dévaster leurs colonies, et à lui remettre tous les prisonniers qui tomberaient en son pouvoir. A son tour, le roi de Pologne promit de ne point quitter les armes qu'il n'eut mis son allié en possession du khanat d'Astrakan. De leur côté, les Cosaques se mirent sous la protection de la Russie; et on peut dire que, de ce moment, datent véritablement les prétentions des Russes sur la Crimée.

Instruit à l'école du malheur, Mohammed régna glorieusement pendant huit années. Il soutint des guerres heureuses contre les chrétiens et les Cosaques; ce qui ne l'empêcha pas d'être déposé une seconde fois (1663). L'usage était alors, pour les khans disgraciés, de se rendre à Constantinople; mais Mohammed jugea plus prudent de se réfugier chez les Kalmoucks.

XVIII. Adil-Ghéraï, dix-huitième khan, était fils d'un prince que des malheurs domestiques avaient forcé à se faire gardien de troupeaux, et qui avait, à cause de cela, reçu le nom de tchaban (berger.)

Loin d'apporter sur le trône la simplicité et la droiture de la vie des champs, Adil se montra féroce, astucieux et débauché; son règne ne fut qu'une série de crimes. Ce monstre fut déposé en 1672.

de

XIX. Sélym-Ghéraï Ier, qui lui succéda, aurait pu se faire, à peu frais, une réputation de bonté et de sagesse, tant le souvenir du règne précédent rendait les Tatares faciles à contenter; mais ayant voulu soumettre ses sujets à de nouveaux impôts, il souleva de vives réclamations, et fournit ainsi un prétexte à la Porte pour le déposer (1678). Nous le verrons reparaître plusieurs fois.

XX. L'histoire ne dit rien de son successeur Mourad, si ce n'est qu'il périt en 1682-3.

XXI. Hadjy-Ghéraï, vingt-et-unième khan, montra, en diverses circonstances, une rare intrépidité; il paraît même que la Porte s'effraya de ses qualités guerrières, puisqu'elle le déposa

après huit mois seulement de règne, donnant pour motif la prétendue avarice de ce prince.

Sélym fut alors rappelé à la tête du gouvernement. Pendant sa courte absence, ses sujets avaient appris à le regretter; aussi le virent-ils reparaître avec une grande joie, et il justifia leurs espérances en regnant avec douceur, avec bonté, et surtout avec justice.

En 1689, le bonheur dont les Tatares jouissaient sous le gouvernement de Sélym fut troublé par une invasion des Moscovite. Le czar parut subitement au cœur de la Crimée, traînant à sa suite une formidable artillerie, où figuraient quelques obusiers, que les habitants du pays envahi voyaient alors pour la première fois. L'éclat des bombes porta l'effroi et le désordre dans les rangs des Tatares : c'en était fait de ce peuple si le sang-froid de Sélym n'eût pas été plus grand que le péril. Sa bravoure ranima l'ardeur de ses soldats; ils revinrent à la charge, forcèrent leurs ennemis à lâcher le pied, les poursuivirent sans relâche l'épée dans les reins, et les forcèrent enfin à sortir de la péninsule. Sélym ne recueillit pas les fruits de sa victoire la jalousie de la Porte, et les intrigues de quelques ambitieux, le contraignirent à céder une seconde fois un pouvoir qu'il exerçait si bien.

:

XXII et XXIII. Deux successeurs passèrent rapidement sur le trône vacant, Sadet-Gheraï II et SafahGhéraï.

En 1692, Sélym fut rappelé de nouveau; faveur qu'il dut à la gravité des circonstances. La guerre avait éclaté entre les Turcs et les Impériaux, et ceux-ci, à la suite d'une campagne heureuse, s'étaient emparés de quelques places importantes. Sélym se mit à la tête des armées othomanes, battit les Russes en plusieurs rencontres, leur reprit les villes conquises, et rentra dans ses états pour y jouir en paix de sa gloire, de la reconnaissance de la Porte, et de l'amour de ses su-i jets. Enfin, en 1698, il demanda et obtint la permission de remettre la couronne à son fils aîné.

XXIV. Dewlet-Ghéraï II ne fut occupé qu'à faire la guerre aux chrétiens; il leur enleva de riches dépouilles, dont il enrichit ses sujets. On ignore les motifs, si toutefois il en existe, qui portèrent le Grand-Seigneur à le déposer vers l'année 1702. Ce prince

remonta sur le trône.

A cette époque, Sélym reparaît une quatrième fois à la tête des affaires; mais alors il était vieux et accablé d'infirmités : aussi les deux années de son nouveau règne sont-elles dépourvues de tout éclat,

Sélym, digne contemporain de Louis XIV et d'Abbas-le-Grand, mourut en 1704.

XXV. Ghazy-Ghéraï II, second fils de ce prince, fit jouir ses peuples de tout le bonheur que peuvent procurer la paix et la confiance sous un gouvernement paternel. Il mourut en 1707.

XXVI. Kaplan - Ghéraï, troisième fils de Sélym, ne fut pas heureux dans les guerres qu'il entreprit; et la Porte crut devoir le déposer après un an de règne. Rhodes fut le lieu désigné à son exil.

Dewlet-Ghéraï II est rappelé. A l'exemple de son frère, il attaque les Moscovites; mais, plus heureux que lui, il les bat en diverses rencontres, ravage leur territoire, enlève du butin et des prisonniers, et force Pierrele-Grand, qui régnait alors, à venir Jui-même défendre ses domaines à la tête d'une puissante armée. De leur côté, les Turcs se joignent aux soldats de Dewlet, et leurs forces réunies vont affronter le czar sur les bords du Pruth. La bataille dura un jour et demi le succès en fut douteux; mais les Russes manquant de vivres, et réduits à l'extrémité, étaient peut-être perdus sans ressource, si Catherine, qui n'était encore que la maîtresse de Pierre I", ne se fût dévouée pour eux. Elle tenta de négocier elle-même directement avec les Turcs, et le succès couronna son entreprise. La Russie abandonna la ville d'Azow, et la paix fut signée immédiatement (1711). Ce fut, dit-on, le souvenir de cet événement qui, plusieurs années après,

engagea Pierre-le-Grand à faire couronner sa maîtresse.

La Porte reconnut mal les services éminents que Dewlet lui avait rendus dans cette glorieuse campagne; elle le déposa, en 1713, pour rappeler Kaplan-Ghéraï. Dans cette seconde période de son règne, Kaplan fut investi du commandement d'une armée othomane destinée à agir contre les Polonais. Il entrait sur leur territoire au mois de décembre 1716, lorsqu'il reçut la nouvelle de sa déposition; il fut relégué à Brousse, d'où nous le verrons revenir au pouvoir une troisième fois.

XXVII. Kara-Dewlet, fils d'AdilGhéraï, fut choisi pour le remplacer. Ce prince, âgé alors de 50 ans, n'était nullement agréable aux Tatares, qui refusèrent de le reconnaître pour souverain. Ils envoyèrent même, à cet effet, des ambassadeurs à Constantinople.

XXVIII. Sadet-Ghéraï, troisième du nom, était, disent les écrivains orientaux, un prince lascif et avare. Il fut déposé après sept années de règne (1724-5.)

XXIX. Menghély-Ghéraï II, son successeur, était un bon prince, qui renonça aux conquêtes pour s'occuper des affaires intérieures de son peuple. La Crimée était alors infestée par des bandes de voleurs et d'assassins qui se présentaient audacieusement aux portes mêmes des villes. A ces malfaiteurs se joignaient souvent les mécontents et les rebelles. Menghély prit, à l'égard de ces bandes, des mesures si vigoureuses, qu'en peu d'années elles furent détruites et le pays entièrement pacifié. Le sultan Ahmed, satisfait de cette conduite de Menghély, l'appela à Constantinople, où il lui fit faire une entrée triomphale. La faveur du khan était à son apogée lorsqu'une révolution éclata soudainement dans la capitale de l'empire des Othomans. Ahmed, précipité du trône, entraîna son favori dans sa chute.

Kaplan-Ghéraï fut rappelé de nouveau. Ce monarque accomplit l'œuvre commencée par son prédécesseur, en

achevant d'exterminer les voleurs et les rebelles. Il n'eut pas le même succès dans sa campagne de 1736 contre les Russes: ceux-ci avaient violé les conditions de leur dernier traité avec les Turcs, et repris notamment la ville d'Azow. Élisabeth, alors czarine, envoya ses troupes en Crimée. L'irruption des Moscovites fut si instantanée que les Tatares, à peine revenus de feur malheureuse expédition, se trouvèrent hors d'état d'opposer une résistance sérieuse; Baghtchi-Séraï fut pris et incendié par les vainqueurs, qui demeurèrent maîtres absolus de la presqu'ile pendant trois mois. Kaplan descendit du trône, la paix fut négociée, et les Russes se retirèrent; mais il fut aisé de prévoir dès lors que la Tauride finirait, tot ou tard, par devenir une de leurs provinces. A partir de cette époque, la politique des czars épia toutes les occasions de fomenter les troubles intérieurs de la péninsule; elle s'attacha surtout à brouiller les khans avec le Grand-Seigneur; elle accueillit, à bras ouverts, les mécontents, les transfuges, les rebelles de toute espèce, et ne cessa de leur fournir des secours, soit ouvertement, soit en sous main, jusqu'au moment où elle put enfin réaliser ses ambitieux projets.

XXX. Sous le règne de FétahGhéraï II (1737-8), les Russes font une nouvelle irruption en Crimée; ils brûlent Kara-sou-Bazar, et emmènent avec eux un grand nombre de prisonniers. Fétah fut déposé l'année même de son avénement au trône.

Menghély-Ghéraï II reparaît sur le trône tous ses efforts se tournent vers les Russes, dont il envahit le territoire, portant de tous côtés le fer et la flamme, sans pitié pour l'âge ni le sexe des habitants. Mais l'hiver, ce formidable auxiliaire de la puissance russe, vint au secours des vaincus, et les Tatares, décimés par le froid, songèrent bientôt à rentrer chez eux, ne s'apercevant pas, dans cette retraite précipitée, que leurs ennemis les suivalent de près. Ceux-ci, en effet, entrèrent avec eux sur le sol de la

Crimée; mais vaincus dans une rencontre (1738-9), l'une des plus longues et des plus sanglantes dont fassent mention leurs annales, ils abandonnèrent, pour cette fois, l'éternel objet de leur convoitise. Menghély mourut peu de mois après cet événement.

XXXI. Sélamet-Ghéraï II, prince pacifique et ami des arts, régna quatre années (1739-1743), qu'il employa à relever Baghtchi-Séraï; il y fit construire de nouvelles mosquées, des bains, des fontaines et divers édifices d'utilité publique. Une intrigue de cour amena sa déposition.

XXXII. Sélym-Ghéraï II, fils de Kaplan, appelé à régner, eut d'abord à combattre la rébellion de son lieutenant, qui, battu dans plusieurs affaires, se retira en Pologne. Peu après, Sélym eut occasion de rendre à son seigneur suzerain un service signalé. La disette la plus complète désolait Constantinople: Sélym y envoya spontanément plusieurs navires chargés de blé, sauvant ainsi cette ville d'une perte certaine.

On rapporte de ce prince un trait bizarre qui peint assez bien les mœurs de cette époque dans la Tauride. La Circassie était alors soumise aux khans; mais son vasselage se limitait à un tribut de 300 jeunes esclaves des deux sexes offert à chaque nouveau règne, tribut aussi honteux pour le peuple qui le recevait que pour celui qui le présentait. Sélym résolut de se faire payer 700 esclaves au lieu de 300; aussi, lorsque les députés tcherkesses vinrent, à son avénement au trône, lui offrir leurs hommages, il les reçut avec une extrême bienveillance, les traita splendidement, et ne les renvoya pas sans leur avoir fait agréer quelques légers présents, que ces mon. tagnards recurent avec une grande joie. Mais, l'année suivante, Sélym feignant d'avoir à débattre, dans son conseil, une question d'une haute importance, convoqua les nobles tcherkesses; et ceux-ci, se souvenant de ses bons procédés, accoururent en foule à sa cour. Sélym, jetant alors le maş

« PreviousContinue »