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se sentait la force de secouer le joug il le faisait.

La mort de Vagharschag et la faiblesse d'Arsace permirent au roi de Perse d'entrer en Arménie et de s'em

parer de plusieurs provinces. Ensuite il fit avec l'empereur Théodose un traité qui partageait le royaume entre les Romains et les Persans. Toutefois on laissa encore quelque temps une forme d'indépendance à ce pays conquis; ainsi Schahpour et Vrham-Schabouh conservèrent le titre de roi. Après eux, le sceptre passa aux mains du jeune fils de Vrham-Schabouh, lequel opprima tellement ses sujets pendant un règne de six ans, que le roi de Perse l'enferma dans la forteresse de l'oubli, et ainsi s'éteignit en Arménie la race des Arsacides (*).

(*) Nous donnons ici le tableau de la seconde branche de la maison des Arsacides. Les auteurs arméniens ne peuvent à eux seuls fournir sur cette question des renseignements suffisants. Il fallait consulter, comme M. Saint-Martin l'a fait, les historiens des autres peuples.

Av. J. C. 38. Arscham, frère de Tigrane Ier, règne à Édesse par l'ordre d'Orodes Ier, roi des Parthes. Il est encore appelé, par Josèphe et par Moïse de Khoren, Monobaze et Manovaz. Dans la chronique syriaque de Denys de Tel-Mahar, il est nommé Maanou Sapheloul.

10. Abaanou, fils de Sapheloul.

Dep. J. C. 5. Abgare, fils d'Arscham, surnommé par les Syriens Ouchama (le Noir), et appelé Monobaze, par Josèphe, comme les autres princes de sa famille.

32. Anané ou Ananoun, fils d'Abgare, règne à Édesse, et Sanadroug, fils d'une sœur d'Abgare, règne sur une partie de l'Arménie et de l'Adiabène.

36. Sanadroug fait périr le fils d'Abgare, et règne seul. Ce prince est appelé Izate par Josèphe. Des descendants d'Abgare continuèrent de règner à Édesse sous son autorité.

58. Érovant, issu par sa mère de la race des Arsacides, s'empare, après Sanadroug, de la portion de l'Arménie qui lui appartenait. Des descendants d'Abgare et d'Izate ou Sanadroug continuèrent de régner à Édesse et dans l'Adiabène. Érovant étendit son empire sur toute l'Arménie, sans doute après

Alors le partage définitif du royaume s'opéra, et la partie orientale la plus la mort de Tiridate Ier, frère de Vologèse Ier, roi des Parthes.

78. Ardachės III, fils de Sanadroug, est rétabli sur le trône de son père par Vologèse Ier, et règne sur toute l'Arménie. Il est appelé par les Grecs Exedares ou Axidares. Il fut plusieurs fois rétabli et chassé par les Romains. Il eut pour compétiteur un prince parthe, nommé Parthamasiris, qui fut plusieurs fois placé sur le trône par les rois parthes et chassé par Trajan.

120. Ardavazt IV, fils d'Ardachès III, qui ne règna que quelques jours.

121. Diran Ier, son frère.

142. Tigrane IV, son frère. Ce roi fut chassé par Lucius Vérus, qui met sur le trône en sa place, vers l'an 161, un certain Sohème, qui était issu d'une autre branche de la famille des Arsacides.

178. Vagharsch ou Vologèse, fils de Tigrane VI.

198. Chosroès ou Khosrov Ier, surnommé Medz (le Grand), son fils, assassiné par Anag, prince Arsacide de Perse.

232. Ardeschir, premier roi de Perse, de la race des Sassanides, se rend maître de l'Arménie, qui reste soumise aux Persans pendant vingt-sept ans, sous son règne et sous celui de son fils Schahpour Ier.

259. Dertad ou Tiridate II, surnommé Medz (le Grand), fils de Chosroès. Il fut rétabli par les Romains sur le trône de son père. Le général Ardavazt Mantagouni, qui l'avait élevé et tiré des mains des Persans, fut créé sbarabied, et eut sous son règne la plus grande part au gouvernement. Il est sans doute le même qu'un certain Artabasdes, que Trébellius Pollion (in Valer.) appelle roi des Arméniens.

314. Interrègne après la mort de Tiridate. Sanadroug, prince Arsacide, usurpa alors le titre de roi dans le nord de l'Arménie, et Pagour, de la race des Ardzrouniens, en fit autant dans le midi. Mais leur usurpation fut de courte durée.

316. Chosroès ou Khosrov II, surnommé P'hok'hr (le Petit), fils de Tiridate.

325. Diran II, son fils.

341. Arsace ou Arschag III, son fils. 370. Pap, son fils, appellé Para, - par Ammien Marcellin.

377. Varaztad, fils d'Anob, frère d'Arsace III.

382. Arsace IV, et Valarsace on Vaghar. schag II, fils de Pap.

riche et la plus vaste resta à la Perse. Le gouverneur chargé de son administration prit le titre de marzban, ou garde de la frontière. La condition du peuple arménien devint fort triste : il était sous le joug de deux puissances rivales et ennemies, qui n'avaient d'autre intérêt commun que celui d'affaiblir et de pressurer le malheureux royaume dont elles se disputaient les lambeaux. Aux horreurs de l'anarchie et de la guerre civile se mêlèrent les persécutions du fanatisme religieux. La partie persane de l'Arménie était attirée vers le magisme, soit de vive force, soit par tous les autres genres de séductions possibles; la partie grecque, tout en restant chrétienne, n'était pas cependant en unité de commu

383. Arsace IV,

seul.

387. Le royaume d'Arménie est partagé entre les Romains et les Persans. Arsace continue de gouverner la portion occidentale, comme vassal de l'empereur de Constantinople. Le roi de Perse, Schahpour III, donna la partie qui lui était échue à Khosrov III, issu d'une autre branche de la race des Arsacides.

389. Après la mort d'Arsace IV, l'empereur grec donna le gouvernement de l'Arménie grecque au général Kazavon, fils de Sbantarad, de la famille des Gamsaragans, issue de la race des Arsacides de Perse. Ce général se soumit bientôt après à Khosrov III, qui se reconnut alors tributaire de l'empire. Cette conduite mécontenta le roi de Perse, Bahram IV; Khosrov fut alors détrôné et enfermé dans la forteresse de l'oubli dans Susiane.

392. Vrham-Schabouh ou Bahram-Schahpour, frère de Khosrov III, placé sur le trône par Bahram IV.

414. Khosrov III, rétabli après la mort de son frère par le roi de Perse Jezdedjerd Ier. 415. Schabouh ou Schabpour, fils du roi Jezdedjerd Ier.

419. Interrègne. Le patriarche Sahag II, et son neveu le général Vartan, de la race des Mamigonéans, prince de Daron, gouvernèrent l'Arménie.

422. Ardachès IV, nommé ensuite Ardaschir, fils de Vrham-Schabouh, est placé sur le trône par le roi de Perse Bahram V. 428. Il est détrôné par le même prince, et le royaume des Arsacides est détruit.

nion avec l'Église de Constantinople. Ainsi les Arméniens étaient divisés à la fois par la conquête et par la doctrine (*).

(*) MARZBANS OU GOUVERNEURS NOMMÉS PAR

LES ROIS DE PERSE.

428. Véh Mihir Schahpour, nommé par Bahram V. Le prince Vahan, de la race des Amadouniens, fut chargé de l'administration intérieure du pays, et Vartan Mamigonéan, prince de Daron, surnommé Medz (le Grand), fut pendant dix-neuf ans sbarabied ou généralissime.

442. Vasag, prince des Siouniens, nommé marzban par Jezdedjerd II, roi de Perse. 452. Adrormizt-Arschagan, Persan, nommé aussi par Jezdedjerd II.

464. Aderveschnasb-Iozmentéan, Persan, nommé par Fyrouz.

481. Sahag, asbied ou chevalier, de la race des Pagratides. Il se révolta contre les Persans, et mourut en combattant contre eux, après un gouvernement d'un an et sept mois.

483. Schahpour - Mihranéam, Persan, nommé par Fyrouz, gouverne pendant six mois. Nikhor-Veschnasb-Tad, Persan, nommé aussi par Fyrouz, gouverne pendant quatre mois.

484. Antégan, Persan, nommé par Fyrouz, pendant sept mois.

485. Vaham, surnommé Medz (le Grand), de la race des Mamigonéans, prince de Daron, fils de Hmaïéag, frère de Vartan le Grand. Il s'était révolté contre les Persans, et il contraignit le roi Balasch de le nommer marzban. Il fut ensuite confirmé dans sa dignité par Kobad, frère de Balasch et fils de Fyrouz.

511. Vart, frère de Vahan. Il se révolta contre Kobad, qui le destitua et l'emmena prisonnier à Ctesiphon.

515. Pourzan, Persan, nommé par Kobad 518. Mejej, prince de la race des Kénouniens, nommé par Kobad, et confirmé par son fils Chosroès le Grand, ou KosrouAnouschrewan.

548. Tenschabouh ou Tenschabpour, Persan, placé aussi par le même roi.

552. Veschnasvahran, Persan, placé aussi par le même roi.

558. Varaztad, Persan, nommé aussi par Chosroès.

564. Souren-Djibrveschnasbouhen, Persan, gouverneur placé par le même roi. Il fut tué par Vartan, prince des Mamigonéans, qui s'était révolté.

Les Perses exerçaient une propagande active pour arrêter les progrès du christianisme, et pour étendre les principes du magisme. En l'an 442, Mihir Nerseh, général persan, fut envoyé avec beaucoup de prêtres et de soldats pour remplir une mission religieuse. Menaces, présents et promesses, tout fut employé pour gagner ou épouvanter les princes. Il leur adressa une proclamation qui contient un exposé curieux de la doctrine de Zoroastre, et de la manière dont on concevait à cette époque le christianisme. En voici le contenu :

« Mihir Nerseh aux Arméniens, salut. « Sachez que tout homme habitant sous le ciel, qui ne suit pas les préceptes de la religion de nos pères, est sourd, aveugle et séduit par les génies d'Ahriman. En effet, avant l'existence des cieux et de la terre, le grand dieu Zervan, ou le temps sans bornes, offrit un sacrifice pendant mille années, en disant : « Peut-être aurai-je un fils nommé Ormuzd, qui fera le ciel et la terre. » Or il conçut dans son ventre deux fils, l'un parce qu'il offrait des sacrifices, et l'autre en proférant le mot peut-être. Lorsqu'il connut qu'ils étaient dans son ventre, il dit : « Celui qui viendra le premier, je lui donnerai la royauté. Mais celui qui avait été conçu dans le doute, lui fendit le ventre et sortit par cette ouverture. Zervan lui dit Qui es-tu? Je suis, répondit-il, ton fils Ormuzd. » Zervan

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571. Vartan, surnommé P'hok'hr (le Petit) prince de Daron, de la race des Mamigonéans, fils de Vasag, fils de Vart, prince indépendant, soutenu par les Grecs : mais à la fin il fut chassé par les Persans. 578. Mihran-Djihrveghon, Persan, nommé par Chosroès le Grand.

503. Sempad, surnommé Pazmaïaghth (le Victorieux), de la race des Pagratides, marzban d'Arménie et du pays de Vergan, nommé par Chosroès II, ou Khosrou-Perwiz.

601. David, prince de la race des Saharhouniens, nommé par le même roi.

625. Varazdirots, de la race des Pagratides, fils de Sempad, nommé aussi par Khosrou Perwig, gouverne pendant sept

ans.

lui dit: « Mon fils est lumineux et exhale une agréable odeur; toi tu es ténébreux et ami du mal. » Comme il pleura amèrement, il lui donna la royauté pour mille ans.

"

Ayant engendré un second fils, il le nomma Ormuzd, et enleva la royauté à Ahriman pour la lui donner, en disant: « Puisque j'ai offert des sacrifices pour toi, c'est à toi maintenant d'en offrir pour moi.

« Et Ormuzd fit le ciel et la terre, et Ahriman créa contre lui le mal, divisant ainsi en deux les créatures : les anges, qui viennent d'Ormuzd, et les dews (*). C'est ainsi que tous les biens existants aux cieux etici-bas viennent d'Ormuzd; tandis que Ahriman est l'auteur de tout le mal qui arrive dans les deux mondes. De même Ormuzd a fait tout ce qui est bon sur la terre, et ce qui n'est pas bon, c'est Ahriman qui l'a fait. Ainsi Ormuzd a créé l'homme, et Ahriman les maux, les maladies et la mort. Toutes les inimitiés et les événements fâcheux, les guerres pleines d'amertumes sont les œuvres du mauvais principe; et les choses heureuses, la puissance, la gloire, les honneurs, les avantages du corps, la beauté du visage, l'éloquence, la longévité, tout cela est le produit du bon principe. A tout ce qui est différent, il s'y trouve mêlé un élément mauvais.

« Tous ceux qui disent que Dieu a créé la mort, et que le maf et le bien procèdent de lui, sont dans l'erreur. Surtout les chrétiens, qui soutiennent que Dieu est susceptible de colère, qu'il à créé la mort, et soumis l'homme à cette punition, parce qu'il avait mangé une figue. Cependant si l'homme ne porte pas d'ordinaire cette haine à un autre homme, encore moins Dieu aux autres hommes; celui qui dit cela est aveugle et sourd; il a été séduit par les dews d'Ahriman.

a Il est encore une autre erreur que commettent ceux qui disent que Dieu, le créateur des cieux et de la terre, est

(*) Nom des mauvais génies, dont on croit retrouver le radical dans les mots diabolus, devil, etc.

descendu et est né d'une femme nom-* mée Marie, dont le mari s'appelle Joseph. Beaucoup se sont égarés à la suite de cet homme. Si le pays des Romains est enseveli dans la plus profonde ignorance, et s'il s'est séparé de notre religion parfaite, c'est qu'il ne s'inquiète pas du mal qui peut en résulter. Pourquoi, vous autres, vous livrez-vous aux mêmes égarements? La religion que suit votre maître est aussi la vôtre, et nous cherchons à vous convertir, étant obligés de rendre compte un jour a Dieu de vous.

« Ne vous fiez pas à vos chefs que vous nommez Nazaréens, car ils sont très-fourbes; et ce qu'ils vous enseignent par leurs paroles, ils ne peuvent le réaliser par leurs œuvres. Manger de la viande, disent-ils, n'est pas un péché, et eux-mêmes refusent d'en manger. Il est permis de prendre une femme, disent-ils encore, et cependant ils refusent de regarder les femmes. C'est un grand péché, selon eux, d'amasser des richesses; et ils estiment plus la pauvreté que l'opulence. Ils respectent la misère et ils condamnent les riches. Ils se rient de la fortune, et méprisent la gloire. Ils aiment les vêtements grossiers, et ils préfèrent ce qui est vil aux choses honorables; ils louent la mort et méprisent la vie; ils dédaignent d'avoir une postérité, et ils honorent le célibat. Si vous les écoutiez, et si vous vous éloigniez de vos femmes, la fin du monde viendrait promptement.

<< Mais je n'ai pas l'intention de vous mettre par écrit toutes leurs erreurs, car il y a encore beaucoup de choses qu'ils disent. Le pire de tout ce que nous vous avons écrit, c'est de prêcher aux hommes que Dieu a été mis en croix, qu'il est mort, qu'il a été enseveli, qu'ensuite il est ressuscité, et qu'il est monté aux cieux. N'était-il pas digne de vous de juger ici des doctrines aussi détestables? Les dews ne sont pas méchants; ils ne peuvent être ni pris, ni tourmentés par les hommes; bien moins encore le Dieu créateur de tous les êtres; choses absurdes, que nous rougissons de répéter. »

Les évêques, assemblés par le patriarche Joseph I", protestèrent contre cet édit, et demeurèrent, avec la masse de la nation, inébranlablement attachés à la foi chrétienne. Quelques princes apostasièrent. Cet exemple produisit d'heureux résultats, chose assez extraordinaire, car le peuple, indigné de cette lâcheté, court aux armes; le patriotisme est exalté par le zèle religieux, et les étrangers idolâtres sont repoussés. Les nombreuses forteresses dont les Persans avaient couvert le pays, sont détruites; et tout ce qui tombe sous la main des Arméniens est emmené en captivité, hommes, t , femmes et enfants. Les temples des mages sont renversés, et les ornements qui les décorent servent à embellir les églises du vrai Dieu. De cette manière, dit l'historien Élisée, à la place des idoles on vit briller la croix du Christ rédempteur, et tous les cœurs s'ouvrirent à l'espérance.

Comme la puissance des Perses était trop formidable pour que les Arméniens espérassent pouvoir résister seuls à de nouvelles attaques, et comme, d'un autre côté, ils savaient que l'humiliation des dernières défaites avait allumé chez leurs ennemis la soif de la vengeance, ils songèrent à chercher un appui et des défenseurs parmi les Grecs. Ils envoyèrent donc une ambassade à Constantinople. L'empereur Théodose expirait, et Marcien, son successeur, partisan trop zélé du concile de Chalcédoine, refusa de prêter son assistance à des schismatiques. D'après les conseils de quelques patriciens mal intentionnés, il envoya un ambassadeur à la cour de Perse, en lui recommandant de traiter secrètement avec le roi. Il promettait en outre de s'opposer à toutes tentatives d'insurrection des Arméniens. Ceux-ci ne furent point découragés par cette défection; réunis sous le commandement de Vartan, ils allèrent présenter bataille à l'ennemi sur les frontières de la Géorgie, et remportèrent une victoire complète. Le roi de Perse accourt venger la défaite de l'apostat Vasag, son général, et trouve Vartan dans les

plaines d'Artaxate. Vartan avait environ soixante-six mille hommes sous ses ordres, tous disposés à verser la dernière goutte de leur sang pour la conservation de leur foi et de leur patrie. Les évêques, les prêtres et les docteurs de la nation étaient venus se mêler aux troupes, non pour prendre une part active au combat, mais pour relever le courage des soldats par leurs exhortations.

Le 2 juin de l'année 451, les deux armées en vinrent aux mains. «La bataille, dit le même historien Élisée, se livra à la fin du printemps; et les prairies verdoyantes furent dévastées par la foule. Le cœur saignait à la vue des monceaux de cadavres; ajoutez à ce spectacle, les lamentations des blessés, le rôle des mourants, la fuite précipitée des lâches, des femmes; les gémissements des enfants, les plaintes des parents et des amis, et vous aurez encore une faible idée de cette scène déchirante. » Le brave général Vartan cueillit, dans cette journée, la palme du martyre; il périt au fort de la mêlée, et sa mort ne fit qu'exciter les adorateurs du feu, qui firent main basse sur tous ceux qui résistaient. Les débris de l'armée arménienne se réfugièrent dans une forteresse, que le manque de vivres et les assauts réitérés des Persans les forcèrent bientôt d'abandonner. Sept cents hommes se frayèrent un passage au travers de l'armée ennemie, et opérèrent leur retraite; le reste fut massacré.

L'apostat Vasag fut investi du gouvernement du pays; mais ses compatriotes rougirent de se soumettre à son autorité. Aussi les voyait - on déserter en foule les villes et les bourgades; l'épouse quittait sa couche, et le nouveau marié la chambre nuptiale; les vieillards étaient arrachés à leur demeure, et les petits enfants au sein de leurs mères. Les jeunes hommes et les jeunes filles fuyaient dans les retraites inaccessibles des montagnes. Vivre à la manière des bêtes sauvages au fond des antres, leur paraissait préférable à une vie tranquille dans leurs demeures, achetée au prix de l'apos

tasie. Ils se nourrissaient, sans murmurer, d'herbes et de racines, oubliant leurs mets accoutumés; et les voutes de leurs souterrains leur semblaient aussi douces à habiter que de riches appartements lambrissés. Les chants qu'ils faisaient entendre étaient les psaumes, et l'Écriture sainte était leur lecture. Chacun se tenait lieu à soi-même de temple et de pontife; leur corps était le saint autel, et l'âme la victime de l'holocauste. Ils supportaient avec calme la perte de leurs biens; et jamais il ne revenait à leur mémoire qu'autrefois ils les avaient possédés. Toutes leurs espérances étaient en Dieu; et la seule demande qu'ils lui faisaient, c'était qu'il ne les exposât pas à devenir les témoins de la ruine de sa sainte Église.

Telle est la peinture touchante que les historiens contemporains nous font des malheurs de l'Arménie; et cependant ils n'étaient en quelque sorte que le prélude de plus effroyables désastres qui ne cessèrent de l'accabler.

La famille des Vahan fournit de nombreux chefs distingués par leur valeur, et qui organisèrent contre la Perse une guerre sanglante de partisans. Ils réussirent à conférer la dignité de marzban à Sahag, de la famille des Pagratides; mais l'Arménie resta toujours soumise à la Perse; et le schisme religieux, alors croissant, favorisa les vues des Chosroès, en jetant de nouvelles semences de division entre les Grecs et les Arméniens.

« En ces jours, dit Jean l'historien, parut Mahomet, audacieux novateur, qui prétendait être envoyé de Dieu pour prêcher les vérités de la foi d'Abraham et de la loi de Moïse. Injuste dans sa justice, déshonoré dans ses honneurs, parjure dans ses serments, ses offrandes ne pouvaient être agréées de Dieu, et sa pitié était cruelle. Cela devait être; jamais le fils de l'esclave n'a pu être l'héritier de l'enfant libre; et le fidèle n'a jamais pu céder ses droits à l'incroyant. »>

Les forces de l'Ismaélite étaient grandes, et il défit toutes les troupes de l'empereur Héraclius. Bientôt la

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